Pour
introduire mon propos, je vous invite à découvrir
la petite sœur de la Voie lactée, la galaxie d’Andromède
(M31). Elle présente un aspect bien différent, selon les longueurs
d’ondes qui sont perçues par les télescopes spatiaux
en orbite hors de l’atmosphère terrestre. Le satellite Planck
scrute les émissions de micro-ondes provenant des particules de poussières
très froides, à quelques dizaines de kelvins (0 kelvin =
-273,15°Celsius, c'est le zéro absolu). -
Image radio
colorée de la Galaxie d'Andromède, M31 - R850/0054 Rights Managed
-
Credit:
Max-Planck-Institut für radioastronomie/ Science Photo Library -
Sur
cette image (ci-dessus), en ondes radio de longueur d’onde 6,3
cm dont les couleurs représentent l’intensité, du
bleu (la plus faible) au rouge (la plus forte), le champ magnétique
et les particules des rayons cosmiques sont concentrés sur un
anneau autour du centre à une
distance d’environ 30 000 années lumière. Les lignes
noires qui ont été ajoutées montrent l’orientation
du champ magnétique. Celui-ci pourrait contribuer à la formation
de nouvelles étoiles.
Les
poussières un peu plus chaudes sont observées dans
l'infrarouge, c’est à dire des longueurs d’onde un peu
plus petites que les précédentes, par le télescope spatial
Herschel. Elles révèlent les régions où des étoiles
se forment actuellement, dans les bras de la galaxie spirale. - Photos :
La Galaxie Andromède
dans l'infrarouge lointain et le visible. Credit: Robert Gendler (visible)
; ESA / Herschel / SPIRE / HELGA (far-infrared).
-
En lumière visible, comme on peut la voir également avec des télescopes optiques depuis la Terre, nous pouvons voir ses étoiles, mais comme nous le constatons, il ne s’agit là que d’une petite fraction du spectre des radiations électromagnétiques émises par la galaxie.
En
ultraviolets et en rayons X, des longueurs d’onde plus courtes
que dans le domaine du visible, le télescope spatial XMM-Newton a
révélé les étoiles plus vieilles, certaines approchant
de la fin de leur vie. Il montre aussi celles qui ont déjà explosé en
envoyant des ondes de choc à travers l’espace environnant. - Photo :
Date: 05 Jan 2011 -
Satellite: XMM-Newton -
Depicts: M31 - Andromeda Galaxy -
Copyright: ESA/XMM-Newton/EPIC/W. Pietsch, MPE. -
En
se concentrant sur le noyau de la galaxie depuis 2002, ce télescope
a mis en évidence les phénomènes les plus énergétiques,
comme les étoiles variables dont quelques unes ont terminé en
grandes explosions que l’on nomme les "novae". Les longueurs
d’onde UV sont également envoyées par les étoiles
extrêmement massives. Ce sont de jeunes étoiles qui ne vivront
pas longtemps. Elles épuisent leur "carburant nucléaire"
et explosent en supernovae en quelques dizaines de millions d’années
après leur naissance. - Photo :
M31 (Galaxie d'Andromède) données aux rayons X de NASA's Chandra
X-ray Observatory en jaune, données infrarouges
du Spitzer Space Telescope en rouge. Crédit: X-ray: NASA/CXC/MPA/
M.Gilfanov & A.Bogdan;
Infrared: NASA/JPL-Caltech/ SSC. -
La lumière ultraviolette est d’ordinaire absorbée par la poussière interstellaire et ré-émise dans l’infrarouge, celle qu’on voit directement correspond donc à des parties d’Andromède relativement claires et dépourvues de poussière. Ainsi, en rassemblant toutes ces observations dans les différentes longueurs d’onde, les astronomes peuvent suivre le cycle de vie des étoiles de cette galaxie.
La spectroscopie
Etant
donné les dimensions énormes de notre univers, la
principale source d’information des astronomes est donc la lumière,
ou plus exactement le rayonnement électromagnétique qui émane
du ciel. Je rappelle qu’en 1666, Isaac Newton, en faisant passer les
rayons solaires à travers un prisme, a obtenu ce qu'il appelait un
spectre, c’est à dire la décomposition de la lumière
blanche en plusieurs couleurs grâce au phénomène de la
réfraction. - Image :
Spectre de Newton. -
En
1814, Joseph von Fraunhofer a observé, décrit et dessiné le
spectre du Soleil, puis en 1823 celui des planètes et des étoiles
les plus brillantes. John Herschel et W. Fox Talbot ont suggéré d'utiliser
la spectroscopie pour l'analyse chimique des substances. - Schéma :
Spectre du Soleil par Fraunhofer. -
Dès la fin du XIXe siècle, les chimistes (Bunsen, Kirchhoff) savent que la lumière émise par un élément "excité" (chauffé) se décompose en un spectre dont les raies sont caractéristiques, comparables à une "empreinte digitale" qui permet de le reconnaître. C’est ce que l’on appelle le spectre d’émission. Le spectre d’absorption est obtenu lorsqu’une lumière traverse un gaz : il présente des raies noires qui sont comme le négatif de l’empreinte digitale de ce gaz. - Schéma ci-dessous : Spectre continu, spectre d'émission, spectre d'aborption. -
Télescopes optiques, radio, infrarouge
Parallèlement à ces
recherches, les télescopes
se sont perfectionnés. En 1922, le plus puissant se trouve à l’observatoire
du Mont Wilson, aux Etats-Unis, où l’Américain Edwin
Powell Hubble pointe le télescope Hooker sur ces objets diffus que
l’on regroupait sous l’appellation de nébuleuses. Il voit
ainsi qu’il y en a deux catégories, les unes réfléchissant
la lumière, les autres en émettant, et il découvre en
1923-1924 que certaines sont formées en réalité de multitudes
d’étoiles. Il fournit ainsi pour la première fois la
confirmation de l’existence des galaxies. - Photo : Edwin Powell
Hubble. -
En 1931, Karl Jansky, qui travaillait pour les Bell Telephone Laboratories aux Etats-Unis, construisit une antenne pour déceler les interférences radios. Il constata que les grésillements étaient causés par des tempêtes lointaines, mais que les sifflements provenaient de l'espace. Après la Seconde Guerre mondiale, le développement de la technique des radars suscite un essor rapide de la radioastronomie. Elle offre une meilleure connaissance du fonctionnement du Soleil, de la structure des galaxies, et elle permet surtout des découvertes inattendues, comme l’existence des quasars, des pulsars, du rayonnement diffus cosmologique, ainsi que la richesse insoupçonnée du milieu interstellaire en molécules dont seules quelques-unes sont connues en 1970. - Photo : Le télescope Hooker de 2,50 mètres de l'observatoire du Mont Wilson où E. Hubble fit ses principales découvertes. Crédits : observatoire du Mont Wilson. -
C’est la raison pour laquelle la
France, l’Allemagne et
l’Espagne s’unissent en 1979 au sein de l’IRAM, l’Institut
de Radio-Astronomie Millimétrique, pour
construire et exploiter deux observatoires, un interféromètre
composé de six antennes
sur le plateau de Bure, dans les Alpes, et un télescope de 30 mètres
de diamètre sur le pic Veleta près de Grenade. Les astronomes
analysent les émissions en provenance des gaz moléculaires
et des poussières aussi bien dans notre galaxie la Voie lactée
que dans les profondeurs les plus lointaines de l’univers. Ainsi
plus d'une centaine de molécules sont décelées, qui
contiennent très souvent du carbone, et sont parfois relativement
complexes avec plus d'une dizaine d'atomes. - Photo :
Nuage interstellaire (dans la nébuleuse IC1396), d'apparence bien
développée dans le proche infrarouge, hébergeant de
nombreuses étoiles en formation. L'aspect filamentaire provient
des effets d'érosion du vent stellaire d'une étoile massive
(hors champ, sur la gauche du cliché). Crédit : NASA/Spitzer.
-
Toutefois,
le domaine de la radioastronomie est limité, au niveau
du sol, par la transparence de l'atmosphère aux ondes radio, et elle
couvre les longueurs d'onde allant du millimètre (radioastronomie
millimétrique) à environ 15 m. Sa limitation vers les courtes
longueurs d'onde provient de l'absorption du rayonnement électromagnétique
par les molécules d'oxygène et de vapeur d'eau de l'atmosphère
; sa limitation vers les grandes longueurs d'onde est due à l'ionosphère,
qui réfléchit vers l'espace les rayonnements radioélectriques
d'origine céleste dont la longueur d'onde est supérieure à 15
m.
L’astronomie dans l’infrarouge,
quant à elle, a commencé dès
les années 1830, après la découverte de ce rayonnement
par William Herschel en 1800, mais
elle n’éveille véritablement
l’intérêt des astronomes que vers 1960. Il s’agit
d’un éventail de longueurs d’ondes compris entre 0,75
et 300 micromètres, qui se trouve entre la lumière visible
(300 à 750 nanomètres) et les ondes submillimétriques.
Ce rayonnement traverse aisément le milieu interstellaire, mais
il est en revanche absorbé en grande partie par notre atmosphère,
ce qui réduit les possibilités d’observations depuis
la Terre. Les observations dans le domaine de l'infrarouge proche (entre
700 et 2500 nm) peuvent être conduites sur Terre, à l'aide
d'un télescope optique muni d'un détecteur sensible à l'infrarouge
type CCD. La détection d'ondes de longueur supérieure à 2500
nm est quant à elle fort compliquée : elle nécessite
non seulement une atmosphère sèche - c'est en effet la vapeur
d'eau présente dans l'atmosphère terrestre qui est responsable
de l'absorption des photons infrarouges -, mais il faut également
refroidir tout objet en contact avec le télescope et le détecteur
lui-même.
- Photo :
Nuage interstellaire (dans la nébuleuse IC1396), en lumière visible
et non infrarouge. On y distingue les résidus du nuage interstellaire
ayant conduit à une genèse stellaire. En effet, en lumière
visible, les régions les plus denses du nuage apparaissent totalement
obscures, ou réfléchissant le rayonnement intense des étoiles
jeunes nouvellement formées.
Crédit : NASA/Spitzer.
Crédit : NASA/Spitzer. -
Comme
nous l’avons vu pour la galaxie d’Andromède,
l'aspect du ciel en infrarouge est très différent de celui
que révèle la lumière visible. Les étoiles
se forment dans de grands nuages denses où le gaz est intimement
mêlé à des
grains de poussières. Ces nuages sont complètement opaques à la
lumière visible : sur des cartes du ciel ordinaires, ils apparaissent
sous l'aspect de grandes taches sombres. En infrarouge, au contraire,
ce sont des régions très brillantes. Le rayonnement des étoiles
en formation est absorbé par les poussières, qui, ainsi
chauffées, émettent
dans l'infrarouge. On peut aussi observer directement les étoiles
en formation grâce à leur rayonnement infrarouge propre
et mesurer le taux de formation d'étoiles d'une galaxie en fonction
de sa luminosité dans
l'infrarouge. Ainsi les objets avec des températures de quelques
centaines de Kelvin émettent le maximum de leur énergie
thermique dans l'infrarouge. - Photo :
Le satellite ISO. © Esa.
-
L'observation
dans l'infrarouge lointain (au-delà de 40 000 nm)
nécessite de placer le télescope en orbite autour de la Terre.
L'un des plus connus est IRAS (Infrared Astronomical Satellite), dont le
lancement remonte à 1983. Il réalisa la première carte
infrarouge du ciel, répertoriant plus de 200 000 sources. Le satellite
ISO, Infrared Space Observatory, de l'Agence Spatiale Européenne,
a été mis
sur orbite le 7 novembre 1995 et il a fonctionné jusqu’au 8
avril 1998, date à laquelle son hélium de refroidissement a été complètement
consommé. Nous pouvons voir sur la diapo (ci-dessous) quelques unes
de ses 30 000 observations projetées ici en coordonnées galactiques
: en noir, le système solaire (10% de son temps), rouge, la physique
stellaire (29%), vert, le milieu interstellaire (23%), bleu, extragalactique
(27%)
et magenta, cosmologique (11%). Il a aussi scanné la lumière
zodiacale, les nuages de Magellan et la région d’Orion. Le télescope
spatial Spitzer, lancé par la Nasa en 2003, a épuisé sa
réserve d’hélium en mai 2009, mais il a été reconfiguré pour
continuer ses observations. Le télescope Herschel de l’ESA a
pris le relais cette même année, de même que le Wide-field
Infrared Survey Explorer (WISE) de la Nasa, et le James Webb doit être
lancé en 2014. - Photo :
Le bouillement de gaz et de poussière (en bleu-violet) du plan de
notre galaxie spirale (la bande horizontale) masque les galaxies d'arrière-plan
(certaines sont indiquées) et le rayonnement fossile (en rouge-orangé).[Crédits:
ESA/ LFI & HFI Consortia] - Photo ci-dessous
: ISO - 30 000 observations, couvrant tous les champs de l'astronomie,
des comètes à la cosmologie. -
Le milieu interstellaire
Progressivement,
avec le perfectionnement des instruments et l’observation
en diverses longueurs d’onde, l’attention se porte sur le milieu
interstellaire. Bien qu'extrêmement ténu, il occupe un espace
si vaste qu'il représente une masse de 10 à 15% de celle de
l'ensemble des étoiles de notre Galaxie, c'est à dire de l'ordre
de 10 à 15 milliards de fois la masse de notre Soleil. Les grains
de poussière représentent 1% de la masse totale du milieu interstellaire,
le reste de la matière étant constitué de gaz. Les astronomes
comprennent chaque jour davantage son importance, puisqu’il constitue
le réservoir pour la formation des étoiles et de leur système
planétaire. Mieux encore, il est le siège de réactions étonnantes,
parmi lesquelles on découvre la synthèse de composés
organiques qui ont peut-être joué un rôle non négligeable
dans l’émergence de la vie sur Terre. En effet, pour complexe
qu’elle soit, la cellule, qui est la structure de base de toute vie,
n’est construite qu’à partir de 27 briques élémentaires – 20
acides aminés, 2 sucres et 5 molécules appelées bases
nucléotidiques –,
auxquelles
s’ajoutent quelques phospholipides
pour la membrane. L’association de ces éléments permet
de fabriquer les substances biologiques bien connues que sont les protéines,
les glucides, l’ADN… L’astrochimie n’a donc plus
pour unique objet la compréhension des réactions nucléaires
qui se produisent à l’intérieur des étoiles, mais également
celui d’élucider ce qui se passe à des températures
extrêmement basses entre les étoiles. - Illustration :
ADN. - Schéma :
Cellule. - Molécule : C2H4. -
Comment
progresser dans la compréhension des informations ainsi
collectées ? Les scientifiques n’analysent plus seulement
la composition des étoiles, mais aussi, à partir de 1965,
celle des molécules qui se forment dans les espaces intersidéraux
glacés, grâce à un va et vient entre les observations
d'une part et des simulations en laboratoire d'autre part. En quarante
ans, plus de 140 molécules
sont identifiées, dont une grande partie est "organique",
c'est à dire basée sur le carbone. C'est troublant, car ces
molécules sont très fragiles. Elles évoluent dans
des nappes gazeuses où l'on ne dénombre que 100 à 100
000 molécules par centimètre cube (10 puissance 19 dans l'air), à une
température oscillant entre 10 et 100 K (-160°C) et où l’énergie thermique
ambiante est incapable de créer seule la moindre réaction
chimique. - Molécule :
C2H6. -
En
1990, Ian Smith et Bertrand Rowe de l’Université de
Rennes (CNRS) découvrent en laboratoire que la présence
d’un
radical (formé de poussières carbonées comme la
suie, de silicates, de glace ou de benzènes) joue le rôle
d’un
catalyseur. Des molécules neutres se constituent et ce, d’autant
plus rapidement que la température est basse, entre 10 et 40 K.
Ils trouvent dans leurs ballons des molécules organiques telles
que l'ammoniac NH3, le cyanogène C2N2, l'éthylène C2H4, l'éthane C2H6,
bref des complexes prébiotiques
neutres. En effet, les poussières carbonées sont tellement
froides qu’elles
présentent une disparité dans la distribution de leur charge électrique.
Lors
d’une collision avec deux molécules, le froid leur
donne le temps de trouver la bonne configuration spatiale leur permettant
de
réaliser
une réaction chimique. C’est un milieu très particulier
où résident aussi des molécules qui, sur Terre,
sont instables, tel le radical éthynyle (HCC) que l'on observe à la
fréquence de 8,82 GHz (3,4 mm), abondant dans la Galaxie, qui
peut interagir avec un grand nombre d'autres molécules organiques
(acétylène
C2H2, nitrile propiolique HC°CCN, etc.). On trouve même des
molécules
organiques ayant jusqu'à 13 atomes telle H(C°C)5CN. - Photo :
Une particule de black carbon observée au microscope électronique.
Crédit : Nasa Goddard Institute for Space Studies, D. M. Smith,
University of Denver. - Molécule : H2O,
NH3. -
Ces
découvertes
remettent à l’ordre du jour l’hypothèse
de la panspermie de Hermann Richter (1865). Reprise par Fred Hoyle
dans les années 1950, cette thèse scientifique propose
que la Terre aurait été fécondée par des
sources extraterrestres, des corps rocheux comme les comètes,
porteuses de vie. Ces "bio-molécules" font
l'objet d'une recherche intensive, dans l'espoir de déceler
des acides aminés, "briques" élémentaires
constituant les protéines et par conséquent éléments-clés
pour l'apparition de la vie, qui ont été découverts
dans des météorites sur Terre, mais n'ont pas pu être
identifiés dans l'espace interstellaire jusqu'à ce jour.
Le problème dans la recherche de molécules complexes,
c'est que les meilleures sources astronomiques contiennent tant de
molécules
différentes que leurs spectres-"empreintes digitales" se
recouvrent et sont difficiles à reconnaître. Les molécules
plus grosses sont même encore plus difficiles à identifier
car leurs "empreintes digitales" sont à peine visibles:
leur rayonnement est réparti sur beaucoup plus de raies qui
sont de ce fait beaucoup moins intenses. - Formule : Glycine,
l'acide aminé le plus simple. -
Il
y a 4 milliards d'années,
lors du grand bombardement primordial (LHB), le nuage interplanétaire
du système solaire était
10 000 fois plus dense, et essentiellement constitué de petits
corps glacés (i.e. noyaux cométaires) chassés
de la région
Uranus-Neptune. La réduction drastique de la quantité de
poussières
cométaires depuis le LHB fournit des arguments en faveur de
l'hypothèse
de l'apport de composés carbonés aux planètes
telluriques. La chaleur intense provoquée par le frottement
des gaz atmosphériques
a fait fondre la surface des météorites, leur faisant
perdre 30 à 60% de leur masse initiale, les légers
agrégats
irréguliers ayant bien plus de chance d’arriver au sol
que des sphères compactes. - Photo : La face cachée de
la Lune montre les cratères d'impact des météorites. -
Une
confirmation de cette hypothèse
a été apportée
en mai 2010 par l'équipe de Jean
Duprat et Cécile
Engrand du CSNSM. Des micro-météorites collectées
en Antarctique ont révélé un état de
préservation
remarquable. Parmi celles-ci ont été trouvées
des micrométéorites
ultra carbonées (particules de taille inférieure à 1
millimètre contenant de 50 à 80 % de matière
carbonée).
Ces
particules d'environ 0,1 millimètre sont sans équivalent
dans les collections de matière extraterrestre disponibles
en laboratoire à ce
jour.
Les
analyses par microscopie électronique en transmission
ont montré que ces micrométéorites sont constituées
d'une matière organique très peu altérée
contenant de petits assemblages de minéraux.
L'analyse
par microsonde ionique a révélé que la composition
isotopique de l'hydrogène
présente des rapports deutérium/hydrogène
(D/H) exceptionnellement élevés
(environ 10 fois supérieurs à la valeur des océans
terrestres). L'ensemble de ces résultats indique que ces
particules proviennent très probablement des corps les plus
lointains du système solaire,
les comètes. - Photo : Collecte de
micrométéorites à Concordia - Duprat/Engrand ©CSNSM-IN2P3-CNRS
- Photo :
Micrométéorite floconneuse à grains
fins collectée en Antarctique près de la Station
Concordia en Janvier 2006.
Photos courtesy Duprat/Engrand CSNSM-CNRS. -
L’équipe
de Louis Le Sergeant d’Hendecourt a reconstitué en
laboratoire une micro-comète à l’Institut
d’astrophysique
spatiale (CNRS/Université Paris-Sud). Dans des conditions
extrêmes
semblables à celles de l’espace (-200°C et sous
vide), les chercheurs ont condensé, sur un morceau solide
de fluorure de magnésium
(MgF2), des composés existant dans le milieu interstellaire,
des molécules
d’eau (H2O), d’ammoniac (NH3) et de méthanol
(CH3OH), en irradiant le tout avec un rayonnement ultraviolet.
Au bout de dix jours,
ils ont obtenu quelques précieux microgrammes (10 puissance
-6 grammes) de matière
organique artificielle. Après analyse, les chimistes ont
pu identifier vingt-six acides aminés dans la comète
artificielle, alors que les précédentes expériences
internationales n’avaient
produit que trois acides aminés. Plus important, ils ont
aussi découvert
ce que personne n’avait observé avant eux : six
acides diaminés
(molécules formées de deux « groupes amines » (–NH2)
et non d’un seul comme les acides aminés classiques
qui constituent les protéines), dont – surtout – la
N-(2-Aminoethyl)glycine. Ce dernier composé pourrait être
un des constituants majeurs de l’ancêtre de l’ADN
terrestre : la molécule d’acide
peptidique nucléique (APN). Ces résultats indiquent
que les premières structures moléculaires de la
vie auraient pu se former dans le milieu interstellaire et cométaire,
avant d’atterrir
sur la Terre primitive lors de la chute de météorites
et de comètes. Schéma : L'atome
d'hydrogène
est constitué d'un noyau contenant un proton (charge électrique
positive), avec un électron (charge électrique
négative) en orbite
; l'atome de deutérium en diffère par son
noyau qui
contient aussi un neutron. - Image : © Wiley-VCH
GmbH & Co. Chromatogramme de la glace cométaire réalisé avec
le « chromatographe multidimensionnel en phase gaz ».
Chaque pic correspond à un acide-aminé. Plus le
pic est haut, plus la quantité d'acide-aminé présente
est importante.
ChemPlusChem, 77 (2012). -
Une autre source de composés organiques
pourrait provenir du nuage très diffus de poussières
réparties dans un volume en
forme de lentille centrée sur le Soleil et très
allongée
autour du plan de l'écliptique que l’on peut apercevoir
en début
ou en fin de nuit sous la forme d'une lumière zodiacale.
Son
spectre est identique à celui du Soleil, néanmoins,
une partie de la lumière du Soleil est absorbée
par les particules de poussière
et ré-émise sous forme de radiation infrarouge.
Le passage de comètes près du Soleil provoque
une élévation
de température qui entraîne la sublimation massive
de leurs glaces et injecte dans l'espace interplanétaire
un mélange
de gaz et de grains cométaires. Photo ci-dessus
: Lumière zodiacale. David Jewitt/IfA Hawaii. - Photo :
La comète Hale-Bopp. Télescope de Schmidt OHP
W.Thuillot et A. Rouhan(BDL). -
L’observation
de la comète Hale-Bopp par les astronomes
pendant son passage au périhélie en mars 1997
a permis diverses avancées scientifiques importantes.
Ils ont d'abord constaté que,
sous la pression des radiations solaires, des atomes de sodium étaient
expulsés de la tête de la comète et formaient
une troisième
queue entre celle des poussières qui suivait sensiblement
l'itinéraire
de l'orbite de la comète, et celle des gaz pointant
directement à l'opposé du
Soleil. Deuxièmement, l'abondance de deutérium
(isotope de l'hydrogène 2H ou D) sous forme d'eau
lourde était
le double de celle des océans terrestres. En supposant
que cette abondance soit typique de toutes les comètes,
ceci indiquerait que les impacts de comètes ne peuvent
pas être l'unique source de l'eau sur Terre.
Troisièmement, le deutérium a été aussi
détecté dans
de nombreux autres composés hydrogénés
de la comète,
selon un rapport à l'hydrogène léger
variable d'un composé à l'autre.
Ceci pourrait suggérer que les glaces de la comète
ont été formées
dans les nuages interstellaires, plutôt que dans la
nébuleuse
solaire, à des températures très basses
de 25 à 45
K. - Photo :
Comète Hale-Bopp (Nasa). -
Les
observations spectroscopiques ont révélé la
présence de nombreux composés organiques,
dont certains n'avaient jamais été détectés
sur des comètes précédemment
: le monoxyde de soufre (SO), le dioxyde de soufre (SO2),
l'acide formique (HCOOH), le formamide (NH2CHO) le cyanoacétylène
(HC3N), le formiate de méthyle (HCOOCH3) et l'éthanal
(CH3CHO). On y a même découvert de l'antigel
(éthylène glycol,
de formule chimique HOCH2CH2OH) ! Cette molécule
organique complexe est aussi présente dans les nuages
interstellaires du Centre galactique. Les observations
ont également
confirmé la présence
d'acide isocyanique (HNCO) et sulfide carbonyl (OCS), déjà identifiés
un an auparavant dans la comète Hyakutake. La mission
spatiale Rosetta qui doit explorer la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko
grâce à une
sonde vers 2014-2015 devrait donner une composition encore
plus précise. - Image :
Satellite Rosetta.
Louis
d’Hendecourt, de l’Institut
d’Astrophysique Spatiale
(IAS) explique aussi comment, dans l’espace interstellaire,
les grains de poussière interagissent avec la
lumière.
Dans de grandes régions où se forment des étoiles,
on observe que la lumière est polarisée
circulairement dans un seul sens (gauche ou droite).
Ceci permet de comprendre
pourquoi notre Système Solaire
n'ait vu qu'une seule hélicité. Sur Terre,
les acides aminés
présentent une chiralité "gauche" (lévogyre).
Cette hypothèse a été contrôlée
en laboratoire, en soumettant des échantillons
comprenant des analogues de glaces interstellaires et
cométaires à un
rayonnement ultraviolet « polarisé circulairement » (UV-CPL) à l’aide
des faisceaux disponibles au synchrotron Soleil, soit à droite,
soit à gauche,
ou bien non polarisé. Les échantillons
ont présenté un
excès significatif d’un acide aminé chiral,
l’alanine,
(supérieur à 1,3 %, comparable à celui
mesuré dans
les météorites primitives) : soit un excès
droit, soit un excès gauche, et, logiquement pas
d'excès sur le troisième.
Ailleurs, dans d'autres systèmes, l'hélicité aurait
pu être de l'autre signe et donner des excès
droits et donc, à la
fin, une homochiralité droite et non pas gauche.
Le rayonnement UV polarisé des étoiles
massives présentes dans un amas
ouvert (dans lequel est probablement né le Soleil)
aurait bien favorisé cette
homochiralité des molécules prébiotiques.
La nébuleuse
d’Orion (vue ici par le télescope Spitzer)
produit de la lumière
polarisée circulairement à 17 % dans l’infrarouge.
- Schémas : 1) Deux
molécules sont dites chirales lorsqu'elles sont
l'image l'une de l'autre dans un miroir. Tout comme les
mains, elles ne peuvent être superposées.
On voit les atomes de carbone, hydrogène, oxygène
et azote habituels (C,H,O,N). Ce sont des acides a-aminés. © Société française
d’exobiologie. 2) L-alanine
et D-alanine (image fournie par NAOJ, National
Astronomical Observatory of Japan). -
En
conclusion de cette petite rétrospective,
je pense que ce qui m’a le plus impressionnée, c’est
que l’univers
se préparait au vivant bien avant que la Terre ne soit formée.
Nous ne sommes encore qu’au tout début de ces recherches, et
il faut aux astronomes bien de l’imagination pour réussir à trouver
des méthodes pour comprendre des phénomènes qui se passent
si loin de nous. En apprenant à interpréter les informations
transportées par la lumière, nous découvrons un monde étonnant, à la
fois extrêmement inhospitalier, vide, froid, parcouru de rayons très énergétiques,
et en même temps en gestation de toute vie. Nous ignorons encore jusqu’à quel
stade de complexité se forment ces molécules. Les chercheurs
sont en quête d’acides aminés, qu’ils trouvent déjà dans
les météorites tombées sur Terre, et Fred Hoyle imaginait,
quant à lui, qu’il y avait même de la vie dans l’espace.
Alors, sommes-nous des descendants d’extraterrestres ? - Photo : Nébuleuse d'Orion, infrarouge, Spitzer. -
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SAPCB Astronomie Côte Basque De la lumière à la matière Exposé de Cathy du 4 mai
2012 |
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