Il arrive très fréquemment que des pommiers, plantés dans le
jardin, ne donnent aucun fruit en dépit des tailles sévères et de tous les
pincements auxquels ils sont cependant régulièrement soumis.
Il s’agit, le plus souvent, en l’occurrence, d’arbres greffés
sur des sauvageons que l’on a pris dans les bois et qui, possédant une grande
capacité de développement, ne peuvent se contenter de la forme de petite taille
(cordon ou gobelet) que l’on avait projeté de leur donner. Faute d’en pouvoir
agrandir la charpente, parce que l’emplacement ne le permet pas, on se trouve
obligé de sacrifier ces arbres, sans doute intéressants par leur magnifique
végétation, mais absolument rebelles à toute fructification. C’est là, on en
conviendra, une éventualité fort désagréable et que l’on était loin de prévoir
en plantant les arbres.
Pour éviter semblable échec, il ne faut pas perdre de vue
que le pommier peut être greffé sur plusieurs porte-greffes-très différents.
L’un de ceux-ci est le franc, qui provient du semis
d’un pépin, soit semis fait par l’homme à l’aide de pépins de pommes à cidre,
et, dans ce cas, le franc est plutôt nommé égrain, soit semis naturel,
et alors on l’appelle sauvageon. Dans beaucoup de campagnes, on croit
devoir préférer les sauvageons, que l’on va arracher dans les bois, aux égrains,
qui sont produits dans les pépinières. Les sauvageons ont d’abord pour eux,
croit-on, le mérite de ne rien coûter, puis ils rapportent plus vite ...
Nous avons été à même, au cours de nombreux essais, de
comparer égrains et sauvageons et, dans tous les cas, nous avons
obtenu de plus beaux arbres avec les égrains qu’avec les sauvageons, de sorte
que nous n’hésitons pas à recommander ces égrains, dont le prix d’achat modique
est ainsi largement compensé par le meilleur résultat obtenu.
Le franc, que ce soit un égrain ou un sauvageon, est, en
tous cas, un porte-greffe très vigoureux. Il doit être exclusivement réservé
pour le greffage des arbres qu’on destine à la forme haute-tige. Même
dans les terres médiocres, le développement que prend le pommier greffé sur
franc ne permet pas de le maintenir sous forme taillée, à moins que ce ne soit
en le mutilant constamment et sans, du reste, pouvoir en obtenir de fruits.
Mais il existe, pour la culture en moyennes et petites
formes taillées, deux autres porte-greffes du pommier. Ce sont le pommier doucin
et le pommier paradis.
Chacun des deux trouve, d’ailleurs, son emploi dans des
conditions particulières.
Le doucin est déjà moins vigoureux que le franc.
Actuellement, on en utilise surtout une variété, de vigueur assez modérée et de
fructification relativement précoce, le doucin amélioré.
On en fait des cordons horizontaux de 3m,50 à 4
mètres de développement, des fuseaux, des palmettes Verrier dans des terrains
de qualité ordinaire. Mais, si l’on a affaire à un sol tout à fait médiocre et
plutôt sec, il faut préférer le doucin ordinaire, plus vigoureux et
capable de bien prospérer dans ces conditions plutôt défavorables.
Bien qu’il présente une vigueur suffisante pour permettre de
faire des arbres à haute-tige, le doucin ne doit pas, autant que possible, être
utilisé pour cette destination. Ses racines sont, en effet, peu nombreuses et
surtout peu profondes et l’arbre à haute-tige, greffé sur doucin, ne peut
résister au vent, surtout s’il se trouve dans un endroit peu abrité. Il se penche
dans la direction opposée à celle des vents dominants, quand il n’est pas jeté
complètement à bas par ceux-ci, et l’on ne peut pas arriver à le redresser.
Au point de vue de la beauté des fruits, le doucin ne
présente pas beaucoup d’avantages sur le franc. Cependant, sur doucin amélioré,
les pommes sont un peu plus grosses que sur franc. Ce sont, dans les deux cas,
des fruits à vendre au poids et non à la pièce.
Dans les pépinières, doucin ordinaire et doucin amélioré
sont parfois obtenus par boutures, mais, plus souvent, ils le sont par
marcottage en butte. Cette multiplication artificielle est, d’ailleurs, une des
causes déterminantes de leur moindre vigueur et de leur fructification plus
rapide.
Le paradis est un porte-greffe qui pousse beaucoup moins que
le précédent. On en distingue deux variétés : le paradis noir, fort
peu vigoureux, mais donnant de très beaux fruits, et le paradis jaune de
Metz, de vigueur un peu plus considérable, de résistance plus grande,
donnant, lui aussi, de fort beaux produits.
Ce dernier, est, actuellement, beaucoup plus employé, par
les pépiniéristes, que le paradis noir. On ne peut, malheureusement, cultiver
le pommier greffé sur paradis que si l’on dispose d’un terrain de bonne
fertilité. En terrain médiocre ou mauvais, il ne donnerait aucun résultat,
fructifiant à l’excès dès le début, mais ne poussant pas et périssant au bout
de fort peu de temps.
C’est le paradis qui permet d’obtenir les plus beaux fruits.
Ceux qui font notre admiration dans les grandes expositions proviennent
d’arbres greffés sur ce porte-greffe. Appartenant à des variétés spécialement
choisies, mis en sacs, ils se vendent, à la pièce, un prix souvent élevé.
Alors que le doucin amélioré est, comme nous l’avons dit, le
porte-greffe des formes moyennes en sol de qualité un peu secondaire, le paradis
jaune de Metz est le porte-greffe des petites formes en très bon terrain.
On en fait des cordons horizontaux de 2 mètres à 2m,50 de
développement, des palmettes en U et en V ouvert et des gobelets de faible
dimension. Dans les pépinières, le paradis est, comme le doucin, reproduit par
boutures ou par marcottes en butte.
Bien entendu, il ne peut être question d’élever à haute-tige
des arbres greffés sur paradis, dont la vigueur serait à peine suffisante pour
parvenir à la hauteur nécessaire pour former la tête.
Enfin, il est d’importance capitale, lorsqu’on plante des
pommiers greffés sur doucin et sur paradis, de tenir nettement au-dessus du sol
le bourrelet existant à l’endroit où a été fait le greffage, et de ne jamais
permettre, par la suite, que ce bourrelet ou nœud de la greffe se trouve
enterré, même de quelques centimètres. C’est seulement à cette condition
expresse que les pommiers greffés conserveront les qualités spéciales
qu’ils tiennent de leur porte-greffe et qui permettent de déterminer, à
l’avance, la forme à leur donner.
E. DELPLACE.
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