Iraty, raquettes : Mylène et sa voisine Yvette, Cathy
Balade hivernale

17 février 2013

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La station de ski de fond - raquettes d'Iraty ne culmine pas très haut. Le dimanche qui suit les dernières chutes de neige, les amateurs s'empressent de prendre la route pour venir profiter du soleil sur le blanc manteau avant qu'il ne fonde. Pendant qu'il pleuvait, tonnait et grêlait sur la côte basque, l'épaisseur de neige a battu tous les records à Iraty, à tel point que le chasse-neige n'a pu dégager qu'un étroit passage où les autos se croisent difficilement. Il en suffit d'une en sens inverse pour créer l'embouteillage, et la petite voiture de Mylène doit stopper sur l'unique plaque de neige verglacée qui a subsisté sur quelques mètres, à peu de distance de l'arrivée. Impossible de redémarrer, nous patinons et reculons ! Yvette et moi devons descendre pour la pousser. Heureusement, les gens derrière sont aussi motivés que nous pour aller batifoler dans la neige et ils s'élancent pour nous aider. Les chaussures dérapent aussi, mais la voiture légère trouve rapidement un terrain d'accroche et repart sans faire d'histoire.

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En montant, nous avons remarqué que la douceur de l'air a eu un effet curieux sur la surface neigeuse. Elle s'est creusée de rigoles et le paysage semble revêtu de jupes plissées à la blancheur éblouissante, dont l'ordonnance régulière des creux ombrés souligne les ondulations du relief.

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L'affluence est telle que le nouveau bâtiment d'accueil, plutôt joli avec sa colonnade de troncs branchus et ses lambris extérieurs, ne contient plus aucune paire de raquettes à louer. Nous ne disposons donc que de celles de Mylène, une paire pour trois ! Une jeune femme du service d'ordre qui gère la circulation nous affirme d'un ton péremptoire qu'il nous sera impossible de nous promener sans équipement. Nous ne nous laissons pas impressionner et prenons le circuit de raquettes le plus long en sens inverse, en descendant derrière le restaurant sur un petit tronçon du GR10. Finalement, nous ne nous enfonçons que très peu, il faut juste faire attention à ne pas glisser dans la pente quand le sentier se rétrécit.

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Les ruisseaux glougloutent et les cascades chantent en se frayant hardiment un chemin. Cette année, pas de pénurie d'eau ! Un bourdon butine déjà les premiers chatons de noisetiers ou de saules et de curieux insectes ailés ressemblant à des fourmis volantes escaladent laborieusement les cristaux de neige sans crainte apparente de se geler les pattes. Une mouche passe dans un vrombissement pressé, signe d'un printemps précoce qui s'amorce ou d'un hiver qui n'a pas vraiment marqué la césure des saisons. En traversant un bosquet, nous voyons quelques oiseaux de petite taille au vol hâtif, toujours inquiets, qui se posent à peine quelques secondes, passent d'une branche à l'autre et fuient à tire d'aile sur un arbre éloigné. Comment peuvent-ils se nourrir sans prendre le temps matériel de regarder autour d'eux pour trouver la graine ou le vermisseau ? Il semble qu'ils ne vivent pas au même rythme que nous. Pour eux, le temps est accéléré. J'ai à peine fait le point sur l'un d'eux que déjà il s'envole...

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Nous ne sommes pas allées bien loin, marchant pratiquement à niveau, à mi-pente du pic des Escaliers. Arrivées à la cabane, nous nous installons pour pique-niquer. A un moment donné, nous avons l'impression qu'une colonie de vacances très bruyante, quoique encore lointaine, se dirige dans notre direction. Puis nous nous rendons compte rapidement de notre erreur, car le son provient du ciel ! De plus en plus fort, il devient vite reconnaissable et nous fouillons des yeux l'immensité à la recherche des grues qui jacassent continûment sans ralentir. Il y en a des centaines, c'est sûr, qui progressent en V plus ou moins déformés. Elles volent très haut et très vite, mon appareil photo ne les voit pas et je pointe au son plutôt qu'à la vue, d'autant que la luminosité rend l'écran LCD totalement inutilisable.

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iraty gruesEvidemment, il faut me croire sur parole, parce que ce n'est pas avec ces points minuscules qu'on peut les reconnaître. Un moment après, un deuxième vol, encore plus spectaculaire que le premier en nombre d'individus et temps de passage, traverse le ciel au-dessus de nos têtes, puis un troisième pendant notre retour. Enfin, un dernier passe beaucoup plus bas, un peu caché par les arbres, alors que nous amorçons l'ascension de la dernière côte vers les chalets. C'est incroyable que ces oiseaux retournent déjà vers le Nord pour rejoindre leur site de nidification. Nous ne sommes qu'en mi-février, à plus d'un mois de l'équinoxe de printemps. Quel temps fait-il en Belgique, au Luxembourg, en Allemagne ? Une vingtaine de migratrices "de printemps" avaient déjà été repérées par la LPO le 28 janvier, alors que d'autres groupes poursuivaient leur migration "d'automne" vers le Sud-Ouest et le Sud, fuyant les coups de froid de l'Est et du Nord de l'Europe : c'est un véritable chassé-croisé au niveau de la France. Le 3 février, c'est un vol nocturne qui est signalé dans l'Yonne. Le 14 février, les grues commencent à quitter l'Espagne et le 15, le grand départ est officiel. C'est émouvant d'assister à ces phénomènes naturels spectaculaires.

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Mylène me dit que ces oiseaux ne sont pas tant sensibles au froid qu'à la famine. En effet, pour échapper au renard, leur principal prédateur, les grues s'endorment fréquemment debout dans l'eau peu profonde d'un étang. iratySi la température vient à baisser fortement durant la nuit, elles peuvent s'éveiller le matin les pattes prises dans la glace. Mylène en a vu une se libérer à coups de bec dans la pellicule figée. Elle s'est envolée avec des fragments de glace encore soudés à mi-hauteur de ses pattes maigres de grand échassier !

Un site de la LPO de Champagne-Ardenne propose des images magnifiques de grues cendrées tout au long de leur parcours migratoire. On y lit que la disparition progressive des chênaies et oliveraies en Estrémadure (Espagne) les incite à se tourner vers les chaumes de maïs dont la culture se développe dans cette région. A l'autre extrémité de leur périple, les grues arrivées en Suède se regroupent au lac d'Hornborga et se régalent des restes de cultures de pommes de terre qui dégèlent à ce moment-là. Ensuite, elles mangeront des rhizomes de roseaux et des baies d'airelles dans les clairières de la taïga scandinave. iratyElles nous donnent l'impression d'êtres innombrables, car elles se rassemblent pour migrer au-dessus de notre pays, mais le drainage des tourbières et des forêts humides scandinaves prive les nids de leurs protections naturelles contre les prédateurs. En outre, l'exploitation intensive des forêts occasionne un dérangement peu propice au succès de la reproduction.

Un autre site décrit leur régime éclectique, quoique à prépondérance végétale : graines de céréales, herbes, trèfle et autres légumineuses, mais aussi insectes, larves, chenilles, limaces, ainsi que campagnols, musaraignes et grenouilles. La partie végétale, notamment les graines de céréales, leur est indispensable pour leur fournir les réserves de calories suffisantes en vue de soutenir leurs longs déplacements à plus de 60 km/heure en vol battu, extrêmement consommateur d'énergie, au contraire du vol à voile qu'elles n'utilisent qu'occasionnellement pour profiter d'une ascendance thermique. Leur vitesse de vol dépend en grande partie des conditions météorologiques. Elle varie en moyenne entre 40 et 70 km/heure, même si par fort vent arrière elle peut atteindre 110 km/h. - Photo ci-dessus : Ombre des arbres sur la neige creusée de sillons. -

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