Les crêtes d'Iparla depuis le fronton de BidarrayUn temps propice à la poussée des champignons...Hier samedi, il faisait un temps superbe, et tous ceux qui s'apprêtaient à participer le lendemain à la randonnée littéraire intitulée "Les mots en chemin" par leurs organisateurs, les libraires indépendants de Bayonne (en fait, la librairie de La Rue en Pente), se réjouissaient à l'avance. Evidemment, les prévisions météo étaient pessimistes, mais elles étaient déjà erronées pour le samedi, pourquoi pas pour le dimanche aussi ? En ce qui me concerne, qu'il pleuve ou qu'il vente, j'avais l'intention de marcher. Eh bien nous avons eu les deux ! A 10 heures du matin, à Bidarray, malgré mes deux pulls à col roulé et mon bonnet de ski, j'étais frigorifiée. Certains étaient vêtus comme en été, bermuda et tee-shirt, avec à peine un léger k-way en coupe-vent : ils se sont gelés à l'heure du déjeuner et cherchaient désespérément à s'abriter contre les bergeries désaffectées...

Des prairies d'un vert éclatantUne randonnée arroséePeu importe. L'essentiel n'était pas là. Nous étions venus pour échanger, écouter et partager notre passion commune pour la littérature (et la philosophie). La population qui grimpait donc le long du sentier en direction du col de Lacho était différente de mes compagnons de balade habituels, à la fois plus disparate quant à sa capacité à pratiquer la randonnée et plus spécialisée quant aux centres d'intérêt. Malgré le temps incertain, nous étions un grand groupe de 80 personnes environ, et je profitai du rythme tranquille pour lier connaissance. Je me retrouvai par hasard près d'un petit groupe assidu aux séances de café-philo et café-littéraire de Bayonne ou Biarritz, ainsi que, pour l'un d'entre eux, aux ateliers de philosophie de l'Université du Temps Libre de Biarritz (UTLB). L'un d'eux, douanier maritime de son état, avait assisté à un stage professionnel sur le thème du temps (distinction entre le temps solaire vrai, moyen, civil, universel, sidéral, légal...) : je dressai l'oreille et m'aperçus que leur curiosité s'étendait aussi à l'astronomie. J'étais heureuse, j'avais trouvé des gens qui étudiaient les mêmes sujets que moi.

Elevage de truites en piscicultureUne pente faibleD'habitude, lorsque nous partions de Bidarray avec les amis (et à l'occasion de l'Hirukasko), c'était pour monter aux crêtes d'Iparla. Je me disais que le démarrage allait être un peu rude pour les néophytes, et qu'il était curieux qu'une randonnée "accessible à tous" prenne pour point de départ un village situé au pied de montagnes relativement raides. En réalité, nous n'avons pas pris le même chemin : nous sommes partis sur la droite, contournant le mont Harriondi (494 m) pour nous élever en pente douce vers le col de Lacho (581 m). Ce n'est qu'au retour que la boucle nous a ramené sur le GR10, sur la portion habituelle en provenance du Pic d'Iparla qui culmine à 1044 mètres. Il était normal par conséquent que l'on nous annonce 400 mètres de dénivelé pour 2 heures de marche aller (moins au retour, parce qu'il pleuvait et que nous n'avons pas traîné, et en plus, ça descendait...). Malgré ces précautions, les derniers sont arrivés presqu'une heure après sur le lieu de pique-nique, et certains ont fait demi-tour à mi-pente, protestant contre les organisateurs qui avaient prévu un circuit trop difficile (sic) : sans doute qu'ils ne connaissaient pas le terme "dénivelé", malgré leur culture littéraire !

Des bergeries désaffectées en guise d'abriEclaircie sur les sommetsCe n'est pas le cas d'Elisabeth, qui m'a accompagnée de nouveau, comme l'an dernier. - Pendant ce temps, son mari et le mien (les deux Jean-Louis) courent ce matin avec Ibaialde, en prévision (pour JLB) des 15 kilomètres de la Nive et du demi-marathon de Béhobie-Saint Sébastien. Max et John sont partis la veille pour un week-end d'escalade en Espagne sur les falaises rouges de Los Riglos. - Contrairement à ce que l'on pourrait croire, ce n'est pas désagréable du tout de se promener par temps gris. D'abord parce que, chez nous, la pluie tombe rarement en continu toute la journée, et, privilège de notre région très tempérée, il s'agit bien plus souvent de bruine que de cataractes qui se déversent du ciel. Les orages sont redoutés, bien sûr, mais peu fréquents, et il n'y a qu'à voir la montagne pour constater que le ravinement des pentes est modéré, elles sont protégées par une couche végétale pratiquement jusqu'aux sommets. Des rochers pointent, un peu partout, mais ils sont entourés d'herbe à moutons et de fougères rousses en cette saison, qui seront sans doute brûlées au prochain écobuage, pour laisser place aux pâturages.

Manger à  l'abri des pierresLe vent non plus n'est pas régulier. Tandis que nous tournons autour de l'Harriondi, l'air s'assagit et nos corps s'échauffent tout d'un coup : les épaules nues des filles et des femmes se dévoilent, ce que les hommes ne manquent pas de faire remarquer... Par contre, au col, une bise tournante nous agace et nous fait errer d'un abri à l'autre en une quête vaine d'un coin douillet. Les crottes de moutons abondent, et seules les pierres plates à découvert en sont dépourvues. Olivier Deck (en rouge) et le proviseur du lycée Paul Bert à Bayonne (en jaune pâle)Tandis que les deux écrivains (les mêmes que l'an dernier) devisent, je commence à grappiller dans mes provisions. Les nuages parcourent le ciel à grande vitesse, étagés en masses dégradées du blanc au gris foncé jusqu'à une grande altitude. Pareillement, les montagnes passent du roux foncé à une teinte bleutée de plus en plus ténue, en barres successives aux aspérités gommées par la distance, qui me rappellent les anciens décors de cartons pâte entre lesquels les marionnettes passaient. A l'horizon, une éclaircie illumine les montagnes qui se parent de subtiles couleurs imperceptibles malheureusement pour mon appareil photo. Plusieurs interrompent leur repas pour tenter de capter l'instant fugace.

Des bergeries désaffectéesEn principe, nous aurions dû nous installer autour des écrivains et écouter la lecture de passages choisis pendant que les vautours auraient plané en cercles silencieux au-dessus de nos têtes... L'accordéoniste s'était désisté, mais nous aurions chanté ensemble pour fêter la rencontre. Mais voilà, on ne fait pas ce qu'on veut avec le temps. A peine les derniers arrivaient-ils au bout de leur peine (j'avais fini de manger depuis un bon moment), qu'une pluie raide accompagnée d'un vent glacé s'est mise à tomber. Sans besoin de concertation, nous nous sommes engagés à la queue-leu-leu sur le sentier tracé à flan de montagne face aux bergeries abandonnées. La lecture aurait lieu à l'abri, dans la salle qui longe le trinquet de Bidarray.

 

 

 

 

 

Randonnée littéraire :
"Les mots en chemin"
19 Octobre 2003