Dans le cadre de l'événement mondial des 100 heures d'astronomie, inclus dans l'ensemble des manifestations qui se déroulent durant l'Année Mondiale de l'Astronomie 2009 (AMA09), l'association Astronomie Côte Basque (SAPCB) a organisé à Mouguerre, aux portes de Bayonne, une des 100 grandes conférences nationales, délivrée par Eric Hébrard sur le thème de l'exobiologie, « Sommes-nous seuls dans l'Univers ? ». Chimiste de formation, exobiologiste, spécialiste de Titan (un satellite de Saturne), il est chercheur post-doctorant au Laboratoire d'Astrophysique de Bordeaux.

Conditions nécessaires à la recherche : 1) Se poser des questions sur l'origine de la vie, sa nature et sa répartition. 2) Y apporter des éléments de réponse. S'ils suffisent à satisfaire les esprits, il n'y a pas de recherche. 3) Depuis quelques siècles en Europe se manifeste la nécessité d'une démontration rationnelle. C'est ce qui a mené à la recherche.

Dans le domaine de la recherche de la Vie extraterrestre, on ne cherche que ce que l'on connaît déjà, c'est-à-dire une vie basée sur le carbone, l'eau et un apport d'énergie (souvent solaire). La recherche va s'effectuer de manière pluridisciplinaire. Elle va s'appuyer sur un postulat irréductible : "Il est possible de créer un être vivant à partir de ses constituants dans un environnement propice ". Si l'on n'y croit pas, les recherches actuelles n'ont aucun sens... C.C-E

Depuis fort longtemps, l'humanité se pose la question de savoir comment se forment les êtres vivants. Est-ce par génération spontanée ? Les philosophes grecs considéraient que la vie est une propriété de la matière elle-même ; elle est éternelle et apparaît spontanément chaque fois que les conditions sont propices. Ou bien les êtres existent-ils grâce à une force vitale (vitalisme), courant de pensée apparu au XVIIe siècle qui défend l’idée que la biologie ne peut pas se réduire à une physique complexe ? Eric Hébrard relate la croyance moyenâgeuse que des arbres pouvaient donner naissance à des éléphants, ou bien à des canards. Il évoque quelques unes des expériences qui ont été réalisées à partir du XVIIe siècle pour attester ou infirmer la véracité du phénomène de la génération spontanée, notamment celle de Jan Baptist Van Helmont, médecin flamand, qui prétend obtenir des souris avec des grains de blé et une chemise imprégnée de sueur humaine ! Dans son traité de 1668, le médecin naturaliste italien Francesco Redi démontre que les asticots n’apparaissent pas dans la viande en putréfaction lorsque l’on prend la précaution de recouvrir les bocaux qui en contiennent d’une très fine mousseline. Il défend l'idée, appelée biogenèse, que la vie ne peut être issue que de la vie. D'autre part, en 1674, le savant hollandais Antoine van Leeuwenhoek effectue les premières observations de micro-organismes à travers un microscope de sa fabrication.

Dès lors, on découvre des micro-organismes partout. Les adeptes de la génération spontanée trouvent là un nouveau champ d’application pour leurs idées. John Needham, l’ami gallois de Buffon, chauffe différentes substances organiques dans une fiole hermétiquement close pour les stériliser. Après traitement, toutes les solutions foisonnent de microbes. En 1768, le naturaliste et abbé italien Lazzaro Spallanzani reprend les expériences de Needham en portant les solutions à des températures plus élevées et une ébullition suffisamment prolongée : il détruit les micro-organismes, montrant ainsi que des solutions de micro-organismes bouillies puis scellées deviennent stériles. Mais il en faut plus pour détrôner la croyance en la génération spontanée qui continue à être défendue pratiquement jusqu'à Louis Pasteur (1822 - 1895).

La controverse sur la génération spontanée :

L'origine des micro-organismes dans la nature était un vaste débat et depuis très longtemps, on croyait que les organismes inférieurs pouvaient naître de conditions physico-chimiques particulières: c'était la théorie de la génération spontanée. Pasteur était fermement convaincu, à l'inverse, que celle-ci était impossible et que les organismes ne pouvaient naître que de germes (de "parents") déjà présents dans l'air. Cela l'opposa à un autre biologiste français, Félix-Archimède Pouchet, partisan de la génération spontanée, professeur à Rouen et correspondant de l'Académie des sciences. Pour lui, renier la génération spontanée, c'était renier la création divine. Pour ou contre la génération spontanée, la controverse déclencha les passions et fut débattue à l'Académie des sciences, qui trancha officiellement en faveur de Pasteur. En 1864, une conférence théâtrale à la Sorbonne, ainsi que la présence de nombreux amis de Pasteur dans les rangs de l'Académie, accélérèrent sa victoire sur Pouchet. Ces débats, qui se prolongèrent malgré tout jusque dans les années 1870, donnèrent un élan considérable à la microbiologie, et en particulier aux méthodes expérimentales.

Dans la seconde moitié du XIXe siècle apparaît l'idée développée par l'Allemand Richter en 1865 que la vie pourrait émaner du cosmos sous la forme de particules libérées par des corps célestes et contenant des germes de micro-organismes. Elle est reprise en 1906 par le savant suédois Arrhénius, prix Nobel de chimie, sous une forme plus élaborée, la panspermie. Le père de la chimie organique est l'Allemand Friedrich Wöhler (1800-1882) qui est principalement connu pour avoir synthétisé l'urée en 1828 et avoir ainsi démontré que les composés organiques obéissent aux mêmes lois que les composés inorganiques (Nota : Un composé chimique est dit organique lorsqu'il renferme au moins un atome de carbone lié à au moins un atome d'hydrogène). On peut ainsi synthétiser à partir de matériaux non vivants les matériaux du vivant.

De là, l'idée que l'on puisse créer un organisme vivant à partir de ses constituants, le carbone, l'azote, l'oxygène, l'hydrogène, grâce à une source d'énergie, progresse, de même que celle d'une vie possible hors de la Terre, sur d'autres planètes du système solaire ou sur des planètes en révolution autour d'étoiles dans l'univers. En 1960, Joshua Lederberg nomme cette nouvelle recherche scientifique l'exobiologie, qui consiste à étudier l'origine, la distribution et l'évolution de la vie dans l'univers. On lui attribue aussi les appellations d'astrobiologie, de bioastronomie ou de cosmobiologie. Si le concept de l'existence d'une vie extra-terrestre est très ancien, c'est Camille Flammarion qui lui donne sa plus large diffusion lorsqu'il publie, à l'âge de 19 ans, son livre sur La pluralité des mondes habités en 1862. D'autres livres suivront, comme Les mondes imaginaires et les Mondes réels, Astronomie populaire ou Contemplations scientifiques.

La soupe primitive des biochimistes (texte extrait du site de l'Université Laval, Canada, à la teneur similaire aux explications d'Eric Hébrard).

Après les travaux de Pasteur et de Darwin, il devenait inévitable que la pensée rationaliste tente d'étendre à la matière inerte les concepts de l'évolution. Il était de plus en plus difficile de concevoir la genèse des êtres vivants en dehors du développement évolutif de la matière. On tente de faire le pont entre la physique et la chimie. Deux hommes principalement ont contribué à l'essor de cette démarche qu'on qualifie souvent de démarche biochimiste: le biochimiste Oparine et le biologiste Haldane.

Alexandr Ivanovitch Oparine (1894-1980), un biochimiste soviétique, a développé ses idées sur l'évolution de la matière inanimée vers la matière vivante, en proposant une théorie conceptuelle de l'apparition de la vie. Il faut signaler que, bien qu'on attribue généralement cette conceptualisation à Oparine, un biologiste anglais, John Haldane (1892-1964), a aussi proposé à peu près la même chose, au même moment et de façon indépendante. On devrait donc à la vérité parler de la théorie d'Oparine-Haldane.

Pour ces deux hommes de sciences, il faut sortir du cercle vicieux qui dit que seule la vie peut produire la vie. Et il faut aller chercher les évidences de l'origine de la vie à partir de la formation de la Terre. Les deux schémas qui suivent expliquent la vision d'Oparine et d'Haldane sur l'origine de la vie ou, devrait-on dire plus justement, l'origine des molécules organiques essentielles à la vie.

Au moment de la formation de la terre, il y a 4,55 Ga (milliards d'années), il s'est établie une relation entre la Terre (T) et le Soleil (S), une relation qu'Oparine et Haldane comparent à une réaction chimique.

Dans une réaction chimique, il y a trois composantes essentielles: les réactifs (des composés chimiques), le réacteur (par exemple, un ballon, une fiole ou un bécher) et une source d'énergie (par exemple, la chaleur). Dans les premiers temps de la formation de la terre, ces trois composantes étaient en place: le réacteur, l'atmosphère terrestre; la source d'énergie, le soleil; les réactifs, tous ces gaz et composés chimiques émis tant par le soleil que par la terre.

Pour Oparine et Haldane, la clé de la proposition, c'est la composition de l'atmosphère primitive de la Terre. Le coeur du Soleil est riche en éléments tels que l'hydrogène (H), l'oxygène (O), l'azote (N) et le carbone (C). L'atmosphère du soleil est constituée d'hydrogène. Les éléments du coeur se combinent vite à l'hydrogène de l'atmosphère solaire pour former des gaz, comme le CH4 (méthane), le NH3 (amoniaque) et l'H2O (vapeur d'eau), tous des gaz transmis à l'atmosphère terrestre. D'autre part, le dégazage de la terre, entre autres par les volcans, émet des gaz comme l'H2O, le CO2 (gaz carbonique), l'H2S (hydrogène sulfuré). Le résultat final de tout ceci est que l'atmosphère primitive aurait été composée de gaz comme le CH4, l'H2O, le NH3, le CO2, et le H2S, une atmosphère bien différente de celle que l'on connaît aujourd'hui. Toutes ces molécules légères flottaient donc autour de la planète. Tout était en place pour la grande réaction chimique, celle qui va donner naissance aux premières molécules organiques dans la soupe primitive.

Les radiations UV (ultra-violet) venant du soleil (la source d'énergie principale) brisent les molécules simples de l'atmosphère primitive et libèrent des radicaux très réactifs qui rapidement se combinent pour former des molécules plus grosses, plus complexes et plus lourdes. On peut aussi considérer que les décharges électriques que sont les éclairs, ainsi que les volcans, ont fourni une source énergétique additionnelle. Avec la condensation des vapeurs d'eau qui forme des nuages dans la haute atmosphère puis qui retombent en pluie, toutes ces nouvelles molécules tombent à la surface de la planète, dans les nouveaux océans. Ces nouvelles molécules, sont des molécules composées de C-H-O-N (carbone-hydrogène-oxygène-azote), des molécules qu'on dit organiques. C'est le bouillon primitif, la soupe primitive. C'est dans cette soupe primitive que les molécules organiques auraient progresssivement évolué vers les molécules vivantes.

Pour Oparine et Haldane, les deux conditions essentielles au développement de la vie ont été fixées à ce moment: les bases de sa composition chimique, CHON; et une source d'énergie permanente, l'énergie solaire. Il faut réaliser que tout cela était conceptuel; aucune expérimentation n'avait été tentée.

Il a fallu attendre le milieu des années 1950 pour qu'un jeune doctorant, Stanley Miller, qui travaillait dans le laboratoire de Harold Urey, prix Nobel de chimie, à l'Université de Chicago, se lance dans une aventure des plus périlleuses pour un aspirant au doctorat: tenter de reconstituer en laboratoire les conditions postulées par Oparine et Haldane pour l'apparition de la vie, tout au moins de la fabrication des molécules de la vie. Il conçut un montage où le réacteur est un système fermé, parfaitement stérile, dans lequel on peut faire le vide.

Dans un ballon où il y a de l'eau (H2O), il introduit les gaz CH4, NH3 et H. Sous l'effet de la chaleur produites par une flamme, l'eau est vaporisée. Il y a donc un mélange gazeux de H2O, CH4, NH3 et H (les réactifs) qui est libéré dans le système: c'est l'atmosphère primitive d'Oparine et Haldane. Grâce à deux électrodes, des étincelles sont produites pour simuler les éclairs: c'est la source d'énergie. Suivant la théorie d'Oparine-Haldane, c'est là que devraient se former les molécules organiques. Un réfrigérant amène la condensation de la vapeur d'eau qui entraîne avec elle les molécules nouvellement formées: c'est la pluie. Finalement, le tout s'accumule dans la base du montage: ce sont les océans primitifs.

C'est à la base de ce montage que les molécules organiques devraient s'être accumulées. Il ne restait qu'à analyser cette "soupe primitive". C'était là la composante téméraire du projet de Miller. Comment parvenir à analyser tous ces produits. Cela peut paraître simple pour le non initié, mais pour l'homme de laboratoire, surtout à l'époque, c'était une tâche des plus difficiles. Malgré toutes les difficultés, Miller a réussi à isoler un certain nombre de molécules, et surtout à démontrer qu'il avait produit ces fameuses molécules organiques prédites par Oparine-Haldane.

Par la suite, plusieurs laboratoires se sont lancés dans le même genre d'expérimentation et ont finalement confirmé les résultats de Miller. Les bases d'une discipline scientifique nouvelle venait d'être jetées: la chimie prébiotique, c'est-à-dire la chimie des molécules juste avant la vie, ces molécules qui ont servi à fabriquer la vie. On a découvert dans cette "soupe primitive" des molécules organiques qui aujourd'hui constituent la base de la matière vivante, certains disent les briques de la vie (En 1960, Joan Oro synthétise l'adénine à partir d'acide cynahydrique HCN, d'ammoniac NH3, et d'eau).

Mais il faut bien réaliser ici qu'on n'a pas synthétisé la vie: on a synthétisé les molécules essentielles à la construction de la vie, certaines briques de la vie; mais un tas de briques ne fait pas encore un édifice. La force de l'expérience de Miller et des autres expérimentations qui ont suivi est d'avoir démontré que les molécules de base pour la vie peuvent être fabriquées dans les milieux naturels. Mais il est important de comprendre qu'on n'a pas démontré que ces synthèses se sont faites nécessairement dans l'atmosphère primitive terrestre selon le scénario d'Oparine-Haldane.

Cette chimie prébiotique fondée sur la fabrication de molécules organiques à partir de ce qu'on croyait être l'atmosphère primitive se butte à un certain nombre de problèmes. Il y a trois problèmes majeurs: la composition de l'atmosphère primitive, la concentration des molécules dans l'océan primitif, et les interactions chimiques dans la soupe primitive.

... Retour à la panspermie.

Ce qui a ravivé un certain intérêt pour l'hypothèse cosmique, c'est la découverte de molécules organiques dans certaines météorites. Les grosses météorites se vaporisent littéralement lorsqu'elles touchent le sol, alors que les petites (quelques centimètres à quelques dizaines de cm de diamètre) demeurent intactes. On a extrait de certaines petites météorites des molécules organiques qui présentent des structures ressemblant aux membranes des cellules vivantes. On a aussi isolé un pigment jaune capable d'absorber de l'énergie à partir de la lumière. Certains proposent que ce pigment pourrait avoir agi comme la chlorophyle des végétaux dans le processus de photosynthèse.

Les météorites représentent peu en volume. Mais les poussières cosmiques qui atteignent continuellement notre planète sont évaluées en volume à 100 000 fois le volume des météorites qui ont été conservées sur Terre. Ces poussières auraient pu transporter des molécules organiques comme celles des météorites. Cela signifie-t-il qu'il s'agit d'une vie venant de l'espace? Il faut voir qu'il y a tout un monde entre la présence de molécules organiques (non vivantes) et la matière vivante. Il n'en demeure pas moins qu'on ne peut balayer du revers de la main ce genre d'évidence et qu'on se doit d'explorer le sujet. Évidemment, ce genre d'observation soulève toute la question d'une vie extra-terrestre, une question qui ne peut être résolue de façon dogmatique et qui demande qu'on s'y penche avec sérieux et objectivité.

A partir de 1959, poursuit Eric Hébrard, se développe l'idée d'une communication possible avec des êtres pensants extra-terrestres : le programme SETI se met en place, qui consiste à détecter les ondes radio de l'univers et à écouter certaines fréquences pour y capter des messages. Frank Drake, dans le même temps, invente une équation qui permet de décomposer le problème en une série de questions plus simples : N = N*x fp x ne x fl x fi x fc x T avec :

* N* = Nombre d’étoiles dans la Galaxie.
* fp = fraction de ces étoiles présentant un cortège planétaire.
* ne = nombre de planètes dans l'écosphère ou zone d'habitabilité (région dans laquelle la vie peut apparaître autour d'une étoile).
* fl = fraction de ces planètes où la vie est apparue.
* fi = fraction de ces formes de vie qui ont acquis l'intelligence et développé une civilisation.
* fc = fraction de ces civilisations qui ont développé une technologie et qui cherchent à communiquer.
* T = durée de vie de ces civilisations.

Toujours dans ce domaine de la communication avec des extra-terrestres, la NASA lance le 2 mars 1972 la sonde Pioneer 10 qui transporte avec elle une petite plaque en aluminium recouvert d'or. Dessinée par Frank Drake et Carl Sagan, elle fournit des informations sur le système solaire, la Terre et ses habitants, codées grâce à deux langages supposés universels, le système numérique de base 2 en mathématique et les pulsars pour l'astronomie (une plaque identique a été rivetée sur Pioneer 11). En 1977, deux nouveaux émissaires sont envoyés aux frontières du système solaire : les sondes Voyager I et Voyager II. Chacune d'elle porte un disque multimédia de 30 centimètres, qui comporte de nombreuses images (96 photos noir et blanc et 20 images en couleurs), 90 minutes de musique représentative de la diversité culturelle de notre monde, des messages lus dans 60 langues différentes et de nombreux sons de la vie sur Terre. Gravé dans du cuivre plaqué or, ce disque est enfermé dans une pochette portant une notice d'emploi (écrite dans un langage que l'on espère compréhensible).

Par ailleurs, puisque les chercheurs rejettent l'hypothèse d'une "soupe primitive" sur Terre, ils poursuivent les études des conditions prévalant dans l'espace. Les hydrocarbures (autre dénomination des composants organiques) ne sont pas une exclusivité de la planète Terre. Le méthane (CH4) est l'un des constituants importants de l'Univers. Il résulte de la réaction de l'hydrogène sur le carbone, éléments tous deux d'origine thermonucléaire. On le rencontre dans le milieu interstellaire, il entre dans la composition des planètes géantes – Jupiter, Saturne, et surtout Uranus et Neptune – sous forme gazeuse, liquide ou solide. Ces planètes renferment aussi des hydrocarbures plus lourds issus de réactions induites par le rayonnement solaire. Le méthane se trouve également sur Titan, un des satellites de Saturne. Titan possède d'immenses réserves d'hydrocarbures sous forme de lacs à la composition encore inconnue. Quant à son atmosphère, elle est constituée, comme la Terre, principalement de diazote (N2), 94%, de méthane (CH4), 5%, d'argon, d'hydrogène. La présence de composés organiques plus complexes a également été relevée - éthane (C2H6), l'acétylène (C2H2) ou l'éthylène (C2H4), ainsi que des nitriles comme l'acide cyanhydrique (HCN) ou le cyanogène (C2N2) -. Selon les données transmises par la sonde Cassini-Huygens, les analyses ont aussi révélé la présence d'aérosols complexes, particules solides en suspension dans l'atmosphère de Titan, signe d'intenses réactions chimiques et responsables de sa couleur orangée. Au vu des dernières découvertes, du méthane se trouverait également dans l'atmosphère de Mars, mais en beaucoup plus faible quantité que sur Titan cependant.

Eric Hébrard rapporte l'anecdote suivante, qui se déroule alors qu'il était à la Cité des sciences de La Villette à Paris le 14 janvier 2005 et observait l'atterrissage de la sonde européenne Huygens à la surface de Titan. Personne n'avait jamais pu la voir, et les instruments ne permettaient absolument pas de savoir si la sonde, qui avait été conçue pour pouvoir aussi amerrir, se déposerait sur du liquide, du solide, une zone très accidentée... Suspendue à son parachute de freinage, elle a donc traversé cette atmosphère très dense que la caméra avait du mal à percer, et elle a fini par atterrir. En regardant l'écran, les scientifiques ont cru que les techniciens leur avaient fait une blague : le sol ressemblait à s'y méprendre à un désert terrestre, un sol lunaire ou bien martien ! Finalement, ils ont dû se rendre à l'évidence, cette surface plane, parsemée de roches, était bien celle de Titan.

Les premières données sur cette planète avaient été récoltées par Voyager 1/Iris en 1980, et les secondes par ISO en 1997. Mais c'était la première fois qu'une sonde se posait sur Titan. Cassini/CIRS a été lancée en 1997 pour arriver près de Saturne en 2004. Pour ce faire, elle a utilisé le phénomène d'accélération gravitationnelle en tournant comme une fronde deux fois autour du soleil pour rebondir deux fois sur Vénus, puis la Terre et Jupiter, afin d'économiser du carburant et atteindre Saturne. Son budget de 2,54 milliards d'euros pour 3,5 milliards de kilomètres revient à 0,76 euros du kilomètre (à comparer avec une autoroute en zone urbaine, 80 millions d'euros au kilomètre). Lorsque la sonde européenne est lâchée sur Titan, six mois après être entrée dans l'orbite de Saturne, elle photographie pendant sa descente un paysage jusque là inconnu et invisible sous l'épaisse atmosphère orange de Titan, et s'approche d'une surface érodée par d'anciens fleuves et leurs affluents dont les lits encore visibles se jettent dans des lacs désormais asséchés où se distingue encore le trait de côte.

Parallèlement à cette exploration spatiale, les scientifiques poursuivent leurs recherches en laboratoire. Ils effectuent des synthèses organiques en atmosphères simulées, reconstituent les compositions "initiales" de Jupiter, de Neptune ou de Titan et observent les réactions qui se produisent entre les gaz pour vérifier s'ils donnent bien au final la composition déduite des données issues de l'observation de ces astres.

Les sondes Voyager I et II (1980), suivies de la sonde Galileo (lancée en 1989), révèlent la présence probable d'un océan d'eau salée sous la surface gelée d'Europe, satellite de Jupiter. Avec l'effet de marée engendré par l'énorme présence de Jupiter, une intense activité tellurique se produirait dans le noyau, générant des émanations de magma sous-marin dont l'énergie permettrait à des formes de vie d'exister, à l'instar du phénomène qui se produit sur la dorsale atlantique, hors de toute influence solaire et en dépit du froid extérieur. Dans le futur, une expédition pourrait être envoyée pour déposer un instrument qui forerait la glace et fraierait un passage par lequel un submersible partirait en exploration au fond de cet océan.

Les premiers cryovolcans sont découverts sur Triton, satellite de Neptune, lors de son survol par Voyager 2 en 1989. Il s'agit littéralement de volcans de glace. Au lieu de lave, ils éjectent des éléments volatiles comme de l'eau, de l'ammoniac ou du méthane, généralement liquides mais peut-être aussi sous forme de vapeur. L'énergie requise pour faire fondre la glace et produire le cryovolcanisme provient des forces de marée. Il est possible que les matériaux une fois gelés et translucides provoquent un effet de serre qui accumulerait la chaleur nécessaire.

La mission Cassini-Huygens trouve des cryovolcans de méthane sur Titan, et ce volcanisme est maintenant considéré comme la source principale de ce gaz dans son atmosphère. Certains scientifiques pensent que ces cryovolcans pourraient abriter une vie extraterrestre, à la manière de monts hydrothermaux qui abritent tout un écosystème au sein du désert biologique des fosses marines sur la Terre. Des preuves indirectes de cryovolcanisme ont été acquises pour d'autres lunes glacées, Europe, Ganymède et Miranda. En 2005, Cassini photographie des geysers sur le pôle sud d'Encelade.

Les indices de la présence d'eau liquide sur Mars continuent à intéresser les scientifiques. Les sondes orbitales de la mission américaine Viking (1976-1982) survolèrent la surface de Mars et prirent 50 000 photographies durant près de deux années martiennes (plus de 4 ans). Eric Hébrard nous conte une deuxième anecdote, à propos d'un "visage humain" pris en photo par Viking, qui a beaucoup fait marcher les imaginations. Son aspect a évolué avec le perfectionnement des techniques et de meilleures résolutions lorsqu'il a été rephotographié en 1998 puis en 2006. Pour finir, on s'est aperçu qu'il ne s'agissait que d'une banale montagne. En 2004, des sphérules (toutes petites sphères) d'origine encore mystérieuse ont été observées par la sonde Opportunity à sa surface : l'affleurement rocheux où elles sont incluses a été surnommé un gâteau aux myrtilles ! Il semble que le rocher s'érode au fil du temps, et que ces billes soient libérées au fur et à mesure. Elles peuvent avoir été formées par de la roche fondue projetée en l'air lors d'une éruption volcanique ou d'un impact de météorite. Il pourrait également s'agir de concrétions minérales dissoutes dans de l'eau, qui se seraient formées lorsque l'eau aurait migré dans la roche. La présence d'argile et de sulfates accréditerait cette dernière thèse. Le spectromètre OMEGA (IR Mineralogical Mapping Spectrometer), fonctionnant dans le visible et le proche infrarouge, a analysé la minéralogie de la surface de Mars et a livré des informations capitales sur le cycle de l'eau, la couleur et l'histoire de la planète rouge. D'après les dernières analyses, l'eau y aurait été présente en abondance pendant cent millions d'années.

Toujours à propos de Mars, la communauté scientifique est entrée en émoi lorsqu'une météorite tombée sur Terre s'est avérée provenir de Mars (Mars a reçu un impact si important qu'une partie de sa matière en surface a été éjectée avec suffisamment de puissance pour sortir de son influence gravitationnelle et ensuite atterrir sur Terre !). Elle possédait de curieuses inclusions qui ressemblaient à des fossiles de bactéries. Après de longues vérifications, il a été conclu que ce n'était (malheureusement) que des concrétions minérales sans aucune origine organique.

Les scientifiques poursuivent leur quête d'organismes vivants ou, à défaut, de composants organiques, dans l'espace interstellaire, où ces derniers se forment en quantités. Ils se fixent aux poussières qui s'agglomèrent en météorites et pénètrent parfois dans l'atmosphère terrestre. Pour preuve, l'adénine, une des quatre bases azotées de l'ADN (acide désoxyribonucléique, dans le noyau cellulaire, qui permet la reproduction des êtres vivants), a été retrouvée dans la météorite de Murchison, tombée en Australie, de pair avec 230 composés organiques, dont 92 acides aminés. Les comètes attirent aussi l'intérêt des scientifiques. Vega 1 approche la comète de Halley en 1986, Stardust (lancée en 1999, survol de Wild 2 en 2004, retour en 2006) récolte dans une raquette emplie de gel des poussières de la queue de la comète Wild 2. Ces poussières sont composées d’un mélange de particules condensées loin du soleil (glace) et près du soleil (olivine). Le mélange de particules de provenances différentes lors de l’accrétion des comètes (ou de leurs corps parents) semble beaucoup plus important qu’on ne le pensait auparavant. On trouve de la matière organique dans les poussières de Wild 2 dont les rapports isotopiques montrent qu’il ne s’agit en aucun cas de contamination terrestre.

Eric Hébrard nous fait comparer avec humour les méthodes américaines (Deep Impact) et européennes (Rosetta) pour l'observation des comètes : dans le premier cas, la sonde américaine a mis 6 mois pour arriver à destination et percuter l'objectif (la comète Temple 1) afin d'en analyser les débris projetés dans l'espace. Dans le second, la sonde européenne expédiée le 2 mars 2004 mettra 10 ans pour coordonner sa vitesse avec celle de son objectif, la comète 67P/Chouryoumov-Gerasimenko, afin de caractériser son noyau et son environnement tout en la survolant et pour y envoyer un atterrisseur qui étudiera sa composition...

Des poussières de comètes similaires à celles trouvées par Stardust ont été découvertes en Antarctique, à proximité de la station Concordia, Dôme C, en bien meilleur état de conservation que celles collectées dans l'espace dans la queue de Wild 2. Leur composition permettrait de retracer l'histoire du système solaire. Elle accréditerait la thèse que les conditions terrestres, inhospitalières à l'origine, auraient été transformées par des pluies de météorites qui les auraient rendues propices à l'avènement de la vie, grâce à l'apport d'eau, d'air et de composés organiques. Car, s'il s'avère effectivement que le principal lieu de formation des composés organiques soit l'espace interstellaire, il apparaît d'autre part que leur synthèse en organismes vivants ne puisse se faire que dans des conditions bien particulières. En se basant sur l'exemple terrestre - le seul à notre disposition -, il paraît indispensable qu'une planète doive posséder de l'eau liquide en surface pour y héberger la vie. On observe sur le schéma ci-contre que Mars se trouve juste en limite de cette étroite bande "habitable" autour du Soleil.

Le dernier volet de cette quête de la vie consiste enfin en la recherche de planètes extra-solaires (exoplanètes), en orbite autour d'étoiles de notre galaxie, la Voie lactée. L'Agence spatiale européenne, la NASA et le CNES développent plusieurs missions aux concepts novateurs et audacieux pour découvrir des planètes telluriques dans un premier temps et déterminer si elles sont habitables, voire habitées. Le satellite Corot (CNES-ESA) a été lancé en 2006, Kepler (NASA) en 2009, Darwin (ESA) est prévu pour 2020. Ce dernier sera composé de 5 satellites qui observeront en infrarouge. Par le procédé de l'interférométrie, la luminosité de l'étoile autour de laquelle orbite l'exoplanète étudiée sera "effacée" ou atténuée. Par la spectroscopie, les instruments mettront en évidence la présence d'oxygène et d'eau : ce serait la "preuve" de l'existence de la vie sur une autre planète que la Terre...

SOMMAIRE

 

Conférencier Eric Hébrard, invité par Astronomie Côte Basque (SAPCB - www.astrobasque.com)
Sommes-nous seuls dans l'Univers ?

Une des 100 grandes conférences nationales

Vendredi 3 avril 2009