Après avoir parlé, dans nos articles précédents, des
poulinières, des chevaux de réquisition et, d’une manière générale, des
effectifs chevalins faisant actuellement partie des armées, nous allons payer
tribut à l’actualité — une actualité à retardement du reste, à cause des
exigences de la mise en pages du journal — en nous intéressant
spécialement aux chevaux de courses, qui font figure de privilégiés, sinon d’embusqués,
vis-à-vis de leurs congénères mobilisés, ou ... requis civils.
La reprise des courses hippiques, qui vient d’avoir lieu,
après quatre mois d’interruption, le 31 décembre dernier, en même temps
que finissait une année où elles avaient été particulièrement brillantes,
encore que Pharis, notre cheval du siècle (?), à cause de la guerre, n’y
trouva pas l’occasion de s’élever aussi haut que le plaçait notre admiration
pour sa triomphale carrière, a donné lieu, ainsi qu’il fallait s’y attendre, à
des commentaires à la fois nombreux et variés.
Et comme de bien entendu, les uns critiquant avec
amertume ou véhémence, les autres applaudissant avec enthousiasme : mais
nous devons à la vérité de constater que ceux-ci se montrèrent de beaucoup les
plus nombreux et à notre humble avis les plus sages, parce que sans doute les
mieux informés.
Au temps heureux de la paix, la cause des courses n’a pas
besoin d’être défendue ; elle s’impose comme une nécessité vitale de
l’élevage que personne ne songe plus à discuter, parce qu’il saute aux yeux des
moins avertis qu’elles contribuent à développer et à améliorer ces belles races
chevalines que les étrangers nous envient et qui constituent une ressource
importante de notre économie nationale. Ajoutons, pour ceux qui l’ignorent, que
l’institution des courses en France fait vivre plus de 400.000 personnes (et
leurs familles) qui, du jour au lendemain, se trouvant en chômage, sont venues
obérer d’autant le budget de l’État. De plus, elle provoque, dans toutes ses
manifestations, un chiffre total d’affaires d’environ cinq milliards, sur
lequel l’État ne manque pas de prélever sa part, une part qui est loin d’être
négligeable, puisqu’on l’estime, bon an, mal an, à 150 millions de francs.
Et, pour parler comme M. de la Palice,
puisqu’il faut des chevaux pour faire des courses hippiques, s’il n’y avait
plus de courses, il n’y aurait bientôt plus de chevaux, les propriétaires
d’écuries se hâtant de vendre leurs pensionnaires pour la boucherie, afin de
n’avoir pas à les nourrir sans aucun espoir de récupérer leurs dépenses, tandis
que les éleveurs pour des raisons analogues en seraient réduits à sacrifier,
aussi malencontreusement, leurs poulinières et leurs poulains.
Du reste, au cours des jours difficiles qui nous sont
imposés par l’état de guerre, la France a été la seule nation qui ait suspendu
les courses pendant aussi longtemps ; chez nos amis anglais, elles n’ont
été interrompues que quelques jours, pendant lesquels, hélas ! devait se
courir le match, tant attendu, entre Pharis et Blue-Peter dans le
Saint-Léger de Doncaster.
Chez les Allemands, bien qu’ils eussent, eux aussi, d’autres
préoccupations, voire plus inquiétantes que les nôtres, aucune modification n’a
été apportée a leur calendrier du sport hippique, et nos ennemis n’ont pas
manqué d’y trouver motif à s’en féliciter, mieux à s’en glorifier.
Enfin, les courses ont repris chez nous, et nous ne pouvons
qu’applaudir au programme, mis sur pied, tout en félicitant nos dirigeants (Ministère
et sociétés).
Bien que la première réunion de Courses au Trot ait eu lieu
à Vincennes, sur un hippodrome plutôt éloigné de la capitale, par un temps de
gel, de neige et de froidure, qui n’engageait guère à quitter le coin du feu,
son succès dépassa les espérances les plus optimistes : nombreux chevaux
dans toutes les épreuves, et de beaucoup plus nombreux spectateurs pour admirer
leurs performances. Si le chiffre d’affaires ne fut pas aussi élevé que celui
de la journée correspondante en 1938, cela tient surtout à ce que, avec le Pari
Mutuel sur l’hippodrome, le Pari Mutuel Urbain ne fonctionna qu’à Paris
seulement et dans un nombre d’agences encore fort réduit.
À ce propos, l’administration du P. M. U. a publié
la note suivante :
« La reprise des courses ayant lieu le 31 décembre
1939, le P. M. U. fonctionnera sur les réunions qui seront données à
Vincennes, Auteuil et Longchamp, de la façon suivante :
Il ne sera ouvert aucune agence ;
L’enregistrement des paris se fera uniquement à Paris, et
seulement dans les bureaux auxiliaires désignés, à l’exclusion de la banlieue
et de la province ;
Il sera enregistré dans ces bureaux, comme par le passé, des
paris simples et des paris par reports ;
Heure de clôture des opérations : MIDI ;
D’autre part, l’Agence spéciale par
« Correspondance », 104, rue de Miromesnil, à Paris, enregistrera
également des paris, mais uniquement au comptant : minimum d’enjeu,
cinq mises de 10 francs (50 francs) sur un même cheval gagnant ou
placé, et par multiple de cinq mises. Les ordres devront parvenir au plus tard
le matin de la réunion, avant midi, heure de clôture des opérations, et devront
être accompagnés de leur montant en un mandat ordinaire, mandat-carte ou mandat
télégraphique. »
Par arrêté ministériel, en date du 28 décembre 1939, la
modification suivante a été apportée au paiement des bordereaux aux parieurs.
Les paiements et remboursements auront lieu sous peine de déchéance : à
Paris, pendant les quatre jours qui suivent chacune des journées de courses
dans le bureau auxiliaire, où le pari aura été enregistré.
Passé ce délai, ces bordereaux seront périmés, car il n’est
ouvert aucun bureau, pour le paiement des « impayés ».
Si tout n’est pas encore pour le mieux dans le monde
turfiste, dont les habitués ont le devoir de faire contre mauvaise fortune, bon
cœur ..., les résultats déjà acquis permettent de bien augurer de
l’avenir. Et déjà, nous devons dire nos félicitations et notre reconnaissance,
aux présidents des cinq grandes sociétés de courses de la Région parisienne,
qui ont, d’un beau geste, sacrifié l’intérêt particulier à l’intérêt général,
et, se groupant en une seule direction, ont mis leurs ressources en commun,
sans aucun espoir de bénéfices, pour que l’institution des courses contribue à
maintenir et encourager la prospérité de l’élevage de nos chevaux de sang, dont
notre Défense nationale ne saurait se passer.
H. BERNARD.
(1) Voir nos 594 et suivants.
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