Suite Constantin Senlecq

Janvier 1879

Le 15 janvier 1879, le journaliste Victor Meunier publie dans Le Rappel une "Causerie scientifique", qui décrit une "autre merveille", le télectroscope de Constantin Senlecq. Celui-ci reprendra l'extrait de l'article de Meunier qui concerne son invention dans la brochure Le télectroscope, en le présentant comme une simple "note".

Un autre article, probablement du à l'abbé Moigno,  paru le lendemain, 16 janvier dans Les Mondes . Il indique que "M. Senlecq, d'Ardres, a récemment soumis à l'examen de MM. du Moncel et Hallez d'Arros un projet d'appareil destiné à reproduire télégraphiquement à distance les images obtenues dans la chambre noire. Cet appareil serait basé sur cette propriété que possèderait le sélénium d'offrir une résistance électrique variable et très sensible selon les différentes gradations de lumière.". Suit une description du télectroscope, la plus ancienne qui nous soit connue.

"L'appareil consisterait dans une chambre noire ordinaire contenant au foyer une glace dépolie et un système de transmission de télégraphe autographique quelconque. La pointe traçante du transmetteur destinée à parcourir la surface de la glace dépolie serait formée d'un morceau de sélénium maintenu par deux ressorts faisant pince, isolés l'un avec la pile, l'autre avec la ligne. La pointe de sélénium formerait le circuit. En glissant sur les surfaces plus ou moins éclairées de la glace dépolie, cette pointe communiquerait, à des degrés différents et avec une grande sensibilité, les vibrations de la lumière.


 


Le récepteur aurait également une pointe traçante en plombagine ou en crayon à dessiner très doux, reliée à une plaque très mince de fer doux maintenue à peu près comme dans les téléphones Bell, et vibrant devant un électro-aimant gouverné par le courant irrégulier émis dans la ligne. Ce crayon, appuyant sur une feuille de papier disposée de manière à recevoir l'impression de l'image produite dans la chambre noire, traduirait les vibrations de la plaque métallique par une pression plus ou moins accentuée sur cette feuille de papier. La pointe traçante en sélénium parcourrait-elle une surface éclairée, le courant augmenterait d'intensité, l'électro-aimant du récepteur attirerait à lui avec plus de force la plaque vibrante, et le crayon exercerait moins de pression sur le papier. Le trait, alors formé, serait peu ou point apparent. Le contraire se produirait si la surface était obscure, car la résistance du courant augmentant, l'attraction de l'aimant diminuerait et le crayon, pressant davantage le papier, y laisserait un trait plus noir.

Le récepteur aurait également une pointe traçante en plombagine ou en crayon à dessiner très doux, reliée à une plaque très mince de fer doux maintenue à peu près comme dans les téléphones Bell, et vibrant devant un électro-aimant gouverné par le courant irrégulier émis dans la ligne. Ce crayon, appuyant sur une feuille de papier disposée de manière à recevoir l'impression de l'image produite dans la chambre noire, traduirait les vibrations de la plaque métallique par une pression plus ou moins accentuée sur cette feuille de papier. La pointe traçante en sélénium parcourrait-elle une surface éclairée, le courant augmenterait d'intensité, l'électro-aimant du récepteur attirerait à lui avec plus de force la plaque vibrante, et le crayon exercerait moins de pression sur le papier. Le trait, alors formé, serait peu ou point apparent. Le contraire se produirait si la surface était obscure, car la résistance du courant augmentant, l'attraction de l'aimant diminuerait et le crayon, pressant davantage le papier, y laisserait un trait plus noir.

M. Senlecq pense arriver à simplifier encore cet appareil en supprimant l'électro-aimant et en recueillant directement sur le papier, au moyen d'une composition particulière, les différentes gradations de teintes proportionnelles à l'intensité du courant électrique."

Divers articles sont publiés de janvier à mars 1879 qui font écho à cette brochure, aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en France.

Mars 1879

Le notebook de George R. Carey comporte la copie du lettre confidentielle que Carey adresse le 12 (?) mars 1879 à Munn & C°, l'éditeur du Scientific American. Dans cette lettre Carey écrit "I see by the Scientific American of March 8th 1879 that M. Senlecq of Ardere (sic) has invented an instrument called by him a "telectroscop" based on the well known property possesed by Selenium of offering a variable and very sensitive electrical resistance according to the different gradation of light. I invented the above in Jan. 1877". Carey en vient ainsi à proposer à Scientific American la publication d'un descriptif de son propre appareil. Le journal ne donne pas suite immédiatement à sa proposition.

Mai 1879

En mai 1879, Scientific American, dans un très bref article, revient sur le télectroscope de Senlecq et l'associe à celui de George R. Carey, cité pour la première fois.

Dans les mois qui suivent divers articles dans la presse américaine évoquent encore Senlecq, qui, en retour, sont cités dans la presse française.

Septembre - octobre 1879

L'information sur le télectroscope arrive en Espagne, grâce à un article de La Epoca, qui est repris quelques jours plus tard, au Portugal, par O Commercio de Porto. Cet article provoque la réaction d'Adriano de Paiva, qui réalise que sa proposition de 1878 est méconnue dans sa propre ville alors qu'un inventeur français est évoqué. Trois jours plus tard, le Professeur obtient la publication d'un article sur sa propre proposition.

Mai 1880

Le canular du diaphote du Dr. Licks circule en France. A cette occasion, Victor Meunier rappelle la proposition de Senlecq.​

Juin 1880

La rumeur circule que Graham Bell va déposer un appareil de vision à distance. En Angleterre, Ayrton et Perry s'inquiètent du monopole qu'il pourrait en tirer et publient eux même leur premier article sur la question. A Paris, le Comte du Moncel, analysant les différentes propositions anglo-saxonnes récentes  sur la transmission des images et les utilisations du sélénium (12), se souvient d'avoir reçu en 1878 "une communication bien raisonnée d'une personne dont j'ai oublié le nom" dont il croit se "souvenir que cette communication a été insérée dans le journal Les Mondes; mais j'en ignore la date". Il s'agit, de toute évidence, de la communication de Senlecq.


Automne 1880

C'est probablement en septembre 1880 que de Paiva publie, en français, la brochure qui vise à établir la priorité de son idée sur celle de Senlecq. Du Moncel en rend compte en octobre. Du Moncel crédite volontiers de Paiva de l'antériorité de son idée, sur base de la publication des différents articles que contient la brochure. Grâce à de Paiva, du Moncel retrouve même le nom de Senlecq, dont il reconnaît qu'il l'avait oublié dans son article du 1er juin.

C'est au tour de Senlecq de se sentir ignoré dans son propre pays au bénéfice d'un concurrent étranger. Il envoie à la revue de du Moncel une lettre qui est publiée le 1er novembre. C'est dans cette lettre que Senlecq date son idée de 1877. Il y affirme également avoir obtenu quelque succès dans ses expériences : "Après nombre d'essais et de tâtonnements, j'arriva enfin à obtenir, avec un appareil bien rudimentaire, sur une simple ligne toutefois, mais avec toutes les graduations de teinte, la reproduction d'une surface ombrée (du noir au clair), dont l'image venait se former sur le chassis d'une chambre photographique. Alors j'eus la certitude que mon système était réalisable".