La
deuxième partie de la conférence portait sur l'aquaculture.
L'évolution
ne se dirige pas vers une croissance de
la pêche océanique. La consommation de poisson va donc dépendre
de plus en plus de l'aquaculture (ci-contre, évolution en tonnage
de l'aquaculture, ci-dessous, part comparée de la pêche
et de la pisciculture mondiales en 2005) qui devra être doublée
d'ici à 2030
(on prévoit 9 milliards d'humains en
2050).
Cependant,
l'aquaculture
dépend
pour
le moment totalement de la pêche minotière, c'est-à-dire
des tout petits poissons impropres directement à notre alimentation,
qui sont pêchés
pour être transformés en farine et huile de poisson utilisés
pour nourrir les poissons d'élevage carnivores (saumon, truite,
bar, daurade...). Dès 2010,
l'huile de poisson va être déficitaire, il faudra la remplacer
partiellement par d'autres matières premières. En Europe,
il est interdit d'alimenter les poissons en huiles d'animaux terrestres.
Ce sera donc de l'huile
végétale.
Petit
retour en biologie. Tous les êtres vivants sont formés des
mêmes constituants
: les protéines (muscles),
les lipides (dans les membranes des cellules, carburant des organismes
qui, s'il est en excès, se transforme en graisse) qui se répartissent
entre les acides gras saturés, monoinsaturés et polyinsaturés
(les fameux Oméga 3). Ces derniers sont très abondants
dans le poisson, l'huile de colza, de lin, de soja. Il y a aussi les
glucides (carburant), les vitamines,
les sels minéraux. Si l'alimentation se fait avec des végétaux
terrestres en lieu et place du poisson, les proportions des ces composants
vont
changer, il y a bien sûr des différences à s'alimenter
de légumes ou
de poisson. Afin de réduire ces écarts, les chercheurs étudient
le panachage optimal de végétaux pour recomposer des huiles
et des farines susceptibles de convenir aux poissons d'élevage.
Il faut néanmoins prendre en compte,
non seulement les besoins alimentaires des poissons de pisciculture,
mais également les conséquences sur le plan de la rentabilité,
de l'inocuité
(autant pour les poissons que les humains), la qualité (aspect,
goût)
et les rejets (souci environnemental). L'INRA travaille sur ces sujets
en collaboration avec des organismes de recherche internationaux car
toutes les nations en font un enjeu majeur pour notre avenir proche.
Ils étudient
par exemple beaucoup la truite arc-en-ciel, et les incidences de la consommation
d'huile végétale sur des retards de croissance, l'état
des tissus, des fibres musculaires, la teneur en Omega 3, le métabolisme
cellulaire, les gènes. Il en résulte la possibilité de
remplacer dès
2010 les huiles de poisson par des huiles végétales, à 100%
dans l'alimentation de la truite et du saumon et à 60% pour le
bar et la daurade. Il suffira simplement de fournir durant les derniers
jours de l'huile de poisson
pour rééquilibrer leur organisme en Omega 3 (pour le moment,
il est impossible de supprimer totalement leur alimentation en huile
de poisson). En
ce qui concerne les rejets, les chercheurs considèrent que ceux-ci
sont moins nocifs qu'avec une alimentation traditionnelle (moins de phosphore).
La substitution n'occasionne donc aucune différence majeure, si
ce n'est un très faible amoindrissement du goût et de l'odeur.
En ce qui concerne les allergies, des études sont en cours avec
un "lot" de femmes enceintes
consommant
du poisson (nourri avec des huiles végétales) et un "lot" de
femmes enceintes témoin qui n'en consomment pas. Leurs enfants
seront étudiés pour vérifier
s'il y a une différence de proportion dans la tendance aux allergies.
La voie est ouverte vers une aquaculture durable, notamment en France (le financement public franco-européen garantit la prise en compte des conséquences environnementales). Les exploitations d'aquaculture sont surveillées au moyen d'indicateurs agricoles pour en améliorer la durabilité, assurer la mise en place d'un plan d'action pour la production et la transformation. Pour le moment, il n'existe pas de label, mais des certifications pour certains produits comme la crevette ou le tilapia. Il faut enfin noter qu'un facteur nouveau, non prévu, a perturbé la problématique des huiles : ce sont les bio-carburants, qui ont exercé une pression sur la demande en huile dont le prix a grimpé. L'autre facteur d'inquiétude porte sur la teneur d'huile issue d'OGM (organismes génétiquement modifiés).
Un
auditeur pose la question de l'impact du barrage de St Pée s/Nivelle
sur les frayères à saumons. L'INRA a mis
en garde les promoteurs du projet sur les incidences éventuelles.
Un tel ouvrage casse la dynamique de la rivière. Un inconvénient
indirect provient du système passif du barrage. Celui-ci est construit
pour éviter des inondations décennales, voire centennales,
mais en l'absence de vannes, cela signifie que toutes les crues sont écrêtées,
y compris celles qui ne feraient que remplir à ras bord la rivière.
Or, ce sont les petites crues qui sont très structurantes pour
le cours d'eau. Ceci est très
dommageable, car la conséquence
en est l'envasement du lit. Il faudrait un système avec une vanne
pour causer des crues artificielles limitées. La présence
du barrage pose surtout un problème aux saumons à la dévalaison
(le départ en migration
océane). Mais il est
difficile
de
savoir
pour le moment
quelle
sera
la stratégie
des
saumons, s'ils décideront de remonter le flux par delà le
barrage, ou bien s'ils préfèreront frayer en aval. Dans
la Nivelle, il y a peu de géniteurs (50 à 100), à comparer
avec la Nive (350-400) et le bassin de l'Adour (10 000). On pourrait
ouvrir le barrage de la pisciculture
Darguy ou y installer une passe à poisson pour permettre l'accès
vers l'amont de la rivière. Dans le cas de figure de la reproduction
avec des tacons (des jeunes saumons matures), la population est fragilisée
car ce comportement la rend très dépendante du régime
hydraulique des rivières. Selon les modèles des chercheurs,
ce système est non viable
à l'état sauvage.
ANNEXES :
Prospective INRA pour la pisciculture à l'horizon 2021
INRA, le climat change, le saumon peut-il s'adapter ?
INRA, saumon et rivières bretonnes
INRA, site expérimental du Lapitxuri
INRA, Les saumons perdent-ils la mémoire ?
Où sont passés
les saumons atlantiques ? |
18 novembre 2008 |
||
Aujourd'hui, la majorité du saumon consommé est issu de
l’élevage. Pourquoi ? Qu’est-il advenu du saumon sauvage ? Quel est l’impact de l’élevage du saumon sur l’environnement et la santé ? Des questions émergent sur le devenir des populations de saumons sauvages ainsi que sur le développement de l’aquaculture. Avec des exemples précis de leurs activités de recherche, les chercheurs du Pôle d’hydrobiologie INRA de Saint-Pée-sur-Nivelle vous invitent à mieux comprendre les enjeux, les limites de l’élevage de saumon et les conséquences sur les populations sauvages. |
Semaine de la science : Conférence-Débat à Montaury UFR Sciences et Techniques de la Côte Basque : Université de Pau et des Pays de l'Adour - à Anglet (Pyrénées Atlantiques - 64) Unités participantes : Unités mixtes de recherche Ecologie & Biologie des Populations de Poissons et Nutrition, Aquaculture et Génomique |
||
Intervenants : UMR Ecobiop : A. Bardonnet Chargé de recherche INRA, V. Bolliet Maître de conférences UPPA, F. D'Amico, Maître de conférences UPPA, P. Gaudin, Directeur de recherche INRA, C. Piou, Post-Doctorant INRA, C. Tentelier Maître de conférence UPPA UMR Nuage : O. Clément, Ingénieur GREF, G.Corraze, Chargé de recherche INRA, S. Panserat, Chargé de recherche INRA, I. Seliez, Chargé de recherche INRA |