La nouvelle réglementation des baux pendant la guerre,
instituée par le décret-loi du 26 septembre 1939, comporte notamment
quatre mesures en faveur des preneurs, autrement dit des locataires, qu’il
s’agisse de baux ou locations de loyers d’habitation, à usage industriel ou
commercial, de baux à ferme, etc.
Ces quatre avantages que le preneur peut invoquer à l’égard
du propriétaire sont : la résiliation du bail, la réduction du prix du
loyer, un délai de payement, la prorogation du bail.
Par contre, le décret-loi en question ne contient pas de
disposition en faveur du propriétaire et que celui-ci puisse opposer au
locataire. Les deux mesures qu’il institue à son profit sont d’ordre purement
fiscal, et par conséquent opposables seulement au Trésor : le propriétaire,
ayant subi une perte, depuis la guerre, sur le revenu de ses immeubles, peut
obtenir des dégrèvements d’impôts et une modération de la contribution
foncière.
1° Résiliation du bail.
— Le décret-loi du 26 septembre 1939 prévoit, en
dehors des causes de résiliation résultant du droit commun, deux nouvelles
possibilités de résiliation des baux : une résiliation de plein droit et
une résiliation par voie de justice.
Encore une fois, cette faculté de résilier le bail, qu’il
s’agisse de la résiliation de plein droit ou de la résiliation judiciaire,
n’appartient qu’au preneur.
La résiliation de plein droit ne peut être invoquée que par
les preneurs mobilisés.
Il importe de remarquer que le décret-loi exclut
formellement de ce bénéfice les fermiers et les métayers. Toutes les autres
catégories de preneurs de baux peuvent se prévaloir de cet avantage.
Cette résiliation de plein droit est provoquée par une
demande en ce sens du preneur.
La demande est adressée au bailleur par lettre recommandée
avec accusé de réception, à laquelle doivent être jointes toutes pièces
justificatives.
La résiliation doit prendre effet à l’expiration du délai
d’un mois à dater du jour de la réception de la lettre recommandée par le
propriétaire. Cependant le preneur peut, dans sa demande, fixer une date plus
éloignée. Inversement, ce délai peut être abrégé, lorsque le délai de préavis
d’usage est inférieur à un mois.
Le décret-loi n’accorde pas au propriétaire d’indemnité pour
le préjudice qu’il peut éprouver, du fait de cette résiliation de plein droit.
Il est seulement prévu que la résiliation pourra donner lieu
à indemnité si le bailleur établit avoir, sur la demande du locataire, et pour
les convenances personnelles de celui-ci, effectué, dans les lieux loués, des
travaux ou aménagements exceptionnels qu’il devait amortir pendant la durée de
la location. Cette indemnité, s’il y a lieu, est fixée en tenant compte de la
plus-value donnée par ces travaux aux lieux loués.
Des délais peuvent être accordés pour le payement de l’indemnité.
La résiliation par voie de justice peut être demandée par
tout preneur qui ne peut se prévaloir de la résiliation de plein droit, par
conséquent par tous les preneurs non mobilisés, et aussi par les fermiers et
par les métayers, mobilisés ou non.
Le preneur doit justifier, à l’appui de sa demande, que, par
suite de circonstances résultant de l’état de guerre et survenues
postérieurement au contrat de bail, il a cessé de jouir de l’usage de tout ou
partie des locaux, ou qu’il ne peut entrer en jouissance, ou qu’il est privé
d’une notable partie des ressources sur lesquelles il pouvait compter pour
faire face au payement de ses loyers, ou enfin qu’il ne peut continuer
normalement l’exploitation ou l’exercice de la profession en vue de laquelle
les lieux ont été loués.
En cas de résiliation ordonnée par le juge, la situation du
propriétaire peut être plus avantageuse qu’en matière de résiliation de plein
droit. En effet, il est reconnu au magistrat compétent le pouvoir d’apprécier
s’il y a lieu d’allouer au bailleur, non seulement une indemnité pour travaux
d’amélioration exécutés par lui, comme il est dit ci-dessus à propos de la
résiliation de plein droit, mais encore toutes autres indemnités suivant le
cas.
Qu’il s’agisse de résiliation de plein droit ou de
résiliation par voie de justice, lorsque le preneur qui aurait pu la demander
est décédé, la résiliation peut être prononcée, avec ou sans indemnité, à la
demande de son conjoint, des personnes vivant habituellement avec lui et qui
sont membres de sa famille ou à sa charge, et de tout ayant droit à sa
succession.
2° Réduction du prix du bail.
— Les preneurs, mobilisés ou non mobilisés (quelle que
soit la nature de la location), qui justifieront, par suite de circonstances
résultant de l’état de guerre et survenues postérieurement au contrat, soit
avoir cessé de jouir de l’usage de tout ou partie des locaux, soit être privés
d’une notable partie des ressources sur lesquelles ils pouvaient compter pour
faire face au payement de leur loyer, soit enfin ne pouvoir continuer
normalement l’exploitation ou l’exercice de la profession en vue de laquelle
les lieux ont été loués, peuvent bénéficier d’une réduction du prix du bail
allant, suivant le cas, jusqu’aux trois quarts du montant du loyer.
Les locataires d’un local à usage d’habitation, s’ils sont
mobilisés et si leur contrat de location est antérieur au 2 septembre
1939, bénéficient de plein droit, pendant la durée de leur présence sous
les drapeaux, d’une réduction des trois quarts du montant du loyer, à moins que
le bailleur n’établisse que son locataire est en mesure d’acquitter la totalité
de son loyer, ou une fraction supérieure au quart.
Les preneurs de locaux à usage professionnel, industriel ou
commercial, s’ils sont mobilisés et si leur contrat de location est antérieur
au 2 septembre 1939, bénéficient de plein droit, pendant la durée
des hostilités, d’une réduction des trois quarts du montant de leur loyer, à
condition que leur profession, industrie ou commerce cesse d’être exercée
pendant la guerre.
Les preneurs mobilisés de locaux à usage d’habitation,
professionnel, commercial ou industriel, dont le contrat de location a été
conclu seulement à partir du 2 septembre 1939, ne peuvent obtenir la
réduction des trois quarts du prix de leur loyer que s’ils justifient que, par
suite des circonstances résultant de l’état de guerre et survenues
postérieurement au contrat, ils ont cessé de jouir de l’usage de tout ou partie
des locaux, ou qu’ils sont privés d’une notable partie des ressources sur
lesquelles ils pouvaient compter pour faire face au payement de leur loyer, ou
qu’ils ne peuvent continuer normalement l’exploitation ou l’exercice de la
profession en vue de laquelle les lieux ont été loués.
Enfin, en sus de la réduction des trois quarts du loyer accordée
de plein droit aux preneurs mobilisés de locaux à usage d’habitation
(professionnel, industriel ou commercial) une diminution sur le montant du
loyer restant dû et pouvant, même aller jusqu’à l’exonération totale peut être
accordée.
Il faut que l’intéressé justifie à cet effet, ne pas pouvoir
être en état de faire face au paiement des sommes dues.
Cette demande de réduction doit être faite dans un délai de
six mois à dater du jour où le locataire a cessé d’être mobilisé ou repris
directement ou indirectement l’exercice de sa profession, de son commerce ou de
son industrie.
Il est très important de retenir que les réductions dont il
s’agit dans le présent article seront calculées sur le prix du loyer tel qu’il
est fixé au contrat. Les preneurs qui auront accepté de payer un prix de
location, de fermage, supérieur à celui indiqué dans le bail, risquent donc
d’être lésés à l’occasion de l’appréciation de ces réductions.
CROUZATIER.
(1) Voir no 595.
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