Rien
ne semblait l'y prédestiner. Depuis des années, dotée
d'un caractère
fort qui lui permettait de décrocher des projets d'architecture à réaliser,
ma soeur Sophie se mouvait à l'aise parmi ces professionnels à dominante
masculine qu'elle dirigeait sur ses chantiers. Puis, de concert avec
sa fille,
elle s'est
inscrite à des cours d'équitation. Progressant rapidement,
elle se mit au saut d'obstacle sans se laisser décourager par
les chutes dont son
corps ne se relevait pas toujours indemne. Elle sympathisa alors avec
une cavalière, professeur féru d'éthologie, qui
prônait la manière
douce pour se faire obéir de sa monture. Passionnée par
sa démarche,
elle l'accompagna
lors de voyages éducatifs, notamment en Argentine, si je me
souviens bien. Elle commença à s'initier à ces techniques
particulières
de relations à l'égard des chevaux dont les praticiens
se dénomment
très joliment des "chuchoteurs".
Un jour, notre mère tomba gravement malade, sans que les médecins parviennent, dans un premier temps, à diagnostiquer la cause. Lorsqu'elle lui rendit visite, elle s'aperçut qu'elle était capable de la soulager par des massages sur les tempes, la nuque, le dos. Quelque temps plus tard, ce fut elle-même qui souffrit en permanence de sa cheville. Elle s'était cassé la jambe en tombant de cheval. D'autre part, alors qu'elle travaillait sur un chantier, elle avait fait une chute brutale d'un étage, passant à travers le plancher d'un grenier, et retombant sur ses deux pieds cinq mètres plus bas, ce qui avait provoqué des ondes de choc dans tout son corps et un déplacement des vertèbres. Depuis ce jour, sa cheville était restée enflée, et aucun médecin n'avait su la guérir. Elle entendit alors parler du biomagnétisme humain et de la médecine alternative qui lui est associée (à ne pas confondre avec les magnétiseurs). Elle chercha à prendre rendez-vous avec Jean-Marie Bataille pour se faire soigner : impossible ! Il ne proposait que des stages de formation. Elle accepta donc de faire un stage d'une semaine, simple initiation qui lui parut assez concluante pour la compléter par deux autres semaines de cours et de pratique.
C'est
une amie des animaux. Elle avait une chienne et un chat chez elle,
et elle a recueilli une deuxième chienne déjà
adulte, à l'histoire obscure, vraisemblablement abandonnée et peut-être
battue,
au comportement
instable. Dotée d'une forte mâchoire, elle s'entend mal avec son
entourage animal et elle inquiète le voisinage humain. Elle est tombée
malade, affectée d'un eczéma envahissant. C'était une bonne occasion
de tester
l'efficacité
de la
théorie du
biomagnétisme. La chienne se rétablit grâce aux bons soins de Sophie.
Dans
sa ferme normande qu'elle retape, elle a fait venir une jument et deux
pottok du Pays basque qui vivent de concert
avec un petit âne et, depuis peu, quelques chèvres. Un autre cheval,
également d'un caractère difficile, a rejoint le groupe et a bénéficié
aussi de ses soins immatériels. Il faut préciser qu'elle se rend deux
fois par semaine sur les lieux, toujours accompagnée de ses chiennes.
La deuxième, toujours la même, ne supporte pas les chèvres. Un moment
d'inadvertance, une porte pas fermée à clé (elle sait manier les poignées),
et la chienne a sauté sur une chèvre (une souffre-douleur régulièrement
l'objet de ses attaques) et l'a égorgée.
Deux
grandes plaies s'ouvraient de part et d'autre du cou, sans qu'elle
soit morte.
Il
était tard. Sophie a pratiqué ses soins une première fois, après avoir
grossièrement rapproché
les chairs pour l'empêcher de se vider de son sang. Puis, toutes les
heures, la chèvre l'a appelée en bêlant, et elle est retournée près
d'elle la soigner. Au milieu de la nuit, elle a senti que quelque chose
se
passait,
qu'elle avait décoincé un obstacle à l'intérieur du cou (sans rien
toucher) et cela lui a procuré une impression extraordinaire. Le matin,
elle a amené la bête, toujours vivante, au vétérinaire en lui demandant
uniquement
de désinfecter
et recoudre
les plaies,
sans lui donner aucune médication ni antibiotique. Elle n'en menait
pas large : c'était sa chèvre préférée, et elle n'était pas vraiment
sûre de son fait. Quinze jours plus tard, les
plaies
étaient cicatrisées et la chèvre broutait de nouveau parmi ses congénères.
Une
technique en amène une autre. Récemment, elle s'est intéressée aux pouvoirs
des pierres. Elle a effectué un stage au cours duquel on lui expliquait
les différentes caractéristiques des minéraux et leur influence suivant
leur positionnement en divers endroits du corps humain.
Par
exemple, une pierre connue pour son pouvoir hilarant a déclenché un
rire inextinguible
chez une stagiaire qui servait de cobaye. L'une des pierres avait la
capacité de catalyser les capacités artistiques. Elle en a acquis un
exemplaire, qu'elle conserve tout le temps dans sa poche. Résultat,
elle s'est surprise à avoir de fortes envies de sculpter. Cédant à
ses impulsions, elle a profité de moments de calme et d'isolement pour
manier l'argile sans idée préconçue. A sa grande surprise, des formes
ont émergé progressivement et elle a réalisé de véritables oeuvres,
comme par exemple la tête d'un vieil Indien qu'elle a juchée sur un
grand socle. Ennuyée par un problème d'architecture dont elle ne trouvait
pas la solution, n'arrivant pas à imaginer dans l'espace une structure
récalcitrante, elle s'est emparée d'une motte d'argile pour effectuer
la maquette du bâtiment. Une fois réalisée, elle a constaté qu'elle
l'avait résolu et il a été ensuite facile d'en déduire tous les dessins
et les plans. Sûre d'elle, elle a pu aller voir le client en lui affirmant
que c'était
ainsi qu'il fallait concevoir la construction.
Dernier
témoignage de nos capacités méconnues et bien souvent décriées. Nous
avons beaucoup joué pendant les fêtes en famille
et entre amis (Sophie n'était pas présente). L'un de ces jeux se nomme
"Dessiner c'est jouer" ou "Pictionnary".
Il
ne nécessite aucune habileté particulière
au dessin,
mais par contre
une grande capacité à savoir communiquer aux autres l'idée d'un concept
ou d'un objet qu'ils doivent deviner. Parfois, deux ou trois traits
de crayon malhabiles suffisent à suggérer la chose qui est trouvée
en quelques secondes. C'est une expérience assez étonnante, et l'équipe
adverse soupçonne fréquemment une tricherie éventuelle, tant le dessin
est informe et sa reconnaissance improbable. Dans ces conditions, une
seule hypothèse semble envisageable, une forme de télépathie, ou d'empathie,
imagée par l'expression "être sur la même longueur d'onde"...
Témoignage de Dany :
J'ai bien aimé ton histoire et j'ai déjà testé ce
dont tu parles à la fin avec les jeux de société.
J'ai pu constater qu'avec ma fille il n'était pas besoin de dessiner,
parfois juste le début d'une esquisse suffisait pour que l'autre
devine.
J'ai été la première surprise de ces capacités,
plus tard j'ai fait un stage "atelier conte" avec des collègues
de travail, nous avions un formateur formidable qui a su nous mettre en
position de développer cette empathie. On arrive à marcher
du même pas, à s'arrêter, à redémarrer,
tout cela sans se regarder, en ressentant.
On a testé aussi que l'on peut lire un texte sans donner d'indication
où cela se passe ni le lieu ni l'époque et celui qui écoute
peut deviner, c'est transmis on ne sait pas comment .
Toutes ces choses sont passionnantes mais ne sont pas reconnues dans cette
société dominée par le pouvoir de l'argent. Heureusement
qu'il y a quelques illuminés qui développent et maintiennent
contre vents et marées ces capacités humaines.
A bientôt Cathy et merci pour tes textes. Celui sur ta découverte
de la cuisine du canard m'a fait rire car moi je connait cela depuis
toujours, mais je trouve que tu as fait fort pour une première approche,
40 canards à la fois ! Il y avait de quoi être déstabilisée!
Dany
Sophie | Une expérience
peu ordinaire |
Anglet, 26 décembre 2008 |