Jours sans viande

Depuis les hostilités, nous devons nous passer, plusieurs jours par semaine, de viande de boucherie ; d’autre part, la viande est si chère que beaucoup de budgets modestes ne peuvent mettre de la viande dans les menus tous les jours où cela est permis. Peut-on, malgré cela, arriver à se nourrir de façon convenable ? Parfaitement, et c’est ce que nous allons essayer de montrer dans cette causerie.

Les viandes apportent essentiellement comme éléments nutritifs des aliments simples albuminoïdes représentés par l’albumine, la musculine, la fibrine, la gélatine, et la proportion de ces éléments nutritifs varie entre 12 et 18 p. 100 selon le morceau choisi et la nature de la viande (les viandes blanches sont moins riches en albuminoïdes que les viandes rouges ; les morceaux charnus et tendres tels que filet, faux-filet, tranche sont, dans un même animal, plus riches que les morceaux peu charnus et durs, tels que épaule et surtout extrémité des membres, cou, tête, etc.). Elles apportent également des corps gras, car tout animal doit être soumis à l’engrais et au repos avant de donner une bonne viande d’alimentation. Elles contiennent aussi quelques sels minéraux et quelques vitamines, mais ne portent aucune trace d’hydrates de carbone.

Il est de nombreux aliments qui apportent à l’organisme une abondance d’aliments simples albuminoïdes, et qui, à ce titre, peuvent se substituer à la viande dans un repas. Tels sont : les poissons, les œufs, le lait, les fromages, les légumes secs (pois, haricots, lentilles, fèves) et les fruits gras (noix, noisettes, amandes). D’autre part, il est possible à la ménagère de confectionner des mets faits d’un mélange de plusieurs aliments courants, dont certains riches en albuminoïdes ; ces mets peuvent avantageusement remplacer un plat de viande : tels sont les gnocchis, les purées de pommes de terre, les nouilles au gratin, les omelettes au tapioca, les flans et crèmes à base de lait et d’œufs, certains gâteaux à base d’œufs, de lait, de sucre et de farine, ou de riz, ou de semoule, etc. Nous allons confectionner quelques menus pour des jours sans viande et donner quelques recettes :

Chacun de ces menus, apportant beaucoup de variété, assure la présence de tous les aliments simples indispensables à l’organisme et une abondance suffisante d’aliments simples albuminoïdes, malgré l’absence de viande et de poisson (les mets écrits en italique sont ceux qui tendent le plus à remplacer la viande).

Et voici maintenant quelques recettes de ces plats pouvant avantageusement remplacer la viande :

Rôti végétal.

— Prendre une tasse de purée de tomates, une tasse de lentilles en purée, une tasse de pain grillé écrasé, une cuillerée à soupe de beurre, une cuillérée à soupe de persil haché très fin, un peu de sel, et un œuf. Bien mélanger et cuire au four jusqu’à ce que ce rôti soit presque sec. Servir tel quel, ou coupé en tranches avec une sauce tomate. Les lentilles qui contiennent 22 à 25 p. 100 de leur poids de matières azotées, les œufs remplacent la viande. Proportions suffisantes pour quatre personnes.

Gnocchis.

— Faire bouillir trois tasses à thé de lait. Y jeter en pluie quatre bonnes cuillérées de semoule fine et laisser cuire dix minutes. Retirer du feu et ajouter deux œufs. Bien tourner et incorporer 60 grammes de fromage rapé. Bien mélanger le tout et laisser reposer deux heures environ. Sur un plat beurré, distribuer le mélange en petits tas réguliers. Les saupoudrer de fromage râpé et poser une noisette de beurre sur chaque tas. Mettre gratiner au four et servir bien doré. Suffisant pour quatre personnes. Lait, fromage, œufs entrant dans la composition de ce mets peuvent remplacer la viande.

Omelette au tapioca.

— Faire épaissir deux cuillerées à café de tapioca dans deux verres de lait légèrement salé. Au bout de quinze minutes environ, ajouter une noisette de beurre et deux jaunes d’œufs, bien mélanger, puis ajouter les blancs battus en neige. Cuire comme une omelette, puis mettre quelques instants au four pour faire prendre le dessus.

Soufflé au fromage.

— Dans un litre de lait bouillant, verser en pluie 230 grammes de semoule de blé. Pendant qu’elle s’épaissit, ajouter en remuant : une pincée de sel, 125 grammes de gruyère râpé, trois jaunes d’œufs battus. Ôter du feu et mélanger les trois blancs battus en neige ferme. Verser dans un plat allant au four, en laissant 2 centimètres vides pour que le mélange puisse monter. En four chaud, vingt minutes de cuisson suffisent. Assez copieux pour six personnes, ce mets est très bon froid, mais il s’affaisse et n’a plus l’aspect d’un soufflé.

Pâté végétarien.

— Faire tremper, dès la veille, environ 80 grammes de haricots blancs secs et les faire cuire. Faire cuire également 60 grammes de macaroni. Faire tremper dans de l’eau, 100 grammes de mie de pain, puis faire égoutter l’excès d’eau. Quand tout est prêt, passer au moulin à légumes, haricots et mie de pain. Ajouter au mélange le macaroni coupé en très petits fragments et environ un verre à vin de purée de tomates concentrée. Faire ensuite revenir dans du beurre un gros oignon émincé. Verser dessus tout le mélange précédent, y ajouter deux œufs entiers, bien mélanger le tout. Saler. Beurrer un moule. L’emplir avec le mélange. Mettre à four doux pendant une heure. Suffisant pour quatre personnes.

Flan.

— Battre trois œufs entiers, y verser petit à petit un demi-litre de lait bouillant sucré (3 cuillerées de sucre cristallisé) et parfumé avec un quart de gousse de vanille, mettre dans un moule en porcelaine à feu que l’on pourra servir sur la table, ou dans un moule métallique préalablement caramélisé le flan cuit sera alors renversé sur un plat au moment de servir (pour le caramel, mettre une cuillerée à soupe de sucre cristallisé ou huit morceaux de sucre dans le moule, mouiller avec quelques gouttes d’eau, faire chauffer à feu vif en remuant ; quand le sirop commence à brunir, retirer du feu et bien enduire l’intérieur du moule). Mettre au tour doux pendant une demi-heure (on vérifie que le flan est cuit en enfonçant la lame d’un couteau au centre : elle doit ressortir propre). On peut aussi cuire au bain-marie, mais il faut plus de temps (près de 3/4 d’heure). Pour quatre personnes.

Pudding au riz.

— Dans un litre de lait, mettre à froid deux tasses de riz bien lavé ; laisser cuire lentement en remuant de temps en temps, pendant trois quarts d’heure. Ajouter deux cuillerées à soupe de sucre cristallisé, deux cuillerées de raisins secs préalablement trempés dans du rhum et trois œufs battus. Mettre dans un moule caramélisé et cuire une demi-heure à four doux (on peut, à volonté, ajouter, en même temps que les raisins secs, des fruits confits coupés en morceaux, ou des fruits cuits au sirop et coupés en morceaux). Pour six personnes.

Gâteau de semoule.

— Dans un demi-litre de lait bouillant et sucré, jeter en pluie trois cuillerées à soupe de semoule de blé ; après dix minutes de cuisson, le tout est assez épais : ajouter alors deux œufs battus et, à volonté, quelques raisins secs. Verser dans un moule caramélisé et cuire dix minutes au four (on peut se dispenser de mettre au four, si on a le soin de dessécher un peu plus la semoule avant de mettre dans le moule : en refroidissant, elle prend bien la forme du moule) Pour quatre personnes.

A. PEYREFITTE.

Le Chasseur Français N°597 Mars 1940 Page 179