3° Délais pour le payement du prix du bail :
Le bénéfice des termes et délais pour le payement du prix de
location fait l’objet de l’article 11 du décret-loi du 26 septembre
1939.
Ce bénéfice peut être accordé aux preneurs dont les baux et
locations rentrent dans le champ d’application dudit décret-loi : aux
locataires de locaux d’habitation, aux industriels, aux commerçants, aux
fermiers, etc.
L’octroi de cet avantage est subordonné à deux
conditions :
1° Il faut que les preneurs aient obtenu une réduction du
prix de leur location, en vertu de l’article 9 du décret-loi ; peu
importe que cette réduction ait été obtenue à l’amiable ou par décision de
justice ;
2° Les preneurs ne doivent pas pouvoir invoquer les
dispositions du décret-loi du 1er juillet 1939, ni celles du
décret-loi du 1er septembre 1939.
Le décret-loi du 1er juillet 1939 ne vise
que les locaux d’habitation (locaux loués nus et locations en garni).
Les preneurs de ces baux, rappelés provisoirement sous les
drapeaux pendant une durée de quinze jours au moins, bénéficient de plein
droit, nonobstant toute convention contraire, d’un moratoire pour le payement
du prix de leur loyer.
Ce moratoire prendra fin, pour les loyers échus et non
encore acquittés par le locataire ainsi que pour les loyers venant à échéance
avant sa libération, à l’expiration d’un délai de six mois qui partira de la
date de libération de ce mobilisé.
Le décret-loi du 1er septembre 1939 protège
tous les preneurs mobilisés, quelle que soit la nature de leur bail (locataire
d’un local d’habitation ou d’un local professionnel, commerçant, industriel,
fermier, métayer, etc.)
L’article 1er de ce décret suspend de plein droit
pour ces preneurs, pendant la durée de leur mobilisation ou jusqu’à la date du
décret à intervenir à cet effet si celui-ci est publié auparavant, tous délais
de procédure, l’exercice des actions en justice, l’exécution des jugements,
pour le payement de ce qu’ils doivent.
La levée de la suspension de ces délais, l’exercice de ces
actions, l’exécution des jugements, ne peuvent intervenir qu’avec la permission
du juge : président du tribunal civil ou juge de paix suivant le cas.
L’article 2 permet au président du tribunal civil
d’accorder, au preneur mobilisé qui lui en fait la demande, de véritables
délais quant au payement de son loyer, lesquels pourront même excéder un an.
Et l’article 4 permet aux juges de renouveler, pour une
période qui ne pourra excéder un an, les délais accordés aux preneurs pour le
payement de leur location, en application de l’article 1244 du Code civil.
Donc, seuls, les commerçants, industriels, locataires,
fermiers, etc., qui ne peuvent se prévaloir des décrets du 1er juillet
1939 ou 1er septembre 1939 dont il vient d’être question, sont
admis au bénéfice des délais de payement prévus par le décret-loi du 26 septembre
1939.
D’après ce dernier décret, les juges ont le droit d’accorder
à ces preneurs des délais pour se libérer de ce qu’ils doivent à titre de
loyer.
Les délais accordés peuvent jouer pour tout ou pour partie
de cette dette.
Ils peuvent, malgré les dispositions de l’article 1244 du
Code civil, être renouvelés jusqu’à la fin de l’année qui suivra la date du
décret fixant la cessation des hostilités.
L’article 17 du décret-loi du 26 septembre ajoute que,
au cas où la situation du preneur viendrait à être modifiée, l’accord amiable
ou la décision judiciaire accordant des réductions ou des délais de payement,
pourra être révisée à la requête de l’une ou de l’autre des parties.
4° Prorogation de la location :
Les preneurs des baux rentrant dans le champ d’application
du décret-loi du 26 septembre 1939 peuvent, sous certaines conditions,
être maintenus de plein droit en possession des lieux loués.
Le fait que les preneurs sont mobilisés ou non mobilisés n’a
aucune importance en cette matière.
Pour avoir droit à cette prorogation, il faut que les
locataires :
1° Bénéficient d’une réduction du prix de leur loyer par
application de l’article 9 ;
2° Soient de bonne foi et se conforment aux décisions de
justice ou accords amiables intervenus, tant en ce qui concerne les réductions
qu’en ce qui concerne, le cas échéant, les termes et délais.
La première de ces deux conditions ne nous paraît pas très
heureuse, en ce sens qu’elle va être une nouvelle source de discussions entre
locataires et propriétaires, et aussi de procès. Il ne fait pas de doute en
effet qu’un grand nombre de locataires, qui n’auraient tenté aucune démarche ou
action en justice, vont s’empresser de le faire dès qu’ils sauront que leur
propriétaire ne pourra les renvoyer s’ils ont obtenu ou s’ils obtiennent une
réduction du prix de leur location.
Cette prorogation durera jusqu’à la date du décret fixant la
cessation des hostilités. Pour la guerre de 1914-1918 qui s’est terminée le 11 novembre
1918, le décret fixant la date de cessation des hostilités n’est intervenu que
le 23 octobre 1919.
5° Compétence des tribunaux.
Les tribunaux compétents pour connaître des difficultés
auxquelles peut donner lieu l’application du décret-loi du 26 septembre
1939 sont : le juge de paix, lorsque le montant annuel du prix de la
location au jour de la demande est inférieur ou égal à 4.500 francs ; le
président du tribunal civil, lorsque ce prix est supérieur à 4.500 francs.
6° Avantages accordés aux propriétaires.
Pour tenir compte, dans une certaine mesure, du préjudice
résultant pour les propriétaires des divers avantages (résiliation, réduction
de prix, délais de payement, prorogation) ainsi reconnus aux preneurs, le
décret-loi du 26 septembre 1939 prévoit certaines compensations pour ces
bailleurs. On peut les grouper en quatre catégories qui vont être examinées
très rapidement.
a) En ce qui concerne l’attribution de diverses
allocations :
L’article 23 du décret-loi dit que, pour l’attribution des
allocations, secours, indemnités ou avantages en nature (allocations aux
familles nombreuses, allocations militaires, allocations aux réfugiés,
allocations d’assistance aux vieillards, aux femmes en couches, etc.) qu’elles
solliciteraient en application des lois ou règlements, toutes personnes qui
figurent au rôle des contributions foncières ne pourront se voir opposer une
fin de non-recevoir tirée de leur seule qualité de propriétaire.
b) Remise d’impôts et délais de payement :
Le décret du 30 novembre 1939 pris pour l’application
du deuxième alinéa de l’article 23 du décret du 26 septembre 1939
prévoit trois mesures en faveur des propriétaires qui ont été obligés de subir
au profit de leurs locataires une résiliation de bail ou une réduction du prix
du loyer, et éprouvé, de ce fait, une perte totale ou partielle du revenu de
leur immeuble.
Ils peuvent solliciter alors, suivant le cas dont il
s’agit : soit une remise d’impôt, soit une réduction d’impôt (l’une et
l’autre portant sur la contribution foncière et les taxes locales), ainsi que
des délais pour le payement de ces impôts.
c) Délais pour payement des dettes
hypothécaires :
Tout propriétaire (même celui n’ayant pas loué ses
immeubles) qui, par suite de circonstances de l’état de guerre et survenues
postérieurement à la naissance de sa dette, se trouvera privé d’une notable
partie de ses ressources sur lesquelles il comptait pour le payement de ses
dettes hypothécaires ou privilégiées, pourra obtenir des juges des délais
susceptibles d’être renouvelés jusqu’à la fin de l’année qui suivra la date du
décret fixant la date de cessation des hostilités.
d) Atténuation à l’obligation de fournir certaines
prestations :
Enfin l’article 28 du décret-loi du 26 septembre 1939
permet aux propriétaires qui auraient de sérieuses difficultés à fournir les
prestations auxquelles ils s’étaient engagés, de s’adresser aux tribunaux, à
défaut d’accord amiable avec les locataires, pour se voir dispenser en tout ou
en partie de cette fourniture, à charge, le cas échéant, d’accorder des
compensations auxdits locataires.
CROUZATIER.
(1) Voir numéro de février 1940.
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