Accueil  > Années 1940 et 1941  > N°596 Février 1940  > Page 92 Tous droits réservés

Le scoutisme au service du pays

Beaucoup de ceux qui, par ignorance, raillaient les scouts, n’ont pas été mécontents de les trouver dans les gares, lors de l’exode de septembre dernier. Il est triste de penser qu’il a fallu un événement comme la guerre pour que le scoutisme soit apprécié par tous à sa juste valeur.

Dès le jour de la mobilisation, tous nos éclaireurs se sont ingéniés à se rendre utiles.

Le Bureau interfédéral, qui réalise la liaison entre les quatre associations des Éclaireurs de France, des Scouts de France, des Éclaireurs unionistes et des Éclaireurs Israélites a envoyé ses instructions à plus de 100.000 garçons, qui se mirent à l’œuvre en parfaite collaboration. De leur côté, les groupements féminins des « Guides de France », et de la « Fédération française des Éclaireuses », mettaient 30.000 fillettes et jeunes filles à la disposition des autorités.

Le Scoutisme ne fait ainsi que continuer sa tradition. On sait, en effet qu’il est né dans des conditions semblables à la fin de 1899, en Afrique du Sud, lors du siège de Mafeking par les Boërs.

L’exemple de Mafeking fut suivi en 1914, et jusqu’en 1918, par les Éclaireurs de France et les Éclaireurs unionistes (les Scouts de France n’ont vu le jour qu’en 1920). Tous ceux qui ont vécu cette grande tourmente se rappellent les vaillants petits « boys-scouts », dont la silhouette fut vite très populaire. Ils rendirent des services très appréciés comme estafettes, brancardiers, etc. La tendresse des historiens et illustrateurs de la guerre se porta sur ces gamins de quatorze ans qui, sérieux comme des hommes, assumaient toutes les responsabilités qu’on leur confiait. Les journaux parlaient des « boy-scouts français si gentils, si prévenants, si attentifs à faire le bien » ...

En septembre 1938 et avril 1939, les éclaireurs proposèrent à nouveau leur aide. Mais leur nombre s’était multiplié par vingt par rapport à l’année 1918 ... Le 2 septembre 1939, le moment tragique revint d’utiliser à fond le grand principe énoncé par Baden-Powell à la fin du siège de Mafeking, et qui est le fondement même du scoutisme : « Donnez à l’enfant une vraie responsabilité, vous verrez comme il s’en acquittera. Faites lui confiance, vous serez surpris ».

Les scouts répondirent tout d’abord à l’appel du Ministère de l’Agriculture, et se portèrent à l’aide de leurs amis, les paysans. Par petits groupes, hébergés dans les fermes, ils s’occupèrent des récoltes, des troupeaux ...

Dès le jour de la mobilisation, ils s’employèrent à rendre mille services dans les gares. Accueillant les voyageurs, portant les bagages, versant à boire, prenant soin des bébés, donnant tous renseignements, ils répondaient avec un sourire à toute offre de récompense : « Oh ! non, merci, mais je suis éclaireur ! »

Les municipalités les utilisèrent à porter des plis, et une liaison cycliste s’organisa. Plus tard, les sociétés de Sauvegarde de l’enfance, puis de la Croix-Rouge, sollicitèrent leur aide, et les félicitèrent de leur activité et de leur discipline.

Les chefs étant partis au front, ce furent les « meneurs de patrouille », dont l’âge varie de quatorze à seize ans, qui prirent seuls la direction de leurs camarades. Presque sans ordres, mais en payant d’exemple, ils savent se faire obéir avec bonne humeur. Quant aux « Routiers », âgés de plus de dix-sept ans, ils furent et sont employés à part pour des missions plus rudes, en particulier pour des travaux de nuit.

En bref, on peut dire que les scouts se dévouent sans compter pour la nation.

Souhaitons seulement que leurs groupes conservent leur figure originale, et ne deviennent pas, comme ils faillirent l’être à la fin de la dernière guerre, de simples « bataillons scolaires ».

En effet, devant le nombre d’enfants qui désireront se joindre à eux pour rendre service pendant la durée des hostilités, ils seront tentés de grossir leurs rangs, sans conserver le même souci de formation approfondie. Or, il faut que le scoutisme français ne veuille pas aller trop vite en besogne, et n’oublie pas sa tâche d’éducation morale qui, bien qu’elle ne soit pas du tout spectaculaire, doit demeurer sa vraie mission.

Fernand JOUBREL.

Le Chasseur Français N°596 Février 1940 Page 92