Le charme commun est un arbre indigène d’environ 13 mètres
de haut, à racines pivotantes, à rameaux nombreux, à feuillage épais et d’un
vert brillant employé de tous temps à la composition des charmilles. Il porte
des chatons composés de petites feuilles qui sont attachées en forme d’écailles
à un axe. Les embryons naissent sur le même arbre séparément des fleurs et se
trouvent entre les petites feuilles d’un épi qui devient dans la suite plus
grand et plus beau. Alors, au lieu d’embryon, il y a des fruits osseux, marqués
par l’ordinaire d’un ombilic aplati et cannelé. Ils renferment une semence
arrondie et terminée en pointe. Ce grand arbre est fort commun dans les forêts,
mais on en fait peu de cas, dans son état naturel, et n’a nulle beauté ;
il paraît vieux et chenu dès qu’il a la moitié de son âge et il devient
rarement d’une bonne grandeur. Son tronc court, mal proportionné, est
remarquable surtout par des espèces de cordes qui partent des principales
racines, s’étendent le long du tronc et en interrompent la rondeur. Son écorce,
blanchâtre et assez unie, est ordinairement chargée d’une mousse brune qui la
dépare. La tête de cet arbre, trop grosse pour le tronc, n’est qu’un amas de
branches faibles et confuses, parmi lesquelles la principale tige se trouve
confondue, et sa feuille, quoique d’un beau vert, étant petite, ne répond
nullement à la grandeur de l’arbre : en sorte que si, à cette apparence
ingrate, on ajoute sa qualité de résister aux expositions les plus froides, de
réussir dans les plus mauvais terrains et d’être d’un bois des plus durs, on
peut considérer cette espèce comme n’étant pas à dédaigner, d’autant plus que
son bois est excellent pour le chauffage.
Le charme dans une terre favorable peut dépasser la hauteur
de 20 mètres, et l’emporte sur tous les arbres de nos forêts comme bois à
brûler et comme bois de charbon. Le stère de charme pèse de 700 à 750
kilogrammes ; son charbon est recherché pour la forge. Malgré ces
avantages et celui de fournir de bonnes pièces de charronnage et de servir à
confectionner des maillets, le charme n’offre qu’un intérêt secondaire comme
bois forestier. Cependant, en ramenant cet arbre à un état moyen et en le
soumettant à l’art du jardinier, on a trouvé moyen d’en tirer parti, pour la
variété, l’embellissement et la décoration des jardins.
Comme arbre forestier, on peut le classer dans les arbres de
second rang ; il remplit dans les bois les places où les autres espèces
refusent de pousser, et il s’accommode de tous les terrains. On le rencontre
dans des lieux froids, montagneux et stériles ; il vient fort bien dans
les terrains pierreux, graveleux, et surtout dans la craie qui paraît être même
son terrain de prédilection ; il se plaît souvent dans les terres
glaiseuses ; en bonnes terres, les autres arbres le gagnent de vitesse et
il souffre de leur ombrage. Il fait une bonne garniture dans un taillis où il
vient plus épais et serré que toute autre espèce d’arbre. Son tempérament
robuste le fait résister aux plus grands froids et aux gelées de printemps.
C’est en taillis qu’il faut le cultiver ; il croît trop lentement et se
couronne trop tôt pour profiter en futaie. Les forestiers ne l’aiment
pas ; ils déclarent que sa présence est funeste aux bois blancs et même
aux bois durs qui l’entourent. En taillis, il faut le couper tous les quinze
ans pour le plus grand profit. Le bois de charme est blanc compact, intraitable
à la fente et le plus dur de tous les bois après le buis, l’if, le cormier. De
tous les bois durs, c’est le charme qui croît le moins lentement.
On débite son bois pour le charronnage, et principalement en
bois à brûler ; on ne l’emploie jamais en menuiserie qu’à défaut de tout
autre bois ; il n’est pas difficile à travailler, mais il est de peu de
durée, il est fort sujet à la vermoulure. On s’en sert pour faire quelques
pièces de charronnage dans les contrées où l’orme est rare. On en fait des
sabots, des manches d’outils champêtres, des jougs de bœufs, des rouleaux pour
les teinturiers. Ce bois n’est nullement propre à être employé à l’air, il y pourrit
en six ans ; il est excellent à brûler et donne une très saine chaleur.
C’est aussi un des meilleurs bois pour le charbon, qui conserve longtemps un
feu vif et brillant, comme celui du charbon de terre, ce qui le fait rechercher
pour les fourneaux de verrerie. De tous les arbres communs, le charme est le
plus propre de tous à faire des palissades, des haies et toutes les décorations
de verdure qui sont l’embellissement des jardins. Il se prête à toutes les
formes, on peut le transplanter pour cet usage petit ou grand ; il souffre
la tonte en été comme en hiver, et la souplesse de ses jeunes rameaux favorise
la forme que l’on en exige.
Pour faire ces plantations, il faut tirer le charme de la
pépinière même des forêts, s’il est bien fourni en racines ; on reconnaît
facilement celui provenant des pépinières, son écorce est plus claire et il est
bien fourni de racines ; celui qui a été extrait des bois est étiolé,
crochu et mal enraciné.
La plantation de la charmille se fait à la fin de l’automne
avec du plant de 3 à 4 ans ou de 6 à 7 ans ; on creuse deux mois
d’avance des tranchées plus ou moins profondes et, quand on y dispose le plant,
on a soin de l’aligner rigoureusement ; des piquets doivent redresser les
tiges qui tenteraient de s’écarter de la ligne droite.
La hauteur d’une charmille varie entre 2m,50 et 3m,50.
Quand elle a atteint trois ans, on peut rabattre les tiges qui s’emportent trop
haut ; pour les autres, on attend la cinquième année. À partir de cette
époque, on peut opérer la tonte une fois ou deux l’an ou même une seule fois
pendant l’été entre les deux séries. On la fait au sécateur et le plus près
possible du tronc. Quand une charmille dépérit pour cause de vieillesse, on
peut essayer de la rajeunir en coupant toutes les branches et la tête, afin de
lui faire pousser de nouveaux rameaux ; mais le mieux est de replanter à
neuf et de renouveler la terre qui est épuisée.
Le charme peut se multiplier de graine qu’on recueille
ordinairement au mois d’octobre, et qu’il faut semer aussitôt sur le terrain
frais et à l’ombre, où il pourra en lever une petite partie, au printemps
suivant ; mais le reste ne lèvera souvent qu’à l’autre printemps.
Quand ils ont deux ans, on les transplante sans les étêter
en pépinière, où on les laisse au moins trois années pour se fortifier et faire
du petit plant de charmille, et jusqu’à six ou sept ans, pour être propres à
planter de grandes palissades de toute hauteur. L’accroissement de cet arbre
est tellement lent, quand on l’élève de graine, que l’on a trouvé qu’il était
plus court de le multiplier de branches couchées ; si on fait cette
opération de bonne heure, en automne, elles seront suffisamment racinées pour
être transplantées au bout d’un an et, dès lors, on pourra les employer en
petit plans, sinon on les met en pépinière et on les conduit comme les plants
venus de graines.
Les uns et les autres n’exigent aucune culture particulière,
si ce n’est qu’on ne les élague jamais ; l’on accourcit seulement les
branches latérales selon leur destination.
Le mois de mars sera l’époque la plus convenable pour la
transplantation des charmilles dans les lieux frais et en bon sol ;
plantées en automne, il arrive souvent que leur tige se trouve desséchée au
printemps jusqu’à fleur de terre, par les vents et les vicissitudes de la gelée
et du dégel. Pour éviter cet inconvénient, on pourra ne les planter qu’au
printemps, mais de bonne heure, dès la fin de février, ce qui exigera quelques
arrosements pendant l’été, par les sécheresses. Pour obtenir promptement une
grande hauteur pour les charmilles, on plante des charmilles d’une hauteur de 2m,50
par exemple dans les mauvais terrains.
Le principal entretien des palissades de charmille est de
les tondre régulièrement ; cette opération se fait après la première sève
et ordinairement au commencement de juillet, on doit les tondre de droit
alignement et les tenir étroites, ce qui contribue a leur durée et à les faire
garnir. Elles n’exigent pour leur culture que ce qui se pratique pour les
autres arbres : c’est de ne souffrir, ni mauvaises herbes, ni gazon au dessus
de leurs racines. Le charme conserve l’hiver ses feuilles mortes, ce qui lui
permet de défendre le terrain contre le vent ; il lui résiste mieux que
n’importe quel arbre. Dans les jardins, on cultive les variétés à feuilles
panachées et à feuilles lobées : le charme variegala et le quercifolia,
le charme americana, le charme d’Amérique, le pendula ; le
charme pleureur, le charme purpurea, le charme pourpre, le charme Virginiana,
charme de Virginie, le charme houblon d’Italie.
Ces arbres sont très rustiques et s’accommodent de toute
exposition et de tout terrain. Ils se multiplient de graines. On greffe les
derniers sur le premier. Ces arbres sont assez rares ; ils le seraient
moins, s’ils avaient plus d’utilité ou plus d’agrément que l’espèce commune. On
en trouve fréquemment dans certains bois où ils croissent indifféremment avec
le charme ordinaire. Ils ont le mérite de croître sous les autres arbres dont
l’ombrage et le dégouttement ne leur sont pas nuisibles.
Louis TESTART.
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