Cathy et Jean-Louis
Galice
Vendredi 25 juillet au 22 août 2012

"Autrefois, dans ces vallées et sur ces montagnes, il n'y avait pas un arbre. Tout était cultivé. Mes parents vivaient de la terre, et maintenant qu'ils sont à la retraite, ils jardinent, mais seulement pour le plaisir. Ils y sont à la fraîche, le matin, et l'après-midi, s'il fait trop chaud, ils se reposent. Dans les villages, il n'y a plus que des retraités, tous les jeunes ont "émigré" : ils sont partis travailler en ville, à Ourense, Santiago, Vigo... Moi, je sais encore cultiver la terre, mais mes filles, elles, en seraient incapables. C'est un travail qui est dur, pas question de ne faire que 8 heures par jour, on est dehors du lever au coucher du soleil, mais si on aime la nature, ce n'est pas un problème. Vous savez, en ce moment, en Espagne, cela va très mal. Peut-être que les gens seront obligés de revenir à cette vie." Nous avons rencontré cette dame sympathique sur le bord de la route, près d'un village à 6 km de Lobios. Elle faisait la conversation à ses parents qui demeuraient pliés en deux à biner leur carré de terre. Ils y font pousser pléthore de légumes, de fruits et de fleurs, bien ordonnés et alignés sans un espace vacant. Xosé Ramon Mariño Ferro, anthropologue, le rappelle dans l'introduction à son étude "Leyendas, mitos y creencias de Galicia" (Légendes, mythes et croyances). Cette province a conservé son mode de vie rural très longtemps. 90% de sa population vivait à la campagne au début du XXe siècle, et encore 76% en 1960. - Photos : Les forêts ont remplacé les champs (Vue des alentours du lac de retenue "Embalse de Lindoso" depuis Lobios) - Goélands bruns (Noia) - Ancien moulin près du Ponte de Traba (Noia) -

Pendant notre voyage itinérant d'Ourense à Lobios, Baiona, Noia, Santiago, Pontedeume, Cedeira, Foz, Ribadeo, la Galice nous apparaît comme un pays de cocagne. Alors que son climat a une réputation très bretonne d'humidité permanente, nous bénéficions d'un temps chaud, sec et ensoleillé qui donne à chaque contrée un aspect idyllique, tout particulièrement sur la côte où nous découvrons les rias magnifiques, havre merveilleux pour le développement des alevins de poissons, des mollusques et des crustacés. Extrême Occident de l'Europe continentale, sa végétation exubérante est aussi verte qu'au Pays basque, avec lequel elle a bien des similitudes, mais la province accueille davantage de plantes méditerranéennes, tropicales ou exotiques. Quant à ses fruits, je ne sais si l'été est exceptionnel également à cet égard, mais nous en découvrons des quantités dans la nature et les jardins. Tandis que les châtaignes et les prunelles se préparent pour l'automne, les mûres virent déjà du rouge au noir, et nous les grappillons au passage, bleuissant doigts et lèvres. Les sureaux se couvrent de baies, la vigne, omniprésente, offre des pampres lourds de raisins encore verts, les branches des pommiers, des pêchers et abricotiers croulent sous le poids d'une production extraordinaire. - Photo : Ipomée -

Dans les coins abrités et bien exposés, les teintes vives des oranges et des citrons rivalisent avec celles du bougainvillée et de l'ipomée, plante grimpante à la grande fleur d'un violet-bleu intense nuancé de rose qui ressemble à un grand liseron, envahit les haies, escalade les arbustes et part à l'assaut des maisons. Les palmiers prennent des proportions en diamètre et en hauteur que je n'imaginais pas possible, et qui ne sont dépassées que par les eucalyptus dont les plus anciens donnent une idée de ce que pourrait être une forêt vierge : des arbres énormes, dont la cime dépasse largement les plus grands chênes, pins ou châtaigniers qui poussent alentour. Les rias sont aussi le paradis des oiseaux et si, en cette saison, les goélands et les mouettes dominent largement les effectifs, y compris en ville où leurs cris forment un fond sonore continu, j'ai aperçu à plusieurs reprises des cormorans pointant leur tête mobile au sommet de leur long cou souple, le reste du corps invisible, alourdi par l'eau immiscée sous le plumage, ce qui leur donnait une silhouette de mini-monstre du Loch Ness. - Photo : Aigrette garzette. -

Contrairement aux cormorans du Pays basque, ils s'élancent en un véritable saut de dauphin hors de l'eau à chaque plongeon, d'une prestesse et d'une rapidité époustouflantes. Malgré mes essais répétés, je n'ai jamais pu les photographier en l'air, super déçue de n'obtenir qu'un bout de patte ou de queue au milieu d'une petite gerbe d'eau... Un martin-pêcheur s'est posé à quelques mètres à peine de moi dans un interstice de la digue qui protège Noia des colères fluviales ou marines. Il y est demeuré quelques secondes et j'ai pu observer pour la première fois de visu le grand bec dont il est doté et son plumage chamarré. J'en ai vu un autre, simple éclat palpitant jaune et bleu qui survolait à la vitesse de l'éclair une petite rivière en amont d'une ria. A Foz, dans les herbiers à la frontière entre les eaux douces et saumâtres, arpentaient à grands pas deux aigrettes garzettes au plumage immaculé froufroutant, parfois rebroussé par la brise en un brouillard duveteux, et deux grands hérons prenaient la pose après chaque toilettage minutieux de leur plumage. - Photos : Goéland brun - Héron cendré. -

Notre arrivée à Ourense au milieu d'une manifestation en protestation contre la situation actuelle nous a mis directement dans l'ambiance de la situation économique critique que subit l'Espagne depuis des mois. Quelques jours plus tard, sur la côte à Baiona, homonyme de Bayonne en Pays basque, nous devrons descendre du bus plusieurs centaines de mètres avant le port : rue fermée, gardée par un pauvre policier en butte avec la colère des chauffeurs de bus qui n'ont pas été avertis de ce changement d'itinéraire et doivent faire un long détour, et celle des automobilistes empêchés de poursuivre sur la route côtière. Une immense colonne de gens en colère contre les banques défile en brandissant des pancartes où l'on peut lire : "Nova Galicia Banco, Estafadores y ladrones" (Banque N. G., voleurs), "Caixa Nova, nido de ladrons" (Caisse Nova, nid de voleurs), "Arbitraxe = Roubo, Devolucion integra" (arbitrage = vol, dévolution intégrale), "Non hay perdon sin devolucion" (il n'y a pas de pardon sans dévolution), "Engano a conciencia inocencia" (tromperie), "Los empleados de Caixanova nos engañaron : nuestros propios vecinos !" (Les employés de Caixanova nous ont trompés : nos propres voisins !), "Non somos nin de esquerda nin de derecha, somos de abaixo" (Nous ne sommes ni de gauche ni de droite, nous sommes d'en bas)... Ce ne sont pas des jeunes qui protestent, mais des familles entières, des retraités, tous les petits épargnants, ceux qui avaient quelques économies qui ont fondu lors de la "crise" et leur ont été "volées" par des artifices financiers et placements aventureux. En tête du cortège, deux personnes en fauteuil roulant et un aveugle. C'est impressionnant et très triste. - Photos : Mouette rieuse (juvénile) et limicole (chevalier guignette) (Noia) - Les anciennes maisons des hameaux sont abandonnées et livrées aux plantes sauvages (Lobios). - Ci-dessous : En tête de la manifestation, un aveugle et deux handicapés en fauteuil roulant (Baiona). -

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PHOTOS Leon Ponferrada/Ourense Lobios Noia Noia (suite) Santiago Pontedeume Cedeira Foz Ribadeo