Saumons en train de frayer. Crédit : David Grimardias, INRA/UPPA, UMR Ecobiop.
Si le bassin de l’Adour est considéré comme l’un
des meilleurs lieux d’accueil européens pour la reproduction
du saumon atlantique, il ne faut pas pour autant s’en réjouir
trop vite. Une dizaine de chercheurs de l’INRA (Institut National de
Recherche Agronomique) de St Pée s/Nivelle s’est déplacée à l’université scientifique
Montaury d’Anglet, dans le cadre de la semaine de la science, pour
en débattre le 18 novembre dernier devant un public malheureusement
un peu succinct composé essentiellement d’étudiants.
Il s’agissait des Unités mixtes de recherche Ecologie & Biologie
des Populations de Poissons, ainsi que celles de Nutrition, Aquaculture et
Génomique. En effet, contrastant avec son image emblématique
d’une nature vierge et d’une personnalité courageuse,
il faut bien constater que le saumon que l’on trouve dans nos assiettes
a 99% de chance de provenir d’un élevage. Depuis 1990, les prises
de pêche ont chuté drastiquement. Quant à la salmoniculture,
qui a débuté en 1970 en Norvège et en Ecosse, elle n’a
cessé de croître et de se développer dans le monde, en
faveur de la consommation, mais aussi du repeuplement des rivières
et de la pêche. Les causes de la disparition progressive de cette espèce
sont multiples. D’une part, les cours d’eau dans lesquels le
poisson adulte retourne sur son lieu de naissance n’offrent plus des
conditions optimales pour sa reproduction. Les barrages, les pollutions industrielles,
agricoles ou citadines, les ralentissements des flux, causes d’envasement,
et la moins bonne accessibilité des lieux de frai contribuent à mettre
en péril la production d’alevins et leur croissance, si bien
qu’il s’en trouve de moins en moins pour reprendre la mer. D’autre
part, la pression de pêche est telle que le stock diminue et le nombre
de reproducteurs susceptible de rejoindre les côtes devient trop faible
pour assurer le maintien de l’espèce.
C’est que celui de l’humanité, au contraire, ne fait que
croître, les prévisions pour 2050 portant à 9 milliards
le nombre de ses individus. Il faudra bien les nourrir ! Le problème,
c’est que le saumon (de même que la truite, le bar ou la daurade)
sont des poissons carnivores, et qu’actuellement ils sont nourris en
aquaculture par de la farine et de l’huile fabriqués à partir
de tout petits poissons pêchés dans les océans, à raison
de 4 kg de ceux-ci pour obtenir 1 kg de ceux-là. A ce rythme, malgré leur
très grand nombre, ils risquent fort de disparaître également à très
court terme. Des recherches sont donc faites pour varier leur alimentation,
et notamment combler leurs besoins en protéines, lipides, glucides,
vitamines et sels minéraux par des ressources terrestres – pas
animales, c’est interdit en France, mais végétales. Cependant,
leur composition n’est pas identique, et l’on se tourne vers
un panachage de divers végétaux pour s’approcher le plus
possible des propriétés de leur alimentation d’origine,
sans pour autant altérer la santé, l’aspect ou le goût
du poisson, ni mettre en péril la santé humaine et l’environnement.
Pour le moment, cet apport végétal est faible, mais sa proportion
augmentera dans un délai court (d’ici à 2010), avec le
risque d’y voir inclure des OGM…
Depuis quelques années, on observe l’intensification d’un
phénomène particulier. De jeunes mâles (les tacons),
devenus matures au bout d’un à deux ans, au lieu de poursuivre
leur croissance en mer, tentent (difficilement) de se reproduire avec les
grandes femelles de trois à six ans. Outre le fait, peut-être
anecdotique, qu’ils tentent de dévorer les œufs fécondés
que la femelle protège, il y a le risque d’un renversement de
tendance, et que les mâles ayant passé un à trois ans
en mer ne soient plus majoritaires pour la perpétuation de l’espèce.
Une disparition complète des grands mâles favoriserait l'apparition
d'hybrides truite-saumon, dont le faible succès reproducteur affaiblirait
encore la population de saumons.
Cathy Constant-Elissagaray
Pour aller plus loin : Où sont passés les saumons atlantiques ? (Compte-rendu de la conférence complété de recherches documentaires sur Internet)
Cathy Constant-Elissagaray, correspondante locale au journal Sud-Ouest pour les villages de Bassussarry et d'Arcangues
Article paru en page d'Anglet le 24 novembre 2008 : "Où sont passés les saumons atlantiques ?"