Beaucoup de bons toutous, parmi les courants
particulièrement, ont été sacrifiés. Il convient donc de tourner les yeux vers
les chiens à tout faire susceptibles de les remplacer pour la destruction des
lapins et des nuisibles.
Bien que la réglementation définitive ne soit pas encore
parue, est admis partout le concours des chiens et, en divers départements, l’usage
du fusil. Les chiens utilisés devront donc mener à voix et se montrer capables
d’aider à détruire les plus petits comme les plus forts indésirables.
Il existe un peu partout des chiens terriers de race pure ou
incertaine, qui eux ont été généralement conservés et dans les rangs desquels
nous trouverons notre objet.
Quant au lapin, il est difficile de voir plus meurtrier qu’un
fox ou autre terrier de même style, bon lanceur et menant à voix. J’ai eu
plusieurs de ces personnages, dont tels ou tels, des femelles surtout, avaient
une finesse de nez remarquable, menant sur les chemins sans s’emballer et aussi
sur les terres labourées. Il y a des emballeurs dans la corporation ; mais
tous sont susceptibles, sous bois ou au fourré, de conduire un lapin au
terrier. La difficulté la plus grande à résoudre tient dans la découverte du
chien donnant à voix.
Il est des familles favorisées à cet égard et, rien que par
sélection, la qualité recherchée peut être maintenue. Un terrier ne devient
vraiment précieux à la campagne que s’il est une sorte de « maître Jacques »
permettant de tout attaquer, des rongeurs au sanglier, en passant par
mustélidés, « vulpins et tessons ». Ce personnage n’est pas une
chimère. Il existe bel et bien, et pas seulement chez nous ; le monde
panaché, appelé en Angleterre « working terriers, » n’est pas conçu
pour autre destin. En France, certains gardes ont compris l’intérêt que
représentent de tels auxiliaires. Malheureusement, voit-on peu d’annonces les
concernant et souvent n’est-ce que par hasard qu’on ait connaissance d’un petit
élevage. Si ces chiens ne sont pas généralement dans le type exposition, il s’en
voit de fort présentables comme structure, aplomb, port d’oreille et même
distinction.
Toutefois, il ne faudrait pas conclure à l’impossibilité de
trouver, parmi les Fox-terriers d’exposition, des chiens tels que ceux étudiés
ici. J’ai eu le plaisir de rencontrer à l’exposition de Paris, cette année, un
sportsman dont les élèves figuraient sur les bancs. Grand chasseur de sanglier
avec ses fox à poil plat, il me disait la tendance de plus en plus accentuée se
manifestant chez eux d’une génération à l’autre, à se comporter comme de vrais
courants, maintenant la voie indéfiniment, alors qu’il les désirait plus « roquets ».
J’ai conservé de cette intéressante conversation un souvenir
et un enseignement précieux, savoir que, par la sélection et l’entraînement, le
chien d’exposition si injustement décrié pouvait redevenir ce qu’il ne devrait
pas cesser d’être. Ce n’est pas de sa faute si tant de ses admirateurs des deux
sexes se complaisent à lui faire mener l’existence d’un Toy, alors que sa
valeur naturelle ne demande qu’à se manifester.
J’ai parlé du Fox-terrier, parce qu’il est un des terriers
les plus répandus sur le continent ; mais tout ce qui présente son gabarit
et son tempérament peut rendre mêmes services. Il me souvient d’un Welsh
débarqué d’un caboteur, et je n’ose dire subtilisé à nos alliés, un des
meilleurs courants lanceur et meneur que j’aie vu pour le lapin.
Malheureusement, tous les chiens de petite taille de robe sombre sont très
exposés. Un coup de fusil malencontreux termine prématurément et trop souvent
leur carrière.
Celle du Fox-terrier le met à l’abri de cette disgrâce.
Il est un courtes-pattes très estimé en Angleterre pour le
sport du « rabbiting » : c’est le Sealyham. On en a composé de
petits équipages, pratiquant il semble même le « rabbit-hunting ». Il
se voit ainsi promu au rang de véritable courant. Sa qualité ne peut donc être
mise en doute. Nos préférences vont cependant aux chiens faits en petits
hunters comme ce qui est Fox-terrier ou similaires, beaucoup plus vites et
capables de passer partout.
La quantité et l’abondance du poil ne nous semblent pas s’imposer ;
la texture et la qualité sont autrement intéressantes. On a réalisé, chez le
Fox-terrier à poil plat, un « jarre » droit, rêche et dur qui
constitue une protection parfaite. L’entretien d’un tel pelage, enfin, est des
plus aisé, et cela doit entrer en ligne de compte.
Au temps où j’avais des terriers meneurs, il m’a toujours
paru inutile ou même nuisible d’en utiliser plus de deux à la fois. Quand vous
sortez vos chiens courants, ne pas leur adjoindre plus d’un de ces bouillants
petits chiens, dont le rôle consistera surtout à lancer, sous réserve encore qu’il
soit ralliant ; dans le cas contraire, il créera bien des ennuis. Avec
deux terriers s’entendant bien, on met sur pied beaucoup plus de lapins qu’avec
les courants. Beaucoup se font gober au lancé ; c’est désobligeant pour le
tireur, mais efficace comme résultat. Enfin, s’ils trouvent putois, fouine ou
même sanglier, ils les attaqueront avec la même vigueur.
C’est de la destruction, c’est entendu, et cela ne rappelle
le classicisme de la chasse au courant même de loin ; mais, pour réduire l’excès
du nombre des lapins et démolir quelques nuisibles au fusil, il est difficile
de trouver mieux.
On admettra, enfin, que plus intéressantes sont les allures
rapides d’une paire de ces petits chiens que les manœuvres patientes de bassets
lents. Ceux-ci ont la beauté de la gorge, il est vrai, et le classicisme dans
la suite. Il faut choisir entre les deux écoles. À n’envisager que les
résultats, il ne peut y avoir aucun doute ; chaque fois qu’il s’agira de
destruction, le chien vite s’imposera. Pour l’instant, c’est ce qui est
demandé.
J’ai chassé la fouine au grenier avec des Fox. Là, leur
adresse et leur goût pour cette voie sont d’un précieux concours. Les quelques
Teckels que j’ai vus à l’œuvre à la même chasse, et toutes celles qui ont été
dites, m’ont semblé aussi très intéressants. Beaucoup de ces chiens sont
devenus en France simples objets de luxe, ce qui est dommage. On rencontre
parmi les Teckels de chasse un nombre imposant de suiveurs à la muette, ce qui
prouve bien, comme le disait Huge, qu’il les faut considérer plutôt comme
terriers que courants.
Pour tirailler le sanglier, mes préférences vont aussi au
Fox-terrier et même à celui d’une certaine taille, soit aux environs de 0m,40,
pour multiples raisons, et ne serait-ce que parce qu’en temps de neige il ne
disparaît pas jusqu’aux oreilles.
Toute l’armée des petits matinoïdes aux nombreuses variétés,
dont le Fox-terrier est le type, est susceptible de rendre service dans tous
les genres de chasse. Leur instinct de chiens attaquant par surprise permet de
les entraîner à l’arrêt assez prolongé. Nous savons tous qu’il en est pointant
très bien sur la perdrix et la bécasse.
En signalant tous les partis qu’on peut en tirer, j’ai voulu
encourager les amateurs à ne pas conserver oisifs ces intelligents petits
chiens si répandus. La vie qu’on voit imposer au plus grand nombre ne laisse
pas que de surprendre. La tendance de beaucoup d’amateurs est d’exhiber un
chien soigné et autant que possible primé, dont l’existence se passera à ne
rien faire.
Sans doute l’heure est-elle passée des chiens sans emploi
utile. Il faut laisser aux Toys, incapables d’autre destin, le soin de plaire.
Quand on a tant de qualités précieuses que le terrier de travail, ce serait
péché que de ne les point cultiver.
R. DE KERMADEC.
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