Conditions « sine qua non ».
— Dans toutes les propriétés rurales, fermes, maisons
de campagne, châteaux, etc., où il y a une source ou une fontaine persistante,
ainsi que partout où l’on peut dériver de l’eau courante et fraîche, soit pour
l’arrosage d’un potager ou d’une prairie, soit pour alimenter une turbine ou
une roue hydraulique, il est toujours possible de pratiquer l’élevage naturel
de la truite au profit du propriétaire.
Il suffit de savoir que la truite commune (Salmo fario)
est un poisson très rustique, de croissance très rapide, pouvant peser 500 grammes
à 5 ans, et mesurer 30 centimètres de longueur. L’augmentation de poids
dépend avant tout de la richesse de l’eau et de la nourriture distribuée. Elle
est en moyenne de 15 grammes à 1 an, de 80 grammes à 2 ans,
de 300 grammes à 3 ans, âge auquel on peut commencer à consommer. À
partir de cet âge, la truite prend environ 100 grammes de poids tous les
ans.
Ce qu’il faut savoir.
— La truite de rivière a besoin, pour prospérer,
de disposer d’une eau habituellement limpide, aérée, courant sur un fond
pierreux ou sableux, dont la température, en été, ne descend pas au-dessous de
16 degrés. Ces conditions sont presque toujours remplies dans les pays de
montagne, partout où il y a des sources vives nombreuses.
C’est d’ailleurs un poisson carnassier très vorace, doué
d’un fort appétit, qui recherche avidement les proies vivantes (œufs de
poissons, larves d’insectes, crustacés, mollusques, vers,
alevins, vérons, ablettes, chabots, etc.) et
jusqu’à leur propre progéniture.
La truite fraie pendant les mois les plus froids de l’hiver,
généralement en décembre et janvier, de préférence à proximité d’une source,
sur un fond caillouteux ou sableux, lorsque la température de l’eau se
maintient entre 6° et 11°. Chaque femelle, du poids de 500 grammes, pond
un millier d’œufs assez gros, de 5 millimètres de diamètre, qu’elle dépose
sur le sable, dans les petits courants, là où l’éclairage est très atténué.
La durée de l’incubation varie entre deux et trois mois.
Après l’éclosion, la vésicule ombilicale met un mois à un mois et demi pour se
résorber. Jusqu’à ce moment, les alevins sont très vulnérables ; aussi
doit-on faire tout son possible pour les défendre de leurs ennemis.
Les frayères artificielles.
— Pour bien réussir l’alevinage naturel, il faut un
emplacement convenable, aussi rapproché que possible de la source, ou de
l’arrivée d’eau, là où elle est la plus fraîche. En outre, l’endroit choisi
pour la ponte (frayère) devra être rendu aussi obscur que possible, soit
par des rondins de bois, soit par des fascines ou fagots jetés en travers du
ruisseau ou de la rigole.
Pour cet objet, rien ne vaut le ponceau en madriers
jointifs, servant au franchissement du chenal. C’est dans le voisinage que l’on
lâche les reproducteurs, au nombre de 3 mâles, par exemple, pour 4 femelles,
peu de temps avant la maturité des œufs et de la laitance. Auparavant, on a eu
soin de garnir le fond de la rigole, sous le ponceau, de sable graveleux bien
propre ou, s’il y en a déjà, on le remuera au râteau, afin de le nettoyer, les
matières terreuses se trouvant entraînées, car les œufs ne doivent jamais se
trouver en contact avec la matière organique de la vase.
Cela fait, un peu en aval du ponceau, on tend un grillage à
mailles de 22 millimètres, qui obligera les reproducteurs à rester
cantonnés dans le coupon d’amont, le plus propice à l’alevinage.
Aussitôt la ponte terminée, on s’emparera des reproducteurs, que l’on
transportera, dans le coupon d’aval, puis l’on remplacera le gros grillage
par de la maille plus petite, genre garde-manger, qui s’opposera à son tour à
l’évasion des alevins.
Pendant leur séjour dans le coupon d’alevinage, les
reproducteurs devront recevoir quelques aliments, mais en petite quantité, de
préférence des petits poissons, des moules, des crevettes, des déchets de
boucherie hachés, toujours au-dessous de la frayère, pour éviter les
souillures.
Alimentation des alevins.
— Pendant le premier mois, il convient de faire des
distributions nombreuses aux alevins, cinq à six par jour, mais en donnant très
peu de nourriture à la fois, par exemple de la pulpe de rate et de la pulpe
de foie passées au tamis, que l’on mélange avec un peu de remoulage. C’est
ce qui convient le mieux au début. Le deuxième mois, on pourra donner du sang
cuit ou du sang frais défibriné, pétris à raison de deux parties pour une
partie de farine de seigle. Par la suite, à partir du quatrième mois, on
donnera des déchets de viande, provenant des abattoirs, que l’on divisera en la
faisant passer au hachoir.
Pour éviter de souiller l’eau des bassins ou du ruisseau, il
est recommandé de distribuer la nourriture sur des tôles perforées immergées
dans l’eau au-dessus d’un bac à fond plat, qui reçoit les particules, non
consommées. On se base sur les résidus pour régler la nourriture qui doit
constamment être renouvelée. Par 1.000 alevins, on donne entre 5 et 10 grammes
de pulpe pendant le premier mois. de 10 à 75 gr. pendant le deuxième mois,
75 à 120 gr. le troisième mois, 1 kilo à 9 mois, 2kg,800
à 2 ans, 11 kilos à 5 ans.
Conduite de l’élevage.
— Lorsque la frayère a été bien conditionnée, et que
l’on a retiré les reproducteurs peu de jours après la ponte, pour les remettre
dans leur bassin, ou simplement dans le ruisseau, en aval du barrage grillagé,
que l’on remplace par de la toile métallique genre garde-manger qui s’opposera
aux évasions d’alevins, on peut facilement compter sur un pourcentage de
réussite d’un quart. C’est ainsi que, avec les quatre femelles et les trois
mâles mis en frayère, on obtiendra, défalcation faite des œufs non fécondés,
des morts à l’éclosion et, pendant les quatre premiers mois, environ 1.000 truitelles
qui pourront servir au peuplement du ruisseau, des bassins d’engraissement, le
surplus étant vendu aux particuliers désireux d’entreprendre également
l’élevage de la truite.
Il s’agit là d’une spécialité très récréative, et de bon
rapport pour les propriétaires pouvant s’y livrer sur une certaine échelle,
surtout s’ils disposent d’un grand nombre de bassins alimentés par un ruisseau
d’assez fort débit, où on les nourrira avec des produits aussi peu coûteux que
possible, tels que déchets de boucherie et rognures d’abattoir passés au
hachoir ; viande de poissons salés, également hachés, après avoir été
dessalés ; mélange de sang cuit, farine de poisson et farine de riz ;
mélange de poudre de viande, de sang frais et de farine de blé ; mélange
de sang, de farine de poisson et de tourteau ; escargots, coquillages
cuits et décoquillés, etc.
Enfin, pour agrémenter et corser le menu de ses
pensionnaires, il est recommandé d’installer en permanence des verminières
au-dessus des bassins, et de pratiquer l’élevage de daphnies et des crevettes
d’eau douce.
J.-B. NICOLAS.
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