Enfin
il fait beau à Lescun ! C'est le dernier jour, nous devions partir en
début d'après-midi, mais tout ceux qui le peuvent prolongent le séjour
pour bien profiter de cette occasion tant attendue. Evidemment,
nous ne pourrons pas éviter la neige, même si nous limitons notre randonnée
aux cabanes d'Ansabère, sans aller jusqu'au pied des Aiguilles, impraticables,
mais nous n'allons pas nous plaindre, nous réalisons enfin une partie
du programme prévu.
Dès
les premiers pas, nous faisons une halte pour écouter François qui nous
fait part de la polémique qu'a soulevée le tracé
du chemin sur lequel nous allons nous engager. Il s'agissait d'ouvrir
une piste menant aux cabanes d'Ansabère, lieu d'estive pour un berger
et ses brebis. Les opposants craignaient qu'elle ne soit empruntée par
les voitures et que la haute vallée perde sa tranquillité. Un compromis
fut trouvé, et il ne fut construit qu'une piste étroite, juste praticable
par un micro-tracteur ou un quad équipé d'une remorque, afin d'infliger
un impact le plus minime possible sur le paysage (et ses habitants animaux
et végétaux).
Un
choix opposé a été pris à l'égard
de la montagne d'Iparla, poursuit Dimitri. Marie-Antoinette
Etchebarren effectuait
son dernier
mandat de mairesse à Urepel et cumulait ces fonctions avec celle
d'administratrice du CPIE Pays basque (Centre permanent d'initiatives
pour l'environnement) à St
Etienne de Baïgorry. Pourtant,
elle a donné son accord en 2003 pour qu'une route goudronnée
soit tracée
à l'emplacement
même du GR10 (chemin de grande randonnée pyrénéen)
depuis Baïgorry jusqu'à
mi-crête, à 800 m d'altitude. Non seulement les bergers
l'utilisent, - elle n'a pas accepté qu'ils en aient l'usage exclusif
-, mais également
les chasseurs qui
ont construit de nouveaux affûts à proximité et s'y
rendent en 4x4. Depuis son ouverture se sont produits de fréquents
incendies, les brebis ont disparu, remplacées par des chevaux. Son leit-motiv,
c'était "désenclaver
les pâturages"
!... Je lis sur le site de Lurraldea qu'elle
participe à un groupe de travail concernant l'aide à la
modernisation des exploitations agricoles transhumantes.
Il
s'agit de
"promouvoir des activités
touristiques valorisant et respectant l'environnement agro-pastoral,
culturel et naturel de la montagne basque". Il faut dire que, de
1861 à 2006, la population d'Urepel a décru de 1030 habitants à 349,
tandis que celle de Saint Etienne de Baïgorry atteignait 3496 habitants
en 1793 et ne comprenait plus que 1602 habitants en 2006. Un petit
accenteur mouchet vient écouter
ces discours, tandis qu'un gypaète
plane
haut dans
le ciel
enfin
bleu.
Sur
la neige lourde et mouillée, des
empreintes d'animaux
partent vers le sous-bois. Elles ne sont pas faciles à interpréter,
car la neige a fondu autour de l'empreinte, déformant
et agrandissant le volume. Dimitri et François divergent dans
leur diagnostic : sont-ce des traces d'isard ou de chevreuil ?
Le
chevreuil a les deux ongles qui se recourbent l'un vers l'autre, et il
laisse des traces plus petites
que celles de l'isard. Les sabots ne s'écartent pas beaucoup.
On doit voir les gardes pour l'isard. Lorsque nous retournerons sur nos
pas,
des crottes d'isard caractéristiques, au bout effilé, laissées
sur nos traces, donneront raison à Dimitri. C'est dommage que
nous n'ayons pu le voir. Il était dans les parages et devait nous
observer depuis les hauteurs. Etant donné la lenteur de notre
déplacement,
il n'a pas eu de peine à
nous éviter. Plus loin, c'est peut-être un lièvre
qui est passé, on voit
bien la différence de
taille
entre les
pattes
arrière et avant, ainsi que la régularité des bonds
et la distance parcourue (un chien s'arrête fréquemment
pour humer, se retourner vers son maître).
Pour un gros chien, on verrait des doigts écartés et un
coussinet, un renard laisse des empreintes de plus petite taille. Le
problème, c'est
que la déformation de la neige peut facilement faire prendre un
chat pour
un
lynx. Nous
voyons
aussi
des
traces légères
d'oiseau.
Les cris du pipit
pioncelle, de la marmotte, du rouge queue noir et du pinson des arbres
résonnent dans l'air doux. François
nous explique que la neige de printemps est mouillée car le nuage
s'est formé à la température de 1°C et la neige
est tombée à 2°C (sous forme
de "pizzas" !). Elle pèse 500 Kg au m3, alors qu'en
janvier la neige
"sèche" ne fait que 60 Kg au m3. Elle
fond beaucoup plus vite au printemps, elle est beaucoup plus lourde (on
le sent en marchant en raquettes),
elle mouille les pieds, alors qu'en janvier il s'agit d'une poudre presque
impalpable. La neige se forme autour d'une poussière, d'un noyau
de congélation
en suspension dans l'air (il en est de même pour la grêle
et la pluie).
De
ce fait, on peut se poser la question si le nuage
volcanique islandais qui a
parcouru le ciel européen a pu influer sur la météorologie
qui était
particulièrement perturbée ces derniers temps. On a constaté qu'après
une période d'écobuage en vallée d'Aspe, une vague
de froid a provoqué
des chutes de neige. La neige était blanche, mais elle avait un
goût
de fumée, de cendre. Y avait-il un lien avec les fumées
d'écobuage
?
Nous observons beaucoup de coulées de
neige sur les pentes. Avec le réchauffement, des pans de montagne se
trouvent parfois
complètement décapés et le sol
mis à nu. S'il est couvert de brachypodes
pennés,
ces herbes qui poussent en touffes retombantes vers l'aval, le danger
de glissement brutal de la
couche de neige est grand. Cette plante domine la colonisation des
espaces en déprise agricole. Dite monopoliste, elle est capable de
modifier rapidement le paysage en éliminant les espèces présentes auparavant.
Au final, il y a moins d’espèces et aussi moins d’individus
par espèce. En ce qui concerne les arbres, les espèces d'ombre mettent
100 à 200 ans à reconquérir le territoire. Des espèces pionnières les
précèdent, comme le bouleau et le pin sylvestre. Dans la perspective
d'une montagne davantage utilisée dans le cadre du tourisme que de
l'élevage, le Cemagref (institut de recherche en sciences et technologies
pour
l'environnement) s'inquiète de l'évolution présente.
Depuis
1950, la surface agricole utilisée diminue régulièrement.
Chaque année, les superficies boisées gagnent 30 000 ha et
les terres non agricoles augmentent de 60 000 ha. D'ici dix ans en France
(2014), quatre millions d’hectares de terres agricoles seront retournés à la
friche et rejoindront les trois millions d’hectares déjà recensés
sur le territoire national. Les montagnards sont particulièrement sensibles à la
fermeture du paysage qu'ils ressentent avec oppression. Les touristes quant à eux,
acceptent la forêt aux étages intermédiaires de la montagne,
mais pas au niveau des prés autour des villages et des alpages qu'ils
recherchent pour leur richesse floristique.
Ces
réflexions sont intéressantes pour
comprendre les enjeux de la gestion du territoire, même s'il me
semble qu'elles sont plus pertinentes pour les Alpes que les Pyrénées
occidentales. Il faut aussi considérer que, si l'élevage
de montagne se réduit, les forestiers
procèdent de leur côté au reboisement de parcelles à diverses
fins. Un
article de
la Revue forestière française fait état d'un changement
des mentalités
: les sylviculteurs prônent désormais une imitation
de la nature pour hâter son oeuvre, ce qui nécessite au
préalable de connaître
son fonctionnement. L'auteur remet en question la conception selon laquelle
il y aurait des essences d'ombre et des essences de lumière. S'il
est reconnu que le Sapin pectiné ou le Hêtre commun peuvent
se maintenir dans un sous-bois très sombre, au contraire du Mélèze
d'Europe, Pin maritime, Chêne rouvre et pédonculé lors
de leur jeune âge, il faut plutôt distinguer chez les arbres
adultes les feuilles d'ombre (à la base et à l'intérieur
des cimes) et celles de lumière (dans les parties les mieux éclairées
des arbres).
Toutefois,
dans le milieu forestier, si le peuplement est un peu dense, la lumière
est principalement dispensée
dans une direction verticale, par les interstices existant dans les
cimes, la lumière latérale étant en général
réduite ; dans ce cas, les espèces d'ombre (sciaphiles)
allongent peu leurs axes, et raccourcissent peu leurs racines, alors
que les espèces de lumière (héliophiles)
s'élèvent le plus qu'elles peuvent au-dessus du sol,
quitte à réduire
tellement leurs radicelles qu'elles n'assurent plus une alimentation
suffisante en eau, surtout en présence des racines des grands
arbres en place ; un dessèchement des quelques centimètres
supérieurs du sol, la présence de certaines substances
toxiques peuvent arriver à les faire disparaître, ou,
tout au moins, à réduire leur croissance. À l'inverse,
dans les trouées, les héliophiles se présentent
avec un axe hypocotylé court, donc avec une partie aérienne
transpirant peu, et avec une radicelle longue qui assure mieux leur
survie en conditions climatiques défavorables. - Cest ce que
j'observe dans mon jardin avec les jeunes chênes pédonculés
: alors que la tige est encore réduite et pourvue de peu de
feuilles, la racine pivot qui s'enfonce à partir du gland est
si longue qu'elle se rompt lorsque je tire dessus pour l'arracher (je
ne tiens pas à ce que ma
pelouse
se transforme en bosquet). Les glands ne germent que sur l'herbe ensoleillée,
alors que le laurier sauce envahit la pénombre
obscure du sous-bois, ses graines innombrables formant chacune une
jeune pousse. Si je n'y prends garde, c'est l'invasion assurée ! -
Après
cette phase de croissance, hypocotylée,
chez les espèces à germination épigée, suit un
bref temps de repos ; puis, très vite, les aiguilles et les feuilles
cotylédonaires se mettent à fonctionner, et la photosynthèse
prend le relais des réserves de la graine, plus ou moins épuisées
; l'allure de la croissance se modifie alors, surtout pour les espèces
héliophiles. Placées
dans des trouées assez bien éclairées,
ayant déjà une radicelle longue (et un axe court), elles se
mettent à s'allonger par les deux extrémités, et la
partie aérienne comme la partie souterraine vont profiter des substances élaborées
par la photosynthèse. Mais celles qui sont restées dans une
lumière réduite manifestent une photosynthèse peu active
et leur forme se modifie peu. Les espèces sciaphiles (résultats
obtenus avec le Hêtre commun et le Sapin pectiné), se maintiennent
mieux dans les sous-bois même denses (moins de 5% d'éclairement
relatif), mais, faute de lumière,
leur allure générale ne change guère ; celles qui se
sont installées dans les trouées, mieux éclairées,
et manifestant une activité photosynthétique plus marquée,
vont utiliser les substances qu'elles élaborent à allonger
et à ramifier leurs racines, pendant que leur partie aérienne
s'épaissira, mais ne s'allongera guère. -
Gentiane de Koch -
Ces
études offrent une clé d'interprétation à propos
des ravages infligés par
les dernières tempêtes sur les arbres plantés
en monoculture, comme le pin des Landes par exemple. Si je comprends
bien, le fait d'effectuer une coupe rase sur une parcelle sur laquelle
on plante ensuite avec une grande densité de jeunes pins maritimes
(espèce
héliophile) d'âge
identique provoque un allongement exagéré du tronc par
rapport aux racines
et fragilise
la forêt qui devient plus sensible à la sécheresse
ou au vent par exemple. Stressée, elle offre ainsi un terrain
favorable aux prédateurs, champignons,
chenilles ou insectes.
Après le pique-nique devant les
cabanes, nous nous installons comme nous pouvons autour de François
qui nous fait un cours sur la neige, assis sur les sièges laissés à la
disposition des promeneurs dans la cabane à la porte sans serrure.
La qualité de la neige, nous explique-t-il, évolue
au cours de l'hiver, de même
que celle de ses flocons. Lorsqu'ils
sont cristallisés en étoiles,
ils ont la capacité de
fixer la couche de neige (ils sont reliés les uns aux autres),
alors que des flocons désordonnés, informes, rendent
instable la couche de neige qui devient susceptible
de s'écrouler en avalanches. Une
grande vague de
froid transforme les flocons en plaquettes ou gobelets, qui forment
des pyramides creuses qui ne s'accrochent
pas entre elles. Sur
un flanc nord, le risque d'avalanche est à envisager. Les
gobelets forment comme
des roulements à billes, ils se forment au bout de quelques
semaines (15 jours de grand froid).
La
neige est roulée, on dirait des grains de mimosa ou des billes
de polystyrène. Si elle est recouverte par
une autre qualité de neige, on ne la voit pas alors qu'il
y a un risque de
glissement de plaque de neige. Au Sud,
il se
forme
des ponts de neige avec de l'eau dessous. Ils tiennent bien, sauf
s'ils s'écroulent sous leur propre poids ou le nôtre
par trop grande chaleur ou s'il est trop tard dans la saison. On
considère
qu'il y a 10 sortes de neige ; les Inuit ont 20 mots différents
pour la désigner selon sa qualité. La neige de printemps
a 90% d'effet albédo,
elle renvoie le rayonnement solaire et la chaleur vers l'atmosphère.
Dimitri prend ensuite la parole pour
nous expliquer les différentes
sortes de nuages et les mouvements de l'air. Le
phénomène de la bulle m'amuse. Il
faut savoir que l'air chaud et l'air froid ne se mélangent
pas. Si de l'air est chauffé au-dessus d'un village ou d'un pierrier,
celui-ci monte et forme une bulle invisible qu'utilisent les vautours
et les parapentistes pour prendre de la hauteur en tournant à l'intérieur.
Arrivée
en altitude,
celle-ci se refroidit et l'humidité qu'elle contient peut se transformer
en nuage où le vautour disparaît. Ce phénomène
est largement utilisé
pendant la migration par les oiseaux planeurs en Europe. Une
montée de 1000 m permet de parcourir en planant une quinzaine
de kilomètres
en
descendant progressivement ; pour 2000 m, la distance peut atteindre
30 km.
En
l'absence de soleil, il ne peut y avoir d'ascendance thermique, mais
il existe toujours les ascendances dynamiques, c'est à dire que
l'air s'élève en présence d'un relief et "dégringole" de
l'autre côté. Un parapentiste
doit toujours s'élancer face au vent, sur l'autre versant, les
turbulences le rabattraient contre la paroi.
Je
reviens sur le sujet de la pollution que
j'ai abordé précédemment. Si les gaz azotés
n'offrent que peu de perturbations, sauf localement en présence
d'importantes sources, mises en évidence
par la disparition de certains lichens et mousses, il n'en est pas
de même pour les dépôts. Les champignons mycorhiziens
sont bénéfiques
pour la plante, notamment dans les milieux pauvres en éléments
nutritifs, où le champignon facilite l’assimilation de
l’azote,
mais aussi celle des autres nutriments vitaux (phosphore, magnésium,
etc.). La diminution du nombre des mycorhizes (en réponse à l’apport
d’azote supplémentaire), associée à la diminution
de la capacité des racines à prélever les nutriments
(en s’acidifiant, le sol libère de l’aluminium,
toxique pour les racines), réduisent la capacité des
plantes à subvenir à leurs
besoins. Dans le même temps, les dépôts azotés
acidifient le sol d’où la perte de nutriments par lessivage
mais, parallèlement, ils stimulent la croissance des végétaux.
Ceci crée une situation où le besoin nutritionnel est
accru mais où les capacités de prélèvement
et les quantités
disponibles sont réduites : des carences et dépérissements
peuvent apparaître et fragiliser le végétal vis-à-vis
des agressions extérieures (climat, parasites).
L’augmentation d’azote organique contenu dans les plantes augmente la quantité de nourriture disponible pour les insectes herbivores : l’apport d’azote favorise clairement la croissance des larves et la sévérité des attaques de coléoptères. L’augmentation des surfaces de transpiration (feuilles) par rapport aux surfaces de captation de l’eau (racines) entraîne une plus grande vulnérabilité à la sécheresse et au froid. Ainsi les apports azotés modifient la compétition entre les espèces au détriment des espèces adaptées aux substrats pauvres, ce qui est le cas de nombreuses espèces montagnardes. De plus, l’augmentation des teneurs en azote des sols peut également avoir d’autres conséquences. Il y a encore un siècle, de nombreuses pratiques appauvrissantes étaient encore en vigueur telles que les prélèvements de litière, le pâturage en forêt ou les coupes de taillis intensives. Ces pratiques ont joué sur les teneurs en azote du sol et, aujourd’hui, il est possible qu’on assiste à la reconstitution d’un stock anciennement entamé.
Pour revenir à la question du départ " à quoi ça sert, de connaître le monde du vivant ? ", voici trois applications concrètes dans le domaine des bioindicateurs. Ils permettent d’observer les réponses d’organismes vivants intégrant toutes les caractéristiques de leur environnement réel. Voici les résultats des études réalisées par l'équipe du professeur Etchelecou. Les concentrations en plomb, et surtout en zinc retrouvées dans le pollen des ruches installées au péage de Biriatou sont bien supérieures à celles des ruches témoins. Le zinc dans les pollens (mais aussi dans le manteau neigeux) pourrait donc être un marqueur de la pollution automobile. Le fluoranthène, HAP le plus caractéristique du trafic à Biriatou d’après les analyses, et l’un des moins dangereux pour la santé, marque le miel. Les quantités retrouvées sont plus importantes dans le miel produit dans les ruches du péage que dans la ruche témoin. Les corps d’abeilles de la ruche du péage contiennent des quantités non négligeables de HAP alors que celles du site d’Aydius (site reculé de la vallée d’Aspe) se situent en dessous du seuil de détection des analyseurs. Ainsi, en première analyse, il semble bien que les HAP se concentrent dans les corps gras des abeilles. L’ozone peut causer des dommages visibles aux feuilles de certains végétaux. Une variété de trèfle sensible à l’ozone a été installée sur les sites de Biriatou et en vallée d’Aspe, en haute altitude. La variété sélectionnée dans le cadre du programme ICP-Crops est Trifolium repens cv Regal dont certains clones sont sensibles et d’autres résistants. Au cours de l’été 1998, le taux de nécrose des trèfles sensibles a dépassé 60 % de leur surface foliaire. Dans les vallées alpines de la Maurienne et de Chamonix, les chercheurs ont examiné les réactions de lichens poussant en fonction du pH de l’écorce : la présence d’espèces nitrophiles sur des arbres à écorces acides a été constatée. La répartition des lichens sur les arbres à écorces acides traduit une eutrophisation (liée aux oxydes d’azote) des écorces décroissante du fond de la vallée vers les sommets. Il semble que la flore lichénique réagit bel et bien à une augmentation des apports azotés dans les vallées, apports vis-à-vis desquels le trafic routier constitue une des principales sources.
Une expérimentation a été faite en vallée d’Aspe pour vérifier si les métaux issus du trafic routier pouvaient être trouvés dans les précipitations neigeuses, même dans les cas de faibles émissions de polluants. Les prélèvements ont été effectués sur deux types de sites : près de la RN 134, Somport, Peyranère et loin de toute route, dans des enclos de protection pour éviter l’intrusion des promeneurs et des animaux (Couecq, Espelunguère). Les résultats obtenus sont indicatifs de l’intérêt de telles mesures, même dans des conditions d’émissions faibles, et de la vraisemblance d’une décroissance de la charge polluante avec l’augmentation de la distance des lieux d’émission.
Dans la conclusion de cette étude, le professeur Etchelecou signale que bon nombre d’habitants résidant au voisinage des axes routiers étudiés ont montré qu’il y avait une distorsion entre la réalité et la perception de la pollution. Autant les seuils de tolérance sociale sont rapidement atteints pour les nuisances sonores et visuelles, autant la population peut avoir du mal à évaluer l’incidence du trafic sur la qualité de l’air. Les espaces montagnards ont, de fait, une capacité bien plus faible à subir la pollution que les espaces de plaine. Ce que l’on supposait est désormais vérifié. Cette vulnérabilité des espaces montagnards devrait conduire à la mise en place d’un réseau de surveillance permanent.
Ce
qui m'effraie, personnellement, c'est l'inertie et la période
de latence
énorme entre la connaissance d'un problème et sa prise
en compte dans notre mode de vie. Personne n'ignore les effets néfastes
de la pollution induite par les transports. Pourtant, l'autoroute du
Pays basque passe à deux fois trois voies, essentiellement pour
permettre l'accroissement du volume du transport de marchandises par
camion. L'Etat et les collectivités mettent en place des cellules
et des réglementations relatives à la protection de l'environnement.
Mais personne ne remet en cause réellement les effets les plus
nocifs de notre système économique.
De nouveaux modes de propulsion existent, mais ils sont maintenus dans
les placards par les lobbies pétroliers et automobiles. On parle
de transport intermodal, mais personne ne croit à l'efficacité de
la SNCF, ni n'envisage sérieusement un approvisionnement par cabotage
le long des côtes européennes.
Un sondage publié par Sud-Ouest
en juin 1999 a révélé que 73 % des Aquitains
se déclaraient
favorables à la réouverture de la ligne Oloron-Canfranc.
Quelques semaines plus tôt, le tragique accident dans le tunnel du
Mont-Blanc avait démontré aux
yeux de tous les risques causés par la circulation des poids-lourds
en montagne. Le président du Creloc, Alain Cazenave, dénonce
la «culture anti-Canfranc de la SNCF». Les techniciens du rail
redoutent les fortes pentes et le vieux tunnel hélicoïdal de
la ligne, qu'ils jugent inadaptés au transport ferroviaire moderne.
La question qui se pose aujourd'hui pour le chemin de fer en vallée
d'Aspe est la même qui se posait hier pour la route : simple itinéraire
touristique et de desserte intervalléenne, ou couloir de fret international
pour les marchandises ? Un rapport commandé par le conseil régional
d'Aquitaine a étudié les deux hypothèses, déclinées
en trois scénarios.
L'hypothèse la plus ambitieuse prévoit
de poursuivre la ligne jusqu'à Saragosse
avec une nouvelle voie électrifiée à écartement
international qui pourrait voir passer douze trains de voyageurs et trente
convois de marchandises
; celle-ci
représente un coût total de 2,4 milliards de francs,
dont 580 millions (88,4 millions d'euros) pour la partie française.
Il a également été envisagé de ne rouvrir qu'une
petite partie de la ligne, jusqu'à Bedous, avant la montée la
plus rude vers la frontière, pour seulement 13 millions de francs (1,98
million d'euros). C'est le prix d'un bucolique train touristique qui visiterait
la vallée
d'Aspe à 30 kilométres/heure, et dont la gestion aurait pu être
concédée à une entreprise privée. Les 340 millions
de francs inscrits au contrat de plan correspondent au scénario intermédiaire
d'une ligne mixte - six trains de voyageurs et huit trains de fret quotidiens
- jusqu'à Canfranc avec des locomotives Diesel.
De tous ces projets, nous n'avons vu que l'herbe entre les rails et la voie coupée au niveau d'un pont qui devait autrefois franchir la route. La pollution par les transports se poursuit dans l'indifférence sur toutes les routes d'Europe et du Béarn, les paysages se transforment et la biodiversité se réduit inexorablement. Nous empoisonnons l'environnement, en oubliant qu'il s'agit de la nature, et que la nature, nous en faisons partie, nous nous empoisonnons donc en même temps...
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Réaction de Claire : Très intéressant!
Mais il y a des explications au déclin de la démographie de
Banca, Les Aldudes... les diverses guerres depuis 1790... la disparition
de l'exploitation des différentes mines de Banca ou de Louhossoa qui
avaient justifié la construction de la voie ferrée jusqu'auprès
des mines... Depuis l'époque romaine les mines ont fait vivre (et
mourir) bien des populations! Mais personne n'a pris en compte cet aspect
de l'évolution...
L'agriculture et l'élevage n'ont pas permis d'expansion démographique
et encore moins quand elle est devenue intensive car les machines y ont remplacé les
humains... Les pollutions aériennes à Biriatou Saint Jean de
Luz sont impressionnantes mais comme tu le dis, tout le monde s'en fiche
et on continue allègrement à élargir les routes et autoroutes...
On a bien enlevé le tramway BAB
qui partait du Centre des Impôts de Bayonne pour arriver à la
Gare du Midi de Biarritz... par la voie rapide du BAB (qui est de moins en
moins rapide)...
Guides naturalistes : Dimitri Marguerat et François-Olivier Chabot - Groupe : 18 personnes (Cathy, Pascal, Jean-François, Jean-Pierre, Reine, Danie, Jacques, Françoise, Fabienne, Serge, Anne-Marie, Jacqueline, Françoise, Pierre, Catherine, Marie, Isabelle, Philippe). | Lescun Peña Oroel et San Juan de la Peña |
13 au 17 mai 2010 |