Le plus petit de la famille des corbeaux, le choucas, est
gros comme une tourterelle. Fort commun en nombre d’endroits, ignoré en
d’autres, confondu avec les corneilles auxquelles il se mêle, le choucas, au
point de vue physique, ne peut être qu’une miniature de l’espèce des corvidés.
Son envergure n’atteint que de 60 à 65 centimètres contre 85
à 89 centimètres pour les freux et les corneilles noires. Sa longueur n’est que
de 30 à 33 centimètres pour 45 à 47 centimètres chez le freux et la corneille.
En outre, sa couleur générale ne peut être confondue avec celle des espèces
voisines de taille plus forte. Les beaux reflets métalliques bleutés ou violets
font place à un noir terne gris, et même cendré sur le sommet du crâne, sur le
cou et le dos. La face ventrale est noire. L’œil est également un point facile
d’identification, car l’iris est de couleur bleu pâle. Le bec présente, comme
chez tous les représentants de la famille, les freux mis à part (adultes), une
garniture de soies à la base. Il est court, mais très fort.
Ce nabot de l’espèce est loin d’avoir l’âme blanche. Sa
fréquentation des clochers n’a rien enlevé à l’impureté de son caractère. Il
est vrai qu’il ne fait que subir l’impérieuse nécessité des lois de l’existence
que le Créateur lui-même lui a imposées.
Le choucas vit en petites bandes qui élisent domicile dans
les clochers, les vieilles tours, et dans les falaises rocheuses. En certains
endroits, il se contente d’arbres creux. C’est là qu’il niche dans une
anfractuosité de rocher ou entre les pierres d’un édifice. Le nid est
sommairement fait à l’aide de brindilles. La ponte est de 4 à 5 œufs au
printemps. Les couples composant la bande se répartissent les emplacements des
nids, et toute la société vit bruyamment en compagnie.
Sédentaires à la belle saison, les choucas se paient le luxe
de voyager en hiver. Leurs petites bandes se mêlent alors aux grands vols de
corneilles noires et de freux. Mais on les distingue aisément parmi cette
sinistre compagnie par leur vol plus rapide et surtout moins lourd. Peu
farouches en ville, ils deviennent alors d’abord aussi difficiles que les
corneilles et les freux qu’ils accompagnent
Hébergeant l’un de ces oiseaux depuis plusieurs mois,
j’ai pu me rendre compte de la diversité de ses menus et de sa façon de manger.
Son régime ne s’écarte pas de celui de la corneille noire. Tous les grains lui
sont bons : blé, avoine, orge, maïs. Il saisit ce dernier grain du bout du
bec et le frappe à coups redoublés pour le fragmenter. Toutes les viandes sont
de son goût, même celle de ses confrères. Je n’ai remarqué aucune répugnance
dans ce domaine ; j’ai successivement présenté de la viande de bœuf, de
mouton, de loutre, de freux, de pie, de poulet, de poule d’eau, etc., sans
jamais avoir de refus. En résumé, client facile. Tous les petits oiseaux et les
petits mammifères subissent le même sort en tant que cadavres entre ses
griffes. Le choucas les prend du bout du bec, les place sous une patte prenant
appui sur le perchoir et à grands coups de bec leur défonce le crâne dont il
dévore le contenu. Il passe ensuite à la cage thoracique et souvent s’arrête
là, dédaignant l’arrière-train. C’est à peine s’il arrache quelques plumes aux
oisillons qu’il décapite ainsi.
Du côté des fruits, il vide avec art une demi-pomme sans toucher
à la peau. Les cerises, les prunes et toutes les baies des jardins lui sont
bonnes. Il mange également la pointe tendre des brins d’herbe. Le pain, menu
d’un civilisé pour un choucas, est son régal : il le prit sans aucune
difficulté à la première présentation. L’œuf de poule dans sa coquille n’offre
aucun attrait pour lui, il l’écarte pour chercher dans le sol quelque graine.
Ce qui ne veut pas dire qu’il dédaignerait des œufs d’une grosseur moindre (cas
du geai, par exemple). Il existe peut-être une certaine relation entre la
taille de l’oiseau et celle des œufs qu’il détruit. Quant aux insectes et aux
vers, il les mange à peu près tous, et c’est là sa plus belle page de gloire.
Au point de vue caractère, le choucas est très sociable.
Comme la pie, il est curieux et vient voir tout ce qui brille.
Il est évident qu’auprès d’un élevage, le choucas est un
client des plus suspect, d’autant plus qu’à ce moment de l’année, lui aussi est
chargé de famille, et dame, « nécessité fait loi ».
Les moyens de lutte contre les choucas sont ceux qu’on
emploie contre les corneilles, avec cependant deux difficultés en plus :
le manque de régularité dans les lieux qu’ils fréquentent, et le dénichage
pratiquement impossible.
A. CHAIGNEAU.
|