Assez curieusement, c'est au 'Museo de América' de Madrid que j'ai découvert la mise en oeuvre à l'échelle d'un continent de l'un des sujets de préoccupation majeur du penseur, ingénieur et artiste toscan, Léonard de Vinci : la cité idéale. De 1492 au XIXe siècle, la fondation systématique de villes espagnoles se développa sur le continent américain selon un plan en réseau inspiré des antécédents classiques européens et des théories utopiques de la Renaissance. Peu avant sa mort, Léonard de Vinci conçut pour le roi François 1er un projet de capitale qui devait être créée de toutes pièces à Romorantin près de Tour et qui fut en partie réalisée quelques années plus tard à Chambord. Il y associait la création de canaux passant par cette ville et qui devaient relier le Rhône, la Saône et la Loire, permettant ainsi de naviguer de l'Atlantique à la Méditerranée. Il y réfléchissait déjà lors de son premier séjour à Milan, une ville dont la surpopulation et l'insalubrité l'horrifiaient, et il avait réalisé divers dessins témoignant de ses réflexions sur les formes d'urbanisme les plus rationnelles et les plus efficaces. "Et sache que si quelqu'un voulait parcourir la ville en utilisant uniquement les rues hautes, il pourrait le faire commodément; et de même celui qui voudrait circuler en ne prenant que les basses. Dans les rues hautes ne doivent passer ni chariots, ni autres véhicules semblables : ces rues ne servent qu'aux personnes de qualité. Dans les rues basses passeront les chariots et autres transports destinés à l'usage et commodités du peuple." - Photos : Place romaine non loin de la gare Termini. Affiches du Musée National Romain pour l'exposition "Once Were Romans" : Là où passèrent les Romains, l'herbe pousse encore. Le paradis est encore ici. - Ci-dessous : Assise. -

Lors de nos pérégrinations, j'ai fait l'acquisition d'un petit recueil tout à fait passionnant intitulé 'L'uomo e la natura', où Mario de Micheli a réuni et très intelligemment annoté des textes de Léonard de Vinci relatifs à ses réflexions d'ordre général sur la connaissance, les lois de la nature, la science et la technique, la philosophie et la morale, l'art. Je ne comprends pas tout, puisqu'il est écrit en italien, avec en sus parfois des tournures anciennes proches du latin, mais j'y découvre néanmoins une pensée hardiment et clairement exprimée (quoique écrite sur ses feuillets de façon illisible comme en reflet dans un miroir), bien plus libre à l'égard de la religion que Galilée qui, un siècle plus tard, sera forcé à la prudence après la condamnation à mort sur le bûcher de Giordano Bruno. Il se demande par exemple comment il est possible de croire les Anciens qui ont voulu définir l'âme et la vie, choses impossibles à prouver, et sont restés dans l'ignorance ou avec des idées fausses pendant tant de siècles sur beaucoup de sujets concrets qu'il suffisait seulement d'étudier au moyen de l'expérimentation. Il choisit délibérément de cantonner ses recherches au domaine de la nature, si dépréciée par les "sapienti" (en latin, 'savants' ?), et de laisser de côté les questions métaphysiques, inutiles ou insolubles ! Il précise plus loin toutefois que ceux qui ne jurent que par la pratique (la technique) et négligent la science sont comme le marin qui monte sur un navire sans gouvernail ni boussole, et ne sait jamais où il va. C'est une réflexion qui me plaît beaucoup et dont nos chercheurs et techniciens actuels devraient s'inspirer. - Photo : Assise, maison au-dessus de la rue. Cormoran en aval du Ponte Vecchio à Florence. -

Notre voyage a été bien sûr beaucoup trop court et ne nous a permis que d'avoir des impressions superficielles, mais c'était tout de même intéressant de passer ainsi d'une ville à l'autre et de voir comment une politique municipale peut influer sur la vie des gens. Par exemple, Bordeaux a fait un travail énorme en s'équipant d'un réseau de tramways, ravalant les façades et ouvrant la ville sur ses quais rendus largement piétons, tout comme le centre ville, et c'est un véritable plaisir de s'y promener. Nous avons pu faire la différence avec Florence et Pise, toutes deux traversées par l'Arno, mais n'ayant pas su en aménager les berges pour en faire une zone d'agrément. A ce propos, nous avons pris un petit déjeuner dans un bar de Florence qui affichait au mur des photos des dégâts occasionnés par une inondation dévastatrice qui avait eu lieu en 1966, causant la perte d'un nombre incalculable d'oeuvres d'art, sans parler des vies humaines. Ce n'était pas une surprise, puisque, au cours des siècles, cette ville avait subi régulièrement les crues du fleuve (les plus importantes ayant eu lieu en 1333, 1547, 1557 et 1844). - Photo : Florence, Ponte vecchio. -

La ville qui nous a semblé la mieux équilibrée, c'est Sienne, au moins en ce qui concerne son centre intramuros. Bâtie comme Assise au sommet d'une colline, mais de taille plus importante, son accès difficile et l'ancienneté de ses rues étroites ont naturellement empêché les voitures de trop l'envahir. Ville de terre faite de briques aux couleurs chaudes avivées par la belle luminosité du matin ou du soir, elle marie à plaisir les places, les monuments, les palais et les maisons communes aux teintes passées de un à trois étages, dont le rez-de-chaussée est encore occupé par des petits commerces ou ateliers d'artisanat vivants et bien fréquentés par les autochtones. Assise au contraire, petite ville de pierre somptueuse, présente une concentration inhabituelle d'églises, couvents, monastères et autres congrégations religieuses qui se sont ajoutés aux deux églises superposées bâties en souvenir de Saint François d'Assise, et ce haut lieu de pèlerinage et de tourisme s'est décharné, comme Venise, de ses habitants trop importunés par les foules étrangères et qui ont fui pour s'installer sur la plaine dans des immeubles à la banalité attristante. - Photo : Le Palazzo Pubblico et la Torre del Mangia à Sienne, sur la Piazza del Campo

C'est le seul endroit où je n'avais rien réservé pour dormir, pensant appeler sur place ces établissements religieux qui, paraît-il, offrent un lit à moindre prix. Je n'ai pas dû avoir de chance, car, soit ils étaient fermés (c'est l'hiver), soit ils annonçaient d'un ton rogue des prix prohibitifs pour notre bourse, et j'ai abandonné l'idée. Nous errions donc dans la ville, tirant bruyamment et péniblement notre petite valise à roulettes sur les pavés et dans les nombreux escaliers pentus, lorsque nous avons rencontré un homme qui descendait d'une maison de ville où était affiché 'Camere' (chambres). Tout était pris, mais il nous a indiqué une certaine Signora Martini qui en proposait également à quelques rues de là. Avec mon italien mâtiné d'espagnol, de français et de latin, j'ai réussi à la dénicher au fond d'une allée fermée d'une grille. Un accueil ! Comme il est inimaginable d'en rêver : nous avions l'impression d'avoir été attendus de tout temps, c'était extraordinaire. Et avec ça, une grande chambre claire à l'étage d'un bâtiment séparé de son habitation, donnant sur les toits et le jardin, soleil, petits oiseaux et tout et tout. Comme quoi, il vaut mieux parfois laisser place à l'imprévu. - Photos : Assise, avec en arrière-plan le mont Subasio enneigé. Plaque de restaurant à Assise. Ci-dessous : Sienne, frise sous l'avant-toit du Palazzo Cantucci sur la piazza Salimbeni. -

En cette fin d'hiver, aucune des villes n'était surpeuplée, bien que j'aie trouvé en Toscane (Assise est en Ombrie méridionale) une concentration étonnante d'Asiatiques, en groupes ou individuels, sans doute bien démarchés par une publicité percutante. Il y avait même des groupes d'étudiants chinois, me semble-t-il, qui fréquentaient l'école pour étrangers de Sienne. Quelques uns, nouvellement arrivés sans doute, cherchaient désespérément à rejoindre leur point de chute, alors qu'ils balbutiaient à peine quelques mots d'italien avec un accent énorme, ne comprenant pas les réponses, et connaissant encore moins l'anglais. J'ai voulu leur montrer mon plan, en proposant qu'ils y cherchent leur rue, sans réaliser que notre écriture devait encore plus leur poser problème. Je m'imaginais dans la même situation, chez eux, et je compatissais. - Photo : Palazzo Salimbeni, de style néo-gothique, siège de la banque Monte dei Paschi di Siena, fondée en 1472 (la plus ancienne au monde encore en activité). -

Je reviens à l'introduction de 'L'uomo e la natura' qui trouve un écho sur les panneaux du 'Museo de América' de Madrid. Si la Renaissance a pu émerger en Italie avant tout autre pays européen, c'est grâce à la bourgeoisie, une nouvelle classe qui se formait et remettait en cause l'idéologie médiévale, la féodalité, l'Eglise, prônant les valeurs d'une existence terrestre plutôt que céleste. Etymologiquement, il s'agissait justement de l'augmentation du pouvoir des villes (les bourgs) face aux seigneurs et au clergé. Ces commerçants, artisans, banquiers, voyageaient beaucoup, parlaient plusieurs langues, avaient une vaste culture et leur ouverture au monde facilitait un fertile brassage des idées. Les Médicis, par exemple, étaient à l'origine des banquiers et des commerçants dans le domaine de la laine et de la soie, le premier ayant été sans doute apothicaire (médecin), d'où le nom de cette dynastie hors du commun. Le fait d'accorder moins d'importance à la vie future (au Ciel) et de considérer d'un nouvel oeil la nature dans son ensemble a fait basculer les mentalités et donné de nouvelles priorités. - Photo : Cathédrale de Sienne (Il Duomo). -

Mario de Micheli cite, pour illustrer son analyse, les imprécations à leur encontre du frère dominicain de Ferrare, Gerolamo Savonarola, qui était à Florence en 1496. Ce dernier, en précurseur du protestantisme, remet en cause les moeurs dépravées des Florentins et leur corruption (il s'oppose aussi aux indulgences qui n'étaient pas une nouveauté, mais avaient pris une ampleur choquante, puisqu'il s'agissait, ni plus, ni moins, de s'acheter auprès du clergé une sorte de nouvelle virginité, qui effaçait les péchés accomplis moyennant espèces sonnantes et trébuchantes, pour s'assurer une bonne place au Ciel), reprochant aux édiles (dont Laurent de Médicis, grand mécène, mort en 1492, et son fils Pierre II) de commanditer aux artistes leur portrait, qui figure sur des tableaux à thème religieux représentant Marie Magdeleine, l'apôtre Saint Jean ou la Vierge par exemple, vêtus de surcroît de leurs plus beaux atours, et de commettre ainsi le péché de sacrilège et de vanité. Lors de son gouvernement théocratique de Florence, il fera détruire dans un 'bûcher des vanités' nombre d'oeuvres d'art. Sandro Boticcelli y jettera lui-même quelques uns de ses tableaux de nus féminins et n'en peindra plus, même après la mort de Savonarole sur cette même place (condamné comme hérétique et schismatique par le pape auquel il s'opposait également, il est torturé, pendu et brûlé sur un bûcher). - Photos : Maquette d'après les esquisses de Léonard de Vinci (Musée Léonard de Vinci, Florence). Pise, chapiteau, détail. -

C'est intéressant de connaître cet éclairage, car, ne connaissant rien à la peinture, et étant encore moins capable de procéder à la comparaison des styles selon les époques, j'ai pu ainsi comprendre la différence de traitement de ces thèmes religieux. Les peintres de la Renaissance dont nous avons contemplé des oeuvres lors de nos visites cherchent à se défaire de l'emprise moyenageuse et ecclésiastique en biaisant. Le commentateur explique comment Léonard de Vinci, dans son tableau de la Vierge aux Rochers, insère et intègre la Vierge dans un environnement naturel, inusité de surcroît (une grotte, une cascade, un pan de montagne) peint avec des détails (feuilles, fleurs...) les plus réalistes possible, ce qui est d'une grande nouveauté si l'on compare, par exemple, au traitement des paysages dans Les très riches Heures du duc de Berry réalisées à la fin du Moyen-Age (1410). De même, dans La Cène, il exprime de la façon la plus vivante et dramatique possible les sentiments de chacun des apôtres juste après que Jésus leur ait annoncé que l'un d'entre eux le trahirait. - Photos : Pise, chapiteau, détail. -

Nous constatons aussi que l'art n'est pas innocent, il est porteur de message, et l'Eglise n'est pas dupe du détournement effectué par la classe dirigeante de Florence et de l'Italie de la Renaissance. Dans la galerie des Offices, mais aussi dans d'autres musées, nous sommes submergés de portraits, montrant l'importance de l'individu qui n'est plus représenté comme un archétype (l'ange, le démon, la Vierge...), mais comme une personne ayant sa propre individualité, dont l'aspect physique est reproduit fidèlement, sans chercher à l'embellir, si ce n'est par la tenue vestimentaire. A deux ou trois reprises sont exposés des couples, l'homme et la femme étant chacun sur un tableau séparé, mais se faisant face. J'y vois le début d'un changement de statut de l'épouse, à côté de son époux, de la même taille, conversant à égalité. Ce qui m'amuse, c'est la différence de style entre les pays. Je note par exemple l'angle à proprement parler populaire d'un tableau du peintre wallon Herri Met de Bles qui choisit pour sujet les travaux de mineurs et le flamand Joachim Beukelaer qui place au premier plan de son tableau intitulé 'Pilate montre Jésus au peuple' une scène de marché. Dans la salle aux trésors du Palazzo Pitti, nous sommes émerveillés par la collection extraordinaire d'oeuvres d'art virtuoses en nacre, ivoire, coquillage, corail, or, pierres précieuses, qui rivalisent d'originalité dans les formes et les sujets, ainsi que le rassemblement d'oeuvres d'art de cultures lointaines de Chine, du Japon, d'Inde ou d'Amérique latine qui montrent bien l'ouverture à des styles différents, bien que ce ne soit peut-être qu'à titre simplement de collectionneurs d'objets et non de curiosité à propos d'autres modes de pensée. - Photos : Florence, Palazzo Vecchio - Palazzo Pitti, oeuvre d'art de la salle des Trésors. -

Si le développement de la Renaissance s'est ensuite poursuivi dans les autres pays européens, explique Mario de Micheli, c'est d'une part à cause de la trop forte emprise de l'Eglise en Italie, siège de la papauté, et d'autre part en raison de la découverte du Nouveau Monde, qui a déplacé le centre de gravité de l'Europe en transférant les échanges commerciaux de la Méditerranée à l'Atlantique et de l'Italie à l'Espagne et à la France. Léonard de Vinci, une fois encore, sera au centre de ces turbulences, puisque l'irruption de l'armée française à Milan l'obligera à se retirer de la zone de conflit, pour séjourner finalement auprès d'une des puissances montantes, la France de François 1er. - Photo : Sphère armillaire (Museo Galileo, Florence). -

Sur un panneau (La Ciudad Colonial) du Museo de América, on peut lire (en espagnol, je traduis librement) que "La consolidation de l'Etat colonial se réalise par la construction de villes, tant pour des raisons stratégiques, pour une plus grande maîtrise du territoire, que pour des raisons politiques et économiques, pour faciliter le contrôle du gouvernement, de la production et du commerce depuis la Métropole. Leur implantation en réseau facilite la répartition des parcelles entre les premiers citadins et permet de disposer d'un schéma de base pour la localisation des édifices qui serviront de siège aux différents pouvoirs publics. Le noyau central est constitué de la 'plaza mayor' (place principale) autour de laquelle se concentrent, dans le cas des capitales de vice-royautés, les Maisons royales (Casas Reales), le palais du vice-roi (Palacio del Virrey), le tribunal (Audiencia), le conseil (Cabildo), les finances (Casa de la Moneda) et la cathédrale. C'est aussi là que s'effectuent les principales activités commerciales écoulant la production régionale. Les emplacements les plus proches du centre du pouvoir sont réservés aux habitations des individus de rang social et politique le plus élevé, ce qui les convertit en éléments de prestige. Ce même schéma urbain se duplique dans les villes de rang administratif inférieur, même lorsqu'elles ne disposent pas du même plan initial, et s'étend à la longue à tout le continent. La loi impose aux indigènes d'habiter dans des villages indiens où les espagnols, créoles et métisses ne peuvent pas vivre de manière continue, et l'accès aux villes n'est permis qu'aux indigènes qui y travaillent. Pourtant, la réalité historique montre que les deux groupes auront une mobilité bien supérieure à celle légalement admise, quoique leur localisation dans la ville soit clairement différenciée au moyen de la division socio-ethnique en quartiers et paroisses, à laquelle se superpose en de nombreuses occasions une spécialisation économique." - Photo : Tableau dans la cathédrale de Sienne (il Duomo). -

Cette description d'un apartheid américain aussi programmé et officialisé par les plus hautes instances espagnoles peut paraître choquante. Pourtant, il prend sa source dans les institutions mêmes des états européens, qui étaient parfaitement inégalitaires, et dont on trouve le reflet dans le projet de Léonard de Vinci. Y était simplement rajouté une classe, celle des indigènes, sortes d'intouchables qui n'avaient guère de droits. Le musée expose toutefois des rapports au roi d'Espagne provenant d'esprits moins sectaires que les planificateurs royaux, puisque ces personnes étaient, elles, directement confrontées à la réalité. Pedro Cieza de Leon ne méprise pas les indiens et sait reconnaître un savoir-faire inconnu en Europe. En 1553, il évoque la vallée de Chilca, voisine du temple de Pachacama, où il sait pertinemment qu'il ne pleut jamais et qu'aucun cours d'eau ne l'irrigue. Pourtant, c'est là que l'on trouve la meilleure production de maïs, de tubercules et d'arbres fruitiers. S'étant renseigné, il apprend que les indiens creusent des tranchées étroites et profondes dans lesquelles ils sèment et plantent. - Elles permettent la condensation en rosée, dans la relative fraîcheur de cette ombre, du peu d'humidité qui réside dans l'air. - En guise d'amendement, ils ajoutent sur chaque graine une ou deux têtes de sardines qu'ils pêchent au filet dans la mer. C'est de ce procédé que découle cette abondance ! Juan Polo de Ondegardo s'insurge en 1571 du tort causé aux indiens du Pérou en ne respectant pas leurs droits coutumiers (fueros). Il décrit de manière détaillée les tributs versés à l'Inca sous forme de vêtements plus ou moins luxueux qui étaient soit distribués aux proches du pouvoir, soit destinés aux rites religieux. Bernal Diaz del Castillo, quant à lui, témoigne en 1580 de la rencontre de Moctezuma et de Cortés dans le site exceptionnel de la cité de Tenochtitlan (Mexico), pourvue de beaux et impressionnants édifices religieux et située sur une île au milieu d'une lagune parcourue par une multitude de canoés et faisant montre d'une grande activité. - Photos : Pise, il campanile di Santa Maria Assunta. - Baptistère : Détails de chapiteau. -

Lors de nos réflexions sur l'Agenda 21 d'Anglet, orchestrées par la municipalité, nous nous sommes penchés aussi sur le problème de la ville idéale, et bien que la majeure partie des gens qui participaient à cette démarche ait été de sensibilité écologiste, nous avons eu bien du mal à nous mettre d'accord. L'une des pierres d'achoppement était la densification du tissu urbain voulue et imposée par la municipalité qui la jugeait indispensable pour permettre à des personnes de bas revenus, et donc de faible pouvoir locatif, de pouvoir s'installer dans l'agglomération au lieu d'être condamnée à un mouvement pendulaire de plus en plus ample entre le lieu de travail (sur la côte) et le logement (à l'intérieur des terres). Comment pourrions-nous, disaient nos édiles, disposer d'un personnel suffisant si nous ne lui permettons pas de vivre à nos côtés - en parlant des personnes âgées (aisées) nécessitant d'être aidées, soignées, véhiculées... - ? Ils appelaient cela favoriser la "mixité" des populations. - Photo : Florence, mouette sur l'Arno. -

La question que je me pose, à la lecture des panneaux du 'Museo de América', c'est celle de la pertinence de notre organisation sociale. Nos Etats, si agressifs, autant à l'égard de leur propre population que des Etats ou populations extérieures, sont-ils vraiment la panacée ? Ils ont généré une division des tâches extrême, avec des écarts économiques à l'avenant, une prolifération humaine particulièrement accélérée ces deux derniers siècles avec la réduction drastique des causes de mortalité anticipée, une concentration urbaine toujours plus importante, et un mode de vie de plus en plus déconnecté de la nature. - Photo : Sienne, église et ciprès. -

J'ai détesté me promener dans Florence, au point que, le premier jour, je me suis sentie mal, sans énergie, avec un désir pressant de m'enfuir de là. Il n'y avait aucun arbre, aucune plante dans le centre, que des bâtiments hauts, serrés les uns contre les autres, sales, sombres, froids, des rues bruyantes parcourues de voitures polluantes, des gens aux classes sociales qui sautaient à la figure, des femmes trop sophistiquées côtoyant des mendiantes dans des nippes superposées gisant à nos pieds dans des pauses les plus susceptibles de provoquer un geste d'aumône toujours trop rare. Je me suis arrêtée devant le musée de Léonard de Vinci et j'y suis entrée, pour me changer les idées. C'est une association qui a décidé de reprendre ses schémas et de réaliser des maquettes grandeur nature. Là, je me suis régalée. J'avais de longue date un livre sur ses études du vol humain et de mécanismes divers et variés qui m'avaient toujours fait rêver, comme le mythe d'Icare. - Photo : Sienne, église. -

J'étais seule et j'ai pu tourner à loisir dans ce vaste espace, malheureusement trop peu éclairé, qui donnait une petite idée du large spectre des centres d'intérêt de Léonard de Vinci. Une spirale voilée en colimaçon imitait certaines graines capables de s'envoler au loin. Une sorte de vélo ailée intriguait, le mécanisme actionné par les bras et les jambes semblant bien peu susceptible de mouvoir les deux grandes et magnifiques voilures. Un schéma du Codice Atlantico montrait ses recherches dans le domaine de la transformation du mouvement, un autre schéma assorti d'une maquette représentait l'ancêtre des chars de combat surmonté d'un capot protecteur conique, le dessin et la maquette d'une scie hydraulique, une drague pour extraire la vase du lit fluvial, une barque flanquée de deux roues à aubes maniées par des pédales. Pour l'homme de Vitruve, il a étudié les proportions du corps humain en tâchant de le faire entrer dans les formes parfaites du cercle et du carré : l'organe masculin est au centre du carré, tandis que le nombril est au centre du cercle, le buste entre 4 fois dans la hauteur, la tête 8 fois, le visage 10 fois, la main aussi, le pied 7 fois, le bras quatre fois, et l'oreille 3 fois dans la hauteur du visage. - Photo : Florence, musée Léonard de Vinci, maquette d'après esquisses. -

Durant les premières années de son séjour à Milan, il avait dû inventer un char fauchant tracté par deux chevaux, comportant des faucilles montées sur les roues et le timon, non pour l'agriculture mais pour la guerre, ainsi qu'une bombarde ou mortier et une sorte de mitrailleuse. Mais il avait aussi étudié une machine à polir les miroirs, une presse automatique pour l'impression des livres, une excavatrice, un laminoir, un mécanisme à crémaillère, une vis sans fin, un parachute, et peut-être même la bicyclette, mais ce n'est pas suffisamment attesté. Il a travaillé sur le pressoir à huile, la cochlée, ou vis d'archimède, qui est un dispositif qui permet de soulever de l'eau pour l'approvisionnement hydraulique des centres urbains ou l'assèchement des marécages. - Photo : Florence, musée Léonard de Vinci, maquette d'après esquisses. -

Enfin, tout n'était pas négatif à Florence. Nous nous sommes régalés au musée Galilée relatif à l'histoire des sciences, nous avons été éblouis par les églises, les palais, les expositions de peintures de la Galerie des Offices, ainsi que par les salles royales du Palazzo Pitti, de l'autre côté de l'Arno, où nous avons enfin pu nous détendre dans le grand parc agréable, malgré la saison hivernale. Jean-Louis, quant à lui, a été particulièrement impressionné par le contenu du rayon sciences des librairies toscanes, au point d'acheter des livres en italien introuvables en français ! Je voudrais terminer cet aperçu avec la surprise du dernier jour à Pise. Arrivés là aussi chez un hôte tout à fait charmant auquel nous avons laissé nos bagages en fin de matinée, nous nous sommes rendus sur la place de la Tour penchée qui attirait des foules de touristes. Après avoir tourné autour, car c'est vraiment un miracle qu'elle ne tombe pas avec une inclinaison pareille, nous sommes allés, sur les conseils de notre hôte, de l'autre côté de la cathédrale, où se trouve le Baptistère, un bâtiment de base circulaire original. Outre son plan architectural, c'est à l'intérieur que nous avons eu la surprise, après l'avoir parcouru pendant un bon moment, de voir une jeune femme se diriger rapidement vers le centre et commencer à émettre un son. Le laissant vibrer seul dans cette structure à l'acoustique remarquable, elle chanta une nouvelle note qui se superposa à la précédente, puis une troisième, la longue vibration mêlée diffusée et répercutée dans tout l'édifice donnant l'illusion d'un chant polyphonique ! - Photos : Pise, Baptistère. Florence, oeuvre d'art du Palazzo Pitti. Sienne : Tableau dans la cathédrale. -

SOMMAIRE

Plan du village San Juan Bautista - 1754

 

 

 

 

Cathy et Jean-Louis
La cité idéale
Du 26 février au 4 mars 2012
Circuit touristique Bordeaux - Rome - Assise - Sienne - Florence - Pise - Madrid