Dans un des numéros du Chasseur Français, paru il y a
quelques mois, j’avais incidemment parlé, à propos de la sauvagerie du gibier,
des mouettes qui, depuis qu’on ne doit plus les tirer, devenaient déjà alors
assez familières. On a vu par mon article de janvier qu’elles sont devenues,
tout au moins dans la région que j’habite, tout à fait familières.
Or, un de mes aimables correspondants, qui a tous les droits
à être renseigné mieux que personne, puisqu’il est armateur à Dieppe, M. Lebastard,
alors qu’il n’avait lu que ma première note, m’avait écrit à propos des
mouettes une charmante lettre que je tiens à publier ici. :
Monsieur,
C’est toujours avec le plus grand plaisir que je lis vos
articles dans le Chasseur Français. À propos de celui sur la sauvagerie
du gibier, vous parlez de nos jolies mouettes ; votre observation confirme
lus miennes ; en effet, depuis quatre ans, ce qui coïncide avec
l’interdiction de tirer les mouettes, ici, à Dieppe, elles deviennent de plus
en plus familières et se posent maintenant sur les toits de certains immeubles
qui ont leur prédilection, et sur les quais après le débarquement du poisson,
chose que l’on n’avait jamais vue auparavant ; mais elles ne sont pas
encore aussi familières qu’en Angleterre où elles se posent partout, même sur
les cheminées des maisons et les mâts des bateaux. Dans les ports de pèche où
je vais de temps à autre, il n’est pas rare de les voir réclamer droit de
passage, quand elles sont en train de se gaver ou de se disputer au milieu des
caisses de poisson. J’ai de très jolies cartes postales qui peuvent en
attester. En Écosse, aux abords des ports où se pêche le hareng, les rochers
sont couverts de mouettes, et il n’est pas rare d’en rencontrer, souillées de
vase et d’écailles, pouvant difficilement s’envoler, tant elles sont gavées.
La semaine dernière (il y a plusieurs mois), de
passage à Brighton, je voyais sur le Sea front de gracieuses mouettes à
capuchon noir venir prendre le pain de la main des promeneurs. Nous n’en sommes
pas encore là en France, mais j’ai bon espoir que nous y arriverons.
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Je suis heureux de pouvoir dire à notre très aimable
correspondant que nous y sommes arrivés ; il le sait, du reste,
maintenant, puisqu’il a lu certainement mon article de janvier sur les
mouettes.
Bien mieux, je ne sais jusqu’où ira la familiarité de nos
jolies mouettes ! J’en ai vu une venir prendre à la bouche un morceau de
pain, cela une seule fois ; mais il faut être prudent, car ce mode de « baiser »
intéressé est assez brutal, le bec des mouettes l’étant aussi assez.
Ce qui est plus commun, c’est de prendre un morceau de pain,
de le montrer de loin à des mouettes posées sur les bassins. Elles arrivent, et
quelquefois l’une d’elles va se poser sur le bras qu’on lui tend de l’autre
côté.
Je reviendrai sur cette affaire qui passionne beaucoup de
nos amis les Anglais, et aussi maintenant bien des Français.
Louis TERNIER.
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