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Parcs à gibier,

auxiliaires des réserves de chasse.

Nous avons dit, dans un article précédent, sur les réserves à gibier, que nous expliquerions comment à notre sens on arriverait à avoir le maximum de pièces sur une chasse, en complétant les réserves par des parcs à gibier.

Il est bien entendu, que la réserve est sans clôture (sans cela, ce serait un parc) et que, là où le gibier n’est pas tenu de rester, soit par des clôtures pour les quadrupèdes, ou par des clôtures et des entraves, pour les oiseaux, la principale loi qui joue est celle de la densité.

Tous les chasseurs savent qu’un terrain, quel qu’il soit, ne peut nourrir la même quantité de gibier en hiver qu’en été. Donc, si le gibier né en fin de printemps ou au début de l’été n’a pas été tué dans la saison de chasse et que sur un point il en reste de trop (c’est le cas des réserves), il s’égaille quand vient l’hiver.

Il a en effet besoin de plus de place pour trouver son alimentation et, d’une façon générale, comme dans toute la nature, c’est le plus faible qui laisse la place au plus fort, recherchant plus loin le canton qui l’hospitalisera.

On peut donc espérer que les environs d’une réserve se repeupleront par l’extension du gibier sur les terrains voisins.

Cependant ce repeuplement ne se fera qu’en densité d’hiver.

Prenons un exemple avec les perdrix. On compte qu’un terrain moyennement favorable peut comporter en hiver, un couple par quatre hectares. En mettre plus est inutile, ils se pourchasseront pour ne rester qu’à ce nombre.

Comment donc faire pour avoir sur ce même terrain plus de reproducteurs ? Il n’y a qu’un procédé qui soit possible ; c’est d’attendre le début de mars pour y ajouter de nouveaux couples.

Il faut donc jusque-là avoir des couples en réserve, et c’est chose très simple maintenant, comme nous allons l’indiquer.

Il n’y a en effet plus de difficulté légale pour capturer dans les réserves l’excédent de gibier qui s’y trouve, puisque la loi du 3 mai 1844 a, dans son article 9, habilité les préfets à donner des autorisations de capture.

On peut donc solliciter de l’Administration d’être autorisé à capturer (même en temps prohibé) avec des engins, et dans des conditions déterminées, les espèces de gibier que l’on veut conserver provisoirement et qu’on relâchera ensuite dans un but de repeuplement.

Il est évident que cette autorisation ne sera donnée qu’à bon escient, et le premier point pour l’obtenir est d’avoir construit des parquets où le gibier se trouvera dans des conditions telles qu’il ne puisse souffrir de la captivité.

Si, dans une autre hypothèse, on estime ne pas avoir assez de gibier pour en capturer, on peut en acheter au dehors et le mettre en parquets, en attendant de lui rendre la liberté.

Il est évident que, si l’hiver est très rigoureux (comme le dernier mois de janvier, par exemple) les perdrix, faisans et lièvres seront mieux en un enclos contenant des abris et où on les nourrira chaque jour, qu’aux champs et aux bois où, surtout en temps de neige, ils ont tant de mal à subsister.

La meilleure nourriture pendant l’hiver sera pour les perdrix, le blé ; pour les faisans, le maïs ; et pour les lièvres, l’avoine.

Il faut éviter, quand le thermomètre descend sous zéro, de leur donner des aliments aqueux. En effet, rien n’est pernicieux pour le gibier, comme des betteraves ou carottes gelées. Tout au plus pourra-t-on leur donner quelques feuilles de choux. En tous cas, quelle que soit leur alimentation, il est sage de leur en donner peu à la fois, mais il faut qu’ils en reçoivent chaque jour.

Les perdrix et les faisans doivent être alimentés dès le matin de bonne heure. Les lièvres, au contraire, recevront leur nourriture un peu avant la nuit.

Il y a deux façons de capturer, dans les parquets, les perdrix et les faisans, pour les transporter au dehors. La façon la plus ordinaire et la plus ancienne est de les poursuivre avec une épuisette dont on cherche à les coiffer.

Cette façon de faire est défectueuse, car le gibier s’effraie et parfois est abîmé par l’épuisette.

Un autre procédé que nous avons imaginé, voilà bien des années, est le suivant : ayant remarqué que les oiseaux, lorsqu’ils sont effrayés, courent toujours le long des clôtures, nous avons pensé qu’en mettant quelque chose qui couperait leur course, ils s’arrêteraient et on pourrait les capturer.

Nous avons donc disposé de 6 à 10 bottes de paille, debout contre l’extrémité d’une clôture ; le pied des bottes étant à environ 30 centimètres du grillage, la dernière botte étant contre le grillage de l’autre clôture.

En avant, deux bottes, sont placées sur le sol, en éventail, pour faciliter l’entrée.

Les perdrix ou faisans, étant doucement poussés dans le parquet, s’en vont dans ce couloir formé par les bottes da paille. On bouche l’entrée en repoussant, contre la clôture, le bas de la première botte, et l’on reprend les oiseaux en passant une main entre les bottes.

En employant ce moyen, nous n’avons jamais eu aucun oiseau abîmé.

René DANNIN,

Expert en agriculture (chasse-gibier) près les Tribunaux.

Le Chasseur Français N°598 Avril 1940 Page 202