Si chacun reconnaît l’heureuse influence qu’exerce sur la
santé de l’homme l’intégrité et le bon fonctionnement du système dentaire, peu
de propriétaires se préoccupent de maintenir en bon état celui de leurs
chevaux. Et cependant, nombreux sont les chevaux âgés, dont l’état de maigreur
et le dépérissement n’ont pas d’autre cause que le mauvais état de leur
dentition.
L’indépendance des fonctions digestives se trouve, chez les
herbivores surtout, sous la dépendance immédiate de l’appareil
masticateur ; il faut que les aliments résistants aient subi dans la
bouche, sous l’action puissante des meules dentaires, la trituration qui les
rend susceptibles d’être attaqués par les sucs digestifs. Dans le cas
contraire, des indigestions et des coliques peuvent survenir.
Si, chez les carnivores, la mastication s’effectue à l’aide
de deux mouvements alternatifs, et presque diamétralement opposés, d’écartement
et de rapprochement des mâchoires, en mors de cisailles, pourrait-on dire, chez
les herbivores, les mâchoires, outre les mouvements d’écartement et de
rapprochement, exercent de plus des mouvements de latéralité, et enfin elles en
exécutent encore en avant et en arrière. De ces conditions découle le fait très
important que, chez les herbivores, il y a une usure beaucoup plus considérable
des tables dentaires que chez les carnivores. Parfois les molaires s’usent
irrégulièrement, et cette usure anormale est celle qui réclame le plus souvent
l’intervention du vétérinaire.
Nous ne ferons que signaler ici l’anomalie du nombre des
dents qui peuvent être en augmentation ou en diminution, les anomalies de
position, de direction, d’usure qui peut se traduire par une longueur démesurée
des incisives supérieures, défaut qu’on qualifie de « bec de
perroquet », etc., pour nous étendre plus longuement sur l’usure anormale
des molaires d’où résultent les « surdents », nous réservant de
revenir plus loin sur les anomalies.
Si l’on examine les mâchoires d’un cheval, en opérant comme
on le décrira plus loin, on remarque que la mâchoire inférieure est moins large
que la mâchoire supérieure, et que les dents molaires du haut dépassent
légèrement les inférieures par leur bord inféro-externe. Or il arrive que
certains chevaux très voraces ou pressés ne prennent pas le temps, en mangeant,
de faire exécuter à leur maxillaire inférieur ce mouvement de latéralité
indiqué ci-dessus et qui a pour résultat d’aplanir la table dentaire des
arcades molaires, et qu’ils se bornent, pendant la mastication, à un simple
mouvement de rapprochement des mâchoires : les arcades molaires ne s’usant
qu’au contact, il en résulte que le bord inféro-externe des molaires
supérieures et le bord supéro-interne des inférieures ne s’usent pas ; il
se forme alors des « pointes » ou des arêtes tranchantes, qui
blessent les joues et la langue et qu’on appelle les « surdents ».
Quoi qu’il en soit, les chevaux qui en présentent mangent
difficilement, lentement : ils arrivent à ingérer toute leur ration de
fourrages, mais ils laissent généralement leur avoine ; ils maigrissent. Si
on examine le crottin, on constate que les grains avalés franchissent toute
l’étendue du tube digestif et sont rejetés intacts dans la proportion de 75 p. 100,
d’où une perte importante en avoine inutilisée, pour peu que ces chevaux à
surdents soient nombreux dans un effectif.
Pour explorer la bouche du cheval qu’on soupçonne avoir des
surdents, il suffit de tirer fortement la langue hors de la bouche, la
muserolle du licol étant assez large pour permettre l’écartement de la mâchoire
inférieure ; l’appui de la langue sur la barre, qu’on augmente encore en
appuyant de la main libre, produit un écartement suffisant de la
mâchoire ; quand on a visité un côté de la bouche, on change la langue de
main pour visiter l’autre côté.
La vue suffit pour constater les excoriations, les blessures
de la muqueuse buccale, sur les joues ou la langue, produites par les dents
usées irrégulièrement ; en même temps, on peut constater ces pointes, ces
parties saillantes. Souvent le foin que les animaux mangent ne peut pas arriver
au degré de trituration suffisant pour franchir le détroit du gosier, et il est
rejeté dans la mangeoire, ou bien conservé dans la bouche sous forme de
bouchons accumulés dans la poche des joues ou entre les arcades dentaires et
les joues ; ces amas de fourrages, qui ne tardent pas à s’altérer,
contribuent à augmenter le dégoût des animaux.
Pour permettre l’exacte coaptation des mâchoires et le jeu
libre des molaires les unes sur les autres, il importe de faire disparaître les
aspérités ou les saillies anormales, de niveler les arcades dentaires. Quand
les aspérités sont légères, quand il n’y a que de petites pointes des arcades,
une râpe à dents spéciale, formée par une plaque métallique rectangulaire, courbée
à angle presque droit dans le sens de sa longueur, suffit. On l’introduit dans
la bouche du cheval, entre les arcades molaires, et on l’y maintient pendant un
certain temps ; le cheval mâchonne sur cette râpe et use ainsi lui-même
les parties anguleuses de ses molaires.
La râpe ne peut plus être utilisée quand les pointes sont
très développées ; dans ces cas, on peut se servir d’une gouge et d’un
maillet, mais ce procédé, des plus simple évidemment, expose facilement à des
accidents, à des blessures des joues, de la langue ou de la voûte du palais. On
se servira avantageusement du rabot odontriteur que tout vétérinaire possède.
Les propriétaires devront faire appel à lui pour les soins dentaires à donner à
leurs chevaux, ils réaliseront ainsi une économie d’avoine et contribueront au
maintien de la santé de leurs animaux.
Maladies et malformations dentaires.
— Les dents peuvent être le siège de diverses malformations
et maladies. C’est ainsi que la mâchoire inférieure peut être légèrement plus
longue que la mâchoire supérieure (prognathisme) ; que, chez de vieux
chevaux, les incisives supérieures peuvent acquérir une longueur excessive
pouvant aller jusqu’à 10 centimètres, leur face interne étant taillée en biseau
aigu par le frottement des incisives inférieures. Cette anomalie constitue ce
que l’on appelle le bec de perroquet, en raison de l’analogie que
présente la mâchoire supérieure avec la mandibule correspondante de cet oiseau
grimpeur.
Les fractures des molaires s’observent quelquefois, aussi
bien chez le cheval que chez le chien. Les abouts fracturés peuvent blesser la
joue, la langue. Il suffira souvent d’en régulariser les aspérités à la lime ou
à la râpe de maréchal, sinon le vétérinaire devra intervenir pour en opérer la
section au moyen d’un coupe-dents spécial.
Il arrive, parfois, qu’une dent a acquis une longueur
démesurée, par suite de la carie de la dent correspondante de l’arcade opposée,
ou bien qu’une dent a pris une mauvaise direction et blesse la joue, la langue
ou les lèvres (incisives). Dans ces deux cas, le vétérinaire consulté décidera
s’il y a lieu de l’extirper, ce qui est toujours difficile, ou d’en sectionner
une certaine longueur au moyen du coupe-dents. On comprend aisément que ces
différentes anomalies rendent difficile la mastication des aliments, et conséquemment
agissent défavorablement sur la nutrition de l’animal.
Tartre.
— Le tartre est une matière calcaire qui se dépose sur
les dents des animaux, et surtout des chiens d’appartement. Il est dû à des
microorganismes divers qui provoquent la précipitation des sels terreux
contenus dans la salive mélangée de matières alimentaires.
Ce dépôt s’effectue au niveau du collet des dents, et les
microbes enflamment le bord libre de la gencive ; peu à peu, le tartre
s’insinue entre la dent et la gencive, pénètre dans l’alvéole dentaire qui
s’enflamme à son tour : les dents se déchaussent et tombent.
Le traitement de l’inflammation de l’alvéole (périostite alvéolo-dentaire)
comporte tout d’abord l’enlèvement du tartre au moyen d’un instrument mousse,
un couteau à lame forte, par exemple ; puis on touchera la gencive
enflammée avec un tampon imbibé de teinture d’iode ou de permanganate de
potasse à 1 p. 100. On fera de fréquents lavages de la bouche avec une
solution boriquée à 2 p. 100. Enfin, si la dent est par trop déchaussée et
branlante, ou si elle est cariée, on la fera extirper.
MOREL,
Médecin vétérinaire.
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