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Alimentation et cancer

Les rapports de l’alimentation avec le cancer doivent être envisagés de deux façons, selon que l’on a en vue la prévention de cette redoutable maladie, ou qu’il s’agisse du traitement diététique du cancer déjà constitué.

Il ne manque pas d’allégations qui attribuent le développement du cancer à telle où telle erreur alimentaire ; mais ces allégations, qui ne doivent cependant pas être rejetées a priori, demandent à être contrôlées par des statistiques sérieuses et des expérimentations sur l’animal.

Les naturistes accusent le luxe des aliments et des boissons chez les peuples civilisés et recommandent « le retour à la nature » ; les végétariens incriminent l’aliment carné, les abstinents en veulent à l’alcool, chacun réagissant selon son sentiment.

L’alimentation « naturelle » des hommes est sous la dépendance étroite de l’habitat ; tel peuple des tropiques ne nourrira presque exclusivement de fruits, telle autre peuplade s’alimentera uniquement de viande ou de poisson !

Le cancer est plus fréquent chez les peuples civilisés, ce qui tient surtout à ce que la civilisation a eu pour effet d’augmenter notablement la durée moyenne de la vie ; or le cancer est une maladie des gens âgés ! la statistique est une belle chose, encore faut-il savoir l’interpréter.

La suralimentation habituelle semble bien un facteur prédisposant, alors que la restriction alimentaire, au contraire, est défavorable au développement des tumeurs. Cela ne veut pas dire qu’il faille s’astreindre à un régime d’inanition, ni qu’il faille se priver, de temps à autre, d’un bon repas ; seuls les gros mangeurs d’habitude courent le risque d’être prédisposés.

L’action du régime végétarien est absolument nulle, ni favorable, ni défavorable au développement d’une tumeur, qu’il s’agisse des végétariens acceptant le tait et les œufs, des végétariens purs, des fruitariens ou de ceux qui ne veulent consommer que des aliments crus. L’alimentation crue n’est pas défavorable par elle-même, au contraire, mais elle renferme un danger ; celui de faire ingérer des parasites dont l’action est souvent cancérigène.

Parmi nos aliments usuels, seul l’abus du sucre et des farineux semble exercer une action défavorable, ainsi que le cholestérol qui se trouve surtout dans le beurre et le jaune d’œuf ; comme c’est un élément indispensable de notre nutrition, on ne peut l’éliminer, mais il convient d’en éviter l’abus.

On a, naturellement, fait jouer un rôle important aux vitamines, et on a même été jusqu’à vouloir faire du cancer une maladie par carence ; on a dû en revenir, et on peut dire que, dans l’alimentation courante, il n’y a à se préoccuper ni du défaut, ni de l’excès (peut-être plus préjudiciable) des vitamines.

Les éléments minéraux de l’alimentation n’ont guère d’action favorisante ou préventive ; on connaît les théories du professeur Delbet qui faisait du chlorure de magnésium un préventif de premier ordre ; les opinions sont encore fort contradictoires et les statistiques invoquées fort sujettes à caution. À un certain moment, on a fait une campagne contre les ustensiles culinaires en aluminium, de faibles traces de ce métal étant accusées de favoriser le cancer ; cette accusation a été reconnue sans aucun fondement ; il s’agissait d’une simple propagande commerciale !

Les condiments étudiés ont été surtout l’ail l’oignon, le thym, dont l’action préventive paraît certaine ; l’action de l’alcool, à doses modérées, semble absolument nulle ; par contre, le tabac est plus dangereux ; la fumée renferme des substances nettement cancérigènes ; l’irritation des lèvres par la pipe ou la cigarette, l’aspiration de la fumée (acte « d’avaler » la fumée) peut causer des cancers des lèvres, de la bouche, du larynx ou du poumon chez les sujets prédisposés.

Il est également mauvais d’absorber régulièrement des aliments très chauds, surtout a jeun ; on se fonde sur l’exempte des coolies chinois, très sujets au cancer, alors que leurs femmes en sont indemnes, et on explique cette différence par le fait que le coolie, aussitôt réveillé, déglutit un grand bol de riz très chaud, tandis que sa moitié doit attendre que son seigneur et maître soit rassasié pour manger à son tour ; le riz est alors déjà beaucoup moins brûlant.

N’exagérons rien et, s’il vaut mieux ne pas consommer d’aliments par trop chauds, que cela n’empêche pas de prendre une tasse de café ou un grog chaud, fût-ce le matin à jeun.

Ajoutons encore qu’il faut se garder des régimes trop uniformes, ne pas craindre de boire une quantité modérée de vin dont il ne faut pas confondre l’action avec celle de l’alcool.

Rappelons que ces prescriptions s’appliquent surtout à ceux qui sont ou se croient prédisposés par leur hérédité ou, ce qui est plus grave, par telle maladie favorisant l’éclosion du cancer, comme la syphilis, par exemple.

Quand il s’agit d’un cancer confirmé, le régime prend une très grande importance après un traitement chirurgical ou par rayons. Si complète qu’ait été l’opération, il restera toujours quelques petites cellules cancéreuses qui, trop fréquemment, sont la cause des récidives.

En pareil cas, la première condition sera une restriction alimentaire qui semble paradoxale chez un opéré ; une nourriture substantielle lui procurera, certes, une convalescence plus rapide, mais viendra aussi fournir des éléments d’accroissement aux cellules cancéreuses résiduelles.

Après l’opération, les boissons devront être abondantes pour effectuer un lavage de l’organisme ; mais, au bout de peu de temps, elles devront également subir une forte restriction.

Le sucre, les farineux de toutes sortes devront être réduits au minimum, sans aller jusqu’à un régime de diabète ; un peu de pain, de pommes de terre, de fruits, est sans danger, l’abus seul est néfaste. On recommande aussi d’éviter certains aliments trop riches en vitamine B, tels que le cœur, les rognons et le foie des animaux, le bouillon, les extraits de viande, le pain noir, le pain complet, les choux, épinards, raves, carottes, salades ; on n’utilisera pas l’eau de cuisson des légumes, et on usera plutôt du café que du thé. L’ail et l’oignon seront consommés par ceux qui supportent ces condiments.

Enfin on se trouvera bien de changer de temps en temps le régime, d’intercaler des jours de jeune, d’alimentation sèche, de régime sans sel, de régime végétarien, etc.

Dr A. GOTTSCHALK.

Le Chasseur Français N°598 Avril 1940 Page 242