Introduction
Nous avons appris par Jean-Claude Gavet que Jean-Pierre Martin, de
la Société Astronomique
de France (SAF), prépare depuis plusieurs mois une visite de la
commission cosmologie au LHC, l’accélérateur de particules
de Genève
qui doit être en maintenance au mois de décembre. Le groupe
arrive en bus de Paris la veille pour visiter l’Observatoire Astronomique
de l'Université de Genève, situé en pays de Gex, dans
la vallée du lac Léman au pied du Jura, dans le petit hameau
de Sauverny. - Photo : Horloge dans un parc au bord du lac Léman à
Genève. -
L’observatoire de Genève : Chronométrie
et étoiles
variables
Nous les y rejoignons directement et sommes accueillis très simplement
par Michel Mayor, un chercheur suisse qui est le premier découvreur
d’une exoplanète en 1995. Il
nous explique que l’observatoire
ne fait plus d’observation depuis longtemps. Créé en
1772, les recherches portent plutôt sur la chronométrie
et les étoiles
variables. De 1872 à 1968, un concours de chronomètres
y est organisé et de 1935 à 1966, il fait office d’horloge
parlante. Il ne faut pas oublier que la Suisse s’est fait une spécialité de
la mesure du temps, et l’observatoire est consulté pour
faire l’expertise d’anciens chronomètres de marine
et des horloges. En 1966, il est transféré à Sauverny
où est construite
une coupole avec un télescope de 70 cm pour le grand public. En
1995, un agrandissement sur un autre site, Ecogia, est destiné à recevoir
les données scientifiques des satellites : c’est le laboratoire
international d’astrophysique en rayons Gamma de l’ESA, l’agence
spatiale européenne, qui est relié aux satellites Planck,
Gaia, Polar, Astro-H et CTA. Nous sommes donc dans le plus grand laboratoire
d’astrophysique
de Suisse, avec 73 chercheurs et doctorants, très dépendants
des 5 ou 6 informaticiens sans lesquels rien ne pourrait se faire. -
Photo : Coupole de l'Observatoire Astronomique Universitaire de Genève.
-
Développement
d’instruments dédiés à la recherche
d’exoplanètes
Outre l’enseignement et la vulgarisation, les chercheurs se dédient à l’observation,
l’élaboration de théories, la simulation informatique
et ils développent grâce à de nombreux ingénieurs
et techniciens de nouveaux instruments. C’est la solution qu’a
trouvée
ce tout petit pays pour participer aux grands programmes de recherche
internationaux. L’équipe
scientifique de Michel Mayor conduit donc un programme de recherche
d’exoplanètes grâce
au télescope suisse
Léonard Euler qu’elle a conçu et fait installer à l’observatoire
chilien de La Silla dans l’hémisphère Sud, moyennant
un temps d’observation accordé aux chercheurs des autres
pays. En collaboration avec l’institut d’astrophysique
de l’université de
Louvain (Belgique), l’observatoire de Genève exploite
aussi le télescope Mercator installé sur l’île
de La Palma aux Canaries. - Photo : Coupole de
l'Observatoire Astronomique Universitaire de Genève. Michel
Mayor. -
Pour le moment, c’est le spectromètre HARPS, un instrument à la précision inégalée conçu à partir de 1998 sous l’égide de l’observatoire de Genève (en collaboration avec l’Observatoire de Haute Provence, l’Universität Bern, le Service d'Aéronomie), monté sur le télescope de 3,60 m de l’ESO à La Silla (Chili), qui est le meilleur chasseur de planètes au monde. Il a été mis à la disposition de la communauté internationale à partir de 2003. En moins de 10 ans après la détection de la première planète évoluant autour d’une autre étoile, plus de 100 exoplanètes géantes ont été découvertes, ce qui a permis l’exploration des caractéristiques d’autres systèmes planétaires. Elles ont été détectées par la mesure de la vitesse radiale qui est limitée à un type d’étoiles et une inclinaison angulaire déterminés. Elle a toutefois permis la découverte de 474 planètes (400 systèmes planétaires), dont la moitié par l’observatoire de Genève. La méthode des transits a fait déceler 110 planètes dont, peut-être, une de taille terrestre dans la zone habitable (où l’eau est liquide) autour de Gliese 581. Pour affiner ces résultats, l’observatoire de Genève contribue au sein de l’ESO (l’observatoire européen de l’hémisphère sud) à la construction d’un instrument au Cerro Paranal qui sera équipé de PRIMA et rendra possible des observations astrométriques avec les 4 télescopes du VLT travaillant en interférométrie. Ce travail n’est pas rémunéré en argent mais en nuits d’observation au VLT (Very Large Telescope) car il est très difficile d’accès. - Photo : Sylvia Ekström. Télescope suisse Euler installé à l'observatoire de La Silla, Chili. -
La structure des étoiles
Sylvia Ekström prend le relais de Michel Mayor et se présente
en nous disant qu’elle se consacre à un autre champ de recherches,
celui des étoiles primordiales. Elle nous explique que parmi
ses collègues,
des équipes étudient la naissance des étoiles,
en captant les émissions dans un grand éventail de
longueurs d’ondes,
et notamment le rayonnement X. Il s’agit d’un milieu
très
turbulent, avec beaucoup de mouvements de matière, la projection
de grands jets, et les disques proto-planétaires sont très
répandus.
D’autres équipes s’attachent à la vie
des étoiles, étudient
les paramètres physiques stellaires, les étoiles
variables et la sismologie stellaire (avec COROT), la structure
et l’évolution
chimique de la galaxie. C’est le département « photométrie
de Genève ». Prenant la suite d’Hipparcos, le
satellite Gaia dont les données seront disponibles à partir
de 2018 observera un milliard d’étoiles (astrométrie
et photométrie)
et permettra de comprendre la dynamique des galaxies. -
Photo : Jets projetés par une jeune étoile,
la partie centrale sombre est sans doute le disque proto-planétaire.
-
Astrophysique
des hautes énergies
Voir loin, c’est voir tôt. Jusqu’où peut-on remonter
? D’autres équipes encore étudient la vie
et la mort des étoiles
: la structure et l’évolution des étoiles
massives, la rotation des étoiles avec la modélisation
de perte de masse (« cacahouète
et jupette »), la nucléosynthèse, les progéniteurs
de sursaut gamma (en astronomie, un progéniteur désigne
un objet dans un stade évolutif donné et qui donnera
dans le futur un autre type d'objet, par exemple les étoiles
de type solaire sont les progéniteurs des naines blanches).
L’observatoire de Genève
procède à la cartographie du ciel en rayons X et
Gamma au sein d’INTEGRAL (ESA's INTErnational Gamma-Ray
Astrophysics Laboratory), effectue la surveillance des sursauts
gamma qui proviennent souvent des confins de l’univers,
ont eu lieu dans le premier milliard d’années, sont
liés à la
mort d’étoiles massives et à la formation
des trous noirs), étudie
les quasars et noyaux actifs des galaxies. Les chercheurs étudient
la formation stellaire et l’univers profond (le rayonnement
cosmologique avec PLANCK), l’apparition des premières
structures de l’univers,
la recherche des plus vieilles galaxies grâce aux lentilles
gravitationnelles qui déforme, mais magnifie leur lumière,
les sursauts de formation stellaire dans les galaxies éloignées.
L’observatoire ALMA
en construction au Chili permettra de comprendre le rôle
des neutrinos, la matière noire (WIMP, Weakly interacting
massive particles), l’évolution
de notre galaxie, actuellement en forme de spirale barrée,
lorsqu’elle
se fera percuter par Andromède, l’impact des variations
des constantes. - Photo : "Cacahouète et
jupette", c'est la forme d'une grosse étoile primordiale perdant
sa matière. -
Michel Mayor nous emmène sous la coupole pour voir le jumeau de HARPS et nous expliquer sa constitution. Sur du verre poli avec une grande finesse et régularité, on a étalé une couche épaisse d’aluminium qui a été taillé au diamant en escalier aux marches de la taille d’une fraction de longueur d’onde. Ce travail a été effectué sous terre pour éviter toute vibration. Ensuite, la surface a été enduite de résine, qui a constitué une copie très résistante sur laquelle on a étendu une couche fine d’aluminium. Jamais l’original n’a été transféré. HARPS a été livré par avion en pièces détachées qui ont été rassemblées sur le site de La Silla. Le banc optique est maintenu sous vide dans un tube placé dans le spectrographe où règne un vide moins intense que pour le détecteur CCD. Il y a donc plusieurs cavité différentes. - Photo : HARPS, un instrument conçu et fabriqué par l'Observatoire de Genève pour la recherche d'exoplanètes. -
Célestia
L’Observatoire de Genève s’est récemment doté en
2009 d’un système de projection 3D par filtres
polarisants, ce qui offre un parfait rendu des couleurs,
contrairement au système rouge-vert
plus commun. Le
logiciel libre Celestia a été adapté pour
permettre une projection en relief. La projection en 3D des
objets célestes
permet une meilleure compréhension du monde qui nous
entoure, et des distances en jeu lorsque l’on voyage à travers
le Système
solaire, la Galaxie, l’Univers profond. La visualisation
en relief des orbites des planètes, des tracés
des constellations, de la structure à grande échelle
des galaxies dans l’Univers permet de saisir en un
clin d’œil
des notions complexes, qui nécessiteraient autrement
de longues explications. Sylvia navigue avec aisance dans
le programme et nous promène dans l’univers
dont les planètes ou les galaxies surgissent à tour
de rôle
au milieu de la pièce où nous sommes assis.
C’est très
esthétique et très impressionnant. -
Photo : Projection à l'observatoire du logiciel libre Célestia
en 3D : ici, Europe, Io, Jupiter. -
CERN
Le
lendemain, c’est la course pour nous qui logeons à Annemasse
alors qu’une grande partie du groupe est logée
au CERN (Centre Européen pour la Recherche Nucléaire).
Le rendez-vous est à 8h30
et nous arrivons pile à l’heure après
une heure et demie de trajets avec correspondances en bus
et tramway. De Meyrin en Suisse, on nous emmène à quelques
kilomètres
du bâtiment d’accueil, à Prévessin côté français,
puisque l’anneau qui constitue l’accélérateur
de particules est à cheval sur les deux pays. On
nous montre la salle de contrôle
du CMS (Compact Muon Solenoid) qui
s’assure de la sécurité des
détecteurs,
de leur bon fonctionnement et de la collecte des données
qui est répartie
sur 1000 ordinateurs. Pour le moment, tout est à l’arrêt
jusqu’à la mi-février pour une mission
de maintenance «de
routine» avant le passage de l’accélération
des particules à la puissance supérieure.
Autour du sas, il y a des instruments de mesure d’énergie,
de température, de vitesse et trajectoire des particules
déviées
par le champ magnétique.
Nous traversons des salles emplies d’alignements d’armoires qui contiennent des kilomètres de câbles, reliées par de longs couloirs qui n’en finissent pas. On nous tend un casque et nous descendons à 100 m de profondeur en nous entassant comme des sardines dans une cabine d’ascenseur. La 'caverne' a été creusée et élargie dans une roche sédimentaire détritique appelée ‘molasse’ qui est molle justement. Il a fallu la durcir par un procédé original en y injectant de l’azote liquide qui l’a refroidie avant d’y mettre du béton. L’accès au public est le résultat d’une volonté politique de communication et d’information unique en son genre. A cet effet, une petite zone a été déclassée, mais nous devons toutefois passer un par un à travers plusieurs sas successifs. Sans doute y a-t-il dedans des capteurs et peut-être sommes-nous contrôlés par vidéo-surveillance. Toutefois, comme nous sommes très nombreux, l’une des portes où figure un double contrôle par carte et par lecture de l’œil est débloquée et maintenue ouverte par une barre, sinon, ce serait trop long. - Photo : Le CMS (Compact Muon Solenoid) en maintenance, en partie découvert. -
Historique
L’Univers
aujourd’hui est très froid (~10 Kelvin),
alors qu’au moment du Big Bang, sa température était
de 1032 Kelvin, et il était infiniment petit
et lourd (il mesurait 10-33cm i.e. beaucoup plus petit
qu’un noyau d’atome 10-13 cm). La densité d’énergie
atteinte dans les accélérateurs de particules
aujourd’hui
est semblable à celle dans l’Univers environ
10-13 secondes après
le Big Bang (T~1016 Kelvin). Pourquoi fabrique-t-on
des accélérateurs ? C’est pour étudier
les constituants de la matière. Au 19ème
siècle, James
Maxwell (1831-1879) unifie deux interactions fondamentales,
l’électricité et
le magnétisme, dans sa théorie de l’électromagnétisme.
En 1896, Henri Becquerel découvre accidentellement
la radioactivité,
qui est l’émission spontanée de
trois types de radiations : les rayons gamma g (photons),
les particules alpha a chargées, et
les particules beta b (électrons). Ernest Rutherford
(1871-1937) découvre en 1888 que les particules
alpha sont des atomes d’hélium sans leur électron.
Les particules alpha sont éjectées des matériaux radioactifs à grande vitesse : 10 000 km/s. En 1910, il reconnaît que ces particules peuvent être utilisées pour sonder les atomes et découvre dans une expérience demeurée célèbre le noyau atomique ! Ces découvertes, ainsi que les révolutions théoriques de la mécanique quantique et de la relativité générale, redonnent vie à la physique et notamment à la physique des particules élémentaires. Pour sonder en profondeur les propriétés de la matière, on comprend qu’il faut utiliser des particules plus énergétiques et abondantes que celles produites dans la nature. Les accélérateurs de particules vont grandement contribuer à compléter le tableau des particules élémentaires tel que nous le connaissons aujourd’hui. - Photo : Expérience de diffusion sur l'or de Rutherford. Réf. From Quarks to the Cosmos de Lederman et Schramm. -
Pour accélérer une particule chargée, un simple champ électrique suffit. L’accélération a lieu quand la particule en mouvement traverse une brèche où une tension électrique est appliquée : la particule est tirée vers l’avant par une charge de signe opposé, et poussée par derrière par une charge de même signe. Chaque fois qu’elle traverse la brèche, elle est accélérée par l’élan électrique qu’elle reçoit. En partant de ce principe très simple, les tout petits accélérateurs de particules des années 1920 (d’une dizaine de cm de diamètre) se muent en machines gigantesques dans les années 1980 (de plusieurs km de diamètre). Un accélérateur de particules est caractérisé par l’énergie E des particules circulant à des vitesses frôlant celle de la lumière, par l’intensité I, le nombre de particules passant en un point donné par seconde, et par la luminosité L, le nombre de particules passant en un point donné par seconde et par unité de surface. Il existe aujourd’hui deux conceptions différentes d’accélérateurs: ceux à cible fixe et ceux dits collisionneurs. Le tout premier appareil ayant accéléré des particules est le tube cathodique. En 1932, John D.Cockroft et Ernest T.S.Watson réussissent pour la première fois à accélérer des protons jusqu’à 770 KeV (770×103eV) d’énergie, dans une machine électrostatique (champ électrique accélérateur) faisant usage d’une tension fixe et stable. La machine électrostatique la plus réussie est développée par Robert Van de Graaff en 1931 et atteint 1.5 MeV d’énergie. - Photo : Schéma de cyclotron. Réf. From Quarks to the Cosmos de Lederman et Schramm. -
La percée technologique donnant naissance aux accélérateurs modernes vient grâce à Ernest O.Lawrence (1901-1958) de Berkeley en Californie, aux environs de 1930. L’idée est d’utiliser plus qu’une brèche accélératrice, ou d’utiliser la même brèche plusieurs fois. Lawrence ajoute au concept de Wideroe l’idée de confiner le mouvement des particules accélérées avec un champ magnétique. Dans un champ vertical, une particule chargée en mouvement horizontal trace un cercle et le temps du circuit est indépendant de la vitesse de la particule. Plus la vitesse augmente, plus le rayon de sa trajectoire circulaire augmente, et le parcours plus long compense exactement la vitesse plus élevée. Puis viennent le synchrocyclotron amélioré en synchrotron. Les deux plus grands synchrotrons à protons construits sont le SPS (Super PS) de 450 GeV du CERN et le PS de 1000 GeV de Fermilab, de 6.9km et 6.3km de circonférence respectivement, datant du milieu des années 1970. Dans les années 1960, des anneaux de stockage sont conçus. Des paquets de particules (électrons et positrons ; protons et anti-protons) circulent autour d’un anneau magnétique en directions opposées. Les paquets se rencontrent à des endroits précis. Aux points de rencontre, deux particules entrent occasionnellement en collision, et une variété de particules sont créées: photons, pions, kaons, protons, anti-protons, etc… On appelle aussi ces anneaux de stockage des collisionneurs. La collision frontale entre deux paquets de particules permet d’atteindre des énergies dans le centre de masse plus élevées que si un seul faisceau entre en collision avec une cible fixe. Au fur et à mesure que la technique mûrit, la densité des paquets et les taux de collisions augmentent. - Photo : Chambre accélératrice de 28 cm de diamètre du cyclotron construit en 1937 au laboratoire Lawrence Berkeley. Réf. From Quarks to the Cosmos de Lederman et Schramm. - - Photo : Le CMS (Compact Muon Solenoid) en maintenance, avec les 'portes' de protection oranges ouvertes. -
À la fin des années 1970, le CERN lance le projet de convertir un synchrotron de 400 GeV en un anneau de stockage pouvant accélérer, stocker et faire entrer en collision des faisceaux de protons et d’anti-protons. Au fil des découvertes effectuées aux accélérateurs de particules, le Modèle Standard de la composition de la matière se met en place. Les particules élémentaires qui le composent sont résumées dans les tableaux affichés, tout comme les quantités (masse, charge électrique) qui les définissent. Le Modèle n’est toutefois pas encore complet. Il manque même quelque chose de fondamental, qui concerne l’origine de la masse. Dans les années 1980 et 1990, plusieurs accélérateurs sont construits et les mesures effectuées permettent de tester le Modèle Standard avec une très grande précision. Le boson de Higgs reste inobservé. - Photo : Electro-aimants en cours de fabrication. -
LEP au CERN
Le
LEP (Large Electron Positron Collider) au CERN
a été un
collisionneur électron-positron de 27 km de circonférence,
construit en moyenne 100 m sous terre à cheval sur la frontière
franco-suisse, près de Genève. La prise de données a
duré de 1989 à 2000. L’histoire du LEP débute
dans les années 1970, quand les physiciens des états membres
du CERN se réunissent pour discuter du futur à long terme de
la physique des hautes énergies en Europe. Après la collision
de protons, l’idée d’un collisionneur électron-positron émerge.
En 1982, ce projet est accepté. En 1983, une centaine de W± et
une vingtaine de Z0 sont observés au SPS, ce qui est suffisant pour
annoncer une découverte, mais trop peu pour effectuer des mesures
de précision, notamment de leur masse.
Les premières collisions du LEP ont lieu le 13 août 1989,
5 années et 11 mois après le début de la construction
du tunnel. Le premier résultat de physique sort en novembre 1989.
Il est fondamental : les expériences démontrent qu’il
n’existe que trois familles de neutrinos, et donc trois et seulement
trois générations de particules. Dans le Modèle Standard
des particules élémentaires, il n’y aura que six quarks
et six leptons. - Photo
: Détail d'un électro-aimant.
-
LHC
Déjà vers le milieu des années 80, des idées
concernant le LHC (Large Hadron Collider) émergent. Ce collisionneur
proton-proton de 14 TeV est construit dans le même tunnel que le
LEP (qui a été démonté depuis) mais il fait
usage d’aimants et de cavités accélératrices
nettement plus puissants. Le LHC représente un grand pas pour la
physique et pour les accélérateurs (aimants et cavités
accélératrices),
mais aussi pour l’électronique, l’informatique, etc.
L’énergie
de centre de masse (14 TeV) est un ordre de grandeur plus grand que le
plus puissant accélérateur aujourd’hui, le Tevatron
(2 TeV) ; de même que pour la luminosité, qui est deux ordres
de grandeur plus élevée que le LEP ou le Tevatron. Deux grandes
expériences,
ATLAS et CMS, étudient de près les collisions proton-proton.
Les éléments des machines ont été descendus
par un grand trou vertical après avoir été pré-assemblés
et la liaison a été terminée sur place. Il y a plusieurs
cavernes. L’une où se trouve l’anneau doit contenir
les hautes radiations et le puissant champ magnétique. Elle n’est
pas tout à fait circulaire puisqu’elle comporte un tronçon
rectiligne de 300 m où les protons se croisent et entrent en collision.
Les autres cavernes sont moins sécurisées. -
Photo : Détail d'un électro-aimant. -
Il y a environ 40 millions de collisions de protons par seconde et toutes leurs données sont mémorisées temporairement sur les microcontrôleurs. Seuls quelque 100 000 événements potentiellement intéressants peuvent en définitive être extraits et traités, tout le reste est perdu. 3000 physiciens travaillent au CMS (Compact Muon Solenoid). Le détecteur CMS est construit autour d’un énorme aimant solénoïde. Ce dernier se présente sous la forme d’une bobine cylindrique supraconductrice qui génèrera un champ magnétique de 4 teslas - environ 100 000 fois le champ magnétique terrestre. Le champ magnétique est confiné par une « culasse » d’acier qui constitue la plus grande partie des 12 500 tonnes du détecteur. Après bientôt six mois d’exploitation, les expériences LHC commencent à observer des signes de phénomènes potentiellement nouveaux et intéressants. Selon des résultats annoncés par la collaboration CMS, des corrélations ont été observées entre des particules produites à 7 TeV lors de collisions proton-proton. L’exploitation du LHC avec des protons a continué jusqu’à la fin du mois d’octobre. Puis, jusqu’à la fin de 2010, le LHC fait entrer en collision des noyaux de plomb. - Photo : Banc de fabrication des électro-aimants de réserve. -
L’un des objectifs du programme de recherche sur les ions lourds au Cern est de produire la matière telle qu’elle existait à la naissance de l’Univers. La matière nucléaire ordinaire, qui constitue tout être vivant ainsi que l’Univers visible, s’est quant à elle formée plus tard : l’Univers était alors trop chaud et trop agité pour que les quarks se lient entre eux par les gluons de façon à former les protons et les neutrons, les constituants de tous les éléments. Une fraction de seconde après le big-bang, quarks et gluons se seraient déplacés librement, formant un état de la matière appelé "plasma de quarks et de gluons". La production et l’étude de ce plasma sont essentielles pour comprendre l’évolution de l’Univers primordial et la nature de l’interaction forte, qui est responsable de la cohésion de la matière et qui organise les quarks, particules élémentaires de la matière, en objets complexes, protons et neutrons, constituants de la matière ordinaire. - Photo : Feuillets isolants. -
Les scientifiques nous montrent d’abord le CMS (Compact Muon Solenoid) sur des schémas, puis dans la grande salle où il est en partie démonté pour la maintenance. Ensuite, nous remontons à l’air libre et nous dirigeons vers un bâtiment où sont fabriqués des pièces détachées d’électro-aimants. En effet, quelques mois après le démarrage, un problème électrique a eu lieu, et le court-circuit a projeté un des électro-aimants de 30 tonnes en l’air. L’un des visiteurs de la SAF commente qu’il a dû y avoir une erreur humaine lors des milliers de soudures manuelles effectuées par des spécialistes. En fait, le problème n’est pas là. Au début de l’assemblage, chaque pièce était radiographiée et contrôlée aux rayons X. Comme tout se passait bien, la décision fut prise en haut lieu de gagner du temps et de ne contrôler qu’un élément sur deux. Cette prise de risque se paya cher : des mois d’arrêt technique pour remplacer les électro-aimants endommagés. Le documentaire passé à la télévision sur la 5 montrait les éléments fabriqués dans l’usine, puis transporté par la route excessivement lentement jusqu’au site, et enfin descendus dans l’orifice à peine assez grand pour le contenir, roulé et déposé à son emplacement. De nouveau, les spécialistes ont dû intervenir pour effectuer toutes les connexions. - Photo : Détail des connexions des électro-aimants -
Les technologies utilisées sont novatrices et les scientifiques sont confrontés à des problèmes inconnus jusque là. Par exemple, les vitesses atteintes dans l’accélérateur nécessitent une précision extraordinaire des électro-aimants pour maintenir les particules parfaitement sur leur orbite. Bien qu’ils soient fabriqués de façon similaire, ils sont en fait tous différents, il suffit pour cela d’un enroulement de la bobine qui varie légèrement. Chacun est donc testé et numéroté, de façon à alterner les ‘puissants’ et les plus faibles et moduler l’énergie électrique qui produit le champ magnétique pour homogénéiser le flux. D’autre part, d’ordinaire, les électro-aimants perdent de l’énergie en produisant un échauffement dû à la résistance des matériaux. Il a donc fallu inventer un nouvel alliage, constitué de titane et de niobium, à l’aspect de fil noir et soyeux. Un directeur, qui en gardait un échantillon dans son tiroir, a failli mettre le feu au bâtiment : l’alliage s’enflammait à température ambiante ! C’est la raison pour laquelle il est conservé désormais dans de l’eau. Pour le rendre supra-conducteur, il faut le refroidir à une température voisine du zéro absolu. Pour y parvenir, on fait circuler dans des tuyaux d’abord de l’azote liquide (moins onéreux), puis pour descendre encore, de l’hélium liquide. Les aimants sont sensibles au dixième de degré près, c’est une fluctuation de chaleur qui a causé l’incident précédent, il est donc nécessaire de surveiller parfaitement la température et de tout éteindre dès qu’il y a surchauffe, aussi faible soit-elle. Ce refroidissement engendre un rétrécissement des câbles de 80 m sur les 27 km de circonférence. Il a fallu inventer des sortes de soufflets pour y remédier et l’absorber. Toujours pour obtenir la meilleure supra-conductivité, on fait le vide dans l’enceinte tubulaire. - Photo : Alliage titane-niobium. -
A l’intérieur du tunnel, il est interdit à quiconque de circuler lorsque l’accélérateur est en marche. Il y a donc de nombreux risques dont on doit se prémunir : celui que les particules dévient et s’échappent, la fuite de l’hélium liquide, l’incendie, l’explosion. Les consignes de sécurité sont donc extrêmes. Il est toutefois arrivé un quasi-accident. On avait prévu des portails de sécurité sur le parcours normal, mais on avait oublié les accès techniques de dépannage. L’accélérateur a donc été mis en marche alors qu’il restait là un technicien. Amené à l’hôpital, il n’a présenté aucune lésion apparente et il est en observation régulière depuis l’incident. Si ces recherches n’ont pas de retombées directes, puisqu’on étudie les constituants ultimes de notre univers, il y en a tout de même d’indirectes. On nous a donné comme exemple la médecine, avec l’hadron ou proton-thérapie qui sert à soigner le cancer du cerveau et de l’œil, en effectuant très peu de dégâts sur les tissus sains et en permettant au malade de garder la vision. Cette technique est déjà utilisée avec succès depuis 15 ans. - Photo : Un des bâtiments du CERN. -
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Jean-Claude Gavet, Jean-Pierre Martin et la commission cosmologie de la Société Astronomique de France (SAF), Jean-Louis, Cathy | Visite de
l'observatoire astronomique de l'université de Genève et
visite du CERN |
14 et 15 décembre 2010 |