Cathy
et Jean-Louis |
Combelongue |
7 au 9 mai 2012 |
Tout au fond d'un vallon du Couserans, en Ariège, nous
avons trouvé un homme heureux, cultivant de concert son jardin et son
âme. Jean-Luc Mirguet-Avanzi s'est
épris, il y a quelque vingt ans, d'un important patrimoine religieux
tombé en désuétude, l'abbaye Saint Laurent de Combelongue.
Personne, dans le village
de Rimont à la
démographie en chute libre depuis près de deux siècles, ne se
préoccupait de ces bâtiments envahis par la végétation. Les arbres
poussaient à travers les murs, les taillis et les
fourrés de ronces
obstruaient l'ancienne entrée dont nul ne connaissait plus
l'existence. Comment
a-t-il deviné le parti qu'il pourrait en tirer ? Mystère. Bien qu'il ne
soit pas originaire de la région, ou peut-être justement parce qu'il
venait d'ailleurs, il s'est passionné pour l'histoire locale, la petite
et la grande, qu'il est allé piocher dans les archives. Il n'a pas
craint non plus de s'aventurer dans les labyrinthes kafkaïens
de l'Administration pour obtenir quelques subsides publics et
compléter le financement largement privé et personnel de la
remise en état du bâti. - Photo : Abbaye de Combelongue : bord du
toit de la chapelle Nord. -
Il s'est aussi soigneusement documenté pour étayer sa réflexion et créer pour ce lieu exceptionnel un écrin de verdure formé d'espaces thématiques qui le mettraient en valeur, jardin médiéval, jardin à la française, verger, bosquet, sachant prévoir et attendre la croissance des plantes, si bien que le visiteur qui pénètre dans la propriété a l'impression qu'il en a toujours été ainsi. Lorsque nous arrivons, nous le surprenons en tenue de jardinage, chaussé de hautes bottes de caoutchouc, les mains imprégnées de terre et de sève. Qu'importe, il suspend son activité favorite pour nous présenter son unique chambre d'hôte, aménagée dans l'ancienne chapelle Nord attenante à l'église Saint Laurent de Combelongue qui est de nouveau consacrée par l'évêché pour y célébrer messes et mariages et qui est inscrite depuis juin 1992 au titre des monuments historiques. .Nous partons ensuite en exploration, sous la direction de notre mentor, dans le parc qui a été également inscrit en 2007, de même que la maison, au titre des vestiges archéologiques. - Photo : Abbaye de Combelongue : Chevet de l'église St Laurent. -
Alors que nous nous trouvons au pays de la pierre, il nous fait remarquer que ce monument est entièrement composé de briques, fabriquées à partir d'une argile extraite de la dépression marneuse de l'Arize, la rivière qui continue de creuser la célèbre grotte du Mas d'Azil, à quelques kilomètres de là. Cette matière première a alimenté jusqu'à la fin du XIXe siècle une industrie potière locale dont la spécialité était la fabrication de "dournes", des cruches servant à la corvée de l'eau, dont quelques rares spécimens ont résisté aux outrages du temps à Rimont. Notre guide nous signale également le chevet de l'église dont le décor typique du premier art roman arbore un style mudéjar, car le fondateur de l'abbaye, Arnauld d'Austria, avait entre autres possessions le comté de Pallars, un territoire du versant Sud pyrénéen issu de la Reconquista au IXe siècle par Guillaume 1er, comte de Toulouse. Pour sa construction en 1138, il a dû faire appel à la main d'oeuvre très qualifiée des musulmans de la péninsule ibérique devenus sujets des royaumes chrétiens après le XIe siècle, pendant la période de tolérance, et qui étaient traités de "mudéjar", déformation d'un terme arabe qui signifie "domestiqué". Le matériau de construction de prédilection des mudéjars était justement la brique, et, parmi les éléments de style, on peut relever, d'une part, l'arc outrepassé (ou en fer à cheval), plus grand que le demi-cercle, une variante de l'arc en plein cintre apparue au Ve siècle dans le Bas-Empire romain, et surtout l'alfiz (encadrement rectangulaire de l'arc). Arnauld d'Austria placera l'un de ses fils, Antoine, à la tête de l'abbaye. - Photo : "Faon aux oiseaux", réinterprété en femelle d'isard mettant bas, oeuvre du Magdalénien trouvée dans la grotte du Mas d'Azil (Extrémité ornée d'un bâton propulseur en bois de renne). -
L'abbaye de Combelongue appartient à l'ordre des Prémontrés, fondé par Norbert de Xanten en 1121 à une époque où d’autres communautés prennent naissance (chartreux, cisterciens, victorins…) en réaction à la centralisation et la richesse de l'ordre de Cluny. En effet, le succès de ce dernier a éloigné ses membres de la règle initiale de Saint Benoît (humilité, pauvreté, charité). Ils sous-traitent désormais les activités manuelles agricoles pour se consacrer exclusivement aux activités intellectuelles du scriptorium, de l'exercice du plain-chant et de l'office divin - sans parler du pouvoir temporel exercé par les abbés -. Les historiens attribuent à plusieurs causes l'essor des monastères au Moyen Âge. "Enjeu politique : ils sont un objet de pouvoir, sur lequel les grands misent pour renforcer leur emprise sur un territoire. Ils sont aussi un lieu de pouvoir, avec l'indépendance de certains ordres comme Cluny, l'influence des chefs d'ordre, comme Pierre le Vénérable, Bernard de Clairvaux, Suger. Enjeu économique : les monastères, grands propriétaires terriens, sont des centres économiques importants dont la richesse n'est que partiellement redistribuée par la pratique de l'aumône et de l'accueil des indigents. La vie autarcique des cisterciens aura à terme une influence non négligeable sur l'économie générale : système des granges et des celliers, assainissement des terres par l'adduction d'eau et la pisciculture, canalisation de l'eau au service des moulins et des foulons, hauts-fourneaux. - Photos : Abbaye St Laurent de Combelongue. Nef de la cathédrale de St Lizier, consacrée en 1117. -
Enjeu culturel : le monde clos du monastère a sa culture propre, faite de littérature classique, de l'Écriture sainte et de la tradition des Pères de l'Église. Enjeu spirituel : En Occident, à la charnière des XIe et XIIe siècles, nombreux sont les fidèles qui cherchent de "nouvelles voies de la perfection". Cependant, pèlerinages et croisades ne nourrissent pas spirituellement tous les croyants. Le monastère est un refuge pour qui désire avoir un rapport absolu avec Dieu. Cette recherche suppose une séparation du monde, dans l'anticipation de la vie céleste. La tâche des moines est de prier pour ceux qui n'ont pas embrassé comme eux cette vie fondée sur l'abandon de soi dans l'amour de Dieu." La vocation des Prémontrés est ainsi de vivre l’idéal de la première communauté chrétienne de Jérusalem, décrite au début du livre des Actes des Apôtres, en suivant la Règle de saint Augustin édictée au Ve siècle, pour permettre à des clercs de mener la vie commune et le service pastoral de l’Eglise. En l'espace d'une décennie, ils sont déjà cinq cents frères et plus de mille religieuses. Cet ordre réunit des chanoines réguliers qui vivent du travail manuel agricole, pratiquent la prière et l'ascétisme, animent les paroisses en assurant le service divin et exercent des fonctions sociales allant de l'éducation au service des malades. L'abbaye St Laurent de Combelongue sera riche et prospère jusqu'au XIVe siècle, où elle compte une centaine de religieux. Sa taille, bien plus importante que les vestiges qui subsistent ne le laissent imaginer, est alors comparable à celle de Moissac et toutes les grandes familles de la région lui confient un de leurs enfants. - Photos : Cathédrale St Lizier et son cloître. -
Le lendemain de notre arrivée sur les lieux, nous partons en excursion pédestre depuis l'abbaye en empruntant la route asphaltée qui mène au hameau de Pujol. Elle se convertit en un chemin de terre balisé qui amorce le circuit des crêtes qui culmine à 917 m au pic d'Eychenne et 939 m au Roc de Castillon. J'avais imaginé, avant de venir, que la végétation serait un peu méditerranéenne, à l'instar de la vallée du Conflent que nous avions explorée en 2008. Point du tout ! En réalité, le parc naturel régional des Pyrénées ariégeoises (PNR), créé en 2009, qui comprend St Girons mais exclut Foix à sa limite orientale, est en contrebas du massif de l'Aneto dont nous voyons les sommets enneigés, et de l'Andorre, avec une végétation qui s'apparente davantage à celle des Pyrénées centrales. Ce qui nous étonne aussi, c'est le couvert forestier très dense, y compris sur les collines du piémont. Le PNR de 2 465 km² englobe 142 communes pour 43 500 habitants (2006), à comparer avec le Pays basque Nord, 2 995 km², 158 communes et 275 000 habitants, soit une densité démographique 5 fois moindre dans cette portion de l'Ariège qui échappe à la pression immobilière dont nous pâtissons tant sur la côte atlantique. Le syndicat mixte de gestion du PNR souhaite préserver, valoriser ce patrimoine et en faire un vecteur de développement économique, mais "durable", et il s'est doté pour ce faire d'un Agenda 21. Autre différence, les vallées ici ne sont pas perpendiculaires, mais parallèles à la chaîne, de même que le petit massif dont nous faisons l'ascension. Cette géographie induit des micro-climats plus rudes dans les fonds de vallons exposés au Nord. Nous le constatons en comparant l'avancement plus tardif de la floraison et du feuillage dans le parc de l'abbaye. - Photos : Gisant dans le cloître de la cathédrale St Lizier - Ci-dessous : Panorama depuis le chemin de crête du circuit du Roc de Castillon. -
Le syndicat mixte du PNR s'est porté candidat au pôle d'excellence rurale pour la valorisation du bois local. "La forêt est une composante majeure du PNR : elle occupe plus de la moitié de sa surface. Issue d’une évolution relativement récente des modes de vie ariégeois (abandon de l’agriculture vivrière en montagne, déprise agricole, exode vers les villes - principalement Toulouse) et d’un changement rapide des paysages (à l’échelle d’un siècle), elle constitue aujourd’hui une des principales ressources naturelles du Parc. Pourtant, elle n’est pas encore perçue comme telle, et ce, malgré des potentialités avérées. Cet état d’esprit ainsi qu’un certain nombre de handicaps naturels ou historiques font qu’aujourd’hui elle est largement sous-exploitée et très peu gérée : fort morcellement et absence de culture forestière chez les propriétaires privés, difficultés liées à l'exploitation en montagne (pente, accès). Cette absence de gestion empêche toute amélioration de la qualité des peuplements et par voie de conséquence, de celle du bois qui peut en être issu. En outre, la faible quantité de bois d’œuvre récolté dans le PNR est jusqu’à présent majoritairement exporté non transformé vers l’Espagne ou le Portugal, tandis que les scieurs, les artisans charpentiers et menuisiers, bien présents sur le territoire, importent la quasi-totalité de leur bois depuis des régions plus ou moins éloignées." Parallèlement, le Plan de revitalisation du Couserans (intégralement inclus dans le PNR), établi suite à la fermeture de l’usine papetière de Lédar, prévoit de soutenir le développement de la filière bois. - Photo : Conifères et hêtres sur le circuit du Roc de Castillon. -
Ce thème de l'emprise humaine sur la nature m'intéresse beaucoup, et je me demande s'il est inéluctable (et indispensable) que nous gérions ainsi l'ensemble du territoire, ou bien s'il est possible (et souhaitable) de préserver la majorité de l'espace de toute exploitation, le laissant retourner à l'état sauvage, et ne garder la maîtrise que d'une faible portion pour nos propres besoins. Je me suis penchée sur la relation entre la démographie et le climat au cours des deux derniers millénaires, pour mettre en perspective notre emprise sur l'aire européenne. Entre 2650 et 2000 avant notre ère, les langues glaciaires s'arrêtaient à une altitude supérieure d'au moins 300 mètres à aujourd'hui, ce qui permit aux Romains de franchir aisément les Alpes. Cette période est appelée l'optimum climatique romain. Jean Deruelle expliquait en 2001 par contre que la fin de l'empire romain fut marquée par un fort refroidissement climatique qui obligea les populations les plus exposées à migrer, comme les Alains par exemple, qui franchirent le Rhin gelé à pied ! La démographie en chute libre a atteint son plus bas niveau en 542, avec l'épidémie de peste dite "de Justinien". Contrairement à ce que l'on pourrait croire, à cette époque l'habitat n'est pas dispersé : les établissements médiévaux sont populeux et séparés par de grandes régions sauvages inhabitées. Etre seul, hors de toute communauté, équivalait alors à une mort certaine. - Photo : Un hameau isolé en contrebas du Pic de Castillon. -
Les températures remontent, et les hivers souvent doux jusqu'en 750, associés à moins de tempêtes sur l'Atlantique Nord, permettent la colonisation des Iles Feroe et de l'Islande. L'augmentation de la population s'accompagne d'une nouvelle vague de défrichements (qui avaient été initiés dès le milieu du Néolithique, César n'étant gêné par la forêt qu'en "Belgique", constituée alors des Pays bas, de la Belgique actuelle et du Nord de la France. Mais les conditions se durcissent de nouveau, et durant l'hiver 763-764, sous Charlemagne, les oliviers gèlent et les Dardanelles charrient des glaçons. Ce refroidissement culmine au Xe siècle, puis le climat se réchauffe encore. A l'optimum climatique qui durera jusqu'en 1350, la région de Stockholm bénéficie d'un climat semblable à celui de la côte d'Azur actuelle, les Vikings découvrent le Groenland (le pays vert !) en 982, le Labrador et Terre-Neuve en Amérique du Nord vers l'an 1000. Les Européens dont la population grandit reprennent les défrichements, rendent cultivables les zones autrefois occupées par les forêts et les marais. Ils s'établissent au-delà de l'Elbe, créent les Etats latins d'Orient suite aux Croisades vers Jérusalem, reconquièrent l'Espagne sur les Maures, les Normands colonisent le Sud de l'Italie. - Photo : Bovins sur le circuit du Roc de Castillon. -
En 1154, l'abbaye St Laurent de Combelongue reçoit le roi Louis VII, en route vers Saint-Jacques de Compostelle. Cette mobilité entraîne des échanges culturels, et les doctrines moyen-orientales qui sont à la source du catharisme se répandent vers l'an mille en Europe. Des tentatives d'éradication des hérésies cathares et vaudoises s'effectuent par le biais de la prédication, d'abord par l'ordre des cisterciens, puis les franciscains et les dominicains à partir de 1216. Constatant l'échec de la méthode, le pape Innocent III lance en 1208 contre les « Albigeois », ou cathares, la première croisade qui se déroulera sur le territoire de la chrétienté occidentale. Navarrus, fils de Raymond Arnaud II de Gascogne, vicomte d'Acqs et seigneur de Mixe, et d’Étiennette, comtesse de Bigorre, a d'abord été chanoine d'Acqs avant d'embrasser la règle des Prémontrés. Il devient le quatrième abbé de l'abbaye de Combelongue en 1199. En 1208, il est appelé au siège épiscopal de Couserans et choisi comme légat par le Pape. De concert avec l’évêque Foulques de Toulouse, il s’oppose aux Albigeois en 1209 à Montréal (Aude) et en 1212 au Colloque de Pamiers. Son zèle et son éloquence le font surnommer "la terreur et le marteau des hérétiques albigeois". L'alliance du pouvoir royal français avec le Pape est intéressée : Philippe Auguste veut soumettre les seigneurs du Sud, ses vassaux trop indépendants, et s'emparer des richesses enviées du Comte de Toulouse. Néanmoins il ne voudra jamais participer personnellement à cette croisade, laissant toutefois ses vassaux libres dans toutes leurs actions. La guerre durera vingt ans (1209–1229). - Photo : La cathédrale de St Lizier. -
Après une baisse entre 1180 et 1220 liée à la croisade des Albigeois, la natalité reprend rapidement et la création des bastides va concorder avec cette nouvelle demande d'urbanisation. « En 1267, l’abbé de Combelongue supplie Alphonse de Poitiers de construire une bastide au lieu dit Castillon, en Avantès. Le comte ordonne en 1269 une enquête qui aboutit à un sursis pour une plus ample information car l’opération lèse le comte de Comminges. En 1272 enfin, l’abbé donne en paréage à Eustache de Beaumarchais, sénéchal de Toulouse, toutes ses possessions en Avantès à condition qu’une bastide y soit fondée : ce sera Rimont, et ce malgré les protestations du comte de Comminges. Une Charte de coutumes est accordée aux habitants en 1273. Pour encourager son peuplement, elle énonce que "Toute personne qui viendra habiter le lieu sera libre » (ce qui signifie, délivrée du servage féodal). Le bourg est fortifié sur un tracé linéaire qui subsiste encore aujourd'hui. Au lieu-dit "Au bout de la ville" se dressaient jadis une porte donnant sur un fossé que l'on franchissait sur un pont-levis et des restes de fortifications. La charte sera renouvelée en 1354 (paréage entre l’abbé de Combelongue, Bernard, et le roi de France, Philippe le Hardi qui devient co-seigneur de Rimont). (Claude Pailhès dans « Archives ariégeoises », n°1 « Les cadres institutionnels du Couserans médiéval » - 2009). Le moulin de Combelongue construit à la même époque fonctionnera jusqu'en 1910. Pourquoi l'abbé a-t-il tant besoin de la création d'une bastide, une "ville neuve", à proximité de l'abbaye ? - Photo : Moulin d'Argein. -
Vers l'an Mil, en raison d'une démographie croissante, un grand mouvement d'urbanisme se développe dans toute l'Europe. En France, débute l'essor des castelnaus, des sauvetés et enfin des bastides. Mais la construction de ces dernières va être un mouvement d'une ampleur inégalée, et surtout planifié et organisé. Durant le Moyen Âge, le sud-ouest de la France actuelle est une zone de friction entre les rois de France et d'Angleterre, à cause du Duché d'Aquitaine et du comté de Toulouse. C'est dans cette région que vont surgir durant 150 ans ces nouveaux villages, appelés bastides, au fil des gouvernances et des conflits. De Libourne à Carcassonne, et de Rodez à Mont-de-Marsan, quatorze départements actuels sont concernés, correspondant à une vaste zone de 50 000 km². - Photo : Illartein. -
Personnages de haut rang, les fondateurs des bastides sont les comtes de Toulouse Raymond VII et Alphonse de Poitiers, les rois de France Louis IX, Philippe III le Hardi, et Philippe IV le Bel, les rois d'Angleterre Henri III, Édouard Ier, Édouard II et Édouard III, les grands subordonnés, comme les sénéchaux Doat Alaman, Eustache de Beaumarchès et Jean de Grailly, agissant au nom et pour le compte de leur souverain, les seigneurs locaux, avec entre autres les comtes de Foix, les comtes du Comminges, les comtes d'Astarac, les autorités religieuses, comme des évêques ou des abbayes. Les motivations peuvent être politiques, comme l'implantation du pouvoir royal français sur le comté de Toulouse annexé après la croisade albigeoise, ainsi que le besoin d'autonomie de certains seigneurs, économiques pour la mise en valeur de terres incultes ou de forêts inexploitées, ou encore le développement de foires et de marchés qui constituent un moyen de perception de revenus conséquents pour les fondateurs, démographiques pour regrouper un habitat dispersé, et enfin sécuritaires afin de protéger les populations du brigandage et des conflits. - Photo : Château de Castillon en Couserans. -
Selon certains historiens, en 1300, l'Europe est surpeuplée. L'Angleterre était passée d'environ un million d'habitants en 1086, à une population de 5 à 7 millions. La France de 1328 était géographiquement plus petite qu'aujourd'hui mais avait déjà entre 18 à 20 millions d'habitants, niveau qui ne sera dépassé qu'au début de l'Époque moderne. La Toscane comptait 2 millions d'habitants en 1300, un nombre qu'elle ne retrouvera qu'en 1850. Globalement, la population de l'Europe était de 70 à 100 millions d'habitants. À titre de comparaison, les 25 états membres de l'Union européenne avaient, en 2006, une population totale de 454,5 millions. Le gain de la récolte au XIVe siècle représentait seulement entre 2 et 7 grains pour 1, tandis qu'aujourd'hui c'est du 300 pour 1, voire plus, alors que la population de l'Europe n'a que quadruplé par rapport à cette période relativement faste de la fin du Moyen Age. - Photo : Moulin d'Argein. -
Mais un demi-siècle
plus tard, les conditions climatiques se détériorent. Le
dernier bateau scandinave ayant établi une liaison avec les colonies s'échoue
en 1347 en Islande. La route est alors
définitivement coupée et les derniers Vikings groënlandais, privés de
vivres et de bois de chauffage, finissent par disparaître, victimes du
froid et de la faim…C'est aussi le début de la peste noire qui frappera
l'Europe jusqu'en 1352, tuant 30 à 50 % de la population. L'abbaye de
Combelongue en sera affectée, et souffrira aussi de la guerre de Cent
ans qui sévira de 1337 à 1453. Ce n'est pas étonnant si elle commence à
décliner à partir de 1446. Un siècle plus tard, les guerres de religion
font rage, alors que le climat empire, au point que les scientifiques
l'ont appelé "le Petit âge glaciaire", qui durera jusqu'à 1850 avec
quelques fluctuations. - Photo : Vallée de Castillon en Couserans. -
Notre hôte nous raconte une anecdote. Un
jour, alors qu'il relatait l'histoire de l'abbaye à tout un groupe formé
d'une seule famille sur trois générations, le grand-oncle se met en
colère et conteste la version proposée par le propriétaire des lieux et
ne croit pas que les Protestants se soient livrés à des exactions à
l'encontre de l'abbaye et de ses chanoines (il est lui-même de
confession protestante). Les
enfants et petits-enfants demanderont ensuite à Jean-Luc
Mirguet-Avanzi de bien vouloir l'excuser. C'est pourtant un fait avéré
que, dès le début du XVIe siècle, la Réforme a fait des progrès rapides
dans tout le comté de Foix. Protégés par les seigneurs,
les ministres y propagent librement leurs doctrines, et les protestants
ne tardent pas à se montrer en armes de tous côtés. Pamiers, le Mas
d'Azil, Saverdun (09) sont leurs principaux centres dans la contrée, et
de là, leurs bandes, qui trouvent de la sympathie dans les régions
avoisinantes, s'y répandent, brûlant les monastères, tuant les prêtres
et portant la désolation et le ravage dans les propriétés des
catholiques et dans les villes qui n'ont pas embrassé leur parti. -
Photo : Ancolie. -
En 1520, la forêt ne représente plus que 25 % du territoire national, malgré la création de l'administration des eaux et forêts en 1291 par Philippe le Bel et l'instauration du premier code forestier en 1346 par Philippe de Valois qui s'inquiète de la baisse des réserves de bois (principalement utilisé pour se chauffer) en raison de l'accroissement de la population. Au XVIIe s., Colbert et Louis XIV accroissent les ponctions de bois pour la construction des maisons et pour la marine, si bien que de 1661 à 1669, un nouveau code est élaboré visant à réorganiser l'exploitation sylvicole et en assurer la pérennité.
Les
avancées
glaciaires qui ponctuent les refroidissements périodiques
enregistrés vers l'an 900, au XIIIe s., vers 1600, au cours du XVIIe
s., vers 1820 et 1850 seraient plutôt dues à une augmentation notable
des précipitations, plus qu’à une baisse significative des
températures. Ainsi,
l’avancée des glaciers serait la conséquence d’une hausse de plus de
25% des chutes de neige hivernales, tout particulièrement durant la
première partie du Petit âge glaciaire. Ceci a favorisé l’accumulation
glaciaire, faisant basculer le bilan de masse dans le sens d’une
nouvelle progression des glaciers. En
Europe, ce phénomène est accompagné d'une série de mauvaises récoltes,
de famines et de plusieurs catastrophes naturelles, telles que les
vidanges de lacs glaciaires comme dans le Val de Bagnes qui détruit
une partie de la ville de Martigny en 1595, ou du lac de Matmark dans
la haute vallée de Sass. De tels événements ne préoccupent guère les
hommes de sciences et ne sont
mentionnés que dans les chroniques locales.
Les acquis scientifiques récents indiquent une extrême vulnérabilité du système climatique, et ses réactions imprévisibles, de type catastrophique, seraient dues à des modifications parfois infimes. Au cours de la dernière période glaciaire, des réchauffements climatiques extrêmement brusques, pouvant aller jusqu’à 16 degrés en quelques décennies, suivis d’un refroidissement graduel, se sont répétés selon un cycle de 1470 ans en moyenne. Ils seraient la conséquence d’un forçage solaire, correspondant à la combinaison de plusieurs cycles astronomiques de durée plus courte et entrant en résonance. Le réchauffement dont ils témoignent au Groenland paraît couplé avec un refroidissement conjoint de l’Antarctique, sans doute par des modifications de la circulation océanique. Les indices trouvés dans les glaces du Groenland montrent que ces événements s’accompagnent d’un changement extrêmement brutal des températures.
Paradoxalement, donc, la déglaciation (causée par un réchauffement) peut conduire à une péjoration climatique violente ! La révolution française finira d’apporter son lot de pillages et de destructions. Son déclenchement correspond à des périodes de disparition ou d’affaiblissement des taches solaires associées à des périodes froides : le minimum de Maudner (1645-1715) et le minimum de Dalton (1790-1820) coïncident avec les grandes poussées du Petit Age glaciaire. Une infime modification de l’activité solaire de 0,01 % induirait, semble-t-il, de grandes variations climatiques. Au cours du XIXe siècle, la population de Rimont ne cesse de diminuer. En 1827, à l'aube de la révolution industrielle, la forêt ne constitue plus que 16 % du territoire français et un nouveau code est promulgué qui déclenche notamment la « guerre des Demoiselles » en Ariège (1829 - 1832), le mouvement de contestation le plus connu parmi ceux qui se développent dans les Pyrénées au XIXe siècle et qui se poursuivra de façon sporadique jusqu'en 1872. - Photo : Têtard. -
Elle doit son nom au fait que les paysans apparaissent déguisés en femmes, avec de longues chemises blanches ou des peaux de moutons, des foulards ou des perruques, le visage noirci ou caché, pour attaquer — essentiellement la nuit — les grands propriétaires, les gardes forestiers et gendarmes, les maîtres de forges et les charbonniers. Les chartes octroyées sous l'Ancien Régime avaient survécu à la Révolution et les populations pyrénéennes conservaient le droit d'affouage, de pacage et de "bois mort". Ce nouveau code « les prive de bois mort pour le chauffage, de feuilles mortes utilisées pour les animaux dans les étables ou comme engrais, de bruyères et de genêts qui servent de fourrage, du pacage pour le bétail et de la cueillette des baies et fruits sauvages et de champignons ». Sur le fond, cette loi est toujours en vigueur à l'heure actuelle. La maladie de la pomme de terre, en 1845, provoque une famine et, en 1854, la grave épidémie de choléra finira de décimer la population. Cette misère incite à une émigration massive et la population de Rimont passe de 3000 habitants en 1885 à 1200 en 1913. Elle compte 502 personnes en 2006. - Photo : Myrtilles. -
Que reste-t-il de ces "Demoiselles"
aujourd'hui ? Une étude sociale et historique a été commanditée par
le syndicat mixte du Pays Couserans et remarquablement réalisée par
l'ethnologue Arnauld Chandivert et l'occitaniste Pierre Cambus. Elle
avait pour objet de parcourir des lieux dont les noms attribués dans le
cadre de l'activité agro-pastorale font écho à un mode de pensée, un
savoir et un mode de vie révolus, et qui constituent désormais un
patrimoine qu'il fallait mémoriser avant qu'il ne se perde avec la
disparition des derniers éleveurs. J'ai retrouvé dans cette évocation
bien des passages qui font écho au livre de Claude Labat "Libre parcours dans la mythologie
basque avant qu'elle ne soit enfermée dans un parc d'attraction", ce qui
montre bien qu'il existe une véritable unité d'un mode de vie pyrénéen
qui a été détruit volontairement par l'Etat, du moins en Couserans.
- Photo : Hêtraie.
Cette petite rétrospective historico-climatique permet ainsi de porter un nouveau regard sur nos comportements. La double question que je me posais à propos de notre emprise sur le territoire était-elle vraiment pertinente ? Les Vikings sont partis à la conquête du monde dès qu'ils ont eu une embellie climatique, et nous avons fait de même quelques siècles plus tard. Inversement, les intempéries et les frimas ont précipité les populations nordiques, d'Europe centrale et d'Asie vers des contrées plus clémentes - les nôtres -, plongeant les populations envahies dans un chaos indescriptible. Le souvenir de ces périodes calamiteuses assorties d'épidémies végétales, animales et humaines nous a fait oublié que les périodes fastes permettaient de subsister sans peine en complète autarcie, au niveau d'un monastère, d'un fief ou d'une province. Seule la surpopulation induite par ces aléas climatiques bons ou mauvais a engendré périodiquement la dilapidation des ressources naturelles. Saurons-nous un jour maîtriser notre démographie et nous abstraire de ce conditionnement climatique afin de vivre en paix dans ce paradis que pourrait être la Terre ?
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Claire N. Tu remarqueras la dévotion à Saint Laurent
que l'on retrouve dans de très nombreuses paroisses en Aragon ainsi qu'au
Pays basque, Béarn et Aquitaine. Cela vient sans doute de l'origine de ce
saint qui est né dans le secteur de Saragoza en Aragon où on y parlait
encore la langue euskarienne de l'époque. Laurent a été tué en 258
alors qu'il était attaché aux finances du Pape Sixte II... Il existe une
association internationale qui regroupe les villes et villages portant le
nom de Saint Laurent. Chaque année un rassemblement est organisé dans une
de ces villes. J'ai personnellement participé au rassemblement organisé à
Saint Laurent de Gosse en 2005... mais je ne suis pas allée à saint
Laurent du Maroni. Tu as inséré le moulin de Argein, ainsi que des
peintures de l'église... L'étymologie de ce nom d'Argein fait penser à
ARGAIN "au-dessus de la pierre". Un Dictionnaire basque des Pyrénées vient
d'être publié mais je ne l'ai pas encore lu, ni vu.