Huile de pépins de raisins (suite).
— Dans notre précédente causerie nous avons insisté
tout particulièrement sur l’intérêt qu’il y a à recueillir les pépins
immédiatement après la distillation des marcs, pour éviter de mettre en œuvre
une matière première altérée donnant une huile de mauvaise qualité. Cette
altération de pépins est une véritable fermentation pendant laquelle une partie
de la matière grasse se transforme en matières résineuses et en acides gras.
Ainsi altérés, ces pépins donnent une huile visqueuse, de couleur foncée et à
odeur désagréable ; de plus, le rendement est considérablement diminué.
Depuis 1918, le nombre de distilleries coopératives s’est
considérablement accru (1). La quantité de marc ainsi distillé représente
environ 85 p. 100 de la production totale. Il est logique de comprendre
que le ramassage des pépins devra se faire à ces coopératives ou dans les
grandes exploitations privées, où trop souvent le marc ne va pas à la
distillation. L’épépinage devra se faire au fur et à mesure de la distillation
et sans retard, pour la raison que nous avons donnée plus haut.
En Italie, où l’industrie d’extraction d’huile de pépins de
raisins est développée, on faisait sécher le marc distillé au soleil, en le
remuant continuellement avec des râteaux en bois, à branches rapprochées. Le
marc, bien effrité et desséché, laissait facilement échapper les pépins qui,
restés sur te sol, étaient passés au ventilateur pour en séparer les poussières
et le terreau de marc.
C’est un procédé fort rudimentaire, qui présenta
l’inconvénient de laisser avec les rafles et les pellicules beaucoup de pépins.
L’épépinage par lavage des marcs est préférable ; mais
il nécessite une assez grande quantité d’eau. Pendant ce lavage, les pellicules
et les rafles, ayant une densité inférieure à 1.000, surnagent, tandis que les
pépins vont au fond. Ceux-ci sont récupérés, puis desséchés rapidement.
Une autre méthode consiste à utiliser des trieurs sasseurs
et, lorsqu’au cours de la guerre 1914-1918, les services de l’armée voulurent
installer des stations de triage de pépins, c’est à cette méthode qu’ils eurent
recours (2).
Le sasseur est un appareil robuste, actionné mécaniquement
et, suivant son importance, susceptible de traiter 20.000 à 80.000 kilogrammes
de marc en vingt-quatre heures. Cet appareil est constitué d’un cadre en bois
rectangulaire supportant une toile métallique à maille de 8 millimètres.
Ce cadre est incliné à 15 ou 18 p. 100 et reçoit un mouvement de
va-et-vient à raison de 250 oscillations par minute. Le sassage oblige le marc
à tourner sur lui-même, le racle sur la toile métallique, et les pépins séparés
tombent au travers de la toile avec des débris de pellicule et de rafle. Le
rendement de ce sasseur est bon, même avec des marcs très humides provenant de
la diffusion ou de la fabrication des piquettes ; mais son travail est
loin d’être parfait, car il laisse encore quelques pépins emprisonnés dans le
marc.
Certains constructeurs français et italiens construisent
actuellement des trieurs-sasseurs perfectionnés. Le marc est d’abord
égrappé ; le résidu (pépins et pellicules) passe dans un pressoir continu
pour le débarrasser de l’excès d’humidité ; le gâteau arrive alors sur le
sasseur, dont le travail est bien simplifié.
Nous arrivons maintenant à la conservation des pépins, et
c’est d’elle que dépendra la qualité de l’huile obtenue. Si les pépins n’ont
subi aucun échauffement, on en extrait des huiles renfermant moins de 5 p. 100
d’acidité. Mais, dans le cas contraire, cette acidité peut atteindre et même dépasser
25 p. 100, ce qui rend leur emploi impossible même en savonnerie. Il faut,
avant tout, soustraire les pépins à l’action de l’oxydation qui favorise cette
fermentation diastasique tant à craindre. Leur conservation par immersion dans
des récipients remplis d’eau est un bon moyen, surtout si on ajoute au liquide
une quantité de sel dénaturé, 0,5 à 5 p. 100 du poids des pépins. Cette
conservation peut se faire dans des cuves en maçonnerie, et le prix du sel
dénaturé pour l’industrie est relativement bas.
Si l’on veut conserver les pépins secs, il faut que leur
taux d’humidité ne dépasse pas 16 à 18 p. 100 ; dans ce cas, la
conservation se fera dans de bonnes conditions, si toutefois les pépins ne sont
pas en couches trop épaisses et, s’ils sont mis en sacs, si ceux-ci sont placés
de telle façon que leur aération soit possible.
H. PAU,
Ingénieur agricole, Professeur d’apiculture, Expert des tribunaux.
(1) Dans le seul département de l’Aude, il en existe 98 dont
certaines intercommunales groupant les viticulteurs d’une même région.
(2) On parle de nouveau très sérieusement d’intensifier
cette industrie pour les besoins de la nation.
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