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Baux et locations verbales

Nouvelles dispositions pendant la guerre.

Le décret-loi du 26 septembre 1939 a pour but de régler les rapports entre bailleurs et preneurs en temps de guerre. Il contient un grand nombre de dispositions exceptionnelles et temporaires, qui seront applicables dans les rapports entre bailleurs et preneurs depuis le 2 septembre 1939 jusqu’au décret fixant la date de cessation des hostilités.

Le champ d’application de ce texte se détermine en tenant compte à la fois de la nature des baux et de la nationalité des intéressés.

L’article 1er du décret-loi énumère les catégories de baux ou locations verbales, auxquelles s’appliquent les dispositions d’exception qu’il contient.

Ce texte a une portée générale ; cependant il contient certaines omissions ou imprécisions ; de telle sorte que l’on peut se demander si le législateur a voulu ou non comprendre dans la réglementation nouvelle dont il s’agit les catégories de baux omis ou qui sont l’objet de ces imprécisions.

En analysant le texte de cet article 1er, on constate que la législation d’exception dont il s’agit, s’applique :

a) Aux locaux à usage d’habitation.

Il n’y a pas à tenir compte ici, comme le fait la législation d’exception sur les loyers d’habitation, du chiffre de la population de la commune dans laquelle se trouve l’immeuble, ni de la date de construction de la maison, ni de la date d’entrée du locataire dans les locaux ;

b) Aux locaux à usage professionnel commercial ou industriel.

Il n’est pas exigé par le décret-loi, comme sous le régime de la propriété commerciale, que les baux et locations verbales aient une certaine durée : justification d’un bail écrit de trois ans, ou, en cas de location verbale, jouissance déjà écoulée de six ans ;

c) Aux locaux meublés ;

d) Aux immeubles faisant l’objet de baux à ferme ;

e) Aux immeubles servant à l’exploitation d’un établissement d’élevage ou de culture ;

f) Aux immeubles faisant l’objet de baux de mines, de carrières.

Au contraire, l’article 1er n’indique pas comme rentrant dans le champ d’application du décret-loi :

a) Les baux de chasse et de pêche :

Cette exclusion est due sans doute au fait que ces locations ont un caractère d’agrément ;

b) Les baux de locaux à usage artisanal :

Aussi s’est-on montré surpris que les artisans qui vendent principalement le produit de leur travail, soient exclus d’un bénéfice accordé aux commerçants et industriels.

On peut objecter, il est vrai, que les artisans doivent être rangés dans la catégorie des commerçants et industriels. Mais il aurait été préférable que le décret-loi le dise expressément, afin que cette indication s’impose aux tribunaux, en cas de litige. Pourquoi ne pas avoir adopté, à ce sujet, la même définition générale que celle donnée par la législation sur la propriété commerciale qui englobe et vise expressément les baux à loyer d’immeubles ou de locaux à usage commercial, industriel et artisanal ;

c) Les baux à colonat partiaire (baux à métayage) :

Il est vrai que l’article 26 du décret-loi permet cependant aux preneurs de ces baux de demander seulement la résiliation judiciaire de leur contrat.

Une mention spéciale doit être faite pour les baux portant sur des locaux à usage professionnel sans caractère commercial ou industriel (tels, par exemple, les baux concernant les locaux affectés à l’exercice d’une profession libérale). Doivent-ils être rangés ou non dans le champ d’application du décret ?

Ordinairement, la législation sur les baux fait une distinction entre les baux de locaux professionnels à usage industriel et commercial et les baux de locaux professionnels à usage non industriel, ni commercial.

Or, le texte de l’article 1er du décret-loi s’applique aux baux « de locaux à usage d’habitation, à usage professionnel, commercial et industriel ». Le mot « professionnel » est-il le complément des mots commercial et industriel, ou indique-t-il à lui seul les baux professionnels sans caractère industriel ou commercial, comme cela paraît plus probable ? Mais, encore une fois, cette imprécision est regrettable, car elle peut conduire à des discussions et même à des procès.

En principe, les personnes de nationalité étrangère ne peuvent se prévaloir des dispositions du décret-loi en question.

Par exception, peuvent être admis à ce bénéfice :

    1° Les sujets des pays placés sous le protectorat ou le mandat de la France ;

    2° Les étrangers servant ou ayant servi, depuis la mise en vigueur du présent décret, dans les diverses formations exclusivement militaires françaises ou alliées ;

    3° Les étrangers dont les ascendants ou leur conjoint servent ou auront servi au cours des hostilités dans ces formations.

Au point de vue territorial, le présent décret-loi est applicable aussi aux départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, ainsi qu’à l’Algérie.

Les raisons pour lesquelles le Gouvernement a été amené à prendre des mesures d’exception, temporaires pour ces baux, sont exposées dans le rapport au Président de la République :

« Dans les circonstances actuelles, la question des rapports entre bailleurs et locataires mérite un examen tout particulier. Elle constitue, en effet, une source de préoccupations pour les locataires qui ont été appelés à accomplir leur devoir national et, d’une façon plus générale, pour tous ceux qui ont eu leur situation modifiée par suite des circonstances résultant de la guerre. »

Comme l’indique d’ailleurs l’alinéa qui précède, les dispositions nouvelles du décret-loi sont en faveur des preneurs. Elles sont d’ordre public et les parties contractantes ne peuvent y déroger, même par une clause expresse et écrite.

Ces mesures d’exception se réfèrent à quatre points :

    1° Possibilité de résilier le bail. Il est prévu une résiliation de plein droit et une résiliation par voie de justice. Distinction est faite entre les preneurs mobilisés et non mobilisés ;

    2° Obtention d’une réduction du prix du bail. Plusieurs sortes de réductions sont envisagées. Il est tenu compte également du fait que le preneur est mobilisé ou non ;

    3  Délais de payement du prix du loyer. Ce texte est indépendant du décret-loi relatif au payement des dettes des mobilisés ;

    4° Prorogation spéciale, qui ne fait pas obstacle à l’application de celle prévue par la législation d’exception sur les loyers.

Dans un prochain article, chacun de ces quatre points sera examiné d’une façon détaillée.

(À suivre.)

CROUZATIER.

Le Chasseur Français N°595 Janvier 1940 Page 55