Intensité de l’éclairage.
— En ces dernières années, l’éclairagisme est
devenu une véritable science, ou tout au moins, une branche importante des
sciences physiques. Des ingénieurs spécialisés, après des études particulières,
sont capables d’établir d’avance, par des calculs souvent ardus, les résultats
que donneront, dans les cas les plus compliqués, tel ou tel système
d’éclairage, suivant la puissance mise en œuvre ; ainsi peut-on choisir en
toute connaissance de cause, suivant que l’on veut obtenir l’effet le meilleur
ou se contenter de la solution acceptable la plus économique. Des appareils de
mesure spéciaux, aux noms barbares — luxmètre, lumen-mètre — permettent
ensuite de contrôler, en accord avec les appareils électriques classiques (ampèremètre,
wattmètre) si les résultats obtenus sont bien conformes aux prévisions.
Mais nos modestes articles — nous l’avons déjà souligné
— ne sont pas destinés aux spécialistes, et nous n’avons pas l’intention
d’initier nos lecteurs à la pratique de calculs compliqués ou au maniement
d’appareils délicats, qui, d’ailleurs, il faut bien le reconnaître, ne sont
vraiment utiles que dans des cas un peu particuliers (mais pourtant de plus en
plus nombreux, dans les importantes installations commerciales, industrielles
ou autres, et même dans certaines installations privées luxueuses). Ici, nous
n’envisageons que les installations domestiques les plus courantes, pour
lesquelles il n’est pas nécessaire de recourir à un spécialiste diplômé.
Pour ces cas relativement simples, on avait essayé, depuis
longtemps, de formuler des règles pratiques, indiquant approximativement la
puissance lumineuse à employer dans différentes pièces, en fonction, soit de la
surface du local éclairé, soit de son volume total. Mais on s’est vite aperçu
que la nature des parois et du plafond, et surtout leur couleur plus ou moins
foncée, a une grosse importance, en particulier avec les dispositifs modernes
d’éclairage semi-direct ou semi-indirect. D’ailleurs, sauf dans les très
grandes pièces, les résultats calculés doivent généralement être largement
arrondis, pour cadrer avec une des puissances des ampoules que l’on trouve
effectivement dans le commerce, puissances dont l’échelle n’est pas très
serrée.
En général, le plus simple sera donc, pratiquement, d’opérer
par tâtonnements. Dans les prochains articles, nous donnerons des indications
qui permettront, dans chaque cas, de réaliser une installation convenable, avec
les puissances à envisager approximativement. Il n’y aura rien de plus facile,
ensuite, que de remplacer une ampoule de 40 watts par une de 25 watts,
ou au contraire, par une de 60 watts, suivant que l’éclairage obtenu
semblera un peu trop brillant, ou bien insuffisant.
Mais il ne faut pas oublier qu’un éclairage artificiel n’est
pour ainsi dire jamais trop intense : jamais, en effet, une lampe ne
produit un effet aussi considérable que le soleil ; et pourtant, c’est
bien pour la lumière du soleil que nos yeux sont faits ! En été, le soleil
produit sur le sol un éclairement de plusieurs dizaines de milliers de lux
(jusqu’à 75.000 ou 80.000 lux) ; dans nos appartements un
éclairement de 100 ou 200 lux semble très convenable, et dans les
vitrines de magasins les plus brillamment illuminées, l’éclairement ne dépasse
pas quelques milliers de lux. Il n’y a donc pas lieu de craindre de
fatiguer la vue par un éclairage trop fort, bien au contraire : à
condition seulement que les lampes servent bien à éclairer les objets, et non
pas à éblouir l’œil directement.
Au passage, signalons aussi que le rayonnement des ampoules
à incandescence (exclusivement employées pour l’équipement des installations
particulières) ne présente aucun danger pour les yeux du fait d’une trop forte
proportion de rayons ultra-violets, qui, au contraire, s’y trouvent en bien
moindre quantité que dans la lumière solaire. Comme nous l’avons indiqué déjà
(no 584,
février 1939, p. 126), les ampoules électriques ne produisent en
surabondance que les radiations rouges et infra-rouges, qui ne semblent
pas nuisibles. Seules, certaines lampes (lampes à arc, ou lampes à vapeur de
mercure) pourraient donner un excès de rayonnement ultra-violet :
mais les fabricants ne l’ignorent pas, et prennent toujours toutes les
précautions nécessaires, leur emploi étant d’ailleurs limité à quelques cas
particuliers : voies publiques, grosses installations industrielles.
Enfin, il ne faut pas s’imaginer qu’on puisse réaliser de
grandes économies, en réduisant l’éclairage au minimum. Les dépenses
d’éclairage électrique ne représentent qu’une très petite fraction de la
plupart des budgets domestiques (moins de 2 p. 100 en moyenne) ; et
ces dépenses ne sont pas exactement proportionnelles à la consommation. Sur une
dépense totale d’éclairage de dix francs par mois, par exemple la consommation
d’énergie électrique proprement dite peut compter pour moins de sept
francs : le reste représentant les frais fixes, location du compteur,
entretien du branchement et de l’installation, timbre quittance et les frais de
renouvellement des ampoules ; si l’on remplace toutes les ampoules par
d’autres d’une puissance immédiatement inférieure (dont le prix d’achat est le
même, ou guère moindre), on réduit l’intensité de l’éclairage de presque
moitié, mais la consommation ne diminue que d’un tiers environ, et l’économie réalisée
n’atteint pas 2 fr. 50 : même pas le quart de la dépense
totale ! Dans les campagnes, certaines personnes, ayant fait installer
l’électricité chez elles, continuent pourtant de s’éclairer en partie au
pétrole : cette méthode est ruineuse, d’abord à cause de l’influence, dans
les dépenses d’électricité, de ces frais fixes, dont l’importance est d’autant
plus considérable que la consommation proprement dite est plus faible ;
puis, parce que l’éclairage au pétrole, pour le même résultat, est infiniment plus
coûteux que la lumière électrique : au moins quatre ou cinq fois plus
cher.
(À suivre.)
J. KAEPPELIN,
Ingénieur E. S. E.
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