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Le chien

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Le Braque, chien à poil ras, de robe parfois marron unicolore, mais, le plus souvent blanc et marron, est le prototype du chien d’arrêt, l’ancêtre de beaucoup, probablement même de tous. Je parle, bien entendu, du Braque véritable et non des races fabriquées, non plus que des sujets qui, sous prétexte de retrempe (?), ont été victimes d’abâtardissement.

Le Braque français, dont nous allons parler aujourd’hui, a conservé toutes ses qualités. Il n’est pas au-dessous de ce qu’il a été, ni au point de vue qualités pratiques, ni au point de vue type. Non seulement une infusion de sang étranger ne lui est pas nécessaire, mais elle fui serait franchement nuisible. Et, de ceci, d’ailleurs, nous avons vu des exemples.

Le croisement le plus courant, Braque français-Pointer, donne quelquefois un sujet remarquable. Une fois sur mille environ. Je me place au point de vue travail ; du type, je n’en parlerai pas. Mais, dans la presque totalité des cas, les résultats sont déplorables : chiens à nez de Braque et à allure de Pointer, ou, inversement, chiens à caractère de Pointer, au dressage difficile, chiens heurtés, en un mot. Et ce mot est rigoureusement exact. Le Braque français et le Pointer sont deux antithèses. Si l’on accouple l’un avec l’autre, les deux races ne se fondent pas, ne fusionnent pas. Ce n’est pas le cas de dire que les extrêmes se touchent : ici ils se heurtent violemment.

Le Braque français est un excellent chien, le Pointer aussi, du reste. Selon notre pays ou selon ce que vous voulez faire, prenez donc l’un ou l’autre, mais n’ensaladez pas les deux ! On a fait le Pointer avec le Braque, mais on n’a jamais fait et on ne fera jamais de Braque français avec le Pointer.

Du reste, le produit de croisement montre toujours par quelque endroit le bout de l’oreille. Le modèle du crâne, la forme de l’oreille, l’allure générale sont ou peuvent être modifiés. Mais l’indication irréfutable est fournie par l’épaule et là on ne se trompe jamais !

Le Braque français est d’un dressage très facile, parce qu’il est complet, qu’il a son caractère et qu’il est bien équilibré. Nombreux même sont ceux qui se dressent pour ainsi dire seuls. Ils se conduisent avec la plus grande facilité : il n’y a qu’à les laisser faire. C’est donc un chien utilisable partout et par tous. C’est le seul chien d’arrêt avec les Braques ibériques que j’ai vu partout utiliser : en plaine, au bois, en haute montagne. À vrai dire, théoriquement du moins, ce n’est pas un chien d’eau, il n’est pas établi pour cela.

Cependant, il est assez rare, quand on ne lui a pas joué quelque mauvais tour, que le Braque français craigne l’eau, et j’en ai même connu et possédé qui avaient, même en hiver, une véritable passion pour cet élément. Mais, vu leur vêture, il ne faut pas les pousser dans cette voie. Bien au contraire, en dehors de la saison chaude, il ne faut les laisser aller à l’eau qu’exceptionnellement et en cas d’absolue nécessité.

Certains chasseurs, connaissant mal la race, lui ont fait le reproche d’être lourde, grande, encombrante et de manquer d’allure. Ces reproches ne sont qu’en partie justifiés. Évidemment, si on le compare au Pointer ou au Setter irlandais, par exemple, le Braque français est lourd de silhouette et d’allure. Mais il n’a pas la lourdeur du Braque d’Ariège ni du défunt Charles-X. Sa taille, qui oscille entre 0m,56 et 0m,65, est celle d’un chien d’arrêt normal. Les chiens encombrants, à la maison ou en voiture, sont les chiens mal éduqués qui remuent tout le temps, changent constamment de place, sautent sur les coussins, sur les genoux, sur vos épaules même. J’ai vu beaucoup de Cockers et nombre de chiens de dame bien plus désagréables et encombrants qu’un honnête Braque bien stylé. Enfin, le Braque français chasse généralement au trot et je puis vous assurer que, même dans des terrains difficiles, il avance très suffisamment.

Et d’ailleurs, à côté du Braque français de grande taille auquel ces reproches ont été adressés à tort ou à raison, il ne faut pas oublier le Braque français de petite taille, le Braque français léger, beaucoup plus répandu et beaucoup plus agréable que le précédent. Ce petit chien toise de 0m,47 à 0m,56. Il y en a même de bien plus petits ; toutefois ils ne sont pas à conseiller ni en haute montagne, ni dans les couverts. D’ailleurs, 0m,47 est le minimum exigé par le standard. Standard très bien fait, du reste, ce qui n’est pas le cas de tous. Ce petit chien léger est toujours très suffisamment musclé ; il est très vif, chasse le plus souvent au galop, quelquefois en alternant le trot avec le galop.

Le Braque de grande taille porte généralement la tête plus haute que le Braque de petite taille ; mais tous ont du nez. D’ailleurs, si certaines races de fabrication tiennent leurs qualités olfactives d’un ancêtre Pointer, il ne faut pas oublier que les Braques espagnols et français ont un nez de premier ordre et que c’est uniquement de là que provient le nez du Pointer. Ce n’est pas tout à fait la même chose !

J’ai dit souvent et je dis encore que, de tous les chiens continentaux, si le Braque français est le plus ancien, c’est aussi le meilleur.

Je ne veux pas dire par là qu’il n’y ait des chiens qui l’égalent : il en est d’excellents dans toutes les races. Mais, si l’on considère, non point les individus pris isolément, mais la race elle-même dans son ensemble, on est bien forcé de reconnaître qu’aucune race, du moins continentale, ne présente un pourcentage aussi élevé de bons chiens : tous chassent, tous ont du nez, tous ont bon caractère. Le déchet est quasi inexistant. Dans n’importe quelle variété de Braques, on peut rencontrer des individus qui égalent quelquefois le Braque français, mais ils ne lui sont jamais supérieurs.

Pourquoi cela, me direz-vous ? Parce que le Braque français est un chien merveilleusement équilibré. Il est intelligent, très chasseur et le nez est toujours bien en rapport avec leurs pattes. Et tels ils étaient autrefois, tels ils sont encore aujourd’hui, du moins dans les régions où l’on a su et voulu conserver la race à l’état rigoureusement pur. Mais, dans les contrées où il était autrefois répandu et où par indifférence ou par esprit d’innovation on a ouvert la porte aux croisements, cette bonne vieille race a disparu.

Je l’ai d’ailleurs expliqué dans un de mes ouvrages : Nos chiens d’arrêt et leur dressage : le Braque français n’est pas un chien du Centre, et encore moins du Nord où on le rencontrait cependant, c’est un chien du Sud de la France. Ce qui l’a perdu ailleurs, c’est qu’on ne l’y connaissait qu’à moitié. On y manquait de reproducteurs, surtout de reproducteurs dignes de ce nom. On le croisa avec tout ce que l’on eut sous la main, y compris les Saint-Germain et les Pointers, et l’on croyait cela très bien ! Que de cynophiles ignorants pensaient ainsi améliorer la race ! Ils l’ont perdue, tout simplement. Ils ont obtenu des sujets sans type, ils ont perdu toutes les bonnes qualités caractéristiques du Braque français, et, dégoûtés de la manière de chasser de leurs nouveaux chiens, ils les ont abandonnés, sans se rendre compte, ou du moins sans avouer que c’est d’eux que venait tout le mal.

(À suivre.)

J. DHERS.

(1) Voir nos 588 et suivants.

Le Chasseur Français N°595 Janvier 1940 Page 15