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Grande culture

Comités de la production agricole

Dès le temps de paix, il avait été prévu que, dans chaque commune, en temps de guerre, serait créé un Comité chargé de veiller à une utilisation rationnelle et dans un intérêt général de la main-d’œuvre subsistant après le départ des mobilisés.

Mais on a pensé, avec juste raison, que, si un bon emploi de la main-d’œuvre présentait un intérêt capital, d’autres facteurs, également importants, étaient à considérer pour obtenir le maintien de la production agricole à un niveau aussi élevé que possible.

Dans une guerre moderne qui se développe sur le terrain économique aussi bien que sur le terrain militaire, il s’agit de « tenir » à l’arrière comme à l’avant, et de tirer parti de toutes les ressources nationales.

L’agriculture assure le ravitaillement de l’armée et de la population civile et, si la production faiblit, il faut y remédier par des importations qui se paient en or et diminuent par suite les réserves monétaires. Il ne faut pas, d’autre part, que les agriculteurs mobilisés soient inquiets sur le sort de leur famille et de leurs biens. Le soutien moral que leur apporte la certitude de retrouver leurs terres en bon état de culture est un des éléments de la victoire que nous remporterons. Rien ne doit être négligé pour aboutir, et le plus vite possible, au résultat attendu.

Or, le maintien de la production agricole va nécessiter nécessairement une organisation qui ne portera pas que sur la main-d’œuvre. Il faudra fournir des bonnes semences si elles font défaut, procurer et répartir des engrais, des aliments concentrés pour le bétail, tirer parti des tracteurs et des divers instruments existant dans la commune et dont la mise en état de travail devra être entreprise pendant l’hiver afin qu’ils soient prêts au printemps.

Pour présider à cette organisation à l’intérieur de chaque commune, le Ministre de l’Agriculture a donc décidé de remplacer le Comité de la main-d’œuvre agricole par le Comité communal de la production agricole dont le titre indique, par lui-même, le rôle qu’il doit remplir.

Placé sous la présidence du maire, chaque Comité comprend de trois à cinq agriculteurs choisis parmi les notables ou les dirigeants des diverses associations agricoles, dégagés d’obligations militaires.

Le Comité se réunit sur convocation de son président, aussi souvent que cela est nécessaire.

Connaissant tous les besoins et les ressources de chaque cultivateur, il peut provoquer l’entr’aide entre voisins, guider les bonnes volontés, veiller à ce que les fermières restées seules puissent continuer leur tâche difficile et leur apporter son appui matériel et moral.

Dans un appel adressé aux Comités, le Ministre de l’Agriculture compare le maire à un « régisseur chargé de l’exploitation d’un certain nombre de fermes ». L’expression est très juste, le rôle du régisseur étant de prendre toutes les dispositions nécessaires pour que les travaux soient exécutés dans chaque domaine en temps utile.

Le Comité doit aussi recenser les exploitations et les parcelles incultes ou négligées et examiner les moyens à employer pour les remettre en état de culture.

Les Comités communaux sont soutenus dans leur tâche par un Comité départemental présidé par le préfet et comprenant le directeur des Services agricoles, secrétaire général du Comité ; l’ingénieur en chef du Génie rural ; le directeur des Services vétérinaires, trois conseillers généraux, trois membres de la Chambre d’agriculture, et trois notabilités agricoles.

Ce Comité départemental a pour mission, de coordonner l’action d’ensemble des Comités communaux, de recueillir leurs doléances ou leurs suggestions et de s’efforcer de leur procurer ce qu’ils demandent.

À cet effet, diverses commissions sont prévues, devant se spécialiser dans certaines questions telles que l’approvisionnement en engrais et matières anticryptogamiques ou insecticides, l’utilisation des tracteurs pour la mise en culture des terres délaissées et une exécution plus rapide des travaux dans les régions cultivées.

Signalons, à ce propos, que des subventions sont prévues en faveur des coopératives, syndicats et autres groupements agricoles, qui achèteront des tracteurs destinés à être utilisés en commun. Elles sont de 20 p. 100 pour les tracteurs agricoles neufs ou d’occasion remis en bon état de marche ; et de 30 p. 100 pour l’installation de gazogènes à bois ou à charbon de bois sur des tracteurs ou des camions neufs ou d’occasion (l’achat des camions n’étant pas subventionné).

Les coopératives de culture mécanique pourront, de plus, demander des prêts à moyen terme aux Caisses régionales de Crédit agricole. Ces prêts à 3 p. 100, pour une durée de dix ans, pourront atteindre trois fois le capital versé.

Pour faciliter la création de ces coopératives, un décret les a exonérées du droit d’enregistrement s’élevant à 3,5 p. 100 du capital social, et des cours de conduite de gazogène ont été ouverts dans une école spécialisée par l’Administration des Eaux et Forêts.

Les agriculteurs mobilisés se feront remplacer dans la coopérative par leur femme à laquelle ils remettront une procuration.

Un décret-loi du 26 septembre 1939 a modifié les règles qui régissent les rapports entre bailleurs et locataires. Fermiers et métayers peuvent demander la résiliation. Les fermiers peuvent solliciter une réduction du loyer pouvant aller jusqu’aux trois quarts, s’ils justifient ne pouvoir continuer normalement l’exploitation.

Les présidents des tribunaux civils et juges de paix ont été invités à suggérer aux parties d’essayer de rapprocher leurs points de vue respectifs, en recourant à l’intervention des Comités départementaux ou communaux de la production agricole.

Les mêmes Comités départementaux ont également à fixer la durée des détachements temporaires dont le régime vient d’être mis en application, en même temps que celui des permissions agricoles, ce qui va sensiblement améliorer la situation dans les campagnes.

Les bénéficiaires des détachements temporaires sont les militaires de la deuxième réserve se trouvant dans les dépôts et les formations du territoire et exerçant la profession d’exploitant, fermier, métayer. L’intéressé adresse sa demande au maire de sa commune après l’avoir fait viser par son chef de corps. Le Comité départemental de la production agricole fixe la durée comprise entre dix jours et deux mois, renouvelable une ou plusieurs fois au cours de la même année.

Des équipes agricoles, constituées par des cultivateurs et des ouvriers agricoles chaque fois que cela sera possible, pourront être demandées par les maires, en vue toujours de l’organisation de leur commune.

On voit le rôle primordial que les Comités ont à remplir dans la pièce qui se joue en ce moment. Leur tâche sera parfois difficile. Ils seront souvent critiqués. Leur dévouement à la cause qu’ils ont à défendre et l’amour de la terre sont le gage de leur succès.

P. GUIGNOT,

Ingénieur agronome.

Le Chasseur Français N°595 Janvier 1940 Page 37