En parlant d’alcôves, vous revoyez dans votre esprit les
estampes du XVIIIe siècle imageant des scènes de vie privée dont
Moreau le jeune et Fragonard se sont faits les interprètes. Vous vous
représentez ces alcôves avec toute leur intimité et leur discrétion. N’a-t-on
pas parlé des secrets d’alcôves où le décor, avec ses draperies et voilages,
jouait son rôle ?
Dans le home moderne, ces alcôves ont été supprimées.
Hygiène, ventilation, tels sont les motifs invoqués pour les supprimer. Mais,
dans beaucoup d’appartements du siècle précédent et même dans quelques
constructions récentes, ces alcôves existent. Il faut donc les aménager avec
autant de goût que le faisaient les architectes d’autrefois. Toutes les
draperies et tentures seront supprimées, et ces nids à poussière remplacés par
des motifs nouveaux et moins tarabiscotés, sans toutefois ôter la fantaisie.
L’alcôve d’aujourd’hui sera plus sobre que celle de jadis,
mais son intimité en sera conservée. Tout sera conçu pour créer l’état de repos
et de rêve, depuis l’éclairage qui commencera à plonger dans l’ambiance voulue
jusqu’au plus petit détail qui retiendra l’œil par sa grâce et sa distinction.
Fig. 1.
— Qu’il fera bon dormir dans ce coin charmant que les
voilages sépareront de la pièce où il se situera. Les murs seront tendus de
satin rose capitonné. Le divan sera aussi recouvert en satin de ton vieux rose.
Sur le côté, dans un renfoncement, une très haute glace, éclairée
indirectement, avec sa tablette en verre dépoli, complétera la destination de
cette alcôve. Les parties de mur non revêtues seront peintes à l’huile pochée
mate. Une épaisse moquette viendra amortir les pas dans ce petit espace réservé
aux rêves roses, tout spécialement étudié et destiné à une jeune fille.
L’ensemble pourra être garni de mille bibelots, et
l’éclairage réalisé par de multiples lampes que les jeunes filles savent très
bien choisir. Sur le croquis, une grosse boule de verre réfléchira sa lumière
sur les moires chatoyants du satin.
Fig. 2.
— Voici une alcôve qui aura, en plus d’être originale,
la franchise d’interpréter une idée dont le thème a été :
« l’intérieur d’une tente ». Le parti a été très nettement affirmé.
Lambrequin sur le pourtour : aux quatre angles des tentures à rayures
disposées en équerres formeront des pilastres. Le ciel, depuis le lambrequin
jusqu’au plafond, formera dais et sera de même étoffe que le lambrequin ;
le tout sera relié au centre de l’alcôve, où deux ou trois boules en verre
viendront terminer en cul de lampe. Des peintures représentant des paysages
dans les parties non tendues de tentures pourront, si on le désire, donner plus
ample vérité au sujet choisi. Le divan ainsi que le traversin seront dotés de
housses en tissu à rayures de même couleur que celui des pilastres. Un vase monté
sur une colonne torse laissera diffuser sa lumière sur cet ensemble amusant
Fig. 3.
— Cette alcôve sera particulièrement affectée à un
jeune homme. Un grand bahut en érable gris contournera le divan de velours
grenat. Dans l’angle, une pile ronde lumineuse en papier huilé ou en parchemin
répandra sa lumière diffuse sur les planisphères disposées contre les murs et
au-dessus du bahut. Cette pile semblera supporter un linteau à hauteur de la
partie libre sur la pièce et sa largeur correspondra à celle du bahut. Celui-ci
sera percé de niches où quelques bibelots ajouteront une note gaie.
Sur le côté suivant la longueur de cette alcôve, on pourra
prévoir une tablette formant secrétaire.
Louis DUPLAY,
Architecte E. D. B. A.
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