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Lettres de mon perchoir

Décalcification des os.
Poules viandeuses et pondeuses.
À propos de rex.
Escargots et lapins.
Les argas.
Les vitamines a et B.

Décalcification des os.

— « Spécialisé dans l’élevage du lapin grand russe, voilà deux reproducteurs, un mâle et une femelle qui, atteints d’une sorte de paralysie d’un membre postérieur, se mettent à maigrir, tout en continuant à manger, et finalement meurent. Quelle est cette maladie qui a l’air de se propager, et que conseillez-vous ? »

Il s’agit vraisemblablement d’une maladie des os, connue sous le nom de cachexie osseuse, ou ostéomalacie, qui peut affecter tous les animaux domestiques, mammifères et oiseaux, mais plus particulièrement les sujets adultes. À vrai dire, les causes de la cachexie, qui apparaît subrepticement dans les clapiers, ne sont pas très bien déterminées. Les lapins boitent de plus en plus du train de derrière ; ils restent accroupis, maigrissent à vue d’œil, tout en conservant un certain appétit, et finalement meurent au bout de un ou deux mois.

À l’autopsie, on ne voit rien d’anormal, si ce n’est que les os ont pu se déformer, et qu’ils sont devenus très cassants. L’anomalie semble provenir du défaut de protéine et de principes phospho-calciques dans la ration, ainsi que de l’excès de consanguinité, toujours très étroite dans le gigantisme, alors que l’on s’efforce d’augmenter constamment la taille et le poids des reproducteurs.

Pour combattre et atténuer la décalcification du squelette des lapins, il est recommandé d’enrichir leur ration avec des tourteaux, moins riches en phosphates acides que les grains, en y ajoutant un peu de poudre d’os râpés. Enfin, on combattra l’influence des croisements entre proches, en prenant les reproducteurs mâles dans un autre élevage, par exemple en pratiquant l’échange des géniteurs de même race, entre voisins, ce qui est relativement facile et peu coûteux.

Poules viandeuses et pondeuses.

— « Voulant produire plusieurs milliers de poulets, je reproche à la Light Sussex d’avoir trop d’os et pas assez de chair. La Leghorn bleue et même la Leghorn X Bresse blanche ont un accroissement plus lent. Quant à la Faverolles, qui serait idéale, elle a le grave défaut d’être avare de ses œufs. Que me conseillez-vous, l’Australorp ou la Marans ? »

L’Australorp et la Marans ont été préconisées, toutes deux, pour la production des poulets, en batterie ou autrement, au lieu et place des Faverolles, des Sussex, des Rhode-Island, des Orpingtons, des Wyandottes, etc., sans que l’on puisse affirmer, d’une façon absolue, la supériorité de l’une d’elles, parce que les soins, la sélection, et surtout la nourriture jouent un rôle capital sur les résultats.

Cependant, sans dénigrer l’une quelconque des races précitées, on peut dire que les demi-sang paraissent être préférables, surtout lorsqu’on utilise le Faverolles pour les cochages. Le Faverolles, en effet, est le poulet idéal pour la viande, au triple point de vue qualité, rendement et précocité. En lui fournissant des poules de races pondeuses, Bresses blanches, Gâtinaises, Wyandottes, etc, on sera certain de ne pas manquer d’œufs pour les incubations, et d’obtenir des poulets délicats et de bonne venue. Mes préférences vont nettement aux métis provenant des œufs pondus par des poules de race pure, élevées à part, que l’on fait cocher par des coqs Faverolles, élevés également à part, ou achetés pour cet objet.

À propos de rex.

— « Les lapins rex m’intéressent. Où trouve-t-on à acheter des reproducteurs de race pure, et où s’adresser pour les vendre ? »

L’élevage des lapins rex n’est vraiment avantageux que s’il est orienté du côté de la pelleterie, ou si l’on cherche à vendre de beaux sujets pour la reproduction. Dans le premier cas, on s’efforcera de produire un assortiment de belles peaux, de couleur uniforme, pouvant être offertes aux maîtres fourreurs, pour le montage des manteaux et autres grosses pièces. Les plus estimées sont celles qui peuvent être utilisées au naturel (castorrex, rex blancs, rex noirs, rosarex, etc.). Les maisons spécialisées dans la pelleterie achètent les beaux lots de peaux à un prix beaucoup plus élevé que si l’on passait par les intermédiaires. Pour la vente des reproducteurs, on fera de la publicité dans les revues d’élevage, ou bien on recherchera des débouchés en fréquentant les concours. On trouvera des adresses de marchands pour les peaux, le poil ou la viande, sur le livre Les Lapins de mes collaborateurs, MM. C. Arnould et Morel.

Escargots et lapins.

— « Puis-je élever, dans les mêmes parquets, des escargots et des lapins, ces derniers étant conduits par la méthode semi-libre ? Est-ce que la multiplication des escargots se fera normalement ? À quel âge sont-ils aptes à se reproduire, et pendant combien d’années ? La mortalité est-elle à craindre ? »

Les escargots, surtout les jeunes, se comporteront toujours mieux avec les lapins qu’avec les poules, qui gobent volontiers les œufs et les petits après l’éclosion. Chez les lapins, les reproducteurs trouveront certainement des endroits tranquilles pour y effectuer leur ponte et, malgré le piétinement, il restera toujours assez de gastéropodes pour maintenir le peuplement des parcs à une densité satisfaisante. Il suffira de répandre un peu de mousse à l’arrière-saison pour favoriser le bouchage, et d’installer quelques abris contre les fortes chaleurs de l’été, pour éviter la mortalité qui ne peut provenir que de l’inconfort des parcs, et d’une trop grande agglomération de mollusques. Avec une nourriture abondante et variée, les escargots sont considérés comme adultes et comestibles à l’âge de 3 ans, et ils ont une longévité à faire la nique à Mathusalem. Dans les parcs à lapins, on n’a pas à s’inquiéter de leur âge. Tous les ans, après le moussage, on s’empare des trois quarts aux quatre cinquièmes des escargots adultes, en laissant les autres pour les besoins de la procréation. Les pensionnaires, petits et gros, tirent toujours un bon parti des aliments de complément distribués aux lapins, lorsqu’ils n’ont pas été consommés de suite.

Les argas.

— M. Courtier d’Ouchatata (Tunisie) m’écrit :

« M. Roux d’Ain Babouche n’est pas seul à se plaindre des poux collants qui dévastent nos basses-cours, car moi-même ne puis me débarrasser de ce parasite, dont je vous envoie plusieurs spécimens, pour vous permettre d’en déterminer l’espèce. Ces poux font souffrir les volailles, la nuit, à tel point qu’elles ne veulent plus rentrer le soir. Pourtant mon poulailler est cimenté, et je le lave tous les jours, souvent même à la lessive bouillante. Que faut-il faire ? »

Il s’agit de l’Argas reflexus, un gros insecte piqueur qui existe également en France, lequel se loge dans les anfractuosités des murs, des planchers, des plafonds et jusque dans les pondoirs. Non, seulement les argas font souffrir terriblement les volailles qu’ils attaquent pendant leur séjour au poulailler, en les anémiant par leurs prises de sang continuelles ; mais ce sont les agents dangereux de propagation pour toutes les affections contagieuses.

La durée des métamorphoses complètes de ces suceurs de sang, à partir de l’œuf jusqu’à l’insecte parfait, est de 40 jours environ, pendant la période des chaleurs, et le nombre de ses générations, en Tunisie, peut bien être de sept tous les ans. Comme l’Argas reflexus est extrêmement résistant vis-à-vis des produits insecticides, liquides ou gazeux, et qu’ils peuvent rester plus d’un an sans manger, on comprend que leur destruction soit extrêmement difficile.

Pour anéantir ce parasite, rien ne vaut les applications copieuses d’essence minérale, faites à dose forte, à l’aide d’un pulvérisateur, à la surface des murs, des planchers et des plafonds des poulaillers infestés. Se munir d’un masque pour effectuer l’opération, et prendre toutes les mesures pour empêcher l’inflammabilité du liquide. Fermer hermétiquement le local pendant toute une nuit, pour laisser agir les vapeurs. Ventiler énergiquement le lendemain, avant d’y remettre les volailles.

Les vitamines À et B.

— Un post-scriptum plutôt embarrassant :

P.-S. — « Que pensez-vous des vitamines À et B, de leur rôle dans l’alimentation des poussins, et quels sont les aliments qui en contiennent le plus ? »

J’aurais préféré que mon correspondant me demande de lui copier la théorie vitamine, admise du grand public, même complétée par la numération en unités internationales. Mais, comme il s’agit de donner mon avis personnel, cela me paraît moins commode, car il est toujours scabreux de vouloir soutenir une thèse différente de celle admise, ainsi que Galilée en fit jadis l’expérience.

En ce qui concerne les fluides vitamins, dont la liste s’allonge tous les jours, il ne me paraît pas possible que l’on puisse mesurer l’intensité de ces entités, qui n’ont ni poids, ni forme, ni volume, pour leur donner une valeur unitaire. C’est pourquoi, n’ayant jamais pu voir l’ombre d’une vitamine, sous les verres grossissants des plus grands microscopes, je suis tenu à la plus grande réserve, au sujet des puissances ou des influences occultes des facteurs biologiques, appartenant au domaine de l’imagination, et dont le nombre augmente de plus en plus, au point que notre alphabet risque d’en être débordé.

À la nouvelle classification, allant de a jusqu’à z, il vaudrait peut-être mieux s’en tenir à l’hypothèse des fluides, simplement classés en trois catégories : les vitamines A, liposolubles, favorables à l’accroissement ; les vitamines B, hydrosolubles, qui conviennent à l’engraissement ; enfin, les vitamines C, dites de défense organique, apportant comme panacée un remède à tous les maux. Je ne crois pas qu’il y ait un progrès véritable à vouloir augmenter le nombre des facteurs vitamins.

Pour l’instant, et jusqu’à preuve du contraire, je reste convaincu que, avec une nourriture équilibrée en protéine, en hydrates de carbone, en graisse, en principes minéraux et énergétiques, on n’a pas besoin de se fatiguer les méninges pour trouver d’hypothétiques vitamines. Si les poussins sont de bonne souche, exempts de tares héréditaires et de parasites morbides (bacilles et coccidies), ils pousseront à qui mieux mieux, et l’on n’aura pas à craindre ces mortalités désespérantes qui sont si fréquentes dans certains élevages.

Mondiage D’ARCHES.

Le Chasseur Français N°598 Avril 1940 Page 229