Qu'y
a-t-il de commun entre une montre et la traite
des Noirs ? La pensée
ne se développe pas dans une bulle, hors de tout contexte, elle
se fonde sur des connaissances passées et les orientations qu'elle
prend s'inscrivent
dans les questionnements du moment. L'histoire de la recherche effrénée
d'instruments de mesure du temps est exemplaire
à ce titre. Elle est intimement liée à l'époque
des Grandes Découvertes,
où la concurrence s'exacerbe
en mer afin d'obtenir la mainmise sur les richesses mondiales, l'or,
les
épices,
les esclaves. L'enjeu pour les
Etats est alors de perdre le moins de bateaux possible - et leurs
précieuses cargaisons -, en fournissant aux
capitaines
des outils pour
faire
le
point,
c'est à dire savoir où ils se situent lorsque toute côte
est hors de vue. - Science Museum : A gauche
: Tomas Tompion fut un horloger londonien très célèbre.
Cette horloge de 1690 réalisée
pour
le
roi William III arbore sur le
blason à l'effigie de Brittania les crosses entrecroisées
d'Angleterre et d'Ecosse, signe politique d'un besoin de reconnaissance
de sa monarchie
conjointe avec son épouse la Reine écossaise Mary. A
droite : Augsbourg, capitale du Saint-Empire Romain Germanique au XVIe
siècle dirigé par les Habsbourg, était
réputée pour ses orfèvres comme pour ses horlogers.
On compte encore aujourd’hui environ 25 horloges-automates provenant
de ses ateliers, dont trois en forme de navire conservées, l’une à Londres
(British Museum) - photo ci-contre -, la seconde à Vienne (Kunsthistorisches
Museum) et la dernière à Ecouen
au musée de la Renaissance. Hans Schlottheim, son réalisateur,
avait couplé l'horloge située sur le pont près du capitaine du navire
à des automates qui bougeaient de façon coordonnée
avec le
mécanisme,
et
l'heure était annoncée par une salve de ses canons. -
La latitude (la position entre l'équateur et
les pôles
sur l'axe Nord-Sud) est connue dès le XIVe siècle grâce
à
la conception de l'astrolabe nautique
qui permet de mesurer la hauteur de l'étoile polaire. C'est
une version simplifiée
d'un instrument inventé par les Grecs (87 avant J.-C.) et
utilisé à partir
du VIIe siècle par les
astronomes arabes pour leurs observations.
L'étoile polaire n'étant plus visible aux approches de
l'équateur et
dans l'hémisphère Sud, Martin
de Behaïm,
astronome
du roi Jean II du Portugal, répand vers 1485 l'usage
de tables pratiques de déclinaison du soleil dont la hauteur
méridienne (à midi) est aussi déterminée
avec l'astrolabe. Mais la longitude (la position sur l'axe Est-Ouest)
est beaucoup
plus
difficile
à déterminer.
Les
recherches
s'orientent
dans deux
directions, astronomique et la mesure du temps. En 1714, le Parlement
britannique promet une récompense considérable (20
000 £) à qui
trouvera une solution acceptable au problème de la longitude
en mer.
Les
méthodes astronomiques ne donnent aucun résultat probant.
C'est un horloger anglais, John Harrison, qui le premier réussira à le
résoudre. Il
essaye en mer en 1736 sa première "horloge à longitude".
Après avoir construit des chronomètres plus perfectionnés,
il reçoit le prix britannique. Les monarques et
les nobles montrent l'estime qu'ils portent envers ces découvertes
technologiques en incluant dans leurs possessions des horloges ouvragées,
acquises
davantage
pour symboliser leur statut et leur richesse que pour leur capacité
à
donner l'heure. Les
horloges européennes et les automates deviennent très
prisés par
l'empire ottoman (la Turquie
actuelle et l'Afrique du Nord) et sont l'objet d'un marché florissant,
de moins en moins élitiste au fur et à mesure que
la fabrication s'industrialise. - Victoria
and Albert Museum : Art ottoman, coupe - Big Ben, Tour
de l'Horloge du Palais de Westminster, siège du Parlement britannique
-
Si
les Européens passent ainsi hardiment du cabotage à la
navigation hauturière,
c'est que la fin du Moyen Age se caractérise
par une ouverture à des sources autres que bibliques. À la
suite des premières croisades, sous l'influence du philosophe
et savant Albert le Grand (entre 1193 et 1206 - 1280) et du philosophe
Roger Bacon (1214 - 1294), un mouvement se dessine en faveur d'un retour à une
conception sphérique et une connaissance scientifique de la
Terre. On
intègre alors dans les premières
universités européennes, créées à la
fin du XIIe et au début du XIIIe siècle, l'enseignement
des connaissances de l'antiquité gréco-latine (Platon,
Aristote, Ptolémée), et celui des autres sciences du
monde islamique,
très
en avance notamment sur le plan de l'astronomie et de la géographie.
A la même époque, des Arabes font connaître à des marins génois et
vénitiens l'usage de la boussole, inventée par les Chinois (non pas
pour naviguer mais pour aligner les corps correctement dans leur tombe),
puis c'est le tour
de la poudre
à canon, d'invention chinoise également et transmise
aux Européens par le monde arabo-persique : ces deux apports prendront
une importance primordiale par la suite.
Les
grands voyages reprennent, par exemple celui du vénitien
Marco Polo qui séjournera 17 ans en Chine, de 1274 à 1291.
L'invention de l'imprimerie en Occident au milieu du XVe siècle
(Gutenberg) accélère
considérablement
la diffusion des ouvrages de cosmographie et de cartographie. Bien
plus précoce, la Chine pratique déjà la xylographie depuis
le VIIe siècle,
suivie par la Corée
et le Japon : le
texte ou l'image est gravé sur une plaque de bois pour être
reproduit par estampage, la plaque étant enduite d'encre et pressée
fortement sur une feuille de papier mise
ensuite à
sécher, suspendue à un fil ; l'usage en Chine de caractères
mobiles en terre cuite puis en métal débutera respectivement
au XIIe
et XIIIe siècle, sans qu'il y ait d'évidence que ce savoir se
soit transmis aux Européens qui paraissent l'avoir inventé de façon indépendante. -
Musée Royal Maritime : Astrolabe hispano-mauresque, 1230 - Boussole
chinoise - Observatoire de Greenwich, la boule du temps relevée
pour prévenir
les capitaines au port de se préparer à régler leur
horloge, cinq minutes avant qu'elle ne retombe
à midi solaire. -
Malgré
le désir manifesté par le Parlement britannique d'encourager
la recherche en vue de sécuriser les transports maritimes qui
naviguent toujours à l'estime dans la direction Est-Ouest, il
est frappant de constater à quel point les moyens mis en oeuvre
par l'Etat sont chiches. Pour la construction de l'observatoire de
Greenwich ordonnée
par le roi Charles II en 1675, destiné à résoudre
ce problème de calcul
de la longitude, Sir
Christopher Wren, l'architecte, est obligé
par économie de récupérer
des pierres du Fort Tilbury et de la Tour de Londres, tandis que les étais
destinés à soutenir les télescopes sont
fabriqués à partir de
mâts de voiliers désaffectés.
A
partir de 1676, les fonds octroyés permettent
juste de payer les émoluments du premier astronome,
John Flamsteed,
et de son aide. Celui-ci
se plaint de devoir perdre un temps précieux à donner
des cours afin de pouvoir acquérir ou faire construire les
instruments dont il a
besoin pour observer le ciel et établir une carte précise
indiquant la position des étoiles.
Quelque
temps après, le chercheur tarde à publier
ses résultats.
Isaac Newton, alors à la tête de la Royal Society, accepte
qu'une commission de la Compagnie supervise la publication
du catalogue à partir des registres de Flamsteed qu'il se
fait communiquer.
Edmond
Halley, qui est en charge en 1708 de la mise en forme pour l'impression,
effectue quelques remaniements dans les données, ce
qui éveille la
colère de Flamsteed qui, de rage, achète avec ses deniers
100 exemplaires qu'il brûle ! Les annotations qu'il fera à cette
version en 1712 permettront la publication en 1725, malheureusement
après
son décès, de l'Historia Coelestis Britannia
rectifiée. -
Observatoire de Greenwich : Méridien matérialisé par une barre métallique,
avec l'indication de la longitude des principales capitales
- Cadran solaire -
Grâce
à la double appartenance d'un des participants du voyage à la
Société d'Astronomie Populaire de la Côte Basque et surtout à la Société
Astronomique de France et sa commission Cadrans
Solaires, nous avons la chance immense d'être reçus
par le bibliothécaire de la Royal
Astronomical Society, Dr Peter Hingley, également membre de la
British Sundials Society.
Celui-ci connaît en effet de longue date Françoise
Launay, astronome à l'Observatoire
de Paris, historienne et chercheur au Syrte (Systèmes
de Référence
Temps Espace),
qui est en relation avec Jean-Pierre Martin de la S.A.F.
Peter Hingley nous introduit dans son bureau avant de nous montrer
la bibliothèque
prestigieuse
de la R.A.S.
Nous
regrettons amèrement notre faible niveau linguistique car notre
mentor parle continûment à toute vitesse, très
chaleureusement, et ne cesse de nous poser des questions-piège
du genre : "Quelle est
votre spécialité en astronomie ?". Nous sommes bien
ennuyés pour y répondre (la R.A.S. est composée d'astronomes
en activité ou à la retraite, et d'amateurs),
et
nous nous sentons très
petits et très incompétents dans ce cadre intimidant, en compagnie
d'un homme très
vieille Angleterre, se comportant, à ce
qu'il nous semble, comme un aristocrate, à la fois très
ouvert et très digne, soucieux
de satisfaire tous nos désirs. Il
s'éclipse soudain en nous proposant de consulter à notre
guise les livres anciens et modernes qui emplissent
les rayonnages jusqu'au plafond et revient avec une grande chemise
cartonnée quadrangulaire. Il la dépose précautionneusement
sur une table et ouvre le rabat, sort une feuille de protection et
découvre
devant nos yeux émerveillés une carte de la lune originale
réalisée
par Cassini,
qu'il nous permet de photographier pour notre usage personnel. Il nous
fait remarquer la silhouette féminine de profil (un buste)
dessinée
par le cartographe. - Malgré les découvertes de Galilée et le perfectionnement
des lunettes astronomiques, la Lune était encore l'objet de nombreux
fantasmes et mythes. -
Un
moment plus tard, il disparaît de nouveau dans les profondeurs
de l'appartement et revient avec deux lourds cartons.
Cette fois, il nous présente des livres très anciens,
l'un du XVIe et l'autre du XVIIe siècle, rédigé en
français. Je
crois bien que le premier est un incunable (remontant aux tout débuts
de l'imprimerie). Il comprend 18 disques rotatifs, inclus dans ses
pages. Il s'agit sans doute de l'Astronomicum Caesareum, rédigé
en 1540 par Petrus Apianus (1495–1552). C'est un somptueux manuel
de la Renaissance qui explique le maniement de l'astrolabe (calcul
de la hauteur des étoiles) et d'autres instruments utilisés
pour définir
la position des planètes. L'auteur,
astronome à la cour de l'Empereur Charles
V, fournit aussi de nouvelles observations sur la comète de
passage en 1531 (Comète de Halley).
Nous
découvrons sur le deuxième une gravure de
Sébastien
Le Clerc dans ses "Mémoires pour servir à l'Histoire
Naturelle des Animaux" (Paris, 1671) et intitulée "Louis
XIV à l'Académie en 1671".
Le bibliothécaire pointe
les inexactitudes du tableau, en nous faisant remarquer que l'Académie
se réunissait à l'observatoire de Meudon, figuré à l'arrière-plan,
et que les jardins représentés ne se trouvaient pas de ce côté. Toutes
les sciences de l'époque sont symbolisées sur la gravure avec, au
premier plan, une sphère armillaire pour l'astronomie. Un des "fellows" de
la R.A.S. survient sur ces entrefaites. Tiré
à quatre épingles, doté de fins cheveux blancs qui
lui couvrent la nuque, il arbore
un noeud papillon et une montre à gousset suspendue par une
chaîne
en or au travers de son ventre. Les deux hommes, qui se fréquentent
depuis 40 ans nous disent-ils, plaisantent ensemble avec cet humour
typiquement anglais dont nous ne comprenons pas une goutte, et nous
sourions poliment, histoire de faire bonne contenance. Après
son départ, et bien qu'il nous reçoive ainsi à l'improviste,
le bibliothécaire
n'hésite pas
à nous
inviter
à rester
au cocktail qui doit avoir lieu en début de soirée.
Nous apprécions
infiniment son hospitalité, mais nous préférons
ne pas abuser et nous retournons après cet intermède
hors du temps dans le tohu-bohu de Picadilly Street.
A
l'ère d'Internet où règne la surinformation généralisée,
on peut se demander s'il est encore utile de visiter des musées.
Les Anglais ont dû craindre aussi que plus personne ne s'y rende
car l'accès en est désormais
totalement gratuit.
Une
fouille des sacs à l'entrée,
parfois, rarement, l'interdiction de photographier, sont les
seules
restrictions. Ils
comportent à peu près tous une boutique, un service de restauration
(dans le cadre superbe d'anciennes salles à vitraux au Victoria
and Albert Museum), une boîte
transparente en guise de tirelire invitant les visiteurs aux
dons (sans doute les musées font-ils de plus en plus appel
au mécénat pour pallier l'insuffisance des fonds alloués
par l'Etat). Au British Museum,
des colonnes d'écoliers ou d'écolières
en uniforme (les classes ne sont pas mixtes) sillonnent les salles,
une
feuille de cours ou un carnet de notes à la main. Des étudiants
se tiennent devant les oeuvres d'art, essayant de les reproduire sur
leur cahier à dessin. - Musée
maritime de Greenwich : Astrolabe - British Museum : Classe de filles
en visite -
A la Renaissance, lorsque les voyages lointains font
découvrir
aux Européens
de
nouveaux peuples, animaux, végétaux et minéraux,
la première idée qui
leur vient est de réunir dans des "cabinets de curiosités" les
objets qui paraissent les plus
extraordinaires ou remarquables. L'afflux d'éléments
nouveaux rend bientôt nécessaire leur installation dans
des lieux plus grands - des musées - où l'on tâche
de déterminer leur appartenance pour les répertorier.
C'est
le début des classifications qui ont pour but de mieux comprendre
un monde qui s'avère de plus en plus complexe. Nous nous en faisons
une idée
en visitant la section du Musée d'Histoire Naturelle (Natural
History Museum) consacrée
aux minéraux : de grands alignements de tables en caissons
vitrés
classées
par catégories occupent une longue salle, tandis que l'allée
centrale est partiellement encombrée par une roche énorme
de fer pur qui se dresse sur un socle, portion de météorite
tombée
du ciel, inclassable parmi les pierres terrestres.
Au fond, une petite salle en arc de cercle met en valeur dans des
vitrines
éclairées des pierres précieuses aux proportions
exceptionnelles taillées
et serties avec art, des portions de météorites polies
ou des cristaux particulièrement esthétiques. -
Musée
d'histoire naturelle -
Parallèlement
à ces espaces de conception ancienne, où l'exhaustivité du
sujet nuit
à son étude, car l'oeil se lasse à
parcourir les vitrines qui déploient une profusion d'objets
issus des quatre coins du monde, d'autres salles présentent
au contraire la synthèse d'un thème, par exemple l'évolution
de l'humanité et son appartenance
à
l'ordre des primates, avec seulement quelques ossements ou fossiles
disposés à titre d'illustrations au bas de panneaux
explicatifs assortis
de cartes et de schémas. Lorsque la matière s'y prête,
l'imagination se déchaîne et une inventivité inspirée
du cinéma associée à des accessoires
informatisés offre aux visiteurs éblouis une synthèse
interactive et parfois même ludique.
C'est
le cas de la section sciences de la terre avec le volcanisme, suivi
d'expositions consacrées à l'érosion,
toujours dans le musée d'histoire
naturelle. Il en est de même dans un vaste hall labyrintique
consacré
aux dinosaures, peut-être de traitement un peu plus facile,
mais, du coup, des familles entières s'y bousculent avec des
enfants surexcités et très intéressés.
Malgré tout,
pour qui s'attarde à lire, les questions
essentielles sont quand même posées, comme les arguments
pour ou contre "le sang
chaud" des dinosaures ou bien les hypothèses sur les peaux, écailles,
pelages ou plumes qu'ils auraient eus, ou encore le remplissage fictif
du corps en coupe pour
imaginer la disposition du coeur ou de l'estomac. Cette présentation
est attractive, concrète, vivante, spectaculaire. -
Musée maritime de Greenwich - British Museum, collection Sloane : Nautile
gravé d'une
scène
de la défaite espagnole en 1639
contre l'Amiral hollandais Maarten Tromp dans la Manche au large de
Douvres. Un casque à visière moyenageux est sculpté à l'intérieur
dans les circonvolutions du coquillage. -
Des
salles du musée maritime m'enchantent également
: déguisées
en grottes plongées dans la pénombre, chaque
pan
de mur thématique contient
une vitrine
lumineuse attrayante pourvue d'une illustration ou d'une mise en
scène d'objets et d'un
texte explicatif, tandis qu'un bruitage approprié plonge dans
l'ambiance, le bruit de la mer pour les grandes découvertes,
le grincement de la banquise pour la quête d'un passage vers
l'océan
pacifique en contournant l'Amérique du Nord. Après
cette mise en valeur au rez-de-chaussée
et sur une mezzanine des héros de la mer, de leurs navires
et équipements,
à l'étage,
cachées derrière des portes coupe-feu rébarbatives
uniquement pourvues d'un numéro qui donnent l'impression d'être
des espaces privés, des
salles présentent en larges panneaux explicatifs les pistes
d'une véritable
réflexion sur les conséquences humaines politiques
et économiques
de l'expansion européenne. Toujours
uniquement en langue anglaise, cette section montre courageusement
les effets négatifs de
cette glorieuse conquête.
En
1820, on comptait 2,5 millions d'Européens
expatriés, souvent pour des raisons économiques ou
religieuses, pour plus de 8 millions d'Africains réduits en
esclavage et transférés
en Amérique et dans les îles. Il s'agit sans doute du
nombre de ceux arrivés vivants, qui néglige les pertes
dues aux conditions de transport déplorables, aux mauvais
traitements, ainsi que celles occasionnées lors de leur capture. Les
chefs de tribu africains fournissaient eux-mêmes des contingents
d'esclaves en contrepartie d'armes à feu et de marchandises. Des
vitrines exposent les fers, les anneaux que l'on passait au cou,
aux poignets, aux chevilles,
reliés par des chaînes. Elles montrent les fouets, les
fusils. - Musée maritime de Greenwich, façade surmontée de
deux statues de voiliers - British Museum : globe céleste -
Elles
décrivent tous les moyens employés par ces prisonniers
pour effectuer une lutte passive et active contre leurs tortionnaires,
la persistance à conserver leur culture, leur langue, leur musique,
les tentatives de fuite, la manifestation d'une mauvaise volonté au
travail, bref, tout ce qui
pouvait
amoindrir les bénéfices que les blancs retireraient
de leur exploitation humaine. En
ce qui concerne les Indiens Cree et Chipewyan, Beothuk, une ou
deux vitrines rapportent les relations commerciales qui se sont
instaurées
dans un premier abord,
dans une ambiance de rivalité entre la France et l'Angleterre.
Les Européens pêchaient la morue et la baleine, et
ils achetaient aux Indiens des fourrures de castor. Les Indiennes
cousaient pour
les blancs des
vêtements
chauds
appropriés
à ces hautes latitudes.
Rapidement,
ces contacts eurent pour conséquence
la mort des indigènes par infections de germes européens
contre lesquels
ils
n'étaient
pas
immunisés (variole, coqueluche, rougeole, etc.). Si je
me souviens bien (c'est une section où,
curieusement, la photo est interdite, alors qu'on peut
photographier tous les objets magnifiques exposés en bas),
il y avait, avant l'arrivée des Européens, plus
de mille tribus indiennes différentes qui vivaient sur les
deux Amériques et dans les îles, chacune avec sa culture,
sa langue, son mode de vie. La majorité a
disparu ou bien a été
décimée : c'est la raison pour laquelle les Européens
ont été amenés à "importer" de
la main d'oeuvre d'Afrique. -
A droite : Sculpture dans une cour d'immeuble de Greenwich - Musée
maritime de
Greenwich : 1650 - Chef d'oeuvre compagnonique pour devenir maître
dans la guilde des horlogers. Sur la face antérieure, cadran
astrolabique indiquant la progression du soleil, de la lune et
des étoiles dans
le ciel nocturne. Sur l'autre face, des cadrans indiquent l'heure
de lever et coucher du soleil et le réglage de l'horloge
pour qu'elle sonne 12 ou 24 heures. Autour de la base figure un
calendrier indiquant
les jours des saints et ceux des fêtes. Le boîtier
très décoré
fut réalisé par un orfèvre dans un atelier
différent : il est surmonté
d'une sphère armillaire, représentation géocentrique
du monde. -
Un panneau rappelle les prémices de l'abolition de
l'esclavage en Grande Bretagne. Plusieurs campagnes d'information avaient
eu lieu dans le pays, et, en faisant circuler des pamphlets, on incitait
la population à boycotter l'achat du sucre,
du tabac,
du
café, produits à bas prix grâce à l'esclavage. Une
première
pétition fut
envoyée en 1783 au Parlement britannique. En 1788 et
1792, le Parlement reçut des milliers de signatures (500 pétitions)
issues de comités provinciaux contre l’esclavage. En
1833, 1,4 million de signatures étaient réunies pour
demander l’abolition de l’esclavage, un chiffre énorme
pour l’époque. Londres versait 20 millions de
livres de dédommagement aux possesseurs d’esclaves, quand
Paris proposait de débourser 250 000 francs (une livre valait
20 francs, à l’époque). Aujourd'hui
encore, la France, l'Espagne et le Portugal sont toujours réticentes
à lier leur
histoire, leur développement et leur opulence actuelle à leur passé
esclavagiste. Il est pourtant essentiel d'en prendre conscience et
d'analyser ses conséquences pour évoluer dans notre mode de pensée
et imaginer d'autres modes de vie plus respectueux des peuples et de
notre environnement : c'est toute la problématique du "développement
durable",
terme qui me paraît ambigu, puisqu'il conserve l'objectif du développement
comme un but souhaitable et viable.
Je
trouve regrettable que l'impression générale
qui ressorte d'une visite
superficielle
de tous ces musées
soit la glorification de la Grande Bretagne, des explorateurs,
des scientifiques, du progrès des techniques européennes,
de la récolte (pillage ?) d'objets dans les pays envahis
et de l'expansion colonisatrice, et qu'aucune interrogation n'apparaisse
sur le monde
qui a ainsi été créé. -
Musée
maritime de Greenwich : Barque princière - Observatoire de Greenwich
: Indication du méridien d'origine de longitude nulle -
Il
me semble, mais je me trompe peut-être, n'ayant vu qu'une infime
partie de ce qui est exposé, que les siècles passés
pèsent encore lourdement sur nos mentalités et que l'esprit
dans lequel ces objets sont présentés demeure identique,
malgré un renouvellement
dans leur présentation. Le
30 octobre dernier, l'anthropologue et ethnologue Claude
Levy-Strauss est décédé. A cette occasion, des témoins rapportent son parcours
et ses thèmes de réflexion. Françoise Héritier,
qui lui a succédé au Collège de France, résume
ainsi son héritage : « Nous avons découvert avec
stupéfaction qu'il y avait des mondes qui n'agissaient pas comme
nous. Mais aussi que derrière cette différence apparente,
derrière cette rupture radicale avec notre propre réalité,
on pouvait mettre en évidence des appareils cognitifs communs.
Ainsi, nous prenions à la fois conscience de la différence
et de l'universalité. Tel est son principal legs, encore aujourd'hui:
nous sommes tous très différents, oui, mais nous pouvons
nous entendre, car nos structures mentales fonctionnent de la même
manière. »
Du chemin a été parcouru depuis la Controverse
de Valladolid, où, 60 ans après le premier voyage de Christophe
Colomb, on s'interrogeait à la cour de Charles Quint en Espagne sur
le fait de
savoir si les
Indiens
étaient
humains,
et
surtout
s'ils avaient une âme. Il faut se rappeler aussi que des hommes ont
été empaillés,
"naturalisés", encore au XIXe siècle, leur faisant subir le même
sort qu'aux animaux (un Espagnol à Montbrison, un Noir à Banyoles
restitué
par l'Espagne au Botswana et une "Vénus hottentote" rendue par la
France en 2002 à l'Afrique du Sud). Au début
de l'année
2005, presque centenaire, lors d'une de ses dernières apparitions à la
télévision
française, le savant déclare, reprenant en des termes
très
proches un sentiment qu'il avait déjà exprimé en
1972 (entretien avec Jean José Marchand) et en 1984 (entretien
avec Bernard Pivot) : « Ce que je constate : ce sont les ravages
actuels ; c'est la disparition effrayante des espèces vivantes,
qu'elles soient végétales ou animales ; et le fait que,
du fait même de sa densité actuelle, l'espèce humaine
vit sous une sorte de régime d'empoisonnement interne - si
je puis dire - et je pense au présent et au monde dans
lequel je suis en train de finir mon existence. Ce n'est pas un monde
que j'aime ». La même année, il intervient
encore en public
à l'occasion des 60 ans de la fondation de l'Unesco, et il rappelle
notamment, en
se référant à Rousseau – l’un
de ses maîtres, avec Montaigne –, les menaces que notre
expansion effrénée fait peser sur la nature et sur l’humanité :
il ne dissocie pas la défense de la diversité culturelle
et celle de la diversité naturelle.
Est-il encore pertinent d'admirer aveuglément toutes les prouesses techniques et scientifiques sans s'interroger sur leurs finalités et sur les conséquences vis à vis de notre existence sur Terre ? Pouvons-nous encore décemment vivre dans un bien-être insolent aux dépens de la plus grande partie de la population mondiale ? Est-il sain d'étendre notre culture à toutes les nations ? Est-elle vraiment la panacée ?
La longitude.
La Terre tourne sur elle-même en 24 heures, par convention, et un point donné à sa surface effectue dans le même temps un cercle de 360 °. En une heure, ce point effectue donc un trajet mesuré par un angle de 15° (360° divisés par 24). Lorsque le bateau quitte son port, il règle son chronomètre à l'heure du méridien d'origine de Greenwich. Naviguant vers l'Amérique, il observe le moment exact où le soleil est au plus haut, à midi, heure locale. Regardant son chronomètre qui indique l'heure de Greenwich, il constate une différence. Par exemple, celui-ci indique 3 heures de l'après-midi. Il y a donc 3 heures de différence entre le midi local et le midi du méridien d'origine. Le bateau se trouve donc à une longitude de 3 fois 15°, soit 45° de longitude Ouest.
Une mesure plus précise nécessite une correction supplémentaire. La Terre tourne autour du Soleil selon une trajectoire elliptique et son axe de rotation est incliné de 23,44 degrés par rapport à son plan de rotation: cette double particularité terrestre introduit une variation de l'heure solaire réelle par rapport à l'heure solaire moyenne. Cette différence se calcule avec l'équation du temps.
SOMMAIRE | Page 1/2 |
Société d'Astronomie Populaire de la Côte Basque avec André, Christian, Serge, Rémy, Françoise, Maïa, Cathy, Jean-Louis, Jean-Claude et ses amis Jean-Marc et Marie-Paule | Londres |
Mardi 10 au samedi 14 novembre 2009 |