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Langage elliptique.
La mobilisation à Tahiti.
L’automobile en Indochine.

Langage elliptique.

— On sait que, pour converser avec les noirs dont ils ne connaissent pas les nombreux langages, les Européens se sont, dès le début des relations, et se servent encore d’une sorte de sabir qu’on a longtemps appelé le « petit nègre ». On arrive quelquefois en utilisant ce petit nègre à des cocasseries curieuses, et même quelquefois à de véritables rébus qu’il faut résoudre. L’explorateur Binger, qui avait une rare aptitude à saisir les langues indigènes, se souvenait de quelques-unes de ces « conversations » et aimait à les raconter souvent ; dans les mots, elles bravaient l’honnêteté, mais ce n’est pas de celles-là qu’il s’agit ici. Il en est une qu’il m’a souvent répétée et que je retrouve dans ses « Carnets de route ».

« Parmi mes serviteurs. Moussa Goro, très dévoué, mais le plus simple d’esprit de tous, avait des façons personnelles de comprendre son service. Il était plein de bonne volonté et très débrouillard pour tout ce qui concernait le tralala habituel des étapes. Son intelligence était moins éveillée, quand il s’agissait de se plier à un service européen. Il lui fallut près d’un mois pour apprendre à remonter la bride de mon mulet. Il était tracassé par le mors et le filet. Cela le dépassait. Il y mettait un temps à faire perdre patience à l’être le plus résigné. Un beau jour, je trouvai mon harnachement en parfait état. Je lui en fis compliment, mais son camarade Mahmadou Sissé me dit : « Ma lieutenante, toi y en a content pour Moussa, lui connaît maintenant manière bon pour karafé (le mors). Lui faire sou (cheval) pour gagner manière bon. »

La première phrase est facilement compréhensible, la deuxième également mais la troisième est vraiment elliptique. Il faut traduire : lui faire cheval veut dire lui remplacer le cheval, pour savoir mettre convenablement le harnachement. Mais « faire cheval » qu’est-ce à dire ? Explication donnée par Mahmadou : Moussa, pour monter le harnachement, mettait le mors et le filet dans sa propre bouche et se faisait attacher les brides par un camarade. Ce n’était pas si bête.

G. F.

La mobilisation à Tahiti.

— Les émissions radiophoniques, malheureusement trop souvent d’origine étrangère, avaient suffisamment averti les populations de la colonie de la gravité des événements qui se déroulaient en Europe pour que l’annonce de la mobilisation ait été une surprise.

Dans un calme parfait et avec une sereine résolution, les réservistes ont répondu à l’appel. Beaucoup de chefs ont conduit eux-mêmes jusqu’à la caserne les jeunes gens de leur district.

Toutes les mesures militaires et économiques découlant de l’état de guerre ont été acceptées sans aucune difficulté.

Des marques réconfortantes de loyalisme venant même des îles lointaines, ainsi que des neutres étrangers installés dans la colonie, sont survenues au gouverneur. Des demandes d’engagements et des offres de service lui ont été adressées de tous côtés.

Loin de la France menacée, elles ont permis de mesurer l’attachement des Maoris à cette patrie pour laquelle, lors de la dernière guerre, près de trois cents des leurs ont donné leur vie, et à laquelle ils ne manquent jamais une occasion d’exprimer leur affection et leur vénération.

L’automobile en Indochine.

— L’usage des véhicules automobiles se répand de plus en plus dans notre belle colonie d’Asie. Cela correspond à son prodigieux développement.

D’après les dernières statistiques, le nombre de véhicules automobiles neufs et d’occasion, immatriculés en Indochine, est, pour les neuf premiers mois de l’année 1939, de 1.801, alors que les immatriculations pour l’année 1938 complète s’élevaient à 1.388, d’où une augmentation de plus de 400 véhicules jusqu’en septembre 1939.

Les voitures neuves entrent dans le compte pour plus de 1.200 immatriculées dans les neuf premiers mois de 1939, contre à peine 1.000 dans toute l’année 1938. À part 180 de provenances diverses, tous les autres véhicules sont de fabrication française.

Beau succès pour notre industrie. Bel essor de notre colonie.

Le Chasseur Français N°598 Avril 1940 Page 248