Nous
déambulons dans les rues, portés par le flot, jusqu'à la Plaza Mayor,
dont les bateleurs qui déclament une pièce historique dans des micros
devant une foule de badauds intéressés nous assourdissent sans que nous
parvenions réellement à suivre le fil de leur discours. 
Au
dîner, le serveur nous oblige quasiment à commander une
assiette de jambon du pays coupé en fins copeaux apparemment fumé,
délicieux, puis nous découvrons le "cabrito asado", chevreau
rôti, goûteux à souhait, la peau dorée croustillante enveloppant
une chair moëlleuse
et parfumée relevée d'un verre de bon vin rouge. Après de pareilles agapes,
il nous faut éliminer, et nous parcourons de nouveau la ville illuminée,
où la
pierre
chaude
sculptée
est mise en valeur par des projecteurs bien placés.
Le lendemain, nous faisons le tour du quartier historique par le sud-est, contemplant les monuments éclairés à l'horizontale par le soleil encore bas. Je m'attarde sur les modillons, têtes sculptées placées à l'extérieur en hauteur, pour lesquels j'éprouve toujours une certaine prédilection, comme pour les gargouilles, car les artisans-artistes expriment souvent par ce biais la fantaisie et l'imagination plus bridées à l'intérieur où les commanditaires imposaient des sujets religieux.
Modillons placés
sous la corniche des chapelles latérales
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Ils avaient parfois
une signification symbolique (la colère, l'avarice, la peur,
la gourmandise, etc.)
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Un
peu plus loin, une superbe verrière attire notre regard : c'est la Casa
Lys, musée d'art nouveau et d'art
décoratif. Il semble, d'après ce que je lis sur Internet, que la gestion
de cet important patrimoine architectural ne soit pas une sinécure. 
Par
exemple, la Casa Lys appartient à la Mairie de Salamanque, tandis que
la collection est propriété de la fondation Manuel Ramos Andrade
; en janvier 2004, un conflit éclate : le musée ne peut plus ouvrir 7
jours sur 7 pour raisons économiques (d'après l'article, parce que la
mairie n'accomplit pas ses engagements - et un appel au mécénat semble
exclu par la municipalité)...
La
ville offre allègrement un mélange de styles que Jacques
repère avec
délectation. Il distingue une inspiration byzantine (comme à Venise)
dans certains détails de la "catedral vieja" : ces terminaisons
coniques ouvragées en font (nous explique-t-il) manifestement
partie.
La
beauté s'apprécie d'elle-même, mais lorsqu'on s'y
connaît, je pense que
c'est encore mieux. Nous entreprenons la visite intérieure de
la "catedral
vieja". Jacques explique : "Ici, c'était un bâtiment
ancien qui a été
tronqué pour y accoler un agrandissement ; voilà gravée dans
la pierre la marque de chacun des tailleurs, toujours relative à un
de ses instruments de travail (l'équerre...).
Dans
une alcôve, des fresques représentent des anges musiciens, ailleurs,
des gisants sont également mis en valeur
dans leur niche par des fresques. Nous pourrions y passer des jours entiers
et découvrir encore des détails sublimes. Jacques nous dit que l'on peut
beaucoup apprendre en comparant les églises entre elles : on y découvre
des styles attachés à une époque, à une confrérie, des interprétations
différentes suivant les sensibilités et les courants... Nous avons des
progrès à faire.
Petite histoire de la cathédrale,
lue sur un panneau : Ieronimus était le nom latin de "Don" Jérôme
de Périgueux, personnage-clé de la Reconquête (de
l'Espagne musulmane par les chrétiens), chapelain du Cid
et évêque de Valence. Il fut nommé évêque
de Salamanque à la restauration du Diocèse en 1102, à l'époque
de la repopulation chrétienne, par le comte Raimundo de Borgoña
et son épouse Doña Urraca (Note : les populations du nord
de l'Espagne étaient déplacées vers le sud pour
le coloniser et prendre la place des musulmans chassés). C'est
avec lui que débute la construction de la Catedral Vieja (vieille
cathédrale) : à compter de ce jour,
l'histoire de la cathédrale
et celle de la ville de Salamanque deviennent indissociables.
Anges musiciens
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