En ces temps de guerre, le mot de camouflage prend toute sa
valeur. Le camouflage est un art qui repose sur l’esprit d’observation. Le but
à atteindre est d’obtenir une similitude exacte entre la nature telle qu’elle
était avant, et la nature telle qu’on la laisse après lui avoir fait subir
certaines modifications.
Si le camouflage joue un rôle primordial en temps de guerre,
susceptible d’épargner bien des vies humaines, on doit hélas ! profiter de
cette terrible leçon pour la transposer dans le domaine de la chasse et du
piégeage où il joue là aussi un rôle prépondérant fort heureusement plus
pacifique !
Le camouflage repose uniquement sur l’impression d’optique ;
or, cette impression est fonction de quatre facteurs :
L’immobilité, le coloris, la forme, les ombres.
L’immobilité est indiscutablement favorable tant pour
le gibier, que l’œil du chasseur découvre rarement, que pour le chasseur à
l’affût se révélant trop tard au gibier qui l’approche. Un chasseur qui
gesticule verra rarement le gibier à bonne portée.
Le coloris joue également un rôle de part et d’autre.
Côté gibier, c’est le coloris du pelage ou du plumage qui,
s’harmonisant avec celui du terrain, rend la perception des animaux dans la
nature difficile à l’œil non exercé.
Côté chasseur, c’est le coloris de la tenue du chasseur qui
effraie, ou n’alerte pas le gibier ; différent de celui du milieu (tenue
blanche à une lisière de bois de sapin, par exemple), il épouvante le gibier;
identique à celui du milieu, le gibier perçoit difficilement le chasseur.
En piégeage également, le respect des couleurs s’impose pour
la reconstitution de la couverture des pièges. Dans la neige, on couvre le
piège d’un papier blanc avant de saupoudrer la légère couche finale de neige.
Non seulement, on cherche l’identité de couleurs, mais on l’assure même par une
identité de matériaux entre ceux qu’on emploie à cet effet et ceux qui figurent
aux alentours immédiats du piège.
C’est encore le coloris qui impose au piégeur le transport
au loin des matériaux extraits lors de la confection des placeaux. On pourrait
également avoir le souci d’éviter tout ce qui brille : canons de fusils,
palettes de piège, chaîne d’attache des pièges, etc.
La forme joue elle aussi un rôle important. Elle doit
tendre à se rapprocher intimement des formes environnantes. Un chasseur au
milieu de la plaine sera beaucoup plus visible que s’il se place contre un
arbre, un buisson, un rocher ou tout autre masque isolé dans cette même plaine.
C’est de là qu’est née l’idée des affûts de tir dans les grandes chasses.
Pour le piégeage, la forme également intervient et tous les
piégeurs savent parfaitement qu’on ne doit jamais laisser les pièges se
deviner, soit par un terrassement en butte, soit par un creux. C’est également
le souci de ne pas modifier les formes qui interdit aux piégeurs de couper ou
de casser les branches qui existent dans une coulée, ou de laisser des traces
de leurs travaux ou de leur approche à proximité des lieux de tendue.
Quant aux ombres, elles n’interviennent guère que
pour la chasse. Que de chasseurs, marchant sans bruit le long d’une rive pour
essayer de surprendre sarcelles ou poules d’eau, négligent complètement leur
ombre. Cette dernière les précède souvent, s’allongeant sur le miroir des eaux
et renseigne ainsi suffisamment le gibier sur la position et les intentions du
chasseur qui croit arriver inaperçu.
Que d’ombres suspectes ont sauvé la vie de perdreaux ou de
vanneaux posés dans les plaines !
Tout cet ensemble constitue le camouflage proprement dit ;
il faut constater qu’il est indispensable de le pratiquer chaque fois qu’il
s’agit de tuer.
Or, plus la « civilisation » se développe, plus ce
besoin semble s’exaspérer : c’est là, paraît-il, le « progrès »,
puisque la majorité des grands cerveaux conjuguent leurs efforts pour perfectionner
l’art de tuer rapidement et sûrement !
A. CHAIGNEAU.
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