Cathy et Jean-Louis | Galice |
Vendredi 25 juillet au 22 août 2012 |
Je ne voudrais pas que ce regard critique donne une idée fausse de notre voyage en Galice. Le choix délibéré de seulement rayonner à pied à partir de lieux choisis pour leur intérêt paysager nous a permis de faire de superbes promenades dans des environnements magnifiques. Je n'ai pas encore eu l'occasion de mentionner l'occupation ancienne de la Galice par des sociétés de cultures très différentes les unes des autres. Grâce à Cédric et Loreto qui nous en ont parlé, nous nous sommes rendus sur l'ancien site fortifié celte de l'âge du Bronze appelé Castro de Baroña. Il est implanté sur la côte au Sud de Noia à un emplacement stratégique au bout d'une petite péninsule commandant l'accès à deux criques. Si le temps était calme et ensoleillé lorsque nous l'avons visité, notre baignade par contre, sur la plage voisine, a été interrompue par une chute de température de l'air due à une "entrée maritime", ce que nous appelons "brouillarta" sur la côte basque, qui a envahi très rapidement les lieux. Heureusement que nous n'avions pas inversé notre programme, sinon nous n'aurions rien vu du castro dont les occupants actuels sont essentiellement les goélands et les lézards, pareillement débordés à se dorer au soleil, si l'on peut dire. A ce propos, durant tout notre parcours de ria en ria, je crois n'avoir quasiment jamais vu de goéland en train de pêcher. Une fois ou deux, un goéland s'est envolé avec quelque chose dans le bec, aussitôt poursuivi par deux ou trois congénères qui n'avaient de cesse de lui voler sa prise. En ville, aussi familiers que des pigeons ou des moineaux, ils venaient jusque sous les tables ramasser les miettes ! - Photos : Lézard (Podarcis hispanica) - Castro de Baroña : Site, brouillarta. -
De ma situation dominante au sommet des rochers qui surplombent ces drôles de fondations de bâtiments arrondies, j'observe aussi le travail de pêcheurs qui s'activent à remonter leurs casiers. Il est moins pénible qu'autrefois puisqu'un treuil électrique a remplacé la force musculaire pour haler la corde. Je suis étonnée de voir qu'au fur et à mesure qu'un casier apparaît, l'un des pêcheurs s'en saisit et le vide en même temps de son eau et de tout ou partie de ses occupants, sans doute trop menu fretin à son goût. Ensuite, il tend le casier à son collègue qui prend la proie éventuelle et range soigneusement le casier vide à l'arrière du bateau. La pêche à pied se pratique toujours sur les côtes de Galice. A Baiona, je rencontre un dieu Neptune qui plante son trident dans la vase au lieu de la mer. Je m'approche avec précaution, car je crains de m'enfoncer dans cette mixture encore gorgée d'eau, et je lui demande ce qu'il cherche : des vers énormes, dont il se servira d'appât ! Dans la ria, des installations font penser à des élevages de poissons, mais en fait il s'agit de moules (mexillón), Baiona n'ayant produit "que" 533 tonnes en 2011, sur les 223 000 tonnes produites en Galice. - Photos : Castro de Baroña : Relève des casiers de pêche - Plante épineuse à fleurs jaunes (Scolymus hispanicus) -
Un article de Greenpeace informe sur les diverses atteintes aux environnements côtiers de Galice et la contamination des eaux maritimes (urbanisation, ports, eaux usées directement rejetées sans traitement...). Soulignant la grande diversité d'algues marines qui comptent plus de 600 espèces différentes et font de la Galice le jardin sous-marin le plus riche de l'Europe du Sud, Greenpeace s'inquiète des cultures d'algues exotiques comme le wakame ou le kombu à sucre, traditionnellement utilisées dans la cuisine japonaise, et dont 281 tonnes ont été vendues depuis 2004 dans les "lonjas" (criées ?) de Pontevedra et A Coruña. L'association signale aussi les projets d'implantation d'équipements d'aquaculture dans des zones Natura 2000 ou classées prioritaires dans la Directive européenne des Habitats.
L'entreprise Stolt Sea Farm S.A. prévoit par exemple d'installer à Porto do Son (la ville voisine de Castro de Baroña) une nouvelle usine d'aquaculture pour l'élevage de poissons. A Baiona, la Xunta de Galicia prévoit d'étendre le port de plaisance en privatisant 36 000 m² de la ria. La municipalité, les "voisins" et la confrérie de pêche se sont élevés à plusieurs reprises contre ce projet qui endommagerait considérablement ce vaste vivier naturel où se développent traditionnellement la pêche à pied de poissons, mollusques et crustacés et qui constitue un site de reproduction des bivalves (clovisses...). Sur ces bancs pêchent habituellement 70 pêcheurs de poissons, 35 collecteurs de mollusques et crustacés et 27 embarcations pour le crabe (nécora). - Photos : Baiona, pêche à pied : collecte de vers pour appâts. - Ci-dessous : Aquaculture de moules (Mejillon) dans la ria de Baiona -
Ceci dit, je les ai vus faire, ce ne sont pas des enfants de choeur non plus, les pêcheurs à pied. Quand ils retournent à la fourche de grands carrés de vase pour trouver leurs longs vers, ils ne se demandent pas s'ils vont déranger d'autres bêtes. Mon premier émerveillement à Baiona, cela a été de marcher le plus près possible de l'eau en regardant ce qui se trouvait sur le sable vaseux : il y avait des milliers de coquilles (vides) de mollusques ! Et comme je me suis fait un devoir de goûter à la cuisine locale, où les poissons et crustacés occupent sur les cartes de restaurants galiciens une place prépondérante, je repérais les couteaux dont j'avais dégusté la chair la veille au soir. Cuits à la plancha avec un peu d'eau, d'huile et un filet de jus de citron, ils avaient une saveur très fine. Lorsque j'ai demandé s'il s'agissait d'une production locale, la serveuse m'a répondu qu'ils étaient livrés en paquets congelés, et qu'elle ignorait leur provenance. Quelle déception ! Sur la plage, leurs coquilles étaient moins nombreuses que celles des bigorneaux ou des bivalves du genre coques, clovisses ou "chapeaux chinois". - Photos : Pêche à pied. -
Dans une crique rocheuse de Foz, j'ai vu des hommes armés de longues piques terminées par une ou deux pointes qu'ils enfonçaient brutalement dans tous les trous de rochers encore emplis d'eau pour y surprendre sans doute des poulpes. Là aussi, s'il y avait des oursins, moules, crabes ou anémones de mer, ce n'était pas leur problème. Au pied de la falaise, au-delà de la ligne d'algues entassées marquant le niveau de la dernière marée haute, un homme passait son temps à prendre des galets et les jeter plus loin. Intriguée, je me suis aventurée sur les pierres branlantes, observant comme en baie du Morbihan les espèces de puces qui sautaient dans tous les sens sur le varech très odorant. Comme je ne comprenais pas la réponse de l'homme, il m'a tendu son seau dont le fond était couvert des plus grosses de ces bestioles bondissantes, destinées à servir d'appâts, si j'ai bien compris.
J'étais arrivée dans cette crique en suivant le sentier du littoral, entièrement constitué de pierres plates cimentées comme une allée de jardin et jalonné de panneaux "d'interprétation" très bien faits. L'un d'eux signalait que certaines roches, des felsites, provenaient d'une activité magmatico-volcanique rare dans la région, et qu'on en trouvait notamment sur les plages de Llas et de Peizas. Bien sûr, mon "tourne-pierre" l'ignorait totalement, et comme ces roches étaient décidément trop instables et glissantes, j'ai renoncé à trouver ces raretés géologiques. - Photo : Petit crabe (Nécora). -
D'une ria à l'autre, nous avons apprécié l'importance du balancement des marées. Nous partions à marée basse ou descendante, et revenions au moment où la mer, qui avait recouvert toute la plaine de sable et de vase, nous obligeait à faire un grand détour. L'aller et le retour offraient ainsi des paysages totalement différents. Nous nous sommes aperçus que la marée conditionne autant le comportement des plantes et animaux marins que celui des riverains. Avant qu'elle ne soit trop basse, les bateaux de pêche s'en vont au large poser leurs casiers, jeter leurs filets ou lancer leurs lignes, pour revenir à marée montante. Pour les pêcheurs à pied, la principale activité s'effectue à marée basse, mais certains attendent qu'elle commence à remonter, car alors les crabes qui s'étaient enfouis dans la vase à proximité des rochers se carapatent en tous sens et à toute vitesse sous la mince lame d'eau, se poursuivant ou recherchant leurs proies, affamés par ce jeûne de plusieurs heures. - Photos : Lavandera Blanca (Motacilla Alba) (Noia) -
Une femme munie d'un grand sac arpentait l'eau encore peu profonde en se baissant régulièrement pour les attraper prestement par la carapace, derrière les pinces, employant la même technique dont nous usions pour nous saisir des lucanes mâles terrés dans la grande blessure suintante à la base du vieux chêne devant la maison. Relativement de petite taille, leur chair fine est mangée, certes, mais ils servent surtout à donner du goût à la soupe ou à la paella. Elle les destinait à sa fille, installée en Andalousie et qui profitait des vacances pour regoûter à ses plats préférés. C'est amusant d'observer les poissons qui suivent l'avancée de la marée en bancs de taille progressive. Les plus petits poissons se positionnent devant, dans à peine quelques centimètres d'eau, probablement pour rester à l'abri des prédateurs. Couleur sable, seule leur ombre mouvante sur le fond les trahit. Leurs aînés font de même en eau à peine plus profonde, et il y a ainsi une gradation continue aussi loin que peut porter l'oeil sans mouiller les chaussures. - Photos : Pêche à pied (Cedeira) - Goéland. -
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