Il y a deux manières de procéder pour la création des bois
et forêts : l’ensemencement avec des graines et la plantation de jeunes
plants.
Si la plantation ne peut être qu’artificielle, l’ensemencement
est ou naturel ou artificiel.
Les forêts naturelles ont été produites originellement par l’ensemencement
naturel, et il suffit de réparer leurs pertes naturelles pour les conserver
indéfiniment.
Les semences produites par les arbres, et qui tombent sur le
sol, assurent sans aucun secours humain, non seulement la perpétuelle durée des
forêts, mais encore leur entretien.
Ces arbres, qui fournissent les semences lors de leur
maturité, s’appellent des porte-graines. Il ne faut pas perdre de vue cette
ressource précieuse. Ces porte-graines garantissent, contre l’ardeur du soleil,
les sécheresses, les gelées, les vents et les herbes nuisibles, les plants qui
viennent de ces graines répandues sur le sol sous leur feuillage.
L’ensemencement naturel s’opère d’une façon différente dans
les forêts de bois feuillus que dans les bois composés d’arbres résineux.
Dans les bois d’arbres à feuilles caduques, dits feuillus,
les semences sont pesantes et elles tombent sous le feuillage de l’arbre qui
les a produites, ou légères et le vent les emporte à une certaine distance, ou
ailées, alors elles se disséminent facilement au loin.
Les semences pesantes doivent être enterrées plus
profondément que les autres.
Connaissant ces propriétés des graines, on peut apprécier le
nombre d’arbres à conserver comme porte-graines, lors des exploitations, pour
faire profiter les repeuplements naturels des avantages offerts par la nature.
Il faut préparer le terrain à recevoir la semence, par une
légère culture, opérer dans les intervalles laissés par les ensemencements
naturels un semis artificiel.
Quand les arbres porte-graines ont opéré leurs fonctions, on
peut les abattre successivement.
L’ensemencement naturel des arbres résineux doit être réglé
en tenant compte de la différence essentielle qui existe entre les forêts de
pins et celle des forêts de sapins et d’épicéas situées sur les montagnes.
Si l’on a lieu de craindre que, sur les montagnes et dans
les bois contenant des épicéas que l’on éclaircit, les vents ne déracinent les
réserves dans des cantons entiers, on ne doit pas redouter cet accident dans
les réserves de pins sauvages et autres. Chaque année, ces arbres réservés
répandent autour d’eux leurs semences ailées et, dès qu’elles sont levées,
elles leur donnent des abris et de l’ombre qui leur sont rendus si nécessaires
par la nature légère du terrain.
Si l’on veut favoriser le repeuplement naturel des forêts de
pins, il est nécessaire de n’abattre chaque année qu’un tiers de la coupe ;
pour avoir la même quantité de bois, on entamera trois coupes à la fois.
On exploitera l’année suivante dans la même proportion sur
les trois coupes et sur une nouvelle coupe annuelle.
Si la première coupe se trouve ensemencée, on abattra peu à
peu les arbres porte-graines, avant que leur exploitation puisse nuire aux
jeunes plants. On arrivera ainsi, en suivant chaque année l’ordre établi pour
la première coupe, à repeupler sans grands frais pour les ensemencements.
Pour les forêts d’épicéas, les ensemencements naturels ne
sont que d’un secours léger, car ces arbres sont souvent plusieurs années sans
donner des graines fertiles.
Pour les favoriser, il faut éviter de faire des coupes
permettant de livrer passage aux vents de l’Ouest, donner une forme
demi-circulaire à ces coupes, et surtout avoir recours aux ensemencements
artificiels.
Quand un bois de sapins se trouvera également mêlé d’épicéas,
il faudra leur appliquer le mode d’aménagement indiqué pour les épicéas.
Mais, étant données les propriétés diverses de chacune de
ces espèces de conifères et les différentes qualités de leurs graines de poids
différents, on fera bien de les traiter par la méthode indiquée pour les pins,
et ne pas faire de coupe à blanc-étoc, et prendre successivement le bois dont
on a besoin dans un canton, déterminé tout en en favorisant le repeuplement.
En ce qui concerne le mélèze, on adoptera pour un
repeuplement les principes indiqués pour celui des forêts d’épicéas.
Bois de conifères.
— Cinq espèces de conifères concourent surtout à la
formation des bois de résineux :
Ce sont les pins, le sapin blanc argenté, l’épicéa, le mélèze.
Dans les départements méridionaux, on se sert surtout du pin maritime.
Semis de pins.
— On peut les semer de deux façons, soit avec les cônes
entiers, soit avec la graine épluchée et bien débarrassée de ses membranes.
Le pin se contente des plus mauvais sables, pourvu qu’ils
soient tassés et fixes, mais il végète très bien si le sol n’est pas trop sec
et mêlé d’un peu d’argile ou de glaise.
Il faut préparer à l’automne la terre destinée à recevoir la
semence par un petit labour ; quant aux sables bien tassés et fixes, on se
contentera d’y passer la herse. Il faut surtout, en labourant, éviter de
creuser des sillons de haut en bas, car ils serviraient de fossés d’écoulement
aux eaux qui entraîneraient les graines ou déracineraient les jeunes plants.
C’est vers le commencement d’octobre que les semences des
pins mûrissent ; elles sont emportées par le vent au printemps, quand il
fait chaud. On peut donc les récolter de fin octobre à avril.
On doit semer des cônes entiers dans les parties du sol
dénudées et non abritées des rayons du soleil, surtout dans les parties
sablonneuses et dans les tas de sables exposés à découvert.
Généralement, on sème dans ces sortes de terrains vingt-cinq
hectolitres de cônes à l’hectare. Le mieux est de déposer à la main les cônes
dans des sillons tracés avec la charrue ou la houe. Ils s’ouvrent sans aucune
intervention et laissent échapper la semence par la surface adhérente à la
terre, immédiatement autour du cône, et jamais par la partie supérieure.
Pour égaliser l’ensemencement, il faut, lorsque les cônes
sont parfaitement en maturité, faire traîner sur eux une botte de branchages
faisant fonction de herse. Les cônes sont roulés, et la semence qu’ils
contiennent encore se répand sur le sol. Le succès du semis est, alors, subordonné
à la température.
Semis de graines de pins épluchées.
— Les semis de pins épluchés ne demandent nullement à
être recouverts ; il faut que la semence reste à découvert sur la terre.
Ce semis peut être avantageusement employé pour fournir un ensemencement
suffisant dans les coupes dans lesquelles il ne reste pas assez de
porte-graines pour fournir un ensemencement naturel suffisant ; pour
combler les vides qui existent dans les semis déjà avancés en âge, on
réensemencera après les avoir hersés ; pour garnir de graines les parties
du sol ensablées et recouvertes de broussailles, où il est impossible de remuer
les cônes qu’on y placerait.
Dans ces différentes conditions, on sème des graines
épluchées, environ quinze kilogrammes par hectare, à la main et à la volée, en
n’employant que trois doigts.
Si l’on a tracé des rayons à la charrue ou à la houe, il ne
faudra que six kilogrammes de graines.
Semis de sapins.
— Pour bien réussir les semis de sapins, il faut le
faire dans des terrains de bonne qualité, soit en plaine, soit sur les
montagnes ; il faut que le sol soit ferme, frais, pierreux, couvert de
terre végétale et dans une situation fraîche et ombragée et à l’exposition
Nord. C’est en septembre que mûrit et doit être récoltée la semence de sapin
qui est contenue dans des cônes dirigés vers le ciel. Les écailles des cônes s’ouvrent
très facilement et laissent tomber leurs graines. On doit débarrasser les
graines de ces écailles, en les passant au crible le plus promptement possible.
La semence de sapin contenant beaucoup d’huile et d’eau ne
conserve pas souvent sa faculté germinative au delà du printemps suivant.
Comme elle est beaucoup plus grosse que celle du pin, il
faut en semer trente et un kilogrammes à l’hectare.
On herse le terrain à la surface, ou on le gratte, et l’on
sème sans enterrer la graine.
Semis d’épicéa.
— L’épicéa est moins difficile que le sapin sur la
qualité du terrain. Un sol sec et sablonneux ne lui convient pas. Il exige une
exposition élevée et froide.
Sa semence entre en maturité en octobre et l’on peut
récolter les cônes de novembre à mars.
La graine se conserve plusieurs années, il faut toujours la
semer épluchée, quinze kilogrammes de semence bien pure pour un hectare. Il ne
faut pas la recouvrir.
Semis de mélèze.
— Il faut à cet arbre de la fraîcheur, des lieux
élevés, tempérés, froids, ou de la plaine fraîche.
La récolte des cônes doit s’opérer de novembre à mars.
Beaucoup sont vides, il faut s’abstenir de les cueillir. Cette semence est très
difficile à éplucher. On en détruit souvent les germes en plaçant les cônes
dans un four trop chaud.
On verse la semence dans des sillons tracés par la charrue
ou la houe.
Avec ce mode d’ensemencement, cinq à six kilogrammes de
graines suffisent à l’hectare.
On plante généralement les mélèzes, les semis réussissant
souvent très irrégulièrement.
Louis TESTART.
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