Huile de pépins de raisins.
— Olivier de Serres, dans son Théâtre de l’Agriculture,
et, plus tard, Bastien dans la Maison rustique, encyclopédie agricole du
XVIIIe siècle, mentionnent l’utilisation des pépins de raisins en
vue de l’extraction de la matière grasse qu’ils renferment. En France, à cette
époque, l’huile de pépins était fort estimée ; cette industrie était assez
prospère et à Albi il existait une usine spécialisée.
Au XIXe siècle, on ne trouve plus trace de cette
industrie et il faut attribuer cette subite disparition à la facilité avec
laquelle l’industrie des corps gras se procure les matières premières
oléagineuses indigènes ou exotiques, vraiment plus riches en matière grasse.
Voici, à titre documentaire, les richesses de différentes matières
premières :
Sésame |
50 p. 100. |
Noix |
45 p. 100. |
Olive |
18 p. 100.— |
Ricin |
50 — |
Œillette |
40 — |
Coton |
18 — |
Arachide |
45 — |
Colza |
35 — |
Pépin |
12 — |
C’est pendant la guerre de 1914-1918 que, pour les besoins
de la défense nationale, on chercha à utiliser toutes les ressources du pays,
et la question de l’extraction de l’huile de pépins de raisins fut, de nouveau,
à l’ordre du jour. La guerre actuelle présente des besoins encore accrus de
matières grasses : l’utilisation des pépins présente donc une importance
capitale.
Le pépin ou graine est formé d’une amande enveloppée d’une
membrane cornée. L’albumen est huileux. Dans le pépin frais, cette matière
oléagineuse est neutre, mais en vieillissant, elle devient acide, épaisse, de
couleur foncée et les rendements, à l’extraction, baissent considérablement. Si
le marc est bien conservé, ensilé ou en tas, si l’action de l’air est nulle,
les pépins pourront se conserver très longtemps, mais alors que le pépin frais
renferme 40 p. 100 environ d’humidité, le pépin après conservation peut
renfermer plus de 50 p. 100 d’humidité.
C’est au moment où le raisin est arrivé à maturité que le
pépin est le plus riche en matière grasse ; cette variation de la richesse
en huile du pépin semble suivre celle du sucre. Le professeur Ventre a fait de
très nombreuses analyses, et il a établi le rendement moyen des pépins en huile
entre 9 et 12 p. 100.
Comme pour l’extraction de toutes les huiles, il existe deux
méthodes. La première a recours à des moyens mécaniques puissants ; elle
donne une huile jaune verdâtre à saveur agréable de noisette : cette huile
est comestible, mais malheureusement le rendement est faible. On ne peut
retirer que 50 à 60 p. 100 de la matière grasse totale.
L’autre méthode donne une huile destinée à la savonnerie et
au graissage ; elle utilise les dissolvants, classiques tels que sulfure
de carbone, tétrachlorure de carbone et trichloréthylène. Les rendements
obtenus sont bien supérieurs et on peut estimer que l’on extrait par ce moyen
la totalité de la matière grasse. L’huile obtenue est amère, acre, brune verdâtre
assez foncée. Si son acidité ne dépasse pas 6 p. 100, elle peut être
rectifiée et consommée. En savonnerie, elle se saponifie facilement et donne
des savons de soude, durs, de couleur verdâtre. En Italie, où cette industrie
est prospère, l’huile obtenue sert à confectionner des savons mous de potasse
utilisés pour le nettoyage des laines et en filature. Enfin, pour le graissage,
il convient de la neutraliser de manière à éviter l’attaque du métal par les
éléments acides.
Durant la dernière guerre, l’huile de pépins de raisins,
étant donnée sa miscibilité avec les huiles minérales et sa basse température
de congélation, a été employée comme succédané de l’huile de ricin et comme
huile de graissage. Au point de vue de ses propriétés chimiques, les avis sont
partagés.
Ainsi, André la range dans le groupe de l’huile de ricin. Au
contraire, Chevastelou et Elouard la placeraient, pour sa siccativité, dans le
groupe de l’huile de lin. De ces divergences d’observation, il semble que les
différents auteurs qui ont étudié cette question, ont opéré sur des huiles
d’origine différente. Ces différences d’origine expliqueraient que certains la
jugent siccative, alors que d’autres nient cette siccativité de l’huile de
pépins.
Le professeur Ventre, de l’École nationale d’Agriculture de
Montpellier, estime que la quantité d’acides libres est relativement faible et
ne dépasse pas 5 p. 100. Cet auteur ajoute : « D’une façon
générale, on aura toujours intérêt à ne mettre en œuvre que des pépins ayant le
moins possible subi les atteintes des intempéries. On sera ainsi assuré
d’obtenir des huiles qui pourront satisfaire à de nombreux débouchés, soit
industriels, soit alimentaires. »
H. PAU,
Ingénieur agricole M., professeur d’Agriculture, Expert des Tribunaux.
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