Le Samsara:
ou comment notre avidité nous enchaîne
au cycle de la souffrance et des renaissances.

Le Bouddha savait que rechercher sans trêve le bonheur au moyen de conditions matérielles procurant du plaisir nous fait tomber dans le piège d'un cycle sans fin de causes et d'effets, d'attirances et de répulsions. Chaque pensée, chaque parole, chaque action est une cause qui engendre un effet, lequel devient à son tour une cause. Pour mettre en évidence la manière dont fonctionne le cycle de la souffrance, le Bouddha a dit:

En raison de la sensibilité, il y a le désir;
du désir résulte la poursuite;
de la poursuite provient l'obtention;
en dépendance de l'obtention s'effectue la prise de décision;
avec la prise de décision, il y a le désir et l'avidité, qui entraînent l'attachement;
l'attachement crée la possessivité, qui mène à l'avarice;
de l'avarice naissent la crainte et la méfiance;
et en raison de la méfiance apparaissent divers maux, phénomènes malsains - conflits, querelles, paroles insultantes et tromperies.

Nous faisons tous chaque jour l'expérience de différentes versions de ce cycle. Disons qu'en faisant vos courses, vous entrez chez le pâtissier. Votre oeil se pose sur une tarte d'aspect succulent, garnie de fruits rouges et de crème chantilly. C'est la dernière qui reste. Bien qu'un instant seulement auparavant votre esprit ai été calme et content, cette vision - que le Bouddha appelle contact entre l'organe sensoriel et l'objet sensoriel - cause l'apparition d'une sensation agréable et de pensées plaisantes.
A partir de cette agréable sensation, l'envie apparaît. Vous vous dites : Mmmm, des fraises, avec de la vraie crème chantilly. Votre esprit continue sur ce ton et amplifie ces agréables pensées. Une tarte aux fraises, c'est si bon! Et comme elle sent bon! Et cette chantilly si douce aux lèvres et à la langue!... Une décision s'ensuit : Il me faut cette tarte. Maintenant arrive l'attachement : Cette tarte est à moi. Peut-être remarquez-vous un peu d'aversion, au moment où votre esprit hésite quelques instants, en considérant les effets négatifs de la tarte sur votre tour de taille ou sur votre porte monnaie.
Soudain, vous remarquez qu'une autre personne s'est arrêtée et qu'elle admire cette tarte. Votre tarte! Dans un accès de possessivité vous l'attrapez, vous vous précipitez à la caisse pour payer, pendant que l'autre client vous suit des yeux d'un air furieux. Dans le cas, peu probable, où ce dernier vous suivrait jusqu'à votre place de parking et essayerait de vous délester de votre tarte, imaginez quelles actions malheureuses pourraient s'ensuivre - des insultes probablement, peut-être même une empoignade. Mais même si aucune confrontation directe n'a lieu, vos actions auront conduit une autre personne à développer des pensées négatives et à vous juger plein d'avidité. Votre contentement mental a également disparu.
Une fois que le désir apparaît dans l'esprit, un comportement égoïste et possessif est généralement inévitable. Habités par notre pulsion pour un simple petit plaisir - une tarte aux fraises -, nous pouvons agir brutalement et risquer de nous faire un ennemi. Lorsque le désir se porte sur quelque chose de plus important, par exemple les bijoux d'une autre personne ou une relation sexuelle adultère, les enjeux sont beaucoup plus élevés; une grande violence et une souffrance sans fin peuvent en résulter.
Si nous pouvions renverser cet enchaînement, en partant de notre comportement négatif et en remontant pas à pas jusqu'à ses causes émotionnelles et mentales, nous aurions la possibilité d'éliminer notre souffarnce à sa source. C'est du simple bon sens de constater qu'une fois notre avidité et notre possessivité balayées -complètement éliminées-, le bonheur est assuré. [...] Vous voyez maintenant pourquoi nous disons que le vrai bonheur ne peut venir que de l'élimination du désir. [...] Si vous pensez que faire l'effort de rejeter l'existence même du désir par un pur effort de volonté se terminera en frustration, vous avez raison. Le Bouddha a proposé une meilleure solution : le Noble Octuple Sentier.

Bhante Henepola GUNARATANA , Les huit marches vers le bonheur