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Lettres de ma plate-bande

Les boulets de Singe.
Les endives sans cave.
Simple « tuyau ».
Le clochage.
Les mousserons au jardin.
La hernie ou la lisette.

Les boulets de Singe.

— M. U. Trémolières, pépiniériste à Lizac (Tarn-et-Garonne), désire connaître le nom d’un arbre, situé dans une propriété voisine, et dont voici les caractères généraux :

« Arbre de belle venue, à feuilles lancéolées, luisantes, imitant celles du laurier-cerise. Fruit rond, très verruqueux, recouvert de nombreux filaments ressemblant à des stigmates de mais, mais plus courts, jaunes à maturité, comestibles pour les animaux (les bœufs s’en montrent friands), de la grosseur du fruit de la pamplemousse. On les surnomme, paraît-il, boulets de singe. Les racines sont jaunes, formées de petites bandes enroulées comme un cigare, pouvant se dérouler de la même manière. »

N’ayant jamais quitté la Métropole, j’ai écrit au Ministère des Colonies. On m’a répondu que mes renseignements botaniques, que je croyais assez explicites, ne suffisaient pas à la détermination de l’espèce, qu’il fallait y ajouter fleur, graine, feuille, port, photo, etc.

N’y aurait-il pas un aimable lecteur, ancien colonial, pouvant indiquer le nom de l’arbre aux « boulets de singe », susceptible d’acclimatement en France, et capable de contribuer à l’alimentation du bétail ? Au nom de M. Trémolières et au mien : à l’avance, merci.

Les endives sans cave.

— « N’ayant pas de cave, comment dois-je m’y prendre pour produire de belles endives blanches pendant l’hiver, et de la barbe-de-capucin ? »

Toutes les racines de chicorée, chauffées artificiellement à l’obscurité, fournissent des feuilles étiolées bien blanches. À défaut de cave, l’endive Witloof peut être cultivée, l’hiver, dans des tranchées profondes de 35 centimètres, creusées le long d’un mur de jardin bien exposé.

Commencez d’abord par faire la toilette des racines, en raccourcissant les plus grandes, puis en retirant les feuilles vertes à la main, tout en ménageant le cœur, qui se trouve au centre du collet. Rangez ensuite les racines verticalement dans la jauge, sans qu’elles se touchent, en coulant du terreau pour les séparer. Les collets étant à peu près au même niveau, donnez un fort mouillage, afin d’humidifier, en comblant tous les intervalles.

Cela fait, recouvrez, sous une épaisseur de 20 centimètres, avec de la terre légère de jardin, de nature sablo-humifère, et, par-dessus, mettez une couche de fumier de cheval, épaisse de 40 centimètres environ. Au bout de trente à trente-cinq jours, vous pourrez commencer à récolter, et la production des endives restera soutenue tout l’hiver, si vous montez une petite longueur de couche, à la suite, tous les quinze jours.

La barbe-de-capucin, au feuillage moins rigide, ne vient bien qu’à l’air, la croissance se faisant en dehors de la couche ; on devra se placer, à défaut de cave, dans une chambre ou un cellier pouvant être rendu obscur, et où il ne gèlera pas. Le mieux est d’utiliser des caisses allongées, au fond desquelles on tasse du fumier chaud. Par dessus, on met une petite épaisseur de terreau, puis l’on y dresse verticalement les bottillons de racines, ligaturées par 20 avec un brin d’osier.

On coule du terreau entre les bottillons, en arrosant de temps à autre pour activer la végétation des feuilles qui pourront être consommées au bout de trente à quarante jours.

Simple « tuyau ».

— En P.-S., M. Robert Gervais écrit :

« Je vous indique un petit tuyau utile, pour réussir les semis de carottes : c’est de mélanger de la graine de cerfeuil à celle de carotte, le cerfeuil étant arraché lorsque les carottes sont levées. Faites quelques essais comparatifs, et vous verrez qu’ils seront concluants. »

Les semis simultanés sont souvent préconisés dans les petits jardins, où la terre n’est pas toujours très propice à la germination des petites graines, notamment à celle de carotte, qui est assez capricieuse dans sa levée, surtout lorsque les conditions atmosphériques sont défavorables. En mélangeant d’autres semences moins exigeantes à la carotte, celle-ci bénéficie d’une fraîcheur et d’un couvert qui activent la sortie de la radicelle et l’apparition de la gemmule. Enfin, l’arrachage de la plante associée, en l’occurrence le cerfeuil, joue le rôle d’un sarclage, et la carotte pousse vigoureusement. Ainsi s’explique l’action heureuse des semis couplés, signalés par M. Gervais.

Le clochage.

— Extrait d’une lettre de quatre pages, toutes remplies de doléances :

« Au premier printemps, et vers la fin de l’automne, nous manquons de laitues et de romaines. Comment s’y prendre pour éviter cette pénurie légumière ? »

Pour éviter d’être privé de salades aux époques peu généreuses, dues à la carence de Phébus, dont les rares rayons ne suffisent plus à réchauffer les plates-bandes du jardin, il est absolument nécessaire de se procurer des cloches, pour les utiliser de la façon suivante :

Pour récolter des laitues, en février, mars et avril, semez, sur le cercle marqué par l’impression d’une ou deux cloches, à bonne exposition, tout au début d’octobre, de la graine de laitue passion, la brune ou la blonde, au choix, en y ajoutant un peu de romaine maraîchère. Arrosez, clochez et aérez suivant la température, de façon à obtenir du plant râblé, que vous repiquerez en parcelle terreautée, à raison d’une romaine par cloche, et de trois ou quatre laitues. Vous pouvez également semer quelques graines de radis et de carottes. Les cloches étant disposées côte à côte, et en quinconce, il reste entre elles un petit espace libre, dans lequel vous pourrez même contre-planter une laitue.

Les premiers clochages fourniront des salades pommées au début de mars ; d’autres seront bonnes à récolter en mars-avril. Entre temps, vous récolterez des radis, puis des carottes.

Pour l’arrière-saison, le clochage se fera sur des laitues et des romaines disposées ainsi qu’il vient d’être dit, avec du plant élevé au début de septembre, lequel sera protégé des froids par le verre. La soudure entre les deux récoltes, celle d’automne et de printemps, se fera sur le dos des chicorées, frisées et scaroles, complétées par la mâche, et les pissenlits recouverts de feuilles mortes qui les abriteront des gelées. Pour la période des grands froids, vous ferez blanchir en cave des endives et de la barbe-de-capucin.

Les mousserons au jardin.

— Un abonné de Loiret demande si l’on peut cultiver les mousserons au jardin, dans une région où ce champignon pousse librement dans les prairies avoisinantes :

« Voudriez-vous indiquer la marche à suivre pour faire venir des mousserons dans mon jardin, au pied des arbres, où il y a déjà de la mousse ? Ce serait simplement pour notre consommation familiale. »

De tous les champignons, le mousseron est l’un des plus capricieux, car il ne vient bien que dans certains terrains vierges, de nature argilo-sableuse, et seulement dans les endroits sains, bien exposés et abrités, où il y a du vieux gazon, constitué par de grossières graminées et un fonds de mousse. La reproduction s’effectue d’une manière assez curieuse, suivant une marche concentrique, dénommée cercle de la sorcière. Cela tient à ce que les spores, chassées par le vent, se mettent à germer à la ronde, sur le terrain qui n’a pas encore porté de mousserons, en dehors de la zone de l’ancien mycélium.

Ces exigences font qu’il me paraît difficile de réussir la culture de ce champignon dans un jardin où le terrain a été travaillé et non engazonné, même sous les arbres. L’opération ne pourrait être tentée, avec quelque chance de succès, que dans un verger, en herbe de longue date, et plus particulièrement aux abords d’une haie ou d’un massif d’arbustes. Pour le peuplement, on jetterait des mousserons bien mûrs, avec l’espoir de voir germer quelques spores, si le milieu convient. On ferait bien, en outre, pour favoriser le développement du mycélium, d’arroser le terrain environnant les dépôts avec une solution faible de salpêtre, 3 grammes environ de nitrate de potasse par litre d’eau. Une précaution à prendre, lors des prochaines récoltes, serait de laisser mûrir sur place les mousserons nécessaires au réensemencement. Autrement on risquerait de compromettre les prochaines fructifications.

La hernie ou la lisette.

— « Je n’ai pas réussi mes cultures de choux l’an dernier. Aussi, mes choux-fleurs ainsi que mes cabus et mes milans ont souffert du gros pied et nombre d’entre eux sont restés borgnes. Que me conseillez-vous ? »

En cas d’excroissance au collet, on fendra les trognons de chou au couteau et, si l’on aperçoit des galeries peuplées de larves apodes, il s’agit vraisemblablement de la lisette ou des barides, qui ne sont autres que des charançons ; ces insectes viennent piquer le bas des tiges pour y pondre. En s’y enfonçant, les larves provoquent la formation de galles au collet qui gênent la circulation de la sève.

S’il n’y a pas de galeries au collet, mais si les racines sont renflées comme des tubercules, on a affaire à la hernie, occasionnée par un champignon.

Dans un cas comme dans l’autre, il faut détruire par le feu tous les trognons et leurs racines, de manière à anéantir les insectes ou les spores qu’ils portent. Malgré cela, il est probable que ces fléaux réapparaîtront dans les terrains infestés.

Une bonne mesure de prudence est de créer de nouvelles pépinières, si les anciennes n’ont pas été désinfectées durant l’hiver. Examiner attentivement chaque plant avant le repiquage, de manière à éliminer tous les suspects du gros pied. Ne jamais cultiver de choux, sur la même parcelle, plus d’une fois tous les quatre ans. Enfin, chauler le terrain à haute dose ou, mieux encore, appliquer de la cyanamide de calcium, qui est un excellent engrais nitro-calcique, à la dose de 6 kilogrammes à l’are. S’il s’agit de charançons, on remplacera la chaux par 10 kilogrammes de tourteau de ricin, ou la même quantité de crud ammoniac, qui seront enfouis à la bêche avant l’hiver.

Adonis LÉGUME.

Le Chasseur Français N°596 Février 1940 Page 97