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La lune et le piégeage

Parmi les multiples influences attribuées à la lune, il était décent qu’il y en eût une se rapportant au piégeage ! Nombreux sont les vieux piégeurs qui soutiennent que les captures sont plus abondantes en vieille lune, c’est-à-dire dans le temps où la lune ne vient pas éclairer les nuits. Il y a une part de vérité dans cette affirmation ; mais très peu d’entre eux se sont posé le problème, ou du moins ont cherché le pourquoi de la chose ! Si la pratique semble justifier leurs dires, il y a une raison.

Si nous faisons abstraction de la loutre, qui, elle au contraire, se plaît à effectuer sa pêche par les nuits lunaires et qui de ce fait se prend fort bien en pareil temps, et en admettant, d’autre part, que nous ne considérons que des piégeurs confirmés, examinons dans quelles conditions un animal sauvage effectue ses randonnées nocturnes.

Si l’animal est remisé, terré ou gîté dans un bois, il va dès le déclin du jour se mettre en mouvement et gagner les bordures, ceci dans les régions où il se sent relativement en sécurité. Partout ailleurs, il ne sortira que lorsque la nuit sera entièrement tombée. En principe, cette randonnée sera jalonnée par des coulées nettement définies ou par des points de passage strictement observés. J’ai dit « en principe », car les exceptions sont multiples. Il s’agit de s’entendre sur le mot « coulée ». Ce chemin des animaux n’existe en fait que dans un parcours sous bois ; en plaine, il ne s’agit plus que de « points de passage » !

Si nous supposons, par exemple, que nous sommes en pleine campagne et qu’on nous demande d’aller d’un point A à un point B, situé à quelques kilomètres, et ceci par une nuit noire. Il est hors de doute que nous allons nous empresser de suivre les routes ou chemins nous menant de A à B. Mais si, au lieu d’une nuit noire, nous bénéficions d’une nuit bénie de Phébée, aux rayons d’argent éclairant à 40 mètres de nous, il y a neuf chances sur dix pour que nous coupions à travers champ pour gagner le point B.

Si nous rapprochons notre façon de faire de celle des animaux, nous trouvons une similitude effarante ! Par clair de lune et en pays où le sous-bois est peu fourni, les animaux ont tendance à moins tenir leurs coulées. Au contraire, par nuit noire, surtout si la pluie s’en mêle, ils s’empressent de suivre rigoureusement leurs coulées qui les conduisent directement là où ils ont coutume d’aller, et ceci sans mouiller leur fourrure à l’excès. De ce fait, un piégeur aura beaucoup plus de chances de capturer un animal par nuit noire (vieille lune), s’il le piège en coulée. Si le piégeur est débutant (et sans vouloir vexer ce débutant !), une nuit d’encre camouflera facilement les erreurs qu’il aurait pu commettre en posant son piège : palette mal couverte, attache mal dissimulée, couverture mal choisie, etc.

Quant à la valeur propre de « l’influence astrale », je laisse ce chapitre à ceux que les sciences occultes intéressent. Jusqu’à présent, ne connaissant ni fakirs, ni voyantes extralucides ou ultra-lucides qui s’adonnent au piégeage, je ne peux décemment donner aucune précision sur la valeur de l’influence lunaire dans ce domaine.

A. CHAIGNEAU.

Le Chasseur Français N°596 Février 1940 Page 74