Un élevage à part.
— La production des oisons destinés à être débités à
l’étal ou transformés en pâtés, confits, saucissons, poitrines
fumées, etc., est une spécialité de rapport qui, malheureusement, ne rentre
pas dans les cordes de tous les éleveurs. En effet, pour s’adonner sur une
certaine échelle à l’élevage des oisons, qui sont avant tout des herbivores,
il faut disposer de vastes parcours (friches, landes, vergers, prairies), où
l’on peut envoyer pâturer les oisons et les reproducteurs. Autrement, si on
était obligé de nourrir ses pensionnaires avec de la pâtée ou du grain, outre
que cette nourriture ne serait pas rationnelle pour eux, son prix de revient
serait trop onéreux, et il vaudrait mieux s’adonner à un autre genre d’élevage.
Directives à observer.
— Suivant l’étendue des parcours pouvant servir
d’herbage aux oies, on entretiendra, 5, 10, 15, 20 ... femelles ou plus,
accompagnées de 1, 2, 3, 4 ... jars, devant assurer la bonne fécondation
des œufs. Chaque groupe de six reproducteurs pouvant fournir 120 à 140 œufs,
il sera possible d’en obtenir une centaine d’oisons, de sorte que les élevages
précités, d’importance croissante, produiront annuellement 100, 200, 300, 400 ...
sujets de consommation, laissant à l’éleveur des bénéfices nets intéressants,
la moitié environ du brut, soit 3.000 francs par groupe de six
reproducteurs.
Dans le cas où on manquerait de parcours herbe, et
pour parer à la pénurie des périodes de sécheresse, il faudrait prévoir des
cultures fourragères estivales (choux, trèfles, vesces, orties,
laitues, etc.), qui pourraient être mises à contribution après les avoir
passées au hachoir, pour nourrir les oisons de tous les âges. Ces ressources
vivrières échelonnées seront précieuses, associées à des denrées de base ;
elles permettront de gagner un mois sur la durée de la mise au point des
oisons, lesquels pourront être livrés à la consommation à l’âge de 6 mois,
au lieu de 7 et 8 mois. Cela permettra en outre de ménager les herbes sur
pied, si on prévoit la division en parcelle, que l’on fera pâturer
alternativement, pour éviter l’action caustique de la fiente des palmipèdes.
L’élevage type.
— Il ne faut jamais loger les oies avec les autres
volailles, parce qu’elles se gêneraient mutuellement, n’ayant pas les mêmes
besoins, ni les mêmes mœurs. On sait, en effet, que la nourriture des palmipèdes
herbivores n’est pas la même que celle des gallinacés omnivores.
Aussi ne doit-on pas songer à les alimenter dans la même augette. D’autre part,
les oies sont des tyranneaux pour les poules, ce qui n’empêche pas ces
dernières, oiseaux percheurs, d’intoxiquer les palmipèdes, restés au pied des
perchoirs, des gaz lourds et délétères fournis par l’intense respiration de
tous les pensionnaires, réunis dans un local souvent exigu.
On devra donc prévoir, pour les oies, une logette spacieuse
et rustique, largement ventilée, sans courant d’air direct, pourvue d’une
abondante litière souvent renouvelée. La cabane aux palmipèdes comprendra un
dortoir pour les reproducteurs, et une salle d’élevage où les oisons seront
retenus captifs au début de leur existence, ainsi que les jours de mauvais
temps.
Pour le peuplement original, on pourrait prendre des oies
de Toulouse (variété agricole), qui sont de forte taille. Mais, comme cette
race est peu prolifique, pour avoir des œufs à couver en abondance, il vaut
mieux prendre la variété normande, qui descend de la race commune,
et s’en distingue par une précocité et une taille plus grandes. Les jars ayant
un plumage entièrement blanc, tandis que les femelles sont cendrées, la
différenciation des sexes est facile.
Ponte et incubation.
— L’oie commence sa première ponte en janvier-mars, un
peu plus tôt ou un peu plus tard suivant la température, et aussi la nourriture
reçue. Les œufs, pondus de deux jours l’un, toujours au même endroit, sont
ramassés ponctuellement pour être placés sur un lit de grain, dans un local
tempéré, où on les retourne tous les jours, en attendant que l’on puisse les
confier à une couveuse, dinde ou oie, demandant à tenir le nid, en commençant
par les plus anciens.
Une oie de taille moyenne peut couvrir 12 à 14 de ses
œufs ; une dinde également. L’idéal pour réussir les incubations d’oies,
c’est de mettre à leur disposition de petites huttes-pondoirs,
constituées par des capuchons de paille, maintenus avec des piquets enfoncés
obliquement en terre, et ligaturés au sommet. À l’aide d’un sécateur, on ouvre
une porte en ogive, puis l’on met un lit de paille à l’intérieur. La fraîcheur
de la terre favorise les embryons des œufs, et l’éclosion se fait avec moins de
peine que si le nid avait été placé sur plancher ou dans une caisse.
Dans les conditions ordinaires, le bêchage débute au bout de
27 jours ; mais, comme il y a presque toujours des retardataires,
l’incubation peut se continuer pendant 3 jours, si on a soin de retirer
les premiers oisons, quand ils sont ressuyés, pour les mettre dans la laine, à
proximité du feu. À partir du 9e jour, on peut percer
délicatement, avec une épingle, les œufs non encore bêchés, pour donner de
l’air aux retardataires et faciliter leur libération.
Pendant toute la durée de l’incubation, une augette
approvisionnée de nourriture doit se trouver en permanence, à proximité de la
couveuse, de manière qu’elle puisse se restaurer à sa guise. De préférence, on
lui donnera de l’orge crevée, mélangée de verdures hachées (choux, orties,
salades). À côté, se trouvera un grand abreuvoir rempli d’eau fraîche.
Si on fait incuber par des dindes les premières couvées,
celles-ci devront être levées régulièrement, tous les jours et à la même heure,
pour réaliser le refroidissement obligatoire des œufs. La même dinde peut
entreprendre deux couvées successives d’oisons, ce qui représente une
incubation ininterrompue de 60 jours.
Nourriture des jeunes oisons.
— Dans les élevages industriels, on renvoie les oies
libérées dans le parquet des reproducteurs, les oisons étant nourris et élevés
à part, avec le concours d’éleveuses artificielles, ou simplement dans des
locaux chauffés aux alentours de 25 degrés, au début de leur existence.
À défaut de lait écrémé ou de lait caillé doux, on devra
incorporer dans la pâtée des substances surazotées (œufs cuits durs, poudre de
lait ou de babeurre, farine de viande ou de poisson, tourteaux, etc.), qui sont
nécessaires au développement de la charpente et des muscles.
Ci-après, un modèle de pâtée à distribuer aux oisons pendant
la première quinzaine :
Farine d’orge et de maïs |
2 kilogrammes. |
Petit son et remoulage |
2 — |
Farine de pois et de féverole |
1 — |
Verdures hachées (chou, ortie, salade) |
2 — |
Lait écrémé doux |
3 — |
À partir du quinzième jour, lorsque le temps est propice,
les oisons commencent déjà à brouter le gazon tendre et, de plus en plus, ils
trouveront au dehors une partie de leur nourriture. On pourra alors réduire le nombre
des distributions, de cinq au début, à quatre, puis à trois et à deux par jour.
Mais la pâtée de complément, tout en étant plus économique que la première,
doit rester riche en protéine, de manière à gagner du temps sur la
période préparatoire. La formule ci-dessous donne de bons résultats :
Pommes de terre cuites |
4 kilogrammes. |
Tourteau d’arachide ou de coprah |
1 — |
Farine d’orge et de maïs |
1 — |
Verdures diverses hachées |
2 — |
Lait écrémé doux |
2 — |
À défaut de lait écrémé, le pétrissage se fera à l’eau ;
mais, pour rétablir l’équilibre nutritif, on devra ajouter à la pâtée ci-dessus
500 grammes de tourteau en plus, ainsi que 250 grammes de composés
minéraux, à base de phosphate de chaux.
Ration d’engraissement.
— À partir de 4 mois, jusqu’à la vente, qui a lieu
vers l’âge de 6 mois, on donne une pâtée de plus en plus riche en matières
hydrocarbonées et grasses, afin que les oisons gagnent de
l’embonpoint, sans pour cela cesser la distribution des verdures hachées qui
maintiendront le tube digestif en bon état de fonctionnement. La pâtée ci-après
donne des résultats satisfaisants, tout en restant bien appétée :
Farine de vieux maïs |
4 kilogrammes. |
Tourteau de copra |
1 — |
Verdures hachées |
2 — |
Lait écrémé doux |
3 — |
Le gavage aux pâtons, confectionnés avec du vieux
maïs pétri dans du lait écrémé, donne d’excellents résultats ; mais, comme
il est très besogneux, on préfère l’engraissement libre au régime combiné du
pâturage et de la pâtée.
Nourriture des reproducteurs.
— On doit éviter de faire prendre aux reproducteurs un
embonpoint préjudiciable à la ponte, ce qui ferait tomber le rendement annuel
de 15 à 10 œufs et même moins, sans compter que, les instincts génésiques
étant atténués, une partie ou la totalité des œufs sont clairs.
C’est pourquoi, pendant toute la bonne saison de l’herbe,
les oies adultes n’ont pour ainsi dire besoin de rien. Mais on leur donnera un
supplément de plus en plus copieux, à mesure que diminueront les ressources du
pacage. La pâtée distribuée doit être peu nourrissante. En voici une :
Pommes de terre cuites |
4 kilogrammes. |
Racines cuites |
4 — |
Son et repasse |
1 — |
Choux hachés |
2 — |
Vers le mois de janvier, pour stimuler la reprise de la
ponte, on incorpore dans la pâtée ci-dessus un peu d’avoine, de sarrasin et quelques
grains de chènevis.
C. ARNOULD.
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