Peut-être
est-ce de la sensiblerie, mais je suis ressortie avec mal au ventre,
d'avoir vu ces veaux séparés de leur mère, enchaînés
et muselés,
alors qu'ils n'avaient pas sept jours
d'existence, et ce qui m'a encore plus dérangée, c'est
l'indifférence
et l'insensibilité des enfants face à ce spectacle désolant.
Je me réjouissais pourtant de revenir voir ces éleveurs
très sympathiques
qui ont pris la suite de leurs parents sur
la ferme des barthes. Je
les ai déjà rencontrés à deux
reprises pour qu'ils me
parlent de
leur
exploitation, des joies et peines qu'ils éprouvent dans leur
métier.
Pour la première fois cette année, ils participent à l'opération
"Fermes ouvertes" organisée par la FDSEA (Fédération
départementale
des syndicats
des exploitants agricoles) qui a délégué une
jeune animatrice pour les aider dans cette tâche
pédagogique inhabituelle.
Deux classes de l'école du village voisin profitent de
cette opportunité.
Les enseignants
ont
préparé
cette visite avec les élèves, de façon à ce
qu'ils en retirent le plus de profit sur place et les enfants
arrivent avec pleins de questions, visiblement très intéressés
par le sujet.
- Cette animatrice gère au niveau départemental la manifestation Fermes ouvertes qui s'étend sur une semaine chaque année, en principe au mois de mai. Ici, c'est le mois d'avril qui est plus approprié. En accord avec le diocèse et l'inspection académique, elle contacte toutes les écoles par courrier vers septembre-octobre. Généralement, ce sont 20 à 25 écoles qui participent. Cette année, il y en a 22 qui envoient 35 classes sur 22 exploitations. Elle essaie d'effectuer une rotation parmi les fermes pour montrer aux élèves toute la gamme des productions. C'est d'autant plus important si des écoles réitèrent cette visite l'année suivante, afin de faire voir autre chose aux enfants. Les visites se font dans les exploitations les plus proches des écoles pour réduire les coûts de déplacement. Il s'agit de faire découvrir les métiers du monde agricole à ces petits citadins souvent déconnectés de la réalité de la production alimentaire. Elle-même a une formation d'ingénieur agricole généraliste à Purpan (Toulouse), mais elle n'est pas fille de paysan, il était donc difficile qu'elle s'installe à son compte. Elle préfère l'élevage et affectionne tout particulièrement la section ovine des montagnes basques. Lorsque les groupes l'interrogent, elle les renseigne sur les questions de la PAC (politique agricole commune), des subventions, de l'ours (elle n'est pas opposée à sa présence, sauf sur les estives). -
Debout
sur l'aire devant l'étable, un des éleveurs expose les données
de l'exploitation de vaches laitières
et de maïs consommation. Ils possèdent 50 vaches qui produisent
400 000 litres de lait par
an. Elles pèsent environ 6 à 700 kgs, annonce
qui provoque une exclamation à l'unisson de tous les enfants.
Un veau
est né la
veille et un l'avant-veille, deux autres ont moins d'une semaine. On
dit un
veau,
une velle.
Une trentaine de génisses, jeunes
vaches qui n'ont pas encore eu
de
petit, ont de 2 mois à 2
ans. Seules les femelles sont élevées dans
la ferme en vue de la traite du lait. Les 120
hectares de terre
(possédés en
propre
ou loués) se décomposent en 90 hectares de
maïs
et 30 hectares
de prairies.
Le
maïs est destiné à l'ensilage, pour l'alimentation
des bêtes,
le surplus est vendu.
Une
troisième personne (outre les deux exploitants) aide à
l'élevage.
Certaines vaches ont des cornes sur la
tête
et d'autres pas : cela intrigue les enfants qui interrogent l'éleveur.
Il explique que, étant donné que les bêtes sont
laissées
en liberté dans les prés, par mesure préventive
contre les blessures qu'elles pourraient s'infliger mutuellement,
on leur
brûle
les cornes juste après
la naissance (lorsqu'elles ont 3 ou
4 jours)
ce qui empêche (en principe) leur repousse. C'est
le vétérinaire
qui procède à cette opération avec un câble.
Parfois, les cornes sont mal brûlées et elles se
forment quand même, ou bien
une velle a été oubliée dans l'opération. Dans ce cas, on juge
suivant
le comportement de la vache devenue adulte : si elle est calme, on
les lui laisse, si elle est agressive, on lui en scie les pointes.
- C'est un traitement auquel n'ont pas recours les éleveurs
de bovins
à viande qui envoient leur cheptel pâturer librement
sur les estives pyrénéennes. Je me promenais le dimanche
suivant sur les cimes du Gorramakil et du Gorramendi, et j'y ai admiré
les superbes cornes en lyre à la pointe
effilée de vaches rousses que nous pouvions
approcher sans qu'elles esquissent la moindre agressivité à notre
égard (c'était d'ailleurs peut-être des boeufs,
je n'y ai pas regardé de trop près). -
Les
élèves remarquent
aussi les étiquettes, appelées "boucles",
fixées aux oreilles des vaches. Elles sont placées sur
les veaux et velles âgés d'une semaine et constituent
de véritables
cartes d'identité, permettant
la traçabilité en cas de problème. Y sont indiqués
la date et lieu de naissance, la généalogie avec le nom
des parents, le numéro d'élevage.
Les bovins les conservent toute leur vie jusqu'à l'abattoir
pour permettre leur identification et remonter la filière au
besoin. Les vaches s'agitent derrière le groupe, perturbées
par la présence de tout ce monde. Elles sont dans l'étable
en train de manger du foin, la tête bloquée
par une barre. Ce dispositif
est employé normalement seulement après la traite qui
a lieu deux fois par jour,
à 5 heures du matin et à 17 heures. Il
les oblige à
rester debout une heure durant, jusqu'à ce que le sphincter
situé à l'extrémité du
pis se referme, pour prévenir
les infections possibles si elles
se
couchent sur des lieux souillés. Elles sont aussi
peut-être irritées d'avoir été immobilisées
une seconde fois dans la matinée,
en raison de la venue des enfants à 9 h 30.
L'éleveur
invite les élèves à s'approcher
des bêtes et à les caresser, ce qu'ils font avec circonspection
: bien qu'elles soient prisonnières, ils sont tout de même
impressionnés
par ces animaux qu'ils n'ont pas l'habitude de fréquenter
(à l'exception d'un élève, fils d'un éleveur
de brebis). Les plus téméraires s'approchent
lentement, tendant le bras pour les
caresser
du bout
des doigts
qu'ils retirent
vivement
si
elles
secouent
la tête. Les autres demeurent en retrait, se contentant de
les observer à bonne distance. Quand les jeunes se détournent
et prêtent
moins attention à elles, les vaches se détendent
et relèvent
la tête pour ruminer placidement. L'éleveur
montre aux enfants comment les libérer
en soulevant les targettes
et
en faisant
tourner les barres. Sitôt qu'elles entendent le claquement
suivi du grincement métallique, les vaches impatientes repoussent
d'un coup de tête sur le côté
la
barre courbe qui les bloquait sans attendre que l'éleveur
le fasse et se dégagent
en reculant vers l'intérieur
de
l'étable avant de sortir d'un pas de sénateur vers
le pâturage.
C'est
la naissance du veau qui déclenche la
montée
du lait. Les accidents pendant le vêlage sont
rares, disent les éleveurs qui y veillent, aidés
au besoin par le vétérinaire.
-La réponse serait différente dans un élevage
de bovins pour la viande, où la sélection a amené à des excès dans
les poids et tailles des animaux au point que les naissances doivent
se faire
par césarienne avec une fréquence anormale, particulièrement
dans une des races-. Pendant les 7 premiers jours, du colostrum
s'écoule
des pis (lait très
nourrissant pour le nouveau-né), auquel succède le
lait proprement dit destiné à notre
consommation. Et si une vache ne peut pas avoir de veau ? - Alors,
le vétérinaire
est appelé
en consultation et si l'on ne peut y remédier, la vache est
vendue à un élevage de bovins à viande qui l'envoie
après l'avoir engraissée à l'abattoir.
Ici, il n'y a pas de Blonde d'Aquitaine, vache élevée
pour sa viande, l'exploitation possède des Prim'Holstein, reconnaissables
à leur robe de couleur pie noire. A
l'origine, c'était une vache bretonne qui a été croisée
avec des taureaux canadiens pour accroître sa productivité.
- En
2007, en France, on comptait 39 races bovines élevées,
comprenant 18 904 000 têtes pour
un effectif de 3 799 000 vaches laitières
et 4 077 000 vaches allaitantes (sources SSP, IE). Pour la production
de lait, celle qui domine est de loin la Prim’holstein,
avec 2,8 millions de vaches, suivie par la montbéliarde, 700 000
vaches, et la normande, 600 000 vaches. -
Les éleveurs vendent leur production laitière à Danone. Ils ignorent comment le consommateur peut savoir si le lait vendu en magasin est issu d'une production locale. Ils indiquent le nom de Basquilait (marque de lait de pays d'Onetik) et celui de la coopérative Berria d'Onetik à Macaye. - Je pense que les berlingots de lait cru sont issus de la vente directe des exploitants ou d'un circuit court. On peut rechercher aussi sur les emballages le label Idoki pour une qualité dite "biologique" -. Quand une nouvelle vache d'un autre élevage arrive dans le troupeau, elle est d'abord mise en quarantaine (à l'écart), vaccinée, on lui fait une prise de sang pour s'assurer de sa bonne santé et éviter le risque qu'elle ne contamine les autres. Cependant, les éleveurs préfèrent renouveler leur troupeau en interne : il est issu des velles à 90, voire 95% du cheptel, qui sont intégrées à l'élevage.
Dans
cette ferme, les
vaches consomment du maïs, du foin et des granulés de céréales.
Un tas de pneus intrigue les enfants. Un des éleveurs explique :
l'ensilage,
c'est le maïs consommé sur l'exploitation. La
plante entière est utilisée à cette fin. Tiges,
feuilles et épis confondus
sont récoltés et broyés dans une machine, puis
mis en tas à l'abri de l'air sous une bâche
(maintenue par des pneus) pendant trois semaines pour que se produise
la fermentation.
Celle-ci rend
le maïs
digeste
et bon à manger pour les vaches, et permet une meilleure conservation.
Le maïs est une plante tropicale herbacée annuelle (famille des Poacées). Originaire d'Amérique centrale, elle a été introduite en Europe au XVIe siècle. On distingue le maïs ensilage du maïs grain. Le maïs ensilage est cultivé pour l'alimentation du bétail. Son utilisation comme plante fourragère s'est développée dans les années 60. 3 500 000 Ha de maïs ensilage sont cultivés de nos jours dans la moitié Nord de l'Europe. Sa récolte est plus précoce que celle du maïs grain : la plante doit toujours être verte et les grains ne sont pas toujours mûrs. L'ensilage est stocké en tas bâchés, à l'abri de l'air (et surtout de l'oxygène qu'il contient). L'acidité et l'anaérobiose (absence d'oxygène) du milieu de conservation bloquent le développement de la flore microbienne responsable de la dégradation de la matière organique exposée à l'air libre. Devenu un élément incontournable de la ration de base, l'ensilage de maïs présente néanmoins un certain nombre de carences : c'est un fourrage pauvre en azote, d'où la nécessité de le compléter, le plus souvent avec du tourteau de soja. C'est aussi un fourrage pauvre en minéraux, particulièrement en calcium. Lorsqu'il est broyé finement, l'ensilage de maïs limite également l'efficacité du rumen (un des estomacs de la vache). Enfin, sa teneur élevée en lipides favorise la synthèse des matières grasses et la production d'acide butyrique, d'où l'intérêt des luzernes, qui permettent de corriger naturellement ces déséquilibres. Le maïs ensilage peut apporter à la vache jusqu'à 80 % de l'énergie. 1,5 kg de maïs, avec un bon complément azoté, suffit pour produire à peu près 1 kg de lait.
-
Des élevages biologiques se
passent de maïs et privilégient les prairies, cherchant l'autosuffisance,
c'est à dire l'absence d'achats complémentaires pour équilibrer
l'alimentation : leur pourcentage de terres cultivées en céréales
et protéagineux
(sans engrais chimiques ni pesticides de synthèse) est faible par
rapport
à la surface de prairies, majoritaire, à l'inverse de l'exploitation
que nous visitons.
-
Une vache mange tous les jours la valeur d'un kilo de foin, de l'ensilage maïs, de la farine de maïs (grains broyés) et du concentré d'aliment pour équilibrer la ration. La portion journalière est préparée dans un bol mélangeur qui broie et homogénéise la nourriture. L'ensilage apporte beaucoup d'énergie, alors que le concentré constitué de soja, colza ou tournesol apporte un surplus de protéines. Il faut une heure pour préparer la ration journalière du cheptel. Les vaches mangent le matin. Après elles ruminent, allongées dans la prairie. Leur digestion s'effectue grâce à leurs 4 estomacs : le processus de la rumination leur permet de digérer des herbes qui sinon seraient impossibles à assimiler. Leur mâchoire supérieure possède un bourrelet gingival qui s'oppose aux 8 incisives de la mâchoire inférieure : l'herbe est arrachée et avalée presque entière sans être mâchée. Les autres dents situées au fond de la bouche sont des prémolaires et des molaires pour mastiquer et ruminer. L'éleveur, qui s'est saisi de la tête d'une vache pour lui soulever les lèvres afin de montrer sa dentition, prévient les enfants qu'il ne s'avisera pas de mettre la main au fond de sa bouche, car sa mâchoire très puissante pourrait la broyer.
Le lait contient
du calcium, des protéines, des lipides. Il se consomme après
avoir
été bouilli, entier, demi-écrémé ou écrémé.
Il sort des mamelles à la température de 30°C (un
peu plus tiède que
le corps de la vache) pour être transféré dans
une cuve (un tank) qui le conserve à
la température de 2,5 à 3°C. Pour la reproduction,
on choisit les meilleures vaches qui sont inséminées
artificiellement (et non pas saillies par le taureau). L'éleveur va
chercher le catalogue sur
lequel figurent les photos et caractéristiques des taureaux
(morphologie, génétique) sélectionnés hors
de l'exploitation. Leurs spermatozoïdes
sont prélevés pour
être congelés sous forme de paillettes, puis introduits
par un inséminateur
muni d'une seringue dans l'utérus des femelles. Ce croisement évite
la consanguinité et
permet l'amélioration de la forme des mamelles, de la productivité,
de la qualité du
lait et du taux de matière grasse. Le
jeune veau hérite
ainsi pour moitié de caractéristiques de la mère,
et pour moitié de
celles du père. L'éleveur espère que dans
cette loterie un peu dirigée qu'est la reproduction artificielle,
le mâle apportera
des améliorations sur le plan de la forme des pis de ses descendantes,
la quantité et
la qualité de leur lait. Depuis peu, les éleveurs s'aperçoivent
qu'il est important de veiller également à améliorer
leur fertilité et leur
aptitude à mettre bas. C'est ainsi qu'a lieu, depuis quelques
dizaines d'années, une évolution
beaucoup plus rapide qu'avant de la race bovine. La Prim'Holstein,
race choisie dans cet élevage,
est issue d'une très
longue sélection.
L'insémination artificielle
est une « biotechnologie » qui était
déjà pratiquée par les Arabes au XIVe siècle
sur les juments. C'est l'Italien Lazzaro
Spallanzani qui découvre
et décrit
la fécondation d'ovules par des spermatozoïdes au XVIIIe s.
et qui est le premier à réaliser l'insémination
artificielle d'une chienne. Sa technique est perfectionnée
au début
du XXe
siècle par des vétérinaires et des scientifiques,
et commence à être utilisée couramment à partir
des années 1940. A l'origine, elle sert
à l'amélioration des races bovines, avant de voir son champ
d'applications étendu à d'autres
espèces, dont l'espèce humaine (pour laquelle elle permet
de remédier à certains cas d'infertilité). Cette méthode
de reproduction répond à plusieurs objectifs, l'amélioration
génétique du cheptel, l'économie permise
par la réduction de la population de reproducteurs mâles,
la limitation des risques sanitaires (maladies sexuellement transmissibles),
ou encore le contrôle de la période de mise-bas.
La
gestation dure 9 mois. Le veau n'est pas tué à la naissance,
mais très rapidement séparé de sa mère.
Après
avoir bu le colostrum pendant 7 jours, il est
vendu aux éleveurs de bétail comme future viande de boucherie,
tandis que si c'est une velle, elle demeure également à l'écart,
sans aucun contact avec sa génitrice, à l'intérieur de
l'exploitation et nourrie au biberon avec du lait des vaches de l'élevage
ou du lait en poudre. A l'émission du
colostrum succède celle du lait
proprement dit. La lactation atteint un pic
au bout de 5-6 semaines à 2
mois. Après
quoi, la production chute progressivement jusqu'au dixième mois
après le vêlage. L'éleveur
procède à l'insémination de
la vache sans attendre la fin de la lactation, de façon à ce
qu'elle ait de nouveau rapidement un veau. On
la laisse au repos pendant 2 à 3 mois jusqu'au nouveau vêlage
qui a donc lieu théoriquement un an (13 mois) après le
précédent.
Pour
inséminer une vache avec une meilleure chance de succès,
on recommande d’attendre 50 jours après le vêlage. Au-delà de
60 jours,
le taux de réussite des IA (inséminations artificielles) premières
(injections)
devient indépendant du délai écoulé depuis le vêlage
et atteint 54 % en
Montbéliarde, 51 % en Normande et
39 % en Prim’holstein. En revanche la dégradation des performances
de reproduction
des femelles Prim’holstein est sensible
puisqu’en 2005, il fallait attendre en
moyenne 128 jours après la mise-bas
pour qu’une IA soit fécondante, alors que
neuf ans auparavant l’insémination réussie intervenait en
moyenne 13 jours
plus tôt. Au cours des huit dernières années, l’augmentation
de la part
des vaches Prim’holstein qui ne sont pas
fécondées avant la troisième IA est nette
et illustre bien les difficultés rencontrées
avec la fertilité de cette race la plus productive. Les
vaches Prim’holstein avec une mise à la
reproduction plus tardive, un plus grand
nombre de cycles infructueux et malgré une durée de gestation plus
courte attendent en moyenne 408 jours entre deux
vêlages, c’est-à-dire 20 jours de plus que
les vaches des deux autres races et 13
jours de plus que dix ans auparavant. D’une manière générale,
quand les vêlages sont répartis sur toute l’année,
les
résultats de fertilité sont moins bons,
parce que les IA réalisées en période
moins favorable (printemps pour les
vaches) sont encore nombreuses.
L'étalement
des inséminations
est imposé par les laiteries qui demandent de nos jours que la production
de lait soit étalée sur l'année. Les éleveurs gardent
la vache tant qu'elle n'a pas de problème.
Elle peut vivre 10 à 12 ans (un site sur Internet indique
20 ans), mais dans la réalité,
elle est envoyée à l'abattoir
au bout de 7 à 8 ans, âge à partir duquel la
qualité de
son lait diminue. - Et, j'ajoute, sa santé, usée
par les grossesses et vêlages rapprochés, sans parler
des conditions "psychologiques"
avec le retrait systématique du petit dès la naissance,
alors que les mammifères, y compris les herbivores, sont
des animaux à l'instinct
maternel très développé. Il suffit d'observer
en montagne, dans les Pyrénées proches, les juments
qui font preuve toujours de beaucoup de
démonstration
d'amour, de protection et de soin envers leurs poulains, de même
que les petites vaches sauvages Betizu (betisoak).
- Chez le boucher, on mentionne sous la rubrique "race
vache laitière", la
viande issue des vaches qui ont été "réformées" (c'est à dire
expédiées à l'abattoir) : elles donnent une viande
meilleure que celle des veaux engraissés directement à cet
usage, indique l'éleveur. Par exemple, la marque Charral utilise
en majorité cette source de viande.
La
sélection des
élevages bovins commence à s'intensifier au XVIIe siècle
en Angleterre, et se développe de plus en plus en Europe et aux
Etats-Unis au XXe siècle. La production laitière
passe alors de 2 000 kg de lait par lactation par vache fécondée
par la monte publique, à des
records de plus de 18 000 kg pour les meilleurs individus issus d'insémination
artificielle. En conséquence inattendue, l'Europe, pour réduire
les excédents,
instaure en 1984 le système des quotas
laitiers ! Leur impact sur l'élevage
sera une orientation de la sélection vers la qualité (taux
de matière grasse et de matière sèche du lait) au
détriment
de la quantité (objectif toujours poursuivi par les éleveurs
américains).
Les conditions d’élevage – ce que mange la vache – vont influencer la qualité nutritionnelle du lait, tout particulièrement celle des matières grasses. Il s’agit d’une question sensible entre les Américains et les Européens. Les vaches américaines sont principalement nourries de maïs tandis que les vaches européennes pâturent : elles mangent de l’herbe ou, pour les bovins à viande, du foin et de l’ensilage de maïs. Or la viande et le lait des bovins nourris avec de l’herbe sont un peu plus riches en omégas 3 – ces fameux acides gras bénéfiques pour l’organisme – que la viande et le lait des bovins nourris aux grains. En outre, ces derniers sont plus gras. - Une étude belge montre qu'il existe des systèmes peu onéreux d'évaluation de la qualité du lait à la ferme. Je constate que seul le point de vue de ses répercussions sur la santé humaine est mis en exergue, ainsi que les vecteurs possibles d'amélioration ; la chercheuse n'aborde absolument pas les conséquences sur la santé des velles, pourtant nourries elles aussi avec ce même lait qu'elles auront ensuite à produire à leur tour. Les besoins des veaux et des humains sont-ils tellement sembables ? -
Sous
un hangar sont rangés des sacs d'engrais
et des copeaux de bois qui seront mélangés à la
paille pour la litière. En face, pour faciliter le travail, les vaches
se tiennent sur des caillebotis de béton placés au-dessus d'une
fosse à lisier
de 40 mètres de long. Les déjections passent à travers
les barres à claire-voie.
Une sorte d'hélice à l'extrémité passe pour les
fluidifier avant qu'elles ne
soient
aspirées dans une cuve
et répandues sur les terres pour les amender. Les vaches glissent
parfois sur le béton
qu'il faut régulièrement nettoyer pour éviter les chutes.
En hiver, elles demeurent enfermées à l'intérieur de
l'étable. En été, elles sont libres de sortir au pré.
Les élèves passent dans la pièce
du tank à lait et
pénètrent dans la salle de traite. L'éleveur descend
les marches pour pénétrer dans une sorte de fosse où pendent
au bout de tuyaux les griffes terminées par des manchons qui
s'adaptent aux trayons des pis des vaches. Celles-ci
se placent d'elles-mêmes sur deux galeries parallèles
au-dessus de la fosse, quatre par quatre, et sont bloquées dans
une position où elles présentent
leur pis à l'éleveur qui fixe les machines. Les vaches
désirent être
traites, car la pression du lait tend la peau et les fait souffrir,
elles se placent donc toutes seules sans difficulté. Un moteur
au battement sonore régulier et scandé rythme l'aspiration
du lait qui est pompé
dans le tuyau.
Avant
chaque traite, on applique un produit moussant sur le trayon pour le
désinfecter, on insère le manchon qui aspire un peu
de lait, puis on le retire pour essuyer le trayon avant de procéder à la
traite véritable (le premier lait est jeté). La machine
se détache automatiquement
à la fin de la traite et l'on passe de la teinture d'iode
sur le pis pour éviter les microbes. Les vaches se dirigent
automatiquement, par habitude qu'on leur a inculquée dès
leur première traite, vers
la mangeoire située de l'autre côté de la barrière
où elles
sont bloquées
les unes après
les autres
durant une heure. Il faut une heure et demie pour traire les 50 vaches
matin et soir, tous les jours de l'année, sans aucune exception.
A la main, ce serait trop dur, et impossible pour une pareille quantité !
L'éleveur évoque
le cas de gros élevages industriels où la traite est
effectuée par
des robots. Le travail des éleveurs consiste simplement à vérifier
par vidéo que tout se déroule normalement.
L'animatrice prévient
les enfants : il faudra faire silence et être calmes pour rendre
visite aux jeunes veaux et velles installés dans un coin de
l'étable séparé,
juste derrière
la salle de traite, sinon, ils auront peur, cela leur provoquera une
diarrhée
et ils se déshydrateront. Les élèves sont rangés
en colonnes et passent, deux par deux, pour caresser le veau et la
velle
enchaînés
au mur et muselés. Alors qu'ils étaient couchés
sur la paille pendant que le groupe
était dans la pièce à côté, ils se
lèvent à leur arrivée,
inquiets, et subissent les caresses sans broncher. Agés
de moins de sept jours, l'usage d'un
masque sur leur museau est indispensable pour éviter qu'ils
ne se rendent malades en léchant tout ce qui les entoure, explique
L'éleveur. - En l'absence de leur mère à laquelle
ils ont été soustraits
très vite après leur naissance,
ils
gardent pendant quelques jours le réflexe de lécher et
de chercher
à têter, qui devient moins intense au bout de quelque
temps, faute d'être stimulé. - Ils n'ont pas encore de
boucle aux oreilles. L'éleveur
explique
que
les
veaux sont
accoutumés à être
attachés dès
qu'ils ont quelques jours après leur naissance, et qu'on les
entraîne
également à avoir le cou bloqué dans une barrière
qui les maintient debout. Cet apprentissage dès la prime jeunesse
est nécessaire, nous explique-t-il, pour
éviter que, plus tard, les génisses ne se blessent dans
leur affolement d'être
immobilisée, en tirant de toutes leurs forces pour se dégager
des barrières.
Les
nouveaux nés sont allongés sur une litière impeccablement
propre et dorment, chacun de son côté, dans un enclos
qui leur est réservé.
D'autres petites velles sont groupées en deux groupes de trois
dans deux petits enclos contigus et se serrent peureusement dans
le fond
à l'arrivée
du groupe. Il
est nécessaire de séparer les animaux par tranche d'âge
car ils n'ont pas la même protection contre les microbes :
cela évite
des contaminations intempestives, faute que les plus jeunes aient
eu le temps d'acquérir des défenses immunitaires suffisantes.
Au centre
de l'étable
se trouve
le grand groupe des génisses plus âgées.
Les velles
commencent à varier
leur alimentation au bout de 3 semaines - un mois. La velle grandit
vite si elle mange bien, répond l'éleveur à
l'un des enfants. Les génisses
restent
à l'étable dans un enclos pendant
un an,
puis
commencent
à aller au pré jusqu'à l'âge de deux ans,
où elles deviennent adultes.
Commence alors le même cycle que leurs aînées,
insémination,
mise bas, retrait
du petit et traite du lait jusqu'à leur réforme lorsque
leur corps est trop épuisé d'avoir servi de chaînon
dans la production de lait et
de viande.
Extrait :
Les vaches vivant dans des élevages sont, par rapport au cycle naturel,
complètement "déréglées". Les inséminations
se font lorsque l'éleveur s'aperçoit que la vache est en
chaleur. Cela peut avoir lieu toute l'année. A la base, dans la
nature, les vaches devaient avoir leurs chaleurs entre juillet et octobre.
Ainsi, le veau naissait entre avril et juillet, c'est à dire à une
période favorable au début de son développement. Les
chaleurs n'étant pas "fixes" dans l'année et les
inséminations ne fonctionnant pas à tous les coups, la date
effective de la fécondation peut avoir lieu n'importe quand dans
l'année. La mise bas ou vêlage (9 mois plus tard) peut donc
avoir lieu aussi n'importe quand dans l'année.
Un
des éleveurs raconte qu'un veau, gardé exceptionnellement
dans la ferme et devenu un jeune taureau, était complètement
fou et agressif : il cherchait à attaquer les gens. Un jogger
qui courait le long de la route a pris peur et s'est réfugié en
haut d'un poteau car la bête courait le long du grillage à
la façon d'un chien, cherchant à le
franchir. Quand les éleveurs se sont aperçus qu'il
devenait trop dangereux, ils se sont résolus à l'envoyer à l'abattoir.
Pourtant, depuis deux ans, les éleveurs ont décidé de
posséder en propre un taureau destiné
à la reproduction de leur cheptel. Les
enfants aimeraient bien le voir, mais les éleveurs les en dissuadent, à cause
du danger. Etant donné que leurs revenus baissent en raison
de la crise du lait, il faut réduire les coûts, et un
moindre recours à l'insémination artificielle est un
moyen de faire des économies.
Pour le moment, le taureau n'appartient pas à la bonne race,
et donc les velles issues du croisement des vaches laitières
avec ce mâle sont
destinées à la boucherie et ne sont donc pas conservées à la
ferme (ce sont des élevages spécialisés qui engraissent
les veaux de boucherie).
La visite se termine par un goûter où les
enfants découvrent
le lait encore tiède de la traite du matin, qui a seulement été bouilli,
et s'en régalent. Je le teste aussi et retrouve le goût
du lait que ma mère allait chercher chez la
fermière dans mon enfance. Je regrette de n'être jamais
allée
voir son exploitation, aujourd'hui depuis longtemps disparue, mais
j'étais bien jeune, et nul ne se préoccupait alors des
conditions d'élaboration
de notre
nourriture. Toutes ces
idées sont récentes et j'aurais été bien
incapable d'avoir un oeil critique sur ses manières de faire,
quelles qu'elles fussent. Par réflexe
issu de ces temps lointains, je refuse le premier verre qu'on m'offre,
plein
de
crème,
qui me dégoûtait
alors, et que je retirais du bol avec une passoire qui ne filtrait
jamais suffisamment à mon goût. Je me souviens de toutes
les fois où
le lait a débordé de la casserole, ne laissant que la
portion congrue, qu'il fallait partager entre les sept membres de la
famille. Le
lait laissé à refroidir sur la gazinière caillait
aussi bien souvent, il aurait fallu, sitôt tiédi, vite
le ranger au réfrigérateur... On
me sert donc un deuxième verre, de lait pur cette fois et parfaitement
délicieux, doux, onctueux, parfumé, presque naturellement
sucré.
Pour les réfractaires
et ceux qui veulent varier leur boisson, est offert du jus de pommes
pressées à la
couleur chaude, dont la pulpe laisse un
dépôt
au fond
de la bouteille.
Après cette visite et les recherches sur Internet
que j'ai effectuées pour compléter mes informations,
je m'interroge encore. Dans un élevage laitier, est-il vraiment
indispensable de séparer le
veau
de sa mère quelques heures après sa naissance ? Du moment
qu'il n'est pas tué, pourquoi le nourrir avec des aliments de
substitution, puisque sa mère est là, à côté,
et produit un lait qui, à l'origine, lui était
destiné et lui est parfaitement adapté ? Est-ce que cela
signifie qu'il n'y aurait dans ces conditions aucun surplus à prélever
pour nous les humains ? Comment faisait-on donc autrefois, il y avait
bien d'autres
manières
de procéder,
avant l'ère des biberons, du lait en poudre et du colostrum
congelé
? Pourquoi le maintenir enchaîné, l'habituer à la
barrière bloquante,
pourquoi
bloquer
les
vaches après
la traite pour les empêcher de se coucher, est-ce que ces mesures
ne sont pas prises justement parce que nous avons, par une sélection
trop poussée, rendu le pis des vaches disproportionné et
qu'il a été fragilisé
par ces traites mécaniques ? Etant citadine, j'ai bien sûr
un regard neuf sur ces pratiques auxquelles je ne suis pas accoutumée,
et elles me choquent profondément. J'ai toujours consommé des
produits laitiers et j'en suis très friande. Bien que je sache
qu'ils ne sont en rien indispensables à ma santé, puisque les Asiatiques
s'en passent parfaitement, ils appartiennent à ma culture et je les
apprécie. Seulement, je trouve le prix un peu cher payé
par ces animaux et je me sens responsable de cette maltraitance.
Voici un petit historique pour rappeler les pratiques anciennes :
La domestication de
Bos
taurus (appelé communément bœuf)
et Bos taurus indicus (le zébu) date de 8000 av. J.-C., au Moyen-Orient
et en Inde. Son élevage est donc à peu près aussi
ancien que celui des ovins. Les premiers produits issu de l'élevage
sont la traction et le lait transformé en fromage. Le premier élevage
est de type pastoral : les bergers suivent leur troupeau ou le guident
vers des pâturages et points d'eau. Il est
encore pratiqué en Afrique notamment, par les peuples massaïs
ou peuls, ou en Asie (yack).
L'invention de l'agriculture en Mésopotamie sédentarise des
peuples. Chez eux, le fromage, sorte de lait fermenté conservé dans
des outres, va devenir plus diversifié. L'affinage va prendre naissance
et sa durée de conservation va s'allonger, permettant le transport
sur de longues distances. Ce sont ces éleveurs qui vont contraindre
leurs bovins à devenir bêtes de somme. Animal agricole (labour)
puis de commerce (traction de chariots), il va aussi accompagner les peuples
qui l'ont domestiqué durant leurs migrations. Cette proximité ancienne
va profondément différencier les animaux de leur ancêtre
Bos taurus primigenius. L'expansion de l'élevage bovin contribue
même à faire
disparaître l'ancêtre sauvage d'Europe (l'auroch). - Photo :
Bos taurus (Linnaeus, 1758) -
Sur le site de Richard Zagorski, La diététique du Tao, je trouve quelques réponses à mes interrogations dans un article rédigé par Guy Kastler, chargé de mission à Nature et progrès, une fédération internationale d'agriculture biologique :
Une
vache peut naturellement donner du lait toute l'année,
ne s'arrêtant que quelques jours pour un nouveau vêlage.
Si elle ne donne pas naissance à un nouveau veau, elle peut même
donner du lait sans interruption pendant plusieurs années. La
quantité est alors moindre. C'est pourquoi la plupart des éleveurs
font naître un veau chaque année. Une vache peut vivre quinze à vingt
ans sans problèmes, mais la course à la rentabilité des élevages
modernes pousse à ne les garder aujourd'hui que pour deux à trois
lactations en moyenne. Dans le premier mois qui suit la naissance, les vaches
laitières produisent plus de lait que ne peut en consommer le veau.
L'éleveur qui laisse le veau téter peut traire ce lait. S'il
veut continuer à traire lorsque le veau grandit et devient capable
de téter tout le lait disponible, il doit le séparer quelques
heures de sa mère, la nuit ou le jour, pour la traire avant de les
remettre ensemble. Mais cela ne fournit pas beaucoup plus de lait que ce
qui est nécessaire pour la famille et est insuffisant pour l'éleveur
qui vit de la vente du lait. Dès que le veau peut se nourrir sans
lait, l'éleveur en garde la totalité pour le vendre ou le transformer
en fromage. Les subventions à la déshydratation et les sous-produits
industriels permettent aujourd'hui au lait artificiel et aux aliments du
commerce d'être moins chers que le prix du lait payé à l'éleveur.
Aussi, la plupart des éleveurs modernes ne donnent plus du tout de
lait de la mère au veau. - Photo : Lascaux, Aurochs -
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Exploitation laitière du Pays basque, classes de CE2-CM1 et CM2, animatrice de la FDSEA | Elevage laitier |
Vendredi 16 avril 2010 |