La canadienne, ancien "cultivateur"A l'endroit où le sentier pentu du GR10 s'aplanit pour longer une ferme aux odeurs persistantes dont le chien aboie éperdument après tous les randonneurs, j'admire les anciens instruments en fer forgé qui ornent les abords de la maison, peu après l'étable (ou la porcherie ?) et les granges à tracteurs. Je ne les avais pas remarqués la dernière fois que je suis venue, de même que j'ai trouvé les murs blanchis et les jardinières bien fleuries : il semble que l'activité purement de subsistance fasse place ici aussi à un peu de loisirs. Archangela, ma belle-mère, m'explique quelque temps après à quoi servaient les instruments agricoles que j'ai photographiés.

La herseCi-contre se trouve la canadienne, ancien "cultivateur", dont les griffes en position relevée sont fixées à des barres transversales et s'abaissent à l'aide du levier pour enlever le chiendent et désherber. L'instrument suivant est un brabant, qui est une charrue réversible : lorsqu'on arrive au bout d'un sillon, on la retourne pour creuser le sillon suivant, ce qui évite d'avoir à faire une large boucle pour faire demi-tour et se remettre en position. Le dernier instrument est une herse (ici exposée à l'envers, dents en l'air) : elle est utilisée pour casser les mottes. Tous ces instruments étaient tirés par des animaux (cheval - le mieux -, mulet - moins souple -, ou boeuf - trop lent -) ou par un tracteur. Le brabantIls pouvaient être fixés en parallèle à un palomier (madrier relié par des chaînes à l'animal ou au tracteur) afin de gagner du temps en faisant plusieurs travaux à la fois. Par exemple, Archangela, ma belle-mère, avait des arbres fruitiers entre lesquels poussaient des rangées de haricots. Elle mettait en parallèle une herse ( qui se glissait sous les branches basses pour désherber), deux houes (qui traçaient chacune un sillon et chaussaient les haricots -recouvraient le pied de terre-) et une autre herse pour désherber l'autre côté le long de l'autre rangée d'arbres. On pouvait associer également une herse, une décavaillonneuse (qui déchausse la vigne en versant la terre toujours d'un seul côté) et une autre herse.

Roue de charrueEnfin, le clou de la journée arrive : l'un des libraires présente les livres exposés sur des tables. Il passe ensuite la parole au professeur de philosophie du lycée de Saint Jean de Luz, Christophe Lamoure, qui a souhaité depuis deux ans s'ouvrir à un nouveau public : il fait des séances de lecture expliquée d'extraits de livres de philosophie dans la pièce arrière de la Librairie de la Rue en Pente, à Bayonne, où il s'est acquis un solide noyau de fidèles. Je l'ai suivi cette année à l'Université du Temps Libre d'Anglet où il tient un atelier de philosophie avec des séances, plus scolaires, d'une heure et demie. Christophe Lamoure dédicace son livreIl a choisi de débuter par Socrate, et a tellement bien décrit l'homme et l'ambiance de la cité d'Athènes à son époque que j'ai maintenant l'impression de l'avoir connu personnellement. Aujourd'hui, il nous parle de deux philosophes-randonneurs, Rousseau et Cioran, qui affectionnent la réflexion activée par la marche, le premier, solitaire par obligation puisqu'il s'est mis tout le monde à dos, le second par prédilection, Le conteurcar il désespère du genre humain et marche de nuit en pleine ville, quand les foules citadines se reposent de leur agitation diurne.

Un drôle de bonhomme prend ensuite la parole, sitôt levé de son banc et passant entre les chaises des auditeurs, il les captive déjà par une phrase lancinante et curieuse qu'il répète indéfiniment sur mille tons différents. Puis, sans crier gare, le "récit" dérape sur un autre, sorte de conte pour enfants à couleur locale, où il interpelle les auditeurs et provoque le rire ou la tristesse par ses mimiques et ses chutes inattendues. En bref, il nous tient sous son charme jusqu'à la fin qu'il chuchote en se rasseyant doucement.

Le proviseur du lycée Paul Bert à BayonneLe proviseur du lycée Paul Bert, à Bayonne, nous avait fait l'an dernier un portrait attachant d'un vieux grand-père qui fuit un moment le brouhaha de la table familiale pour aller boire un verre du vin de sa vigne tiré au tonneau dans la cave. Aujourd'hui, il nous fait la publicité pour un livre à paraître sur des photos d'arènes désertes dont il a écrit les "haiku" (ou textes lapidaires) et courtes phrases poétiques pour les accompagner et les illustrer. A l'entendre, cette femme-photographe est une vraie artiste qui a su rendre la magie des lumières et les rythmes géométriques de ces lieux.

Olivier DeckOlivier Deck, quant à lui, m'avait fait rire aux larmes l'an dernier en lisant son livre "Cancan", qui mettait en scène un fait divers (un vol de petites culottes) dans un village du sud-ouest. C'est un autre homme que je découvre lorsqu'il saisit sa guitare, concentré et un peu mélancolique, et se met à chanter une oeuvre de sa composition. Il est vrai qu'il fait des spectacles à la Luna Negra, mais je n'ai pas encore eu l'occasion de l'y voir, et j'ignorais totalement ses talents de musicien. Il a écrit plusieurs livres, qu'il dédicace après le spectacle et semble avoir de nombreux centres d'intérêt mais une prédilection affirmée pour le sud-ouest, et la recherche d'us et coutumes sur le point de disparaître (c'est son dernier livre).

Petit champignon à lamellesLa journée se termine par une séance de dégustation orchestrée par la même personne que l'an dernier, femme aux grands yeux expressifs et à la voix douce qui tente de nous inculquer l'art et la manière d'apprécier les bons vins... Je regrette simplement que cette dégustation ne se fasse pas autour d'une table, entre amis : il manque le poisson, le gibier, le foie gras et j'en passe. C'est un peu triste de boire ainsi sans la touche de convivialité indispensable à cette boisson très particulière.

 

 

 

 

 

Randonnée littéraire :
"Les mots en chemin"
19 Octobre 2003