DHARMA ET VIE DE FAMILLE


LA SAGESSE DU BOUDDHA PEUT-ELLE NOUS AIDER DANS NOTRE "METIER DE PARENTS D'ADO" ?

Sam Regad s'est consacrée pendant de nombreuses années à l'étude, la pratique et à l'enseignement du bouddhisme. Puis, soucieuse de confronter son expérience intérieure à la vie en société, elle enseigne depuis une dizaine d'années auprès d'adolescents en difficulté tout en complétant sa formation de psychanalyste.
L'adolescent est l'amalgame d'un adulte en "devenir" et d'un enfant en "revenir". (Psychologue québécois José St Louis.)

L'adolescence: un passage.

Le concept d'adolescence quoique récent dans l'histoire des âges de l'homme ne laisse personne indifférent. Certains adultes en gardent un souvenir douloureux, d'autres une nostalgie telle qu'ils revendiquent garder un pied encore dans cet âge. Car finalement au-delà des balises de l'âge, l'adolescence est plutôt apparentée à une façon de penser, de se penser et de penser son rapport au monde.
L'adolescence est par essence un entre-deux (bardo en tibétain): située entre l'enfant et l'adulte, l'adolescent oscille entre connu et inconnu, entre passé et avenir. Il est confronté à la promesse d'aventures, à celle de l'advenir avec son corollaire d'insécurité: il a le désir de s'éprouver pour se trouver à la fois même et différent, et surtout il souhaite se positionner comme différent de papa et maman, voire même comme meilleur qu'eux. Il a parfois le sentiment qu'il pourra mieux réussir sa vie, d'autres fois au contraire il croit qu'il n'est pas à la hauteur de la tâche.
L'autre volet de l'entre-deux est celui qui peut-être vécu comme régressif. Ce sont des moments qui peuvent être interprétés comme un refus de grandir mais qui sont en fait la manifestation d'un besoin de réassurance, de retour à la sécurité, au connu, à ce sur quoi il pense avoir acquis un contrôle. Dans ces retours ponctuels vers l'enfance, le jeune se ressource, se recharge en sécurité pour mieux affronter l'incertitude de ce qu'il sent advenir et qui l'effraie malgré ses bravades ou sa maîtrise affichée parfois même brandie. Toute la difficulté réside alors pour les parents à délicatement apporter cette réassurance sans pour autant garder prisonnier le jeune dans une position d'enfant. En d'autres termes, les parents doivent conforter l'ado dans sa capacité à pouvoir avancer, se transformer. Ils doivent pouvoir lui témoigner leur confiance dans son aptitude à faire face à l'avenir et à son devenir.
Ce message a déjà été transmis tout au long de la petite enfance. Il est cependant nécessaire que les deux appuis fondamentaux au développement harmonieux de l'enfant, c'est-à-dire la sécurité et l'autonomie soient à nouveau convoqués. La profession de parent s'articule autour de deux grands axes: entourer l'enfant, lui assurer un soutien indéfectible, sans condition et accueillir cet être dans son originalité, sa différence et l'accompagner pour qu'il réalise au mieux sa propre individualité.

L'adolescent aspire à cette indépendance mais pour marcher vers elle, il a besoin de temps en temps d'assurer ses "appuis", de vérifier tout simplement que ses parents l'aiment toujours bien qu'il se détache d'eux.
La quête de son identité et celle de son autonomie sont les tâches primordiales de l'adolescent. Le tout petit se vit comme un prolongement de sa mère, l'enfant comme identique à ses parents, puis en grandissant les parents perdent à ses yeux toute la perfection qu'il leurs prêtait et il découvre progressivement son aptitude à être et à penser différemment d'eux. Survient alors le bouleversement de la puberté et le jeune ne se reconnaît plus: ni dans son corps, ni dans ses goûts, il se tourne vers ses pairs qui deviennent sont centre d'intérêt principal.
Il délaisse le cocon familial, découvre son image dans le regard de ses camarades, éprouve son pouvoir de séduction, ressent ses premières attirances sexuelles, découvre de nouveaux intérêts, voire des passions inédites, teste ses limites et celles de ses parents. En bref, il fait ses premiers pas vers sa vie d'adulte.
On pourrait penser alors que les parents ne sont plus d'une grande utilité en dehors de subvenir aux biens matériels du jeune, le fameux: "la maison n'est pas un hôtel restaurant!". Or, il n'en est rien. Ce passage ne se fait pas sans difficultés, ni heurts. Comment pourrait-il en être autrement d'ailleurs? Nous savons tous que les périodes de grand changement sont génératrices de sentiments contradictoires: désir et angoisse donnent le frisson. Les parents sont confrontés ipso facto aux changements de leur enfant et de la relation qu'ils entretiennent avec lui. Ils se trouvent face à l'incertitude, à l'indéfini. Ce qui met les adultes généralement mal à l'aise: certains tendent à retenir le jeune dans son statut d'enfant, d'autres au contraire exigent une responsabilisation d'adulte trop précoce. Dans les deux cas, souvent inconsciemment le parent tente de gommer le flou qui accompagne cette période, il essaie ainsi de balayer sa propre anxiété en posant souvent avec force, voire colère des exigences de clarté à l'encontre du jeune. D'où procède l'incompréhension, les affrontements pénibles...
Il est pourtant essentiel de ne pas rompre le dialogue et de garder un lien ferme et fort avec son enfant.
Ce qui précède est un descriptif schématique qui comporte tous les défauts des tentatives de généralisation: chaque adolescent, chaque famille a sa propre problématique. Néanmoins à partir des besoins propres à l'adolescence vont se vivre toutes sortes d'expériences liées aux relations que le jeune entretient avec les autres et avec lui-même. Toute la dynamique s'articule autour de la question de ce passage au monde des adultes et à son projet de vie.
Pour ce faire, le jeune a besoin de figures d'inspiration, d'identification. L'adolescence est une période d'engagements passionnés dans la politique, le soial, la philosophie, l'art, la musique... Souvent l'adolescent est dans un idéalisme et dans une position du tout ou rien dont certains adultes essaient de le protéger souvent avec un cynique "je sais mieux que toi". Pourtant pour vivre, l'homme a besoin de projets et l'adolescent se fixe des objectifs lointains, c'est une façon de partir du présent dans l'imaginaire. Ce sont des sortes de fugues intériorisées que le jeune n'a pas à concrétiser dans une fugue réelle.
Cette recherche d'idéal est tout à fait saine mais peut verser dans la pathologie lorsqu'elle tourne à l'enfermement. D'ailleurs, la fragilité de l'adolescent exprimée par Dolto dans le complexe du homard peut, selon les circonstances, tendre vers des passages à l'acte problématiques tels que les tentatives de suicides, les addictions, les actes de délinquance, de violence à l'encontre de soi-même ou d'autrui... Tous ces maux qui se trouvent mis en scène dans les émission de télévision et qui renvoient une image effrayante de l'adolescence.
Traiter des pathologies psychiques de l'adolescence nous entraînerait au-delà du propos de cet article, néanmoins il est nécessaire d'être attentifs aux signes de replis, de dépression, de mise en danger... et savoir demander de l'aide auprès de profesionnels si besoin. Les parents ne peuvent pas tout et ne sont pas responsables de tout.

Le Dharma: devenir conscient.

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