Séjour guidé par Dimitri Marguerat - Participants : Cathy, Jean-Louis, Pascal, Nicole, Laurence | Québec : Tour de Gaspésie |
24 juin au 12 juillet 2016 |
SOMMAIRE | Pages |
||||||
6 L'Ile-Verte 30/06 : Musée du Squelette |
En 1988, lors de son premier voyage au Québec, Dimitri fit l'acquisition du premier livre de Pierre-Henry Fontaine qui venait d'être publié, "Biologie et écologie des baleines de l'Atlantique Nord", devenu lors d'une réédition, "Baleines et phoques, biologie et écologie" (que j'ai aussi acheté directement à son auteur qui me l'a dédicacé). En 1999, lors d'un second voyage avec sa fille qui avait alors trois ans, il découvrit la réédition de ce livre, considérablement enrichi. Il téléphona à Pierre-Henry Fontaine en se présentant comme animateur naturaliste au Centre Permanent d'Initiatives pour l'Environnement (CPIE) du Pays basque. Celui-ci le reçut très gentiment dans sa maison de l'Ile-Verte, et il lui relata qu'il était justement en train d'écrire un livre sur les Basques au Québec. De retour à Saint-Etienne de Baïgorry, Dimitri prit contact avec diverses institutions locales (dont le Centre de la mer, en liaison avec le musée de la mer de Biarritz) pour financer sa venue l'année suivante. Pierre-Henry fit ainsi, entre autres, une conférence au musée basque de Bayonne et il revint deux années de suite, instaurant ainsi des relations entre le Pays basque et le Québec. J'ai retrouvé des sites sur Internet qui évoquent quelques uns de ses séjours en France. - Photo ci-dessus : Pierre-Henry Fontaine et son épouse viennent nous saluer lors de notre départ de l'Ile-Verte -
Tout d'abord, voici ce que rapporte le musée basque de Bayonne. Le 26 mars 2002, le biologiste Pierre-Henry Fontaine, spécialiste des squelettes de baleine, étudie pour le compte du Musée Basque et de l’histoire de Bayonne une vertèbre caudale appartenant à une baleine franche, dite basque. Il s'agissait de la première vertèbre caudale d'un individu adulte ayant fini sa croissance, avec apophyse étroite. De grosseur exceptionnelle, elle est constituée de trois appendices fixés sur un disque au centre duquel passait la moelle épinière. A l'invitation de Béate Cousino, ancienne responsable du Muséum d'histoire naturelle de Bayonne, Laurent Soulier, directeur de l'Institut des milieux aquatiques, et Françoise Pautrizel, alors directrice du Musée de la mer de Biarritz, il revient au Pays basque en 2004 à l'occasion du déplacement d'un squelette de cachalot à Irissarry (Cf. programme ci-dessous). Il poursuit son voyage sur Toulouse où il intervient également comme conseiller pour remonter un cétacé. Un article de juillet 2011 en fait mention. "Le squelette de la baleine bleue, l’une des pièces phare de la collection du muséum d’Histoire naturelle de Bordeaux, au Jardin public, a été entièrement démonté en vue de sa restauration dans l’atelier d’Emmanuel Janssens, le gérant de l’entreprise Ophys. Le conservateur dit que « l’artiste a déjà restauré un squelette de ce mammifère marin pour le compte du Muséum d’Histoire naturelle de Toulouse en 2004 », un travail supervisé par Pierre-Henry Fontaine. Ce scientifique, bien connu des spécialistes, a, entre autres, permis de démontrer que la plupart des squelettes de baleines bleues (rorquals) exposés dans le monde étaient montés d’une mauvaise manière. Le travail d’Emmanuel Janssens, techniquement délicat, consistera à remonter un à un les os de la baleine, en "connexion anatomique", de manière à lui redonner sa forme initiale." - Photo : Musée basque, vertèbre de baleine franche -
J'ai retrouvé sur le site de l'Association Pays-Basque Québec une page de 2004 intitulée LES ECHOS BASQUES où ont été collectées toutes les manifestations en rapport avec le Québec et qui se déroulaient en Aquitaine cette année-là. Parmi celles-ci, on trouvait justement les interventions de Dimitri à Irissarry où se trouvait le cachalot transféré et remonté sous le contrôle de Pierre-Henry Fontaine qui anime le débat après projection d'un film à Biarritz, puis à Hendaye. - Ci-dessous : Programme 2004 sur le site de l'Association Pays-Basque Québec -
Du 9 mars au 2 avril 2004 à Irissarry | |
Expositions - Horaires: du lundi au samedi de 9h30 à 12h30 et de 13h30 à 17h30 - Lieu: Centre d'éducation au patrimoine d'Ospitalea à Irissarry. | |
- Squelettes de cachalot et autres vertébrés (Collection musée de la mer Biarritz et museum d'histoire naturelle Bayonne) | |
- Histoire de la chasse à la baleine (Réalisé par Itsas Begia) | |
- Photographies des baleines des basques et autres cétacés (Dimitri Marguerat) (Adhérent de l'association Pays Basque Québec) | |
Vendredi 12 Mars | |
à 20h00 Salle Antoine d'Abbadie - Sokoburu - à Hendaye, film "le mystère de la baleine franche" et débat animé par Pierre Henri Fontaine. | |
Le Jeudi 11 Mars | |
à 20h30, à la bibliothèque de Saint Jean de Luz, conférence "La chasse à la baleine basque dans le golfe de Gascogne et en Atlantique Nord de 1500 à 1750 " par : Michael Barkham (Docteur en géographie historique de l'université de Cambridge, conseiller scientifique du Musée naval de Saint Sébastien, historien, spécialiste maritime entre le "Pays Basque " et "Terre-Neuve"). | |
Mardi 9 Mars | |
à 20h30 au Colisée à Biarritz, un film "Un cachalot venant des abysses" suivi d'un débat animé par Pierre Henri Fontaine (Biologiste canadien, spécialiste des cétacés) | |
Enseignant en biologie, il a fondé en 1998 au Québec "Le Musée du squelette". Il est aussi auteur de : | |
- Les baleines de l'Atlantique Nord, biologie et écologie | |
- Sous les eaux du Saint-Laurent. | |
Renseignements : CPIE Pays Basque 05 59 37 47 20 |
Suite à sa visite de L’EXPOSITION SUR LES BALEINES, une classe de l'école publique Idekia d'Ustaritz publie sur le Net ce petit reportage. "Le jeudi à 5 heures, on a visité l’exposition sur la baleine. C’est Dimitri qui nous expliquait tout. On a vu un squelette de baleine bleue très, très grand et un squelette de cachalot plus petit. Dimitri nous a expliqué comment respiraient les baleines. Il nous a montré du plancton dans un bocal : ce sont de minuscules crevettes et de toutes petites algues. On a appris qu’on faisait les baleines de parapluie avec les fanons de baleine. On a vu des phoques en photos." - Dessin : Ecole publique Idekia d'Ustaritz -
A Nantes, les squelettes étaient mal montés, ils étaient "tout croches", selon l'expression imagée de Pierre-Henry Fontaine. Voici le récit du museum relatant son intervention. "Animal probablement malade des os et partiellement paralysé, un rorqual commun fut percuté et tué accidentellement par un navire dans le golfe de Gascogne, en mai 1991. C'était un jeune mâle d'une longueur de 18,60 mètres pour un poids d'environ 35 tonnes. Le 1er avril 1995, au terme de 3 ans, 10 mois et 20 jours d'une mission scientifique originale, le museum dévoile aux yeux du public le squelette de la "Baleine de Donges". La salle d'ostéologie spécialement aménagée pour l'événement s'enrichit d'un animal rare et protégé. En 2008, à l’occasion de la rénovation de la Galerie de zoologie, il est décidé de déplacer la baleine. Cette opération est réalisée avec l’aide de Pierre-Henry Fontaine, spécialiste des cétacés, dont les récentes observations de terrain ont montré que les montages de baleines dans les musées étaient généralement erronés. Le squelette est remonté par l’équipe du Muséum en replaçant les mandibules, les côtes et la partie caudale de la colonne vertébrale avec davantage de vérité anatomique." - Photo : Squelette de rorqual commun dans la galerie de zoologie du museum de Nantes -
Au Museum d'histoire naturelle de Paris, il nous dit qu'il a signalé les erreurs dans le remontage de cétacés sur le cahier des remarques, mais on lui a répondu que c'était Cuvier qui avait monté les squelettes, il était donc impossible de rectifier ces assemblages "historiquement faux". A Bruxelles, une équipe belge a très mal monté les squelettes d'une baleine bleue, d'un cachalot et d'une baleine à bosse. Les techniciens se servaient d'un Atlas géographique de Gervais et Van Beneden (1868—1879) très beau, mais dont les planches magnifiques représentaient des squelettes mal remontés. "Ça prend de la salive, tabarouette, pour se faire comprendre quant on n'a pas les diplômes !", s'exclame-t-il. Pour se faire entendre, il arrive toujours avec de la documentation, des photos, des graphiques afin de prouver ses dires. Il n'a pas de doctorat, seulement un diplôme de professeur de biologie dans l'enseignement secondaire, mais il a beaucoup d'expérience. En effet, il a disséqué, démonté et remonté maintes fois des baleines échouées sur les berges de l'Ile-Verte ou du Saint-Laurent, ce qui lui a procuré une grande connaissance de leur anatomie. A son treizième petit rorqual trouvé mort sur l'Ile-Verte, il est devenu un expert, comme le signale la Fondation Musée de la Mer du Québec, qui décrit le squelette d'un cachalot comme un puzzle dont il s'agit d'ajuster les 300 pièces de la façon la plus réaliste possible. Pierre-Henry Fontaine a écrit un article qu'il n'arrive pas à publier où il explique les défauts de remontage des squelettes. En Californie, il a expliqué trois fois des défauts à Santa Barbara et il a constaté ultérieurement qu'ils avaient suivi ses conseils (mais sans faire référence à lui). A Monaco, il a dit que c'était faux, mais on lui a rétorqué que c'était trop cher de refaire le remontage. Au moins, ils ont indiqué sur un panneau les erreurs.
Voici une petite biographie extraite du site en lien. "Arrivé au Québec en 1957, Pierre-Henry Fontaine y poursuit ses études en pédagogie à l'École Normale Laval, à Québec, puis en biologie à l'Université de Sherbrooke. En 1960, il commence une carrière dans l'enseignement de la biologie au secondaire qui prend fin en 1996. Sa fascination pour les baleines remonte aux années 1950 lorsqu'il a vu, pour la première fois, une baleine embaumée qui circulait dans les grandes villes d'Europe. Plus tard, l'achat d'une maison sur l'Ile-Verte, dans le Saint-Laurent près de Rivière-du-Loup, lui révèle les cétacés qui fréquentent ce fleuve magnifique. Sa collaboration à la formation du personnel d'une entreprise organisant des croisières d'observation des baleines l'amène à écrire une première version de "Biologie et écologie des baleines de l'Atlantique Nord" en 1988, qui sera suivie d'une réédition considérablement enrichie en 1998. Cette version a été elle-même remplacée par une nouvelle édition incluant les pinnipèdes et les siréniens. Moniteur de plongée pendant presque 20 ans, il a aussi écrit "Sous les eaux du Saint-Laurent", un guide illustré de la faune sous-marine pouvant être vue en plongée. Depuis sa retraite de l'enseignement, il a fondé et anime le Musée du squelette sur l'Ile-Verte, musée consacré à l'interprétation du squelette en général. Il consacre aussi une partie de son temps à faire la formation du personnel des institutions impliquées dans le tourisme baleinier, à donner des conférences sur les cétacés et la faune sous-marine et à faire des animations à bord de navires de croisières. Enfin, il agit comme expert pour la récupération et le montage des squelettes de grands cétacés. Ces activités lui permettent de financer son musée - et ses 5 véhicules, nous précise-t-il, (dont 2 scooters de neige et 2 quads pour que son épouse et lui-même puissent circuler sur les pistes de l'île enneigée près de 6 mois sur 12) -. - Photos : Livres de Pierre-Henry Fontaine - Ci-dessous : Le milieu aquatique impose une silhouette hydrodynamique aux animaux, quelle que soit la famille à laquelle ils appartiennent -
Si nous nous rendons sur l'Ile-Verte plutôt que sur l'Ile aux Basques, ce n'est donc pas du tout un hasard, et nous ne le regretterons pas, bien au contraire ! Un panneau à l'inspiration poétique sur le quai la présente au visiteur comme un long vaisseau de pierre. "Ancrée à moins d'une lieue de la côte, cette crête appalachienne de 14 km de long vous invite à naviguer sur le Saint-Laurent et à braver, dans une croisière immobile, ses vagues, ses embruns et ses courants. Du Bout-d'en-haut, à l'ouest, jusqu'au Bout-d'en-bas, à l'est, les plages, les marécages et les rivages rocheux, aidés par les marées, recomposent constamment le panorama marin." C'est là que, depuis une quinzaine d'années, Pierre-Henry Fontaine a emménagé. Son épouse a fait l'acquisition d'un terrain supportant une vieille grange qu'il a restaurée pour y réunir sa collection de squelettes. Lorsqu'il enseignait la biologie, il préconisait à ses élèves de raisonner plutôt que d'apprendre par coeur, de réfléchir au lieu de fournir une réponse toute faite. Il nous en fait aujourd'hui une démonstration éclatante en faisant véritablement "parler" les squelettes, mais ce sera une gageure de résumer en quelques lignes un discours de près de quatre heures, sachant qu'il aurait bien pu tenir le double de temps avec la même densité d'informations agrémentées de diversions d'un humour souvent féroce ! - Photos : Analyse d'un squelette humain - Panneau du bac qui transporte véhicules et passagers de la rive droite du Saint-Laurent à l'Ile-Verte -
Il commence par un squelette humain en provenance d'un établissement scolaire qu'il a récemment récupéré. Il est petit, c'est donc évidemment celui d'une femme, nous dit-il, car la pression de sélection a été en faveur des hommes baraqués. - "Maintenant, c'est plutôt le compte en banque qui doit être bien fourni", ajoute-t-il avec un sourire en coin. - Il se souvient qu'en 1964, les filles étaient plus petites que lui, et elles avaient des hanches larges, alors qu'en 1996, celles-ci étaient plus grandes avec des hanches étroites. Quelle a été la cause de cette rapide évolution ? Autrefois, les naissances avaient lieu à la campagne, les sages-femmes ne pouvaient pas résoudre les problèmes graves, mères et bébés mouraient, alors que maintenant, les citadines peuvent accoucher par césarienne à l'hôpital lorsque la nature ne les a pas bien dotées pour enfanter. Donc, sur un squelette, le sexe apparaît également dans l'anatomie du bassin. Le mâle a un pubis étroit, une échancrure sciatique étroite, un bassin étroit, le sacrum vers l'avant et deux pointes osseuses pour maintenir les muscles fessiers. Le tibia (fémur ?) est plus vertical, ainsi l'homme peut courir plus vite. Un squelette féminin est doté d'un os pubien divergent, l'échancrure est plus large, le coccyx plus petit est tourné vers l'extérieur (ce qui provoque une gêne en position assise, sur les chaises dures, sur les vélos...). "Il faudrait prévoir une selle échancrée à l'arrière", remarque-t-il. Lors de l'accouchement, la tête du bébé devient cylindrique. Reconsidérons donc le squelette du musée en tenant compte de ces nouveaux éléments. Ainsi, bien qu'il soit petit (1,55 m), il s'agissait d'un mâle. Ceci est confirmé par d'autres indices caractéristiques : le crâne présente une arcade sourcilière et une protubérance occipitale plus saillantes, le front est plus large, l'apophyse* est solide. Etait-ce un juvénile ? Non, car l'ossification est avancée : les os du crâne du fœtus et de l’enfant sont séparés par des espaces membraneux (fontanelles) qui disparaissent au fur et à mesure de l’ossification. Sur ce squelette, les plaques osseuses du crâne sont soudées, donc il s'agit d'un adulte. Une cicatrice montre qu'il est mort juste après la fin de sa croissance. Les dents de sagesse ont poussé, il devait avoir entre 20 et 25 ans. Dans le passé, les hominidés avaient un "museau" prognathe : les mâchoires étaient proéminentes ou la mâchoire inférieure faisait saillie par rapport à la mâchoire supérieure. Ainsi, il y avait de la place pour les dents de sagesse. Au cours de l'évolution, le "museau" humain a eu tendance à rétrécir. - Par rapport aux grands singes actuels et disparus, Australopithecus afarensis (dont la plupart des fossiles ont été découverts en Afrique de l'Est, Ethiopie, Kenya et Tanzanie) présentait des canines et des molaires réduites, même si elles étaient plus grandes que chez les humains modernes. Australopithecus afarensis avait aussi un cerveau relativement réduit (380 à 430 cm3) et une face prognathe. À l’exception de l’homme moderne, les hominidés étaient prognathes. - L'usure des dents montre qu'il était âgé au maximum de 30 ans, mais pas plus, car il n'a pas de carie. Il a eu un accident (les dents de devant sont brisées). En faisant cette analyse, Pierre-Henry Fontaine effectue un travail similaire à celui de la médecine légale, mais il nous dit qu'il n'en a pas fait son métier car il s'agit d'un travail de "pousseux de crayon", selon son langage imagé dont il force un peu l'accent québécois.
* Le processus épineux (ou apophyse épineuse, ou encore épine neurale) d'une vertèbre est l'excroissance osseuse dirigée vers l'arrière et généralement vers le bas à la jonction postérieure des lames vertébrales et qui servent à la fixation des muscles et des ligaments. - Photos : Squelette d'un chimpanzé - Patte de lion ???- Ci-dessous : Un musée du squelette bien rempli -
Notre mentor nous montre ensuite un bras d'ours, à l'os épais pour résister à la traction de la musculature sur les fémurs et les humérus. Ainsi, à la simple vue d'un os, on peut juger de la musculature et constater que le squelette humain, d'apparence plus grêle, correspond à une musculature plus réduite, il ne fait pas beaucoup de travail de force. Son diagnostic est basé sur des arguments vérifiables. Quant au chimpanzé, on constate des similitudes, même si la mâchoire est plus importante et traduit sa consommation d'aliments crus. Le bras est plus vertical (il se suspend aux branches), le bassin est plus long (il marche à quatre pattes sur le sol). - La largeur de notre bassin permet le soutien des "tripes" en station verticale. - Les orteils et le pouce du pied sont opposables. Il a eu un accident qui lui a provoqué une fracture du fémur. Les deux fragments n'ayant pas été repositionnés bout à bout (réduction de la fracture), les muscles en reprenant leurs dimensions normales ont tiré sur l'os. Donc, cet animal boîtait. Il souffrait aussi d'une fracture du pied. C'était une très vieille femelle, on le voit à ses dents usées. Toutes ces observations confirment la théorie de Darwin sur l'évolution des espèces contestée par les créationnistes qui nient l'évidence, nous dit-il. - Photos : Plantigrades, digitigrades, onguligrades - Chauve-souris -
Il nous désigne ensuite le bras d'une baleine, un gros rorqual commun, une vieille baleine qui avait de l'arthrose ! Elle mesurait 22 mètres de longueur, soit presque la taille d'une baleine bleue. Pierre-Henry Fontaine nous dit d'un air réjoui que "le Bon Dieu ne connaît rien à la mécanique", assertion qu'il nous prouve aussitôt en détaillant l'anatomie. Pour manier le bras de haut en bas, il suffirait de deux os reliés par un coude immobilisé, alors que chez la baleine, son bras est bien rigide, le mouvement de battement part de l'omoplate, mais elle possède trois os, soit un de trop. Pareillement, dans la main, elle a beaucoup d'os. Pourquoi ? Au contraire, la queue est seulement en cartilage, ce qui lui permet des mouvements complexes en ellipse, à la manière d'une godille, pour assurer sa propulsion. Elle ne contient pas d'os, juste des fibres, alors que les nageoires qui sont pleines d'os servent simplement de stabilisateur et sont souvent plaquées contre le corps. Etant donné sa grande taille, elle ne nage pas vite. Pour pêcher, elle émet un rideau de bulles de petit diamètre dont elle entoure les bancs de poissons qui s'y sentent enfermés. "Le Bon Dieu renforce les stabilisateurs et pas l'organe propulseur". En fait, c'est normal que les baleines actuelles soient ainsi constituées, car l'ancêtre des cétacés marchait à quatre pattes. Ce squelette en dérive et il en a gardé quelques éléments alors qu'ils ne lui sont plus utiles dans son nouveau mode de vie aquatique. - Maquette ci-dessous : Plantigrades, digitigrades, onguligrades, amplitude du pas -
Le squelette révèle comment l'animal chasse. Par exemple le loup court moins vite que la proie dont il veut se nourrir, il chasse à courre. Il a 5000 terminaisons nerveuses dans le nez, ce qui lui procure un odorat très puissant. Il a une faible vision binoculaire (il n'a pas besoin de calculer sa distance à la proie), mais une bonne vision périphérique. Ses griffes lui servent de crampons, elles sont non rétractiles. Sa stratégie est de suivre sa proie tranquillement à la trace. L'herbivore se fatigue à la longue, il sprinte à la fin. Si le loup le rate, ce n'est pas grave, car il chasse en meute, un autre de l'équipe l'attrapera. - Photo de gauche : Certains ossements sont immenses et vont du toit jusqu'au sol -
Par contre, le lion a une bonne vision binoculaire (comme le chat), il calcule sa distance à la proie. Il ne court pas, mais chasse à l'affût, puis quand la distance est favorable, il bondit et doit attraper sa proie dans les 300 mètres, sinon il doit abandonner. Ses griffes sont rétractiles, elles doivent rester pointues pour faire office de grappin et lui permettre de bloquer la proie. Le guépard est le seul félin qui peut courir plus vite que sa proie : il est digitigrade et doté de longues pattes. A la différence des ongulés, il est musclé du dos. C'est coûteux sur le plan énergétique, le dos s'est rigidifié, les vertèbres s'encastrent parfaitement. C'est normal, mais pas chez le guépard. Quand il attrape sa proie, il est vidé. Si une hyène passe à ce moment-là, elle peut lui dérober tranquillement sa prise. Il fait basculer sa proie grâce à une griffe du pouce. Chez le chat, les griffes sont différentes à l'avant et à l'arrière : rétractiles à l'avant et semi-rétractiles à l'arrière (elles lui servent de crampons).
Comparons l'autruche à l'orignal. L'autruche dispose de pattes et surtout de pieds très longs, l'autruche a des pattes plus efficaces que l'orignal, mais elle n'a que deux pattes, alors que ce dernier en a quatre. Il a fallu 35 millions d'années pour faire un cheval, mais nous, par sélection, nous pouvons créer une nouvelle race en 150 ans. Dans la nature, les modifications sont lentes, elles sont principalement induites par le binôme "bouffer - baiser" (selon le franc-parler de Pierre-Henry Fontaine). - Photo de droite : Comparaison orignal-autruche -
La girafe bouge l'épaule pour avoir de plus longues enjambées. Sur le tableau des plantigrades, on voit que leur genou bouge, il fait la moitié du chemin, à la différence des ongulés dont l'articulation du genou est presque fixe. L'éléphant ne court pas. Les mammouths non plus ne pouvaient pas galoper, contrairement à ce qui est parfois montré dans des films. L'éléphant n'a donc pas la même foulée que la girafe. - Photo ci-dessous : Moulage d'un fossile de Ptérosaurien -
Pourquoi y a-t-il eu des animaux géants ? Proportionnellement, ceux-ci mangeaient moins que des animaux de petite taille. - La musaraigne mange la valeur de son poids chaque jour. - En plus, une grande taille les mettait à l'abri des prédateurs, ils avaient beaucoup plus de résistance à la chaleur et au froid et ils mangeaient moins souvent. - Photo : Moulage d'Archaeopteryx ??? -
Le fou de Bassan (un oiseau) nage avec les pattes, comme le phoque, mais à l'inverse du manchot qui "vole" dans l'eau. Pour l'aile, comparons le fou de Bassan au colibri : pour battre des ailes rapidement, il faut que le premier segment soit plus court. Le huard (ornithologie: pygargue à queue blanche, zoologie: plongeon arctique, plongeon huard, huard à collier, plongeon imbrin) nage avec les ailes et les pieds, il a donc du mal à marcher, car ses pattes sont à l'arrière du corps et la rotule est soudée au tibia, son mollet est énorme. Il en est de même pour les foulques, les gallinules...
Parmi les Archosauriens, les reptiles volants, réunis dans l’ordre des Ptérosauriens (Ptérosaures), constituent un groupe tout à fait particulier qui, apparu à la fin du Trias, a vécu tout le long du Mésozoïque. Les ptérosaures constituent le premier groupe de vertébrés à coloniser le milieu aérien. Le ptérosaure étendait ses ailes formées par un patagium, une membrane de peau semblable à celle des chauves-souris, non pas grâce aux quatre derniers doigts comme ces dernières, ni le second comme les oiseaux, mais par un allongement du quatrième doigt (le cinquième ayant disparu). Deux sous-groupes de Pterodactyloidea (doigt ailé) du Jurassique, les Dsungaripteroidea et les Ctenochasmatoidea, disposent de dents très spécialisées pour la pêche en eau peu profonde, permettant respectivement l'ouverture de coquilles de mollusques pour les premiers et la filtration de l'eau par des fanons sur la partie inférieure du bec pour les seconds. C'est un exemple de convergence adaptative avec les baleines à fanons qui apparaîtront bien plus tard. Les oiseaux aquatiques tels que les Anatidés (canards, oies, cygnes et autres) ont un bec particulier muni de lamelles sur les bords des mandibules. De nombreux canards se nourrissent de végétation sur la rive ou barbotent dans la vase molle en cherchant des graines, des invertébrés et des plantes aquatiques. Ces espèces peuvent filtrer la boue grâce à ces lamelles afin de ne retenir que les particules plus solides. En outre, le bec aplati est doté d'une extrême sensibilité pour sélectionner les éléments comestibles si leur taille est inférieure à celle d'un coquillage ou crustacé. Il a fallu un à deux millions d'années pour modifier le bec sous l'effet de la pression du milieu.
Certains dinosaures étaient, comme les oiseaux, dotés de gésier. On a trouvé des gastrolithes (pierres pour digérer) dans des fossiles à l'emplacement des organes digestifs. Pierre-Henry Fontaine a toute une collection de moulages de crânes. Il nous montre un crâne de mosasaure, un Prognathodon, trouvé dans les phosphates du Maroc. Ces grands lézards marins proches des varans actuels ou des dragons de Komodo, pouvaient mesurer de 3 à 15 mètres de longueur. Du Crétacé supérieur au Maestrichtien, ils faisaient partie des principaux prédateurs marins avec les requins. Ils disparaissent à la fin du Maestrichtien en même temps que les plésiosaures, d’autres grands reptiles marins, et les dinosaures. Les plus petits pondaient peut-être sur la plage, mais le Mosasaurus beaugei donnait naissance à ses petits directement dans l'eau. Le musée du Squelette contient aussi des baleines fossiles. Pierre-Henry Fontaine nous montre des coprolithes (excréments fossilisés, transformés en pierre) qui peuvent contenir des morceaux de bois, du pollen, s'ils ne sont pas transformés en agathe. Ils permettent ainsi de reconstituer ce qui a été mangé par l'animal. Notre guide nous conte l'histoire du Grallator*. En 1802, un garçon de ferme, Pliny Moody, remarqua des empreintes au bord de la rivière Connecticut, alors qu'il collectait des pierres plates. Il les attribua à un "dindon", de même que le professeur d'histoire naturelle, devenu ultérieurement président du "Amherst College Edward Hitchcock", qui vint les examiner. Celui-ci publia cette découverte en 1836 dans l'"American Journal of Science", puis dans son ouvrage final "Ichnology of New England" en 1858. Plus tard, ces empreintes intéressèrent Thomas Huxley, naturaliste et supporter de Darwin. Huxley croyait que les oiseaux avaient évolué à partir des ratites (groupe ancien d'oiseaux coureurs) et les grandes empreintes du Massachusetts semblaient l'attester. Toutefois, quand l'Archaeopteryx fut découvert en 1861, il devint manifeste que ces vestiges ne pouvaient pas être ceux d'un oiseau et ils furent reidentifiés en tant qu'empreintes de dinosaure. - Photo : Crâne de Prognathodon (Mosasaure) -
* C'est un ichnotaxon, un genre attribué à des empreintes de pas laissées sur des pistes en plusieurs endroits d'Europe (La Grand-Combe au mont Lozère) ou en Amérique (Nouvelle-Écosse). Elles ont sans doute été faites par un saurien, probablement déjà dinosaure, ayant vécu à la fin du Trias (Trias supérieur), probable herbivore qui se dressait sur ses deux pattes arrière. Ses empreintes montrent qu'il devait atteindre 3 à 4 mètres. Il porte aussi le nom d'Otozoum. - Photo ci-dessous : Empreintes de Grallator (Massachusetts) -
Pierre-Henry Fontaine extirpe de sa collection une patte de dinosaure herbivore américain reconstituée qu'il enfonce dans un moulage d'empreinte de dinosaure découverte dans la Rioja (Espagne) : elles coïncident parfaitement ! Puis il évoque un sujet qui lui tient à coeur. Il se trouve confronté de temps à autre à des visiteurs d'obédience créationniste. Une de leurs "preuves" de la jeunesse de la Terre qui, selon eux, aurait été créée par Dieu il y a 8 000 ans, est la présence d'empreintes de traces de pas soit-disant humains côtoyant celles de dinosaures le long de la rivière Paluxy, à côté de Glen Rose Texas aux Etats-Unis. L'auteur du site en lien présente la controverse et explique que ces empreintes sont plus probablement le résultat de l'érosion et/ou d'un comblement partiel par la vase opéré après le passage du dinosaure. Pierre-Henry Fontaine nous montre une carapace de tatou et nous apprend que des Amérindiens s'abritaient sous des carapaces de tatous géants aujourd'hui disparus. A ce propos, il rappelle que des paresseux géants ont aussi existé autrefois et que leur disparition correspond à l'arrivée des humains sur ce continent, il y a quelque 10 000 ans. Les premiers humains à avoir colonisé les Amériques seraient arrivés au maximum il y a 25-26 000 ans. Ils imaginaient que la nature était inépuisable. Dans les forêts américaines, des colonisateurs européens ont rapporté que les Indoaméricains suspendaient les crânes de leurs proies aux branches d'arbres pour que l'esprit de l'animal revienne*. Il y avait beaucoup de gaspillage lorsqu'ils consommaient un animal chassé, puisqu'ils étaient itinérants et n'avaient aucun moyen de conservation ni de transport de la nourriture. Ainsi, ces grands animaux (tatou, paresseux) ont pu être éliminés même avec de petits moyens, en raison de leur lenteur. Il en a été de même du rhinocéros laineux, du mammouth, la pression de chasse par les humains prédateurs et omnivores ayant été trop forte.
* Chez les Algonquins, Amérindiens vivant au Québec et en Ontario, il y avait des prescriptions à respecter envers les animaux. Le père Guimard raconte dans ses mémoires : "Sur ce trajet à travers la forêt sauvage, je vis plusieurs manifestations des superstitions indiennes. Tout au long du parcours, on voyait des os suspendus à des branches d'arbre ou enfilés sur des perches plantées dans le sol. Les Indiens croient qu'il ne faut jamais laisser les os des animaux traîner sur le sol. Les chiens pourraient les manger ou bien d'autres animaux de la même espèce les voir et s'en effrayer. Pour que la chasse soit bonne et que la chance accompagne le chasseur, les os des animaux tués doivent être suspendus. Que de perches ornées d'os pourris et verdâtres j'ai coupées !"
Au moment où j'écris ces lignes, je viens de terminer la lecture de l'ouvrage très complet de Louis de Bonis "Evolution et extinction dans le règne animal" (Ed. Masson) dont je sélectionne quelques extraits se rapportant à ces disparitions. "A la fin du Mésozoïque et au tout début du Tertiaire, les deux Amériques communiquent à travers l'Amérique centrale. La strate ancienne de la faune sud-américaine est formée par les descendants des mammifères présents dans le sud lors de la rupture des relations entre les deux sous-continents. La faune mammalienne ne comprenait alors que deux grandes composantes : des placentaires voisins d'ongulés très primitifs et des marsupiaux. Les premiers vont donner lieu à une radiation extrêmement touffue et originale dont ne subsistent de nos jours que les tatous et les paresseux arboricoles. Les paresseux terrestres pouvaient atteindre cinq mètres de longueur ; les membres, particulièrement trapus, étaient armés de fortes griffes. Les glyptodons avaient l'allure de tatous gigantesques, ils pouvaient atteindre jusqu'à trois ou quatre mètres de longueur et ils étaient recouverts d'une carapace osseuse semblable, à première vue, à celle d'une tortue ; la queue, plus ou moins longue, pouvait être ossifiée et terminée par une boule de laquelle émergeaient de longues épines osseuses... Tous ces animaux étaient phytophages, mangeurs de végétaux, herbivores ou folivores. Le rôle des carnassiers était tenu uniquement par des marsupiaux comme en Australie, en Nouvelle-Zélande ou en Tasmanie avant l'arrivée de l'homme et de ses commensaux..."
"Lors de la réunion des deux Amériques, un grand échange faunique eut lieu entre les deux continents et certaines espèces se trouvèrent en double dans le même biotope, les unes disparurent, tandis que d'autres se maintenaient. Ces extinctions se sont toutefois étalées sur un laps de temps assez long, et il s'écoula plusieurs millions d'années entre la première disparition et l'équilibre actuel. Une seule période fait exception à ce processus, la limite Pléistocène-Holocène, datée de 8 000 à 10 000 ans avant J.-C., qui voit disparaître en un temps record une quarantaine de genres de mammifères d'un poids supérieur à 4 kg, ce qui représente une coupe sévère dans la faune et un taux d'extinction très élevé. On va retrouver un schéma assez voisin sur le continent australien." - Photos ci-dessous : Glyptodon (Brésil, exposition, 200e anniversaire de Charles Darwin) - Glyptodon (Musée national d'histoire naturelle de Paris) -
"En Eurasie, les données ne sont pas tout à fait les mêmes. Le mammouth, le rhinocéros laineux et le daim géant sont totalement effacés de la faune, mais les genres Crocuta, Ursus ou Panthera se maintiennent malgré la fin de la hyène, de l'ours et du lion des cavernes... Les effets du climat (alternance rapide d'ères glaciaires et post-glaciaires) sur l'évolution des vertébrés terrestres paraissent absolument indéniables et les exemples sont multiples qui montrent les liens étroits entre l'habitat, les conditions climatiques et la faune. Cependant, la disparition des habitats qui peut conduire les faunes vers l'extinction n'est généralement pas totale. Il est rare qu'il ne reste pas quelques régions épargnées qui pourraient servir de zones refuge aux espèces en péril. Mais le phénomène le plus frappant dans cette extinction du début de l'Holocène est certainement le déséquilibre, parmi les espèces éteintes, entre les grands mammifères et les autres, si on la compare aux extinctions qui l'ont précédée. En Australie, les premières extinctions de masse se produisent il y a environ 35 à 30 000 ans et touchent surtout des formes de taille moyenne à grande au régime alimentaire herbivore spécialisé, bien que, là comme ailleurs, des carnivores puissent s'éteindre à la suite de la disparition de leurs proies. Curieusement, le phénomène se produit dans l'île voisine de Tasmanie avec un retard d'une dizaine de milliers d'années."
"En Eurasie et en Afrique, le même phénomène se fait sentir. Deux autres particularités remarquables de la crise Pléistocène-Holocène méritent aussi d'être signalées. Il s'agit tout d'abord de la rapidité du phénomène qui lui confère une allure catastrophique. La plupart des taxons s'éteignent en quelques millénaires sinon même dans certains cas en quelques siècles, durée extrêmement courte à l'échelle géologique. D'autre part, aucun d'entre eux n'est encore remplacé et cette extinction est une perte sèche pour la faune qui depuis lors reste amputée d'un grand nombre de ses représentants. Il faut donc faire appel à un autre facteur pour expliquer ces extinctions anormales. Dans le cas de l'Amérique du Nord, les quelques siècles qui précèdent la limite fatale sont le théâtre d'un événement biologique majeur qui est l'arrivée de l'homme dans le nouveau monde. Il y a environ 12 000 ans, Homo sapiens en provenance d'Eurasie franchissait l'isthme de Béring. C'est alors la fin du Paléolithique supérieur et le début de la révolution néolithique. Les chasseurs possèdent un outillage et un armement dont les performances ne seront dépassées que beaucoup plus tard avec l'utilisation des métaux. La majorité des animaux présents sur ce continent, y compris leurs ancêtres, n'ont pas eu le moindre contact avec l'homme et la crainte de ce nouvel ennemi n'est pas encore inscrite dans leur comportement..."
Pierre-Henry Fontaine évoque à ce propos les trajets migratoires de ces premiers humains migrant vers les Amériques. Ceux-ci font encore l'objet de débats. Des analyses du génome permettent de poser quelques jalons. Certaines données archéologiques indiquent que le premier peuplement important de l'Amérique aurait eu lieu à la fin de la Dernière Glaciation, plus précisément lors du Dernier Maximum Glaciaire, entre 16 500 et 13 000 B.P., lorsque la Béringie était un isthme entre Asie et Amérique, en raison du bas niveau des océans. Pendant longtemps, la culture Clovis (aux environs de 13 000 B.P.) a été considérée comme la première culture américaine. Mais des témoignages de plus en plus probants d'occupations antérieures ont été publiés. Le site de Debra L. Friedkin, à 60 kilomètres au nord-ouest de la ville d'Austin au Texas, a ainsi livré une industrie lithique datant de 15 500 B.P. Des groupes issus d'Europe seraient parvenus en Amérique encore plus tôt, entre 16 000 et 24 000 ans avant le présent, en naviguant et chassant à la manière des Inuits actuels, car des vestiges lithiques ressemblant à l'industrie solutréenne (pointes en feuille de laurier dans le Sud-Ouest de la France et en Espagne - entre 22 000 et 17 000 B.P.) ont été trouvés en Sibérie et en Alaska. Les ossements de la femme de Peñon (environ 13 000 ans), découverts près de Mexico, présentent des caractéristiques europoïdes ; les restes d'un homme de type caucasien, en partie momifiés, ont été retrouvés sur le site de la grotte des Esprits, au Nevada ; il a été daté entre 11 000 et 8 000 ans avant le présent. Des migrations pourraient avoir eu lieu encore plus tôt : 35 000 ans pour le squelette « australoïde » de Luzia et le site de Monte Verde, au Chili, 50 000 ans pour la présence humaine dans le site de Topper, en Caroline du Sud, aux États-Unis, et 60 000 ans pour le site préhistorique de Pedra Furada, dans le Parc national de la Serra da Capivara, au nord du Brésil. A l'étude de ce dernier site, Yves Coppens, professeur au Collège de France, considère le peuplement par voie maritime depuis l'Afrique, il y a peut-être 100 000 ans, comme tout à fait plausible. - Photo ci-dessous : Illustration schématique du flux génétique maternel (mtDNA) à travers la Beringie, depuis -25 000 jusqu'à aujourd'hui.
"Les humains ont besoin de magie. La science rend le monde compréhensible", nous dit Pierre-Henry Fontaine. Il lance une nouvelle pique contre les Créationnistes avec lesquels il argumente des heures durant, nous dit-il. "Au Texas, il y a des ploucs, ils cherchent une image frappante pour persuader les gens : pour les Créationnistes, le monde est fait pour l'homme, sommet de la Création." - Il fait allusion au conseil de l'éducation du Texas, responsable des établissements scolaires publics, qui a demandé à un comité d'enseignants d'étudier et de sélectionner les nouveaux manuels des lycéens. Parmi ces membres, certains sont créationnistes et estiment que la théorie darwinienne de l'évolution s'oppose à leurs croyances religieuses et que le changement climatique est une idéologie qui n'est appuyée sur aucune preuve. - Illustration : Durango bill's -
Par ailleurs, il évoque le changement d'organisation sociale lors du passage au néolithique. Lorsque les humains étaient chasseurs-cueilleurs, il n'y avait pas de chef, c'était une société égalitaire, la proie était partagée, les tricheurs éliminés, tout le monde était bien nourri et se reproduisait bien. Cette vie était très dure, il y avait une grande mortalité et une simple blessure posait problème. Les survivants étaient ceux qui avaient la meilleure santé. A l'avènement de la sédentarisation, les fonctions de prêtre et de soldat apparaissent. Le chef appuie son pouvoir sur les agriculteurs par la force et la religion.
Il revient à ses pièces de musée et nous montre trois fourrures de phoque. Le petit, appelé chiot de phoque, a une fourrure blanche très dense, et elle a 4 à 5 fois plus de valeur que celle d'un phoque adulte. En grandissant, les jeunes phoques accroissent leur protection de graisse et la constitution de la fourrure change. Les blanchons, âgés de deux à trois semaines, sont sevrés et vivent sur leurs réserves le temps de la mue. Le taux de mortalité à cette période de transition est élevé, il est d’un sur deux. Par ailleurs, depuis plusieurs années, l’absence de glace dans le golfe du Saint-Laurent perturbe la saison de reproduction des phoques du Groenland. Ces animaux ont en effet besoin d’une banquise épaisse durant le mois de mars et début avril pour la naissance et l’allaitement. Pierre-Henry Fontaine vitupère : depuis l'interdiction de la chasse aux bébés phoques, on fabrique des vêtements "polaires" avec du pétrole. C'est moins bien que d'utiliser une ressource naturelle renouvelable ! C'est le capitaine Paul Watson, cofondateur de Greenpeace, qui s'opposa initialement à ce commerce. En 1977, il conduisit la deuxième campagne de Greenpeace contre la chasse aux phoques. Il amena Brigitte Bardot sur la banquise, au large des côtes du Labrador, pour attirer l’attention de la communauté internationale sur le massacre des phoques. - Pratiquée traditionnellement depuis plusieurs milliers d'années par divers peuples surtout pour l'alimentation humaine, la chasse aux phoques prend une tournure principalement commerciale au fil des siècles. Durant les années 1960, la popularité de la fourrure de phoque dans l'industrie de la mode européenne augmente, au moment même où l'opposition à la chasse s'organise. La chasse du blanchon (le bébé phoque) finit par être interdite en 1987. -
Six espèces de phoques fréquentent les eaux au large de la côte atlantique du Canada, le phoque du Groenland, le phoque à capuchon, le phoque gris, le phoque annelé, le phoque barbu et le phoque commun, bien que le phoque annelé et le phoque barbu soient des espèces de l'Arctique à proprement parler. Le COSEPAC (Comité sur la situation des espèces en péril au Canada) a désigné les quatre premières espèces en tant qu'espèce "non en péril". Avec une population estimée à 7,4 millions d'individus, les phoques du Groenland sont abondants. La population de phoques gris a augmenté de façon constante au cours des 30 dernières années. En 2014, elle était estimée à 505 000 individus (y compris les petits). Au Canada, la population totale estimative de phoque à capuchon en 2005 (dernière évaluation) était de 593 500 individus. On estime que la population en mer du Groenland a été réduite à moins de 30 % de ses chiffres historiques, sa démographie actuelle étant d'environ 83 000 individus.
La population mondiale de phoque commun représente 5 à 6 millions d'individus, mais les sous-espèces dans certains habitats ont été réduites ou éliminées en raison d'éclosions de maladie (notamment la peste du phoque) et de conflits avec les humains. Les populations en Colombie-Britannique augmentent depuis la fin de la chasse en 1967 et comprennent, selon les estimations, environ 100 000 individus. L'abondance au Canada atlantique est inconnue, mais on pense qu'elle a été réduite en raison de la chasse et du programme de primes qui s'est terminé au début des années 1970. On estime qu'il y a de 20 000 à 30 000 phoques communs au Canada atlantique. Les populations de phoque annelé et de phoque barbu ne sont pas connues à ce jour. Pierre-Henry Fontaine considère qu'il y a trop de phoques par rapport à la ressource en poisson qui est pêchée à raison de 4 500 tonnes/jour par les pêcheurs canadiens, soit 10 000 tonnes/an/pêcheur. Mais une réglementation serait nécessaire, avec un inventaire faunique par photo aérienne, puisqu'il se reproduit sur la glace. La fourrure est nécessaire pour les gens qui habitent dans les pays froids. Le contrôle de la chasse serait très facile. Le pétrole pollue quand on l'utilise et il y a un risque de pollution quand le pipe-line traverse les battures : la pollution mettrait 1500 ans à se résorber, car l'hiver est trop long, les bactéries ne peuvent pas dégrader le pétrole dans le grand nord. En plus, l'exploitation du pétrole se produit avec l'émission de gaz à effet de serre. "On ne peut plus gérer la faune à l'émotion", s'exclame-t-il. Les phoques ne sont pas en voie de disparition, au contraire, leur population, dans leur ensemble, progresse. Les biologistes en sont réduits, faute de chasse, à distribuer des contraceptifs aux femelles de phoques gris ! Il serait préférable, selon lui, de permettre une chasse limitée par un permis très cher, la meilleure méthode pour tuer les petits étant de leur écraser la tête d'un coup de bâton. Les lois sur les animaux marins sont irrationnelles. La France a interdit l'importation du phoque en provenance du Québec. Les Oméga 3 sont extraits des poissons gras qui sont surpêchés, alors qu'ils sont accumulés dans le gras du phoque, dont on pourrait les extraire sans mettre aucune espèce en danger. L'interdiction a été un geste de bon coeur qui n'a pas été accompagné d'une réflexion sur les conséquences. Le problème d'attacher de l'importance à une espèce en particulier, c'est qu'on oublie la maison Terre. Dans le même ordre d'idées, si on prolonge la durée de vie des humains au-delà de 100 ans, cela provoquera un problème sur la Terre. Pierre-Henry Fontaine veut que la Terre reste belle. Le petit rorqual ne sera jamais en danger de disparition, il peut donc être chassé. - Photos : Krill - Ci-dessous : Fanons d'un canard souchet -
Les fanons d'un canard souchet sont différents des "dents" de l'oie. Ce ne sont pas des dents en os et émail, mais des crêtes dentelées en forme de dents de cartilage le long des mandibules. Celles-ci sont pratiques pour couper les herbes et tirer les racines et la végétation du fond des étangs. - Photo ci-dessous : Bec dentelé d'une oie -
Quelqu'un a légué à Pierre-Henry Fontaine une collection de crânes humains. Il s'est aussi fait scanner son propre crâne et en a fait un moulage avec une imprimante 3D.
"Nous sommes tous des descendants de noirs africains", nous dit-il. "Chez les Chinois, le nez est vertical et ne permet pas de soutenir les lunettes, tandis que leurs paumettes sont projetées vers l'avant. Les Huns et les autres sont passés en Europe", plaisante-t-il. On constate que les Européens sont issus d'un métissage. On a trouvé des crânes déformés et trépanés. La déformation volontaire du crâne était une pratique culturelle chez certains peuples, comme les Burgondes, les Huns ou certains peuples Andins, par exemple. Elle entraînait un développement inhabituel des os pariétaux en hauteur. L'os pariétal pouvait subir une déformation considérable (et irréversible) par bandage du crâne depuis l'âge de nourrisson jusqu'à la fin de l'adolescence. Cette coutume, principalement dictée par des motifs esthétiques, est détectable sur les squelettes d’Asie centrale du Ier siècle. Elle gagne l’Europe centrale au Ve siècle avec la migration des Huns, et se manifeste dans les sépultures de Goths, d’Alamans, d’Avares, de Thuringiens, de Burgondes et de Francs, chez qui elle a dû être en vogue pendant trois générations. Rien qu'en Allemagne, on a retrouvé 23 crânes présentant cette déformation, soit 10 % de tous les sujets découverts en Europe. La nécropole du Frauenberg, dans les environs de Leibnitz (Flavia Solva) en Autriche, dont les 400 sépultures sont datées du second tiers du Ve siècle, a révélé cinq squelettes présentant la déformation burgonde : celui d'un homme d'environ 50 ans, et de quatre enfants dont les âges s'étalent entre 2 et 10 ans. Les premiers crânes de ce type découverts en Italie, celui d'un homme âgé et d'un enfant, ont été mis au jour à Collegno. La déformation burgonde est une pratique analogue, relevée sur des squelettes de sépultures germaniques du Ve siècle. - Photo : Déformation burgonde (Turmschädel Württembergisches Landesmuseum Stuttgart) - Ci-dessous : "Chez les Chinois, le nez est vertical..." -
La trépanation est une technique de perçage qui consiste à pratiquer un trou en réalisant une découpe circulaire. La trépanation est la forme la plus ancienne de chirurgie dont il existe des preuves physiques. L'examen de crânes fossiles montre que des opérations de ce type étaient réalisées dès le Néolithique, voire le Mésolithique. Le premier crâne préhistorique trépané est trouvé le 20 septembre 1843 à Crozon par le préhistorien Paul du Chatellier. En 1873, un morceau d’os pariétal ayant probablement servi comme amulette est trouvé dans un dolmen de Lozère par le docteur Barthélémy Prunières, qui est le premier à publier des travaux sur les trépanations préhistoriques et à utiliser le terme de « trépanation », terme ensuite fixé et mieux défini par Paul Broca. Des cas de double trépanation guérie sont également mis en évidence à cette époque. Trois techniques d'extraction du « volet de trépanation » étaient utilisées : trépanation verticale (térébration avec un couteau de silex) ; horizontale (rainurage circonscrivant un volet ovalaire et curetage de l’os avec un racloir) ; élimination de roulette (en délimitant, avec des petits trous pratiqués à l’aide d’un poinçon ou d'une meule, une zone qui était ensuite éliminée par nécrose ou au moyen d’un levier). Les chirurgiens devaient beaucoup s'exercer (dans un site néolithique vendéen, une trépanation faite sur un crâne de vache évoque une expérimentation sur l'animal) car une étude sur 130 crânes trépanés de la grotte-aven des Baumes-Chaudes montre que 70 % des individus ayant subi la trépanation avaient survécu (trépanations cicatrisées, voire trou résorbé par regénération de l'os). - Photo : Crâne de jeune fille trépanée au silex, Néolithique (3500 av. J.-C.) ; la patiente a survécu. (Muséum d'Histoire Naturelle de Lausanne) -
Par analogie avec les techniques de trépanation du XIXe siècle, les paléopathologistes proposent plusieurs causes à ces interventions chirurgicales : « toilette » des blessures à la tête avec enfoncement des os crâniens (exemples : traitement des traumatismes crâniens, patients atteints de fractures du crâne) ; guérison ou atténuation de douleurs (céphalées, vertiges, convulsions, crises d'épilepsie, troubles oculaires, mastoïdites aiguës), notamment pour soulager les effets d’une pression intracrânienne excessive (méningite) ; préconisation des sorciers pour faire sortir les esprits malins qui occupaient un hôte et provoqueraient, en particulier, des troubles mentaux. Les morceaux d'os découpés servaient ensuite d'amulette protectrice. Dans les civilisations égyptienne et sumérienne, on allait jusqu'à prélever des disques d'os crânien sur les cadavres. Dans certains ouvrages tibétains, la trépanation est présentée comme un moyen d'ouvrir le troisième œil. Certaines plantes, solanacées (belladone, jusquiame), valériane, étaient sans doute connues et utilisées comme anesthésiant, d'autres, comme la sauge, employées comme antiseptique. Dans certaines civilisations disparues, il semble que la trépanation ait été associée aux déformations crâniennes pratiquées dès la prime enfance sur certains sujets afin de marquer des différences hiérarchiques, sociétaires ou de clan d'un groupe d'individus par rapport à d'autres (exemple: la civilisation de Paracas, au Pérou).
Jean-Henry Fontaine possède la tête d'un indien d'Arizona mort dans un accident de voiture où il s'est cassé la mâchoire. Il évoque la découverte d'un squelette en Amérique du Nord dont le bassin était transpercé par une pointe de lance en pierre : il remonterait à 9000 ans. Il fut mis au jour à la faveur d'un éboulement de la rive de la Columbia et découvert le 28 juillet 1996, lors de la course annuelle d'hydroglisseurs, par deux jeunes spectateurs qui avaient trébuché sur ce qu'ils ont pris initialement pour un « galet rond » et qui était en fait un crâne humain. Jim Chatters, le paléoanthropologue local convoqué sur les lieux, constata aussitôt que le crâne, manifestement ancien, présentait des caractères « caucasoïdes » comme les Européens. Il décida alors de fouiller plus avant et d'extraire les 350 fragments du squelette plus ou moins complet appartenant à un même individu. L'os du bassin réservait une surprise : une pointe de lance en pierre taillée, presque entière, y était restée enfoncée. Il n'était pas mort de cette blessure et avait vécu encore une vingtaine d'années, l'os s'étant ressoudé autour de ce fragment. Les datations par le carbone 14 ont permis d'établir que l'homme de Kennewick a vécu entre 9 200 et 9 600 B.P. Cela fait de ce squelette l'un des quatre plus vieux découverts en Amérique. - Photo : Le crâne de l'homme de Kennewick et, à droite, une reconstitution soumise à la critique -
Comme évoqué un peu plus haut, cette découverte s'inscrit dans la discussion concernant le peuplement de l'Amérique. Par ailleurs, une polémique est apparue lorsque les tribus indiennes (dont les Umatillas, les Colvilles, les Walla-Wallas, les Yakimas et les Nez-Percés) ont souhaité récupérer les ossements de l'homme de Kennewick qu’ils nomment « le grand ancêtre », pour le rendre à la terre. Ils ont d'abord eu gain de cause, en application d'une loi fédérale de 1990, le Native American Graves Protection and Repatriation Act. Début avril 1998, le corps des ingénieurs de l'armée, unité du génie militaire chargée des aménagements hydrauliques de l’État, a enseveli l'emplacement où avait été découvert le squelette. Les Amérindiens satisfaits présidaient à la cérémonie, tandis qu'un hélicoptère de l'armée déversait des tonnes de terre et de pierre sur le site, interdisant toute recherche future. Les ossements eux-mêmes ont été mis sous séquestre au Burke Museum, à Seattle, dans l'État de Washington. C'est alors que, privés de leur objet d'étude, Robson Bonnichsen, Douglas W. Owsley ainsi que six autres anthropologues ont intenté un procès au gouvernement fédéral. Le 4 février 2004, la Cour d'appel des États-Unis pour le neuvième circuit rejeta l'appel lancé par le génie militaire américain et ces tribus amérindiennes estimant que les plaignants étaient incapables de prouver leur parenté avec l'homme préhistorique en question. Le juge démontra en outre que le gouvernement fédéral avait agi de mauvaise foi et il accorda aux chercheurs le remboursement des 2 379 000 $ de frais occasionnés par le procès. C'est ainsi que les études génétiques* purent reprendre. L'haplogroupe du chromosome Y (transmis de père en fils) de l'homme de Kennewick est Q-M3 et son haplogroupe de l'ADN mitochondrial (transmis par la ligne maternelle) est X2a, deux marqueurs uni-parentaux qui se retrouvent pratiquement exclusivement chez les Amérindiens. En 2016, le US Army Corps of Engineers puis le Smithsonian annoncèrent qu'après deux décennies d'argumentations scientifiques et juridiques, les restes humains âgés de 9000 ans de l'homme de Kennewick auraient une sépulture amérindienne.- Photos : Indien Nez-Percé, Vieux Chef Joseph - Peintures rupestres de la Pedra Furada (Brésil) - Photo ci-dessous: Fanons de rorqual commun -
* Etudes génétiques : Dans le livre "La plus belle histoire de l'homme" (éditions du Seuil, collection Points), le généticien André Langaney, directeur du laboratoire d'anthropologie biologique du musée de l'Homme à Paris, s'inquiète (p. 183) de la persistance de certaines croyances et pratiques. "Le FBI tente, aujourd'hui encore, de trouver des marqueurs génétiques qui déterminent l'appartenance raciale, dite "ethnique", d'une personne. En France aussi, un jour, des spécialistes de la police scientifique m'ont demandé de leur trouver des techniques génétiques pour identifier les individus d'origine maghrébine, ce qui est absurde : la Méditerranée, loin d'avoir été un obstacle entre l'Afrique du Nord et l'Europe, a été un lien ; on y navigue depuis 8 000 ans et les populations des deux continents sont incroyablement mélangées... Les techniques font des progrès fabuleux. Mais les idées restent parfois très primitives !"... "Avec le mot "race", on confond la manière de s'habiller, de se parer, les comportements, les gestes. Personne, évidemment, ne peut prétendre qu'un Esquimau ressemble à un Pygmée. Ils sont physiquement totalement différents. Mais on a encore des difficultés à admettre qu'il n'y a pas de frontières en matière de caractéristiques physiques et que l'apparence des êtres humains ne permet pas de les enfermer dans des catégories raciales ou génétiques. J'ai un ami tunisien, musulman, qui parle arabe. Quand on le voit dans une rue, on le prend pour un Irlandais : il est roux, pâle et plein de taches de rousseur. Comme il est immunologiste, il a effectué quelques tests sur lui-même et il a découvert qu'il possédait, en double, un gène réputé n'exister qu'en Afrique noire ! Voilà donc un monsieur qui a l'air nordique, dont le sang pourrait indiquer qu'il est noir, et qui se trouve être tunisien. Et bon immunologiste..."
Nous recentrons notre attention sur des fanons de rorqual commun formés de deux lames cornées et de poils, à raison de 150 à 200 par fanon. Les fanons s'usent à cause du frottement régulier de la langue, laissant ainsi dépasser les poils qui s'usent plus lentement. Le plancher de la bouche est très extensible, la peau en est plissée comme un accordéon. Cette gueule peut contenir 70 000 litres d'eau qui contient du krill et des poissons. Il recrache l'eau par les côtés de la bouche, très violemment, en quelques dizaines de secondes. Elle s'éjecte d'abord par sa propre inertie, puis au moyen de muscles très puissants. La pression est énorme sur les fanons qui sont par conséquent plus larges et plus courts : ce sont les baleines engoufreuses. Le rorqual coule quand il est mort, contrairement à la baleine des basques (baleine franche). Cette dernière fait partie des baleines écrémeuses, plus lente, dont la langue pèse autant qu'un éléphant. Elles se déplacent en surface, gueule ouverte pour collecter les proies, l'eau étant guidée par les lèvres inférieures et filtrée de ses proies par les fanons dont le bas est très souple pour qu'ils restent en place. C'est avec ces fanons que l'on fabriquait autrefois les baleines de prapluie, de col, les ressorts de carriole, etc. Ce matériau n'était pas cher, il était souple et ne rouillait pas. Une tonne de fanons avait la valeur de trente tonnes d'huile. Le cachalot possède l'os de la mâchoire le plus dur qu'il connaisse, il est fait d'un matériau différent de l'ivoire. Pourtant, il s'en sert peu, puisqu'il mange les calmars par succion, il naît sans dent, ses dents de lait qu'il conserve à l'âge adulte ne poussent que sur la mâchoire inférieure et ne lui servent qu'à garder les prises dans son soufflet. - Photos ci-dessous: Baleines de parapluie en fanons de baleine franche - Fanon de baleine franche - Fanons en position le long de la mâchoire - Fanons -
L'orque (épaulard) s'attaque à toute proie potentielle et se sert, quant à lui, de ses dents. Ce n'est pas par goût ou préférence qu'il ne mange que la langue et les parties molles des baleines, mais tout simplement parce qu'il n'a plus faim ! David Attenborough, dans des documentaires diffusés sur la BBC, a colporté des idées fausses à ce sujet. L'huile située dans la tête du cachalot est extrêmement pure, au point que les marins pensaient qu'il s'agissait d'une réserve de sperme. C'est la raison pour laquelle elle a été nommée spermacetis (sperm whale, sperme de baleine). Il faut dire que son pénis peut atteindre trois mètres et que la mer devient toute blanche autour de lui lors d'un accouplement ! Quand l'huile se refroidit dans la tête, elle fige et diminue de volume. Cette propriété est mise à profit par l'animal qui s'en sert de balast: il peut nager dans l'eau à une certaine profondeur et plonger simplement en montant la queue. Comme il est moins dense que l'eau, il remonte facilement en redressant sa tête vers la surface. Pourquoi n'a-t-il pas le mal des profondeurs ? Il descend en apnée. Chez l'humain, le diaphragme est perpendiculaire au torse. En plongeant, l'air comprimé dans les poumons se diffuse dans le sang. Il ne manque donc pas d'oxygène. Par contre, durant la remontée, la pression hydrostatique baisse, le volume des poumons augmente et l'oxygène dans le sang diminue, ce qui provoque une syncope, il perd connaissance. Il en est de même pour l'azote (80% des gaz contenus dans l'air). L'azote contenu dans le sang forme des bulles durant la remontée, un danger mortel pour le plongeur. Par contre, chez le dauphin, le diaphragme est oblique et le coeur est situé dans les viscères. L'air est chassé des poumons, il n'y a donc pas accumulation d'azote. Il en est de même pour le phoque. La pression hydrostatique écrase les poumons, pas le coeur. Cette évolution s'est produite sur 35 millions d'années. Pierre-Henry Fontaine se remémore une anecdote cocasse. Il a longtemps fait de la plongée sous-marine. Alors qu'il tenait une caméra, il a vu un béluga s'approcher si près qu'il a pu toucher son dos et même le caresser. Mais le béluga n'a pas apprécié et il lui a craché dessus !
Un jour, sept dauphins sont entrés dans le Saint-Laurent en suivant le cap sud-ouest car ils pourchassaient des poissons. - Ce sont les femelles qui mènent les groupes. Elles chassent les jeunes mâles pour éviter la consanguinité. - Ces dauphins ont ensuite suivi la direction nord-est pour ressortir, mais ils étaient trop près de l'île où ils se sont échoués à marée descendante. C'est un problème de magnétisme, qui leur servirait à s'orienter en pleine mer. Quatre ont survécu, les gens ont cherché à les sauver, mais ils refusaient d'aller vers le sud-ouest. Finalement, ils sont tous morts. Une prochaine fois, il faudra les mettre dans une remorque (chacun pèse 200 kg) pour les amener plus loin afin qu'ils ne trouvent plus d'obstacle en suivant leur cap. Ces animaux ne sont pas assez intelligents pour aller contre leur instinct qui est très fort. J'estime qu'il est inutile de sauver un animal en particulier en négligeant le bien-être de la Terre entière. "Sauver un phoque à Cape Cod ("Cap aux morues", au sud-est du Massachusetts), alors qu'il n'a rien à y faire", par exemple. Qu'est-ce qui tue les baleines ? Un bébé rorqual échoué au Cotentin avait dans son estomac des sacs en plastique. En deux mois, il en avait ingurgité 4 mètres cube, alors qu'il était encore au stade de l'allaitement et qu'il commençait juste à grappiller ! Il est donc urgent de ramasser les sacs plastique, d'éviter les décharges à ciel ouvert où les sacs s'envolent. Il y a aussi la pollution par le pétrole. Dans le golfe du Mexique, la marée noire provoquée par l’explosion, en avril 2010, de la plate-forme pétrolière Deepwater Horizon exploitée par BP, au large du sud-est des États-Unis, a atteint l’équivalent de plus de 3 millions de barils de pétrole et elle a souillé plus de 2 000 kilomètres de littoral, malgré toutes les bactéries présentes dans ces eaux chaudes. Il a fallu 87 jours pour boucher le puits situé sous 1 500 mètres d’eau. En plus de la prévention de ces catastrophes, il faut empêcher le dégazage des bateaux. Lorsqu'ils sont en zone internationale, c'est difficile de les pénaliser, mais avec tous les moyens satellitaires, on peut pister le contrevenant et lui donner une amende au port. Mais on préfère laisser le commerce prospérer... Il y a aussi les collisions avec les bateaux. Les baleines devraient apprendre à les éviter, mais le problème, c'est lorsqu'elles se situent juste dans l'axe du bateau, car le bruit s'entend moins que si elles se trouvent sur le côté et elles se font percuter.
Pierre-Henry Fontaine consulte sa montre : il nous parle depuis 8h30 et il est midi ! "Le piton OFF n'existe pas", s'exclame-t-il ! Il pourrait nous parler encore des heures... Place aux dernières questions. Son premier squelette ? Ce fut le chat de sa tante qu'il alla déterrer à l'âge de 12 ans avec son frère. Il cassa la boîte dans laquelle il était inhumé pour le disséquer. Il se souvient qu'il eut un professeur de sciences naturelles merveilleux. Sautant du coq à l'âne, ou plutôt du chat à l'éléphant, il nous relate que Félix Houphouët-Boigny, surnommé "le sage" et initiateur de l'indépendance de la Côte d'Ivoire, interdisait le port de carabines à ses paysans. Le problème, c'est que ceux-ci se retrouvaient sans ressource pour repousser les éléphants qui venaient manger les ignames et écraser les récoltes. Autrefois, ils visaient la tête de l'éléphant pour lui faire mal et qu'il aille manger ailleurs. Il a été témoin de ces difficultés lorsqu'il enseignait la biologie dans ce pays. Ses élèves lui ont permis de repérer - et de rapporter - des os d'éléphant, de lion ou de tigre. «Avant, on me fouillait des pieds à la tête aux douanes, maintenant, on me laisse tranquille», raconte-t-il. Il a poursuivi son activité de collectionneur de squelettes en dépeçant les baleines échouées, en récupérant des animaux chassés par les trappeurs. Il a voyagé jusqu'au Yukon à la recherche de carcasses. Aujourd'hui, les autorités savent que sa quête n'a rien de morbide. La collection de Pierre-Henry Fontaine comprend quelque 400 squelettes et crânes - d'autruche, de crocodiles, de singe, etc. Le plus long fait plus de 21 mètres (celui d'un rorqual). L'homme, philosophe Pierre-Henry Fontaine, est différent de l'animal : il est intelligent, mais il raisonne mal. Il a le coeur à côté du cerveau, il n'aime pas vraiment ses enfants. "Nous empruntons la Terre à nos enfants" : ce n'est pas un legs que nous leur transmettons, qui justifierait l'attitude "Après moi, le Déluge". L'animal vit dans le présent, il n'a ni avenir ni passé, sauf s'il se passe un événement marquant. Le fait d'avoir la notion du temps devrait nous rendre raisonnables.
Pourquoi a-t-il migré au Québec ? En 1962, c'était la guerre d'Algérie, son père était dans l'infanterie coloniale. Insoumis, il a fui au Québec. Sitôt arrivé, il a participé à des campagnes archéologiques sur l'Ile-Verte, et il a eu le coup de foudre pour cet endroit. En 1964, il y achetait un terrain. Tant qu'il travaillait dans l'enseignement, il ne se rendait sur l'île que dans son temps libre, mais depuis sa retraite il y vit à plein temps, il y passe même tous ses hivers (avec quelques séjours en Arizona pour se réchauffer un peu). Originaire de Lyon, il a acquis la double nationalité franco-canadienne. C'était nécessaire "pour faire la job". Accepterait-il de venir en France faire des conférences ? Oui, si on lui paye le voyage. C'est tout ce qu'il demande.
SOMMAIRE | Pages |
||||||
6 L'Ile-Verte 30/06 : Musée du Squelette |