Le plâtre du jardin.
— « J’ai lu des comptes rendus élogieux,
concernant remploi du plâtre en grande culture. Appliqué au titre d’engrais, ce
produit aurait agi considérablement sur les rendements en fourrages, racines,
raisins, etc. N’aurait-on pas également intérêt à appliquer le plâtre pour
amender les potagers et les vergers, afin de récolter plus de légumes et de
fruits ? Comment le plâtre agit-il et à quelle dose l’employer ? »
Bien que le plâtre se soit parfois montré capricieux, quant
aux résultats qu’on en obtient, à cause des réactions variables qu’il engendre
dans les terres de diverses natures, on ne peut que se féliciter de son emploi
dans les terres de jardin, copieusement fumées, et généralement riches en
humus.
La raison, c’est que le plâtre ou sulfate de chaux
contient deux principes utiles, l’acide sulfurique et la chaux,
qui existent dans tous les tissus végétaux. Bien entendu, son action
fertilisante ne se produit pas toujours de la même manière. Ainsi, dans les
jardins où le calcaire fait défaut, et où il se trouve à gros grains, il agit
davantage que dans les terres bien approvisionnées en calcaire fin,
assimilable. Enfin, son action est encore plus marquée lorsque la couche arable
contient une bonne réserve d’humus, lente à se nitrifier par insuffisance de
chaux.
Entre diverses hypothèses émises sur le rôle fertilisant du
plâtre, on peut admettre que :
1° son acide sulfurique est un stimulant de la végétation ;
2° sa chaux est un élément essentiel nécessaire à la
croissance des plantes ;
3° le plâtre solubilise la potasse inerte du sol au profit
de la végétation ;
4° il libère l’acide nitrique des humâtes dans les sols
acides.
Malgré ses propriétés multiples, il ne faut pas perdre de
vue que, si l’emploi exagéré du plâtre, comme celui de la chaux, peut enrichir
le père, c’est toujours au détriment des enfants ou, suivant la figure imagée
de Battanchon : ce serait comme un banquier qui prélèverait sur le capital
de ses clients pour leur payer des coupons.
Mais n’exagérons rien. En terrain fertile, potager ou
verger, on peut appliquer sans crainte 4 kilogrammes de plâtre cru ou son
équivalent, 3kg,200 de plâtre cuit à l’are, et même répéter
plusieurs fois cette opération, à condition d’apporter en même temps une forte
fumure compensatrice de fumier.
Les engrais secondaires.
— En plus des principes essentiels, reconnus
comme étant absolument indispensables à l’accroissement des tissus végétaux,
savoir : l’azote, l’acide phosphorique, la potasse et
la chaux, les plantes ont besoin d’autres éléments de moindre
importance, mais néanmoins utiles, que l’on retrouve dans les cendres, à l’analyse,
sauf le soufre qui se volatilise à la chaleur. Ces matériaux, désignés par les
agronomes d’engrais secondaires ou catalytiques, sont nombreux.
Parmi les principaux on cite : le magnésium, la soude, le manganèse,
le fer, le soufre, le chlore, l’iode, le zinc,
etc., qui existent tantôt à l’état natif, le plus souvent en combinaison, sous
forme de sel.
Les engrais secondaires jouent dans la nutrition végétale
des rôles assez mal définis de stimulant, de dissolvant, de désinfectant, qui
ont fait l’objet de nombreuses recherches. C’est ainsi que MM. Bertrand et
Thomassin ont étudié l’action du manganèse sur l’avoine et la betterave ;
MM. Grilfiths et Oberlin se sont occupés, plus particulièrement, du sulfate
de fer ; MM. Boulanger et Demolon, du soufre, etc.
D’autre part, M. Émile Cadet, ingénieur à Donizy, s’intéresse
aux engrais magnésiens, qu’il voudrait appliquer sur les cultures potagères et
sur les fourrages. Il me le fait savoir en ces termes : « Persuadé
de la portée considérable des engrais magnésiens, mais n’ayant pu en trouver
dans le commerce, je prie M. Adonis Légume de m’indiquer : la nature
et la composition de ces engrais, et si on peut les préparer soi-même, la
quantité à employer à l’are, et qu’elles sont les cultures les plus avides de
magnésie. »
La magnésie dans la nature.
— D’après mon ami R. Dumont, l’auteur de Fumure
raisonnée des légumes, la magnésie serait une substance dont la restitution
est beaucoup trop négligée, étant donné que toutes les plantes légumières et
fourragères en prélèvent des quantités assez importantes, les plus avides en
cet élément appartenant à la famille des liliacées (ails, échalotes, oignons).
Dans toutes ses analyses de cendres, Dumont n’a jamais trouvé moins de 2 p. 100
de phosphate de magnésie dans les tubercules, la proportion s’élevant jusqu’à
20 p. 100 dans les cendres des graines de pois, haricots, lentilles, et
même au delà dans les graines de céréales.
Par ailleurs, Willstatter a démontré que la synthèse
chlorophyllienne ne peut se produire que par des combinaisons de magnésie. Lœw,
de l’Institut agricole de Tokio, affirme que, sans la magnésie, l’assimilation
de l’acide phosphorique ne se ferait pas et qu’elle sert de véhicule pour la
formation du protoplasma des racines. D’après le même auteur, il devrait y
avoir un certain rapport entre la teneur d’un sol en magnésie, et en chaux,
pour que l’on en obtienne le rendement maximum. Ce rapport devrait être de 1/1
pour les céréales, de 1/2 pour les légumes feuillus, de 1/3 pour les
légumineuses. Bardini et Corso, qui ont repris les expériences de Lœw, sont
arrivés aux mêmes conclusions.
Des travaux de ces savants, on peut dire que la magnésie, de
même que la chaux, joue un rôle très important sur le développement des tissus
organiques, aussi bien animaux que végétaux, et que son insuffisance pourrait
bien être la cause des déficiences et des troubles constatés, tant sur les
bêtes que sur les plantes (cancer, tuberculose ..., gomme, chlorose,
etc.).
Les engrais magnésiens.
— M. Mouret affirme, lui aussi, que les apports de
magnésie favorisent considérablement la production léguminière. Il déclare, en
outre (voir, page 39 du Chasseur Français, année 1939) que les denrées
récoltées après une fumure aux engrais magnésiens jouaient un rôle préventif et
curatif contre les maladies de carence organique, telles que cancer,
tuberculose, etc., qui déciment également les bêtes et les gens.
Sous quelle forme et à quelle dose convient-il d’appliquer
le magnésium ? D’aucuns préconisent l’emploi du phosphate ou du nitrate de
magnésie ; d’autres préfèrent le sulfate de magnésie industriel, dont la
valeur commerciale est moindre. Toutefois, comme la magnésie paraît plus assimilable
et plus profitable lorsqu’elle est associée à l’acide phosphorique, j’estime
que l’on aurait intérêt à mélanger intimement, assez longtemps avant l’emploi,
du phosphate de chaux pulvérulent avec du sulfate de magnésie finement égrugé.
Les deux sels en présence pouvant échanger leurs bases, il devrait se former du
sulfate de chaux et du phosphate de magnésie.
On trouve des phosphates de chaux naturels chez les
marchands d’engrais ; pour le sulfate de magnésie, on s’adressera de
préférence à une droguerie de gros. Enfin, il y a la chaux magnésienne, 25 p. 100
de magnésie et 45 p. 100 de chaux, qui peut être intéressante dans
certains cas.
Bien que l’on n’ait pas encore déterminé scientifiquement la
dose d’engrais magnésiens à appliquer sur les différentes cultures, il semble
que le mélange phosphate de chaux + sulfate de magnésie, à la
dose de 100 kilogrammes à l’hectare, soit 50 kilogrammes de chaque sorte,
devrait suffire comme fumure phospho-magnésienne. J’attends des renseignements
complémentaires pour revenir sur cette question agrologique et thérapeutique,
qui intéresse au plus haut point les agriculteurs et la médecine (humaine et
vétérinaire).
La pomme de terre sur le tapis.
— Je viens de recevoir la visite de mon ami Pierreau,
un de mes bons voisins qui, depuis plusieurs lustres, jouit d’une réputation de
« pomme de terriste » à faire loucher un chrysanthémiste. Pierreau, d’habitude
jovial, m’est apparu avec un air contristé et consterné que je ne lui
connaissais pas :
« Je viens d’arracher des pommes de terre à ragoût :
elles sont microscopiques ! Le rendement ne dépasse certainement pas 25
kilogrammes à l’are, au lieu des 250 kilogrammes de moyenne que je récoltais
les années précédentes. Et il ne s’agit pas d’une seule variété ; toutes mes
pommes de terre à chair fine, saucisses et marjolins, sont dans le même cas.
Mon entourage immédiat n’est pas mieux partagé. C’est une véritable catastrophe !
« Connaissez-vous la cause de cette carence
végétative ? Les résultats n’ont pas été meilleurs dans les bonnes terres
copieusement fumées que dans les médiocres. Alertez les lecteurs du Chasseur
Français. Il faut que l’on cherche et que l’on trouve le moyen d’enrayer cette
calamité qui menace d’affamer l’univers ! ... »
Mon cher Pierreau, votre démarche m’honore, sans me
surprendre, car je suis logé à la même enseigne que vous, et j’attendais votre
visite. À l’instar de Bouvard et Pécuchet, nous plantâmes de bons tubercules,
dans une terre copieusement amendée, et nous récoltâmes des « noisettes ».
Dépité, j’ai relu de suite mes auteurs favoris pour essayer
de dépister le fléau qui menace d’anéantir la productivité de notre précieuse
solanée ; mais je me perds dans les dédales de la pathologie végétale.
En effet, ce n’est ni la gale, ni la filosité, ni la
pourriture sèche ou humide, ni la frisolée, ni l’enroulement, ni la brunissure,
ni le mildiou, ni le rhizoctone qui peuvent être incrimines, le doryphore non
plus, puisque les résultats n’ont pas été meilleurs dans les parcelles traitées
que dans celles qui ne l’ont pas été. Kékecekça ?
J’ai bien entendu parler d’une maladie nouvelle,
naturellement d’origine américaine ; mais on n’est pas très bien fixé sur
la genèse de son évolution. S’agit-il d’un microbe, d’un protozoaire, d’un
virus filtrant, d’un champignon, etc. ? En attendant que l’hypothèse
originelle se trouve vérifiée, constatons que les fanes poussent chétivement au
début, en prenant un aspect terne, couleur rouille, indices d’un défaut de
chlorophylle. Certains pieds même n’ont pas été capables de sortir de terre.
Puis les fanes apparentes brunissent, sèchent prématurément, en prenant l’aspect
du tabac, et les rares tubercules formés sont minuscules, mais apparemment
sains.
En attendant une explication scientifique plausible du
phénomène, conservons les désignations populaires : flétrissement des
fanes ou pied noir, qui indiquent l’aspect de la maladie, et
cherchons les meilleurs moyens de défense contre le fléau. A priori, il
semblerait que la mort des organes foliacés est surtout marquée dans les
vieilles variétés de pommes de terre, et qu’il s’agit là d’une affection
organique imputable à la dégénérescence. Il va sans dire que, pendant le
cours de l’année 1939, caractérisée par un abaissement anormal de température
et une humidité excessive, l’anomalie a sévi avec une acuité accrue, ce qui
fait que nous n’en sommes pas encore « revenus ».
Adonis LÉGUME.
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